Projet de loi de finances pour 2000, adopté par l'Assemblée nationale, TOME XXI - TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION ET POSTE
HERISSON (Pierre)
AVIS 91-TOME XXI (1999-2000) - COMMISSION DES AFFAIRES ECONOMIQUES
Tableau comparatif au format Acrobat ( 3 33 Ko )Table des matières
- INTRODUCTION
-
CHAPITRE IER -
DES CRÉDITS " ABSORBÉS " PAR LA RÉORGANISATION DU MINISTÈRE DE L'ÉCONOMIE ET DES FINANCES -
CHAPITRE II -
LE SECTEUR POSTAL : UN ENJEU SOUS-ESTIMÉ,
UN DÉBAT CONFISQUÉ-
I. LA POSTE : DES ÉVOLUTIONS TIMIDES
- A. UNE ACTIVITÉ EN LÉGÈRE PROGRESSION
- B. DES RÉSULTATS FRAGILES, SUR LESQUELS PÈSERA SANS DOUTE LE COÛT DES 35 HEURES
- C. UNE POSTE À " PETITE VITESSE " DANS LES TOURNANTS STRATÉGIQUES
- II. LE BOULEVERSEMENT POSTAL EUROPÉEN : UN ENJEU SOUS-ESTIMÉ
- III. UN DÉBAT PUBLIC CONFISQUÉ
-
I. LA POSTE : DES ÉVOLUTIONS TIMIDES
-
CHAPITRE III -
LA MONDIALISATION DES TÉLÉCOMMUNICATIONS-
I. CROISSANCE, CHANGEMENT ET CONCENTRATION : LE
TRYPTIQUE DE LA MONDIALISATION DES TÉLÉCOMMUNICATIONS
- A. UN MARCHÉ MONDIAL EN TRÈS VIVE ÉVOLUTION
-
B. L'ÉTAT DES LIEUX DE LA LIBÉRALISATION
EUROPÉENNE
- 1. Le cinquième rapport sur la mise en oeuvre de la réglementation en matière de télécommunications
- 2. Le réexamen communautaire du cadre réglementaire des télécommunications
-
3. La situation française
- a) Le marché des infrastructures alternatives
- b) Le marché des capacités de transmission1515 Liaisons louées.
- c) Le marché de la téléphonie longue distance et internationale
- d) Le marché de la " boucle locale "
- e) Le marché des services de transmission de données
- f) Le marché de l'accès à Internet
- g) La téléphonie mobile
- II. DES MUTATIONS FRANÇAISES À PARACHEVER
-
I. CROISSANCE, CHANGEMENT ET CONCENTRATION : LE
TRYPTIQUE DE LA MONDIALISATION DES TÉLÉCOMMUNICATIONS
-
CHAPITRE IV -
LES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION : VERS UN RATTRAPAGE FRANÇAIS -
ANNEXE -
AUDITIONS DE LA COMMISSION SUR LES MUTATIONS DU SECTEUR POSTAL EN EUROPE- I. AUDITION DU PRÉSIDENT ET DU DIRECTEUR GÉNÉRAL DE LA POSTE LE 27 JANVIER 1999
- II. EXTRAIT DE L'AUDITION DU SECRÉTAIRE D'ÉTAT À L'INDUSTRIE LE 3 MARS 1999
- III. AUDITION DU VICE-PRÉSIDENT DE UNITED PARCEL SERVICES (UPS) LE 31 MARS 1999
- IV. AUDITION DU PRÉSIDENT DE TNT POST GROUP (POSTE NEERLANDAISE) LE 7 AVRIL 1999
N° 91
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000
Annexe au procès-verbal de la séance du 25 novembre 1999.
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) sur le projet de loi de finances pour 2000 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,
TOME XXI
TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION ET POSTE
Par M. Pierre HÉRISSON,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Jean François-Poncet, président ; Philippe François, Jean Huchon, Jean-François Le Grand, Jean-Pierre Raffarin, Jean-Marc Pastor, Pierre Lefebvre, vice-présidents ; Georges Berchet, Jean-Paul Emorine, Léon Fatous, Louis Moinard, secrétaires ; Louis Althapé, Pierre André, Philippe Arnaud, Mme Janine Bardou, MM. Bernard Barraux, Michel Bécot, Jacques Bellanger, Jean Besson, Jean Bizet, Marcel Bony, Jean Boyer, Mme Yolande Boyer, MM. Dominique Braye, Gérard César, Marcel-Pierre Cleach, Gérard Cornu, Roland Courteau, Charles de Cuttoli, Désiré Debavelaere, Gérard Delfau, Marcel Deneux, Rodolphe Désiré, Michel Doublet, Xavier Dugoin, Bernard Dussaut , Jean-Paul Emin, André Ferrand, Hilaire Flandre, Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Serge Godard, Francis Grignon, Louis Grillot, Georges Gruillot, Mme Anne Heinis, MM. Pierre Hérisson, Rémi Herment, Bernard Joly, Alain Journet, Gérard Larcher, Patrick Lassourd, Edmond Lauret, Gérard Le Cam, André Lejeune, Guy Lemaire, Kléber Malécot, Louis Mercier, Paul Natali, Jean Pépin, Daniel Percheron, Bernard Piras, Jean-Pierre Plancade, Ladislas Poniatowski, Paul Raoult, Jean-Marie Rausch, Charles Revet, Henri Revol, Roger Rinchet, Jean-Jacques Robert, Josselin de Rohan, Raymond Soucaret, Michel Souplet, Mme Odette Terrade, MM. Michel Teston, Pierre-Yvon Trémel, Henri Weber.
Voir
les numéros
:
Assemblée nationale
(
11
ème législ.) :
1805
,
1861
à
1866
et T.A.
370
.
Sénat
:
88
et
89
(annexe n°
12
)
(1999-2000).
Lois de finances. |
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
La dilution qu'opère cette année la nouvelle architecture
budgétaire des crédits des postes et
télécommunications -" rangés ", en dépit
de toute logique, dans un agrégat " fourre-tout " du fascicule
économie, finances et industrie, consacré aux actions sur
l'environnement et à la modernisation des entreprises !- est peu
cohérente avec l'importance de ces deux services publics en termes
d'emploi, de création de richesse et surtout d'enjeux pour l'avenir de
notre pays.
Faut-il y voir, en même temps qu'une dilution des crédits, une
dilution de la volonté politique, alors que les bouleversements rapides
du paysage européen et mondial rendent urgentes les décisions
politiques ?
Votre Commission pour avis se le demande, tant est grand le décalage
entre la mutation des marchés, la métamorphose et le rythme de
développement des opérateurs étrangers et la petite
vitesse -voire le manque de souffle- des réformes françaises -on
pense surtout au secteur postal-.
Sur le marché postal européen, en effet, les prises de positions
des postiers voisins sont fulgurantes, à tel point que le
Président de La Poste estimait devant votre Commission que, fin 1999, en
matière de constitution d'alliances,
" la messe et les
vêpres seront dites ".
Face aux dizaines de milliards de francs mis en branle par les concurrents
pour prendre des positions stratégiques, La Poste est toujours
isolée, asphyxiée sous les charges d'intérêt
général que la collectivité la laisse assumer seule,
accaparée par la mise en place -sans aide de l'Etat- des 35 heures
et encore incapable de conclure l'alliance stratégique dont elle sait
pourtant que dépend son avenir.
Dans les télécommunications, France Télécom -qui a
bénéficié, au contraire de l'opérateur postal,
d'une véritable modernisation de son statut sous la
précédente majorité- profite au contraire de
l'envolée spectaculaire des nouvelles technologies et de la
téléphonie mobile. Mais, là aussi, l'opérateur
semble un peut dépassé par la rapidité et l'ampleur des
vagues de rachats qui amènent ce secteur à se concentrer
très rapidement.
Une alternative à l'alliance
stratégique avec Deutsche Telekom doit être rapidement
trouvée pour assurer la projection internationale de l'opérateur
historique
.
L'Etat -qui a bénéficié, rappelons-le, en tant
qu'actionnaire de France Télécom, de 4,2 milliards de francs
de dividendes en 1999
-, doit, quant à lui, conformément aux
engagements du Gouvernement lors de la discussion budgétaire de l'an
dernier au Sénat, tirer toutes les conséquences de la
libéralisation du secteur et
restituer aux collectivités
locales le produit de la taxe professionnelle de France
Télécom
. Votre rapporteur pour avis regrette, en outre, qu'il
ait fait preuve d'un jacobinisme démesurément pointilleux en
optant pour une
liberté très surveillée des
collectivités locales en matière d'infrastructures de
" fibres noires ", qui risque de ne pas lever les incertitudes
juridiques qui pèsent sur l'action locale,
malgré les
propositions équilibrées de votre Haute Assemblée.
CHAPITRE IER -
DES CRÉDITS
" ABSORBÉS " PAR LA RÉORGANISATION DU MINISTÈRE
DE L'ÉCONOMIE ET DES FINANCES
1. Des crédits " phagocytés ", qui ne font même plus l'objet d'une individualisation budgétaire
Alors
que La Poste et les technologies de l'information faisaient l'objet d'un
ministère à part entière dans le précédent
gouvernement, aussi bien que d'une section budgétaire distincte, la
réorganisation administrative et financière du ministère
de l'économie, des finances et de l'industrie menée ces deux
dernières années se traduit, cette année, par
une
absorption pure et simple de ces crédits au sein d'un ensemble si vaste
qu'il en devient même malaisé de les y identifier
.
En effet, alors que les crédits consacrés par l'Etat à La
Poste et aux télécommunications faisaient encore l'objet l'an
dernier d'un agrégat budgétaire au sein des crédits du
secrétariat d'Etat à l'Industrie, tel n'est même plus le
cas cette année : ils ont été
" rangés ", en vertu d'une logique qu'on peine à
discerner, au sein du
nouvel agrégat fourre-tout " Actions sur
l'environnement des entreprises et modernisation des PMI " du budget du
grand Bercy
!
Quand on sait que cet agrégat -par nature thématique !-
rassemble des dotations aussi diverses que les crédits aux écoles
des mines, le soutien de l'Etat à la normalisation et à la
métrologie, le développement de la productique, la
prévention des risques industriels, la dotation à l'Agence pour
la création d'entreprise ou l'aide à l'acquisition de
véhicules électriques, on mesure mieux l'incongruité d'une
telle nomenclature !
Un esprit malveillant pourrait même y voir une volonté
humoristique, les crédits du secteur postal étant rangés
dans l'agrégat de la " modernisation ", alors que les grands
choix politiques pour l'avenir du secteur postal tardent à
intervenir !
Même si la volonté politique compte plus -qui pourrait le
nier ?- que la présentation budgétaire, on peut se demander
jusqu'à quel point la deuxième n'est pas le simple reflet de la
première. A ce titre, l'évolution budgétaire actuelle est
assez inquiétante :
ne témoigne-t-elle pas du peu
d'importance que le Gouvernement attache à un secteur essentiel en
termes de services publics, de création de richesses et de niveau
d'emploi
, qui aurait besoin, à l'heure de bouleversements rapides du
paysage européen et mondial -on pense notamment à La Poste- d'une
véritable détermination politique ?
2. L'ancien agrégat " Poste et Télécommunications " : des crédits figés dans leur structure, en légère augmentation
Même si le travail d'analyse de votre rapporteur pour avis n'est pas facilité par l'opacité qui accompagne inévitablement une telle globalisation du contenu des chapitres budgétaires, on peut estimer que la reconstitution de l'agrégat " Poste et Télécommunications " utilisé l'an dernier 1( * ) conduit à constater une évolution de 4,12 % des crédits, qui viendraient s'établir pour 2000 à 2,774 milliards de francs. Les crédits s'établissent comme suit :
CRÉDITS POSTE ET TÉLÉCOMMUNICATIONS POUR 2000 (EN DO + CP)
(en millions de francs)
Chapitre budgétaire |
Intitulé |
|
Montant |
37-06 |
Autorité de régulation des télécommunications (ART) |
Rémunérations
|
48,6
|
36-10
art. 71
|
Agence nationale des fréquences (ANF) |
Fonctionnement
|
171,0
|
36-10
art. 72 et
|
Groupe des écoles de télécommunications (GET) |
|
486,6 |
44-80 art. 60 |
Aide au transport postal de la presse |
|
1 900,0 |
41-10 art 40 |
Dotation aux organisations internationales |
|
52,9 |
41-10 art 10 |
Organismes P et T d'outre-mer |
|
5,4 |
44-80 art 40 |
Subvention aux associations d'utilisateurs |
|
0,3 |
|
TOTAL |
|
2 774,2 |
La ventilation des crédits fait apparaître, comme chaque année, la prédominance de l'aide au transport de la presse dans le total des crédits, comme le montre le graphique ci-après :
Les
subventions concernent les organisations internationales, les organismes de
postes et télécommunications d'outre-mer et l'AFUTT,
l'Association française des utilisateurs des
télécommunications.
Les crédits de
l'Autorité de régulation des
télécommunications
(ART), autorité administrative
indépendante chargée de la régulation du secteur,
augmentent de 1,8 % au total
, pour permettre notamment la
création de deux emplois budgétaires nouveaux qui s'ajouteraient
aux 142 actuels. Rappelons que les emplois de l'Autorité se
répartissent de la façon suivante : outre les cinq membres
du collège, l'ART dispose d'une quinzaine d'administrateurs des PTT,
d'un administrateur civil, d'une soixantaine d'attachés et
secrétaires et de contractuels (environ 40 personnes).
L'Agence nationale des fréquences
(ANF), établissement
public chargé de la gestion du spectre de fréquences
radioélectriques, voit ses crédits
augmenter substantiellement
(+13,43 %)
compte-tenu d'une part de l'évolution des salaires
de ses personnels et d'autre part de la reprise par l'ANF de l'activité
de réglementation radio-maritime, anciennement exercée par
FranceTélécom, qui suscite la création de 41 emplois.
Les crédits d'équipement (57 millions de francs) permettront
quant à eux, comme en 1999, de poursuivre les opérations de
contrôle et réaménagement du spectre de fréquences
radio-électriques.
Le groupement des écoles de télécommunications
bénéficie quant à lui d'une
augmentation de
7,62 %
de ses crédits, qui est liée au transfert de
26 emplois en provenance du Centre national d'études en
télécommunications (CNET) de France Télécom.
La dotation de l'Etat pour couvrir les frais du
transport postal de la
presse
remonte à 1,9 milliards de francs.
Votre commission
pour avis avait dénoncé la baisse -unilatéralement
décidée par l'Etat dans l'attente de la conclusion du contrat de
plan avec l'opérateur public- de ce poste budgétaire ces deux
dernières années. Elle prend acte de son rétablissement au
niveau prévalant avant 1998.
Cette somme, bien qu'importante, ne couvre en réalité pas la
totalité des frais supportés par l'opérateur public au
titre du transport de la presse, comme l'illustre le tableau suivant :
RÉPARTITION DU COÛT DU TRANSPORT POSTAL DE LA PRESSE
(en millions de francs)
|
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997* |
1998* |
1999* |
Coût global |
6 735 |
6 686 |
7 067 |
7 350 |
7 387 |
7 424 |
7 461 |
Recettes |
1 748 |
1 765 |
1 875 |
1 952 |
2 137 |
2 322 |
2 507 |
Contribution de l'Etat |
1 700 |
1 900 |
1 900 |
1 900 |
1 900 |
1 850 |
1 850 |
Part restante à la charge de La Poste |
3 287 |
3 021 |
3 292 |
3 498 |
3 350 |
3 252 |
3 104 |
En % du total |
49 % |
45 % |
47 % |
48 % |
45 % |
44 % |
42 % |
*
chiffres provisoires
Source : La Poste
Cette situation est-elle compatible avec l'irruption de la concurrence dans
le secteur postal ?
Votre commission pour avis a déjà maintes fois répondu
négativement à cette question.
A ces crédits de l'agrégat budgétaire " Poste et
Télécommunications ", il faut ajouter ceux dévolus
à la recherche en télécommunications, ainsi que les
crédits consacrés aux développements des technologies de
l'information.
3. La recherche en télécommunications
Depuis
1998, le Gouvernement a mis en place le réseau national de recherche en
télécommunications (RNRT), réseau doté notamment de
crédits de recherche interministériels, qui s'intéresse
à la recherche amont en matière de
télécommunications.
Ce réseau vise à inciter les laboratoires publics, les grands
groupes (industriels et opérateurs) et les PME à coopérer
autour de priorités communes pour conduire des projets de recherche,
avec le soutien des pouvoirs publics.
Parmi les thèmes traités, le RNRT s'intéresse au futur
d'Internet (haut débit, qualité garantie, accès à
tous les citoyens), aux prochaines générations de
téléphones mobiles multimédia, aux constellations de
satellites et à la convergence de l'audiovisuel, des
télécommunications et de l'informatique.
Le RNRT entreprend trois sortes d'actions :
-
des appels à projets
, lancés chaque année,
pour susciter de nouvelles actions de recherche coopératives, qui
pourront recevoir un soutien financier des pouvoirs publics, après
labellisation par le comité d'orientation.
Depuis sa création, deux appels à projets ont été
lancés, ainsi qu'un appel commun au RNRT et à l'ANVAR,
spécifiquement destiné aux projets d'innovation portés par
une PME.
97 projets ont ainsi été " labellisés "
depuis la création du RNRT, 57 en 1998 et 40 en 1999.
L'appel à projet RNRT-ANVAR a également rencontré un vif
succès : 119 projets portés par une PME ont
été présentés, et 50 ont été retenus
par le comité de présélection. Leur instruction est en
cours.
-
des journées d'information et des colloques
sont
organisés afin de préparer les thèmes prioritaires, de
présenter l'avancement des projets en cours et d'ouvrir le dialogue au
sein de la communauté de recherche en technologies de
l'information ;
- l'animation du réseau de recherche
est une des missions du
RNRT.
Les crédits budgétaires affectés au soutien de projets de
recherche en télécommunications labellisés par le
Réseau national de recherche en télécommunications
proviennent de plusieurs ministères. Ils sont les suivants :
- en 1998 : 200 millions de francs ont été
engagés pour soutenir les projets labellisés, dont
150 millions de francs par le Secrétariat d'Etat à
l'Industrie et 50 millions de francs par le ministère chargé
de la recherche ;
- en 1999 : 270 millions de francs sont prévus pour
soutenir la seconde série de projets labellisés dont
150 millions pour le Secrétariat d'Etat à l'industrie et
120 millions de francs pour le ministère chargé de la
recherche ;
- en 2000 : l'effort devrait être poursuivi, le
Secrétariat d'Etat à l'Industrie soutenant les projets sur la
base des labels délivrés en 1999 et 2000.
4. Les crédits des technologies de l'information
Même si ces crédits ne relèvent pas non
plus, au
sens strict, de feu l'agrégat " Poste et
Télécommunications ", votre rapporteur pour avis souhaite
toutefois mentionner pour mémoire, compte tenu de leur importance
stratégique, l'existence de crédits budgétaires de l'Etat
consacrés au développement des technologies de l'information.
Ces crédits sont malheureusement difficilement identifiables, car ils
relèvent de chapitres budgétaires de différents
ministères, au sein desquels ils ne sont d'ailleurs pas toujours
individualisés.
Le chapitre budgétaire 66-01, article 80, " Recherche
industrielle et innovation " du ministère de l'économie, des
finances et de l'industrie est notamment concerné, de même que le
chapitre 66-01, article 10 " Actions en faveur de l'innovation -
ANVAR ".
Votre rapporteur pour avis ne manquera pas d'interroger le Gouvernement pour
avoir des données chiffrées plus précises sur cet
aspect.
Parmi les actions financées, on peut citer :
- un appel à projet pour l'utilisation collective d'Internet par
les PME ;
- le programme de recherche " Société de
l'Information " ;
- le soutien à l'initiative Eurêka (programme ITEA) ;
- les crédits liés au développement du nouveau
réseau RENATER 2.
Rappelons que le fonds pour la recherche technologique notamment, finance
prioritairement les initiatives du secteur des nouvelles technologies.
En réponse aux questions des parlementaires, M. Christian Pierret a
indiqué qu'
1,5 milliard de francs
étaient, au total,
mobilisés par le budget de l'Etat pour soutenir les projets relatifs aux
technologies de l'information : le ministre a précisé que,
outre les financements en provenance du RNRT, le guichet
" société de l'information " était doté
de 300 millions de francs, le projet PRIAMM de 115 millions de
francs, et le chapitre budgétaire 66-01 de 1,8 milliard de francs,
dont une large partie est dédiée à la
société à la société de l'information.
CHAPITRE II -
LE SECTEUR POSTAL : UN ENJEU
SOUS-ESTIMÉ,
UN DÉBAT CONFISQUÉ
Votre commission pour avis avait dénoncé, l'an passé, le manque d'ambition du contrat de plan 1998/2001, qui témoignait, à son sens, d'une grave erreur d'analyse quant à la rapidité des mutations postales en Europe et dans le monde. L'année écoulée n'est pas faite pour dissiper ses craintes, bien au contraire, puisque la transposition de la directive postale européenne, qui aurait dû fournir l'opportunité d'un grand débat sur l'avenir de La Poste , fait malheureusement figure de deuxième occasion manquée.
I. LA POSTE : DES ÉVOLUTIONS TIMIDES
A. UNE ACTIVITÉ EN LÉGÈRE PROGRESSION
1. Un chiffre d'affaires courrier, colis et logistique en hausse de 4,4 %
Le
chiffre d'affaires global pour 1998 s'est élevé à
93,4 milliards de francs, en hausse de 4 %.
Le courrier, les colis et la logistique ont généré un
chiffre d'affaires de 71,3 milliards de francs, en hausse de 4,4 %.
a) Le courrier " tiré " par la Coupe du Monde et la publicité adressée
Les
produits spécialement créés autour du thème de la
Coupe du Monde de Football ont rencontré un succès certain qui
explique en partie la
progression de 1,1 % au total
(+2,5 %
pour le courrier grand public) ;
du chiffre d'affaires du courrier
(61,4 milliards de francs)
. Le marché publicitaire a
confirmé son caractère porteur.
Le chiffre d'affaires des grands comptes nationaux et routeurs pour les
produits en tarif général connaît une progression de
2,1 % par rapport à 1997, montrant ainsi une bonne
résistance des produits courrier à la substitution technologique
(fax, messagerie électronique, ...) et à la rationalisation de
leurs dépenses courrier par les clients publics et les grands facturiers.
La publicité non adressée (Postcontact), qui avait une croissance
supérieure à 10 % jusqu'en 1995, entre dans une phase
d'augmentation moins rapide liée à une certaine maturité
du marché.
La progression est de +1,3 % en 1998, ce qui permet d'atteindre un chiffre
d'affaires de 1,6 milliards de francs.
En revanche, la publicité adressée (Postimpact et Catalogues),
après avoir connu un ralentissement de croissance entre 1990 et 1997 (de
7 % à 2 %), connaît un regain d'intérêt et
enregistré en 1998 une croissance de 7,5 % par rapport à
1997. Le chiffre d'affaires est donc de 8,9 milliards de francs.
Cette inversion de tendance est significative des évolutions attendues
pour les prochaines années. Le marketing direct adressé,
média cible des stratégies de fidélisation des annonceurs,
devrait en effet constituer le moteur de croissance du courrier. Ainsi, si La
Poste table sur une croissance moyenne du chiffre d'affaires courrier d'environ
2,2 % sur la période 1998-2002 (à conditions
inchangées), elle s'attend à ce que cette croissance provienne
essentiellement du courrier publicitaire adressé, qui devrait
croître à un taux moyen de 5 % par an.
Le chiffre d'affaires de la presse (recettes des affranchissement hors
contribution de l'Etat) en 1998 s'élève à
2,6 milliards de francs, soit une progression de +6,8 %
(+300 millions de francs) par rapport à fin
décembre 1997.
Dans le contexte d'internationalisation des économies. La Poste a vu le
portefeuille de ses clients étrangers s'étoffer. Aussi, le
chiffre d'affaires international (plus de 4 milliards de francs),
continue-t-il de présenter une forte croissance (+9 %). Elle s'est
dotée de deux centres de traitements spécialisés à
cet effet.
L'activité courrier se répartit de la façon suivante entre
les différents produits et les différents clients de La
Poste :
RÉPARTITION DU CHIFFRE D'AFFAIRES COURRIER DE LA POSTE
ENTRE LES DIFFÉRENTS CLIENTS DE LA POSTE
La
concentration du chiffre d'affaires du courrier sur quelques grandes
entreprises, et sur les professionnels en général, est frappante,
le grand public ne générant que 13 % du chiffre d'affaires
du courrier.
Sur les 24,7 milliards d'objets transportés en 1998 par la
Poste
2(
*
)
, la publicité arrive en
tête, devant les correspondances :
TYPES
D'OBJETS TRANSPORTÉS POUR L'ACTIVITÉ DU COURRIER
3(
*
)
Les délais d'acheminement postaux ne se sont pas améliorés. Les résultats mesurés par la SOFRES montrent même une détérioration de l'indicateur d'arrivée des lettres en j+1 , qui amène à s'interroger sur le respect des objectifs fixés par le contrat de plan, comme l'indique le tableau ci-après :
MESURE DE LA QUALITÉ DU SERVICE COURRIER
|
SOURCE |
1996 |
1997 |
1998 |
Objectif 2001 |
Lettre en j+1 |
SOFRES |
76,3 % |
77,2 % |
76,4 % |
84 % |
Lettre au-delà de j+2 |
SOFRES |
6,4 % |
6,4 % |
6,3 % |
<2 % |
Postimpact j+7 |
mesure interne |
93,1 % |
95,1 % |
95,1% |
97 % |
Source : La Poste
b) Les colis et la logistique : au total 102 milliards de francs de chiffre d'affaires
Dans un secteur d'activité extrêmement concurrentiel, La Poste a poursuivi en 1998 le développement de son offre de services dans le domaine du colis et de la logistique. La nécessaire adaptation aux besoins du marché a porté des fruits en termes de ventes, tant sur le segment de Dilipack, monocolis rapide d'entreprise à entreprise, que sur l'activité Coliposte, colis à destination des particuliers. Grâce à la montée en charge de trois réseaux dédiés aux différents segments du colis (colis entreprises, vente par correspondance et grand public), l'offre de La Poste cherche à se conformer aux standards de qualité du marché , notamment pour ce qui concerne les délais de livraison et le suivi informatique centralisé des colis. Ceci est d'autant plus nécessaire que, comme le montre le graphique suivant : plus du tiers du chiffre d'affaires et plus de 60 % des envois de l'activité colis/logistique sont réalisés avec une poignée de clients de la vente par correspondance :
LES DIFFÉRENTS SEGMENTS DE L'ACTIVITÉ COLIS - LOGISTIQUE
(en % du chiffre d'affaires)
* Business to business " : entreprise à entreprise
Source : La Poste
2. Les services financiers : une croissance de 2,7 % et le troisième niveau d'encours en France
En 1998,
les produits des clientèles financières (21,4 milliards de
francs) sont en hausse de 2,7 % par rapport à 1997.
Le tableau suivant résume les différentes composantes de ce
produit et fournit de surcroît les prévisions de l'Etat
prévisionnel des recettes et de dépenses (EPRD) pour
1999 :
En millions de francs |
1996 |
1997 |
1998 |
EPRD 1999 |
Rémunération sur les fonds des CCP |
7 796 |
7 884 |
7 915 |
7 805 |
Rémunération de l'épargne et des placements |
8 304 |
9 043 |
9 484 |
9 837 |
dont rémunération des livrets A et B |
4 298 |
4 278 |
4 444 |
4 460 |
dont autres produits d'épargne 4( * ) |
4 006 |
4 765 |
5 040 |
5 377 |
Autres produits |
4 064 |
3 976 |
4 066 |
3 856 |
dont services rendus à l'Etat |
1 212 |
981 |
902 |
600 |
dont droits et commissions |
2 852 |
2 995 |
3 164 |
3 256 |
Produits des Services financiers |
20 164 |
20 903 |
21 465 |
21 498 |
Rappelons que le taux de rémunération de La
Poste par
l'Etat pour la collecte des fonds et la tenue des comptes chèques
postaux s'est élevé à 5,8 % en 1995 puis à
4,75 % en 1996, 1997 et 1998.
Conformément au contrat de plan, la gestion financières des
avoirs créditeurs des titulaires de CCP doit être
transférée en 5 ans (de 1999 à 2004) à La
Poste, les fonds restant transitoirement à la disposition du
Trésor étant rémunérés selon le
régime antérieur.
Votre rapporteur pour avis souhaite savoir quand ce transfert aura
réellement lieu.
Quant à la rémunération de La Poste au titre de la
collecte des fonds des livrets A et B, le contrat de plan a reconduit le taux
de 1,5 % servi par la Caisse des dépôts et consignations
à l'opérateur postal. Le produit pour la Poste n'évolue
donc qu'en fonction des encours moyens.
C'est donc la rémunération des autres produits d'épargne
qui a le plus augmenté (+5,8 %) entre 1997 et 1998.
Les 1.079 milliards de francs d'encours de La Poste en font le
troisième réseau financier français par le volume. En
1998, La Poste, qui gère 44 millions de comptes, a accru ses
encours de 64 milliards de francs, soit 10 % des flux de placements
des ménages.
La Poste détient notamment 18 % du marché français du
livret Jeunes, 22 % de part de marché pour le livret
d'épargne populaire, 10 % de l'épargne-logement.
Les encours gérés par La Poste se décomposent de la
façon suivante :
COMPOSITION DES ENCOURS GÉRÉS PAR LA POSTE
La
collecte en matière d'épargne-logement en 1998 a
dépassé 13 milliards de francs et les encours ont atteint
124,8 milliards de francs, soit une progression de 16,4 % par rapport
à 1997, près du double de celle du marché (+8,4 %).
La Poste se rapproche ainsi des 10 % de part de marché sur ce
segment.
L'épargne des ménages, ainsi orientée, accroît par
conséquence le potentiel en matière de crédit immobilier.
Pour l'assurance-vie, La Poste a réalisé une collecte nette de
23,7 milliards de francs en 1998, et atteint un niveau d'encours de
260 milliards de francs, en progression de 15,3 %. Toutefois, le
marché de l'assurance vie, tous réseaux confondus, a connu une
certaine contraction en 1998, qui se traduit par une légère
baisse des produits de La Poste (-1 %). Les modifications du régime
fiscal de ces placements ont entraîné des sorties importantes.
Dans ce contexte, les contrats " DSK " ont
généré plus de transformations d'anciens contrats que
d'affaires nouvelles.
Malgré un tassement de la croissance du livret d'épargne
populaire, les encours de La Poste ont atteint plus de 53 milliards de
francs, soit une progression de 18 %, supérieure à celle du
marché (+14 %).
Les ouvertures de Livrets jeunes, dont le niveau de rémunération
servi aux clients est désormais libre, permettent d'atteindre
5,7 milliards de francs d'encours, soit une progression de 11,8 %.
Après cinq années de décollecte massive, le mouvement de
retrait sur les OPCVM
5(
*
)
s'est fortement
ralenti. L'attrait des OPCVM actions a permis de redynamiser les souscriptions.
Toutefois, La Poste n'a pas, en 1998, bénéficié pleinement
de ce retournement de tendance. Ses encours se sont ainsi érodés
de 4,2 % (alors que les encours des ménages progressaient de
4,8 %).
Par ailleurs, La Poste est autorisée à accorder des prêts
à l'habitat, après épargne préalable. En 1998, la
réalisation de crédits immobiliers a progressé de
près de 21 % pour s'établir à 13 milliards de
francs.
3. Les prévisions pour 1999 et 2000
L'EPRD
1999 prévoit un chiffre d'affaires de 90,555 milliards de francs,
soit une progression du chiffre d'affaires total de +1,7 %, correspondant
à une progression de +2,1 % du produit courrier/colis et de
+0,3 % des produits des clientèles financières.
La Poste espère une progression annuelle moyenne du chiffre d'affaires
d'environ 2,2 % sur la période 1998-2002. Cette croissance devrait
être essentiellement " tirée " par celle du chiffre
d'affaires courrier publicitaire avec un taux moyen de croissance
supérieur à 5% par an.
B. DES RÉSULTATS FRAGILES, SUR LESQUELS PÈSERA SANS DOUTE LE COÛT DES 35 HEURES
Le
chiffre d'affaires consolidé du groupe La Poste s'est
élevé à 93,4 milliards de francs en 1998. Le
résultat d'exploitation a atteint 2,543 milliards en francs, et
le résultat net 337 millions de francs
, soit
0,36 %
du chiffre d'affaires
.
Ce chiffre témoigne certes
d'un redressement,
puisque le
résultat n'atteignait que 58 millions de francs en 1998 et qu'il
était négatif (-614 millions de francs) en 1997.
Mais son montant relativement peu élevé montre la
faiblesse
structurelle de la rentabilité de La Poste
.
En outre, alors qu'il est désormais acquis que l'opérateur ne
pourra bénéficier d'aide de l'Etat à cette fin,
le
passage aux 35 heures de travail hebdomadaires
risque d'être
lourd de conséquences pour la compétitivité de La Poste.
Votre rapporteur pour avis tient à formuler deux observations
:
- d'une part, de l'aveu même du Président et du Directeur
général de la Poste lors de leur audition devant votre Commission
-dont un compte-rendu est fourni en annexe du présent rapport-, la
signature de l'accord du 17 février 1999 sur la
réduction du temps de travail n'entraînera pas une hausse du
niveau global d'emplois à la Poste
;
- d'autre part, son financement -le coût étant estimé
par le rapport d'information
" Sauver La Poste : est-il encore
temps pour décider ? "
de notre collègue
Gérard Larcher à
3 milliards de francs
- devra
être assuré par une
augmentation de la productivité
de l'opérateur ce qui, compte tenu des sommes en jeu et des gains qu'il
faudrait réaliser pour en compenser le coût, ne laisse pas
d'inquiéter !
C. UNE POSTE À " PETITE VITESSE " DANS LES TOURNANTS STRATÉGIQUES
Le
manque d'ambition de la tutelle, manifestée dans le contrat de plan
dit d'objectif et de progrès, dont votre rapporteur pour avis avait
largement commenté les lacunes l'an passé, n'a pas permis
à l'opérateur de mettre au point de stratégie
résolument offensive s'agissant des sujets qui intéressent plus
particulièrement son avenir : la mise en place d'une alliance
internationale dans la messagerie et le développement du commerce
électronique notamment.
Certes,
le plan stratégique 1998-2002
déterminé par
le Conseil d'administration a fixé l'objectif d'un chiffre d'affaires
consolidé de 110 milliards de francs en 2002, avec un doublement
à l'international, pour atteindre 10 milliards de francs, soit
près de 10 % du chiffre d'affaires du groupe.
Dans le colis, la Poste souhaite détenir 10 % du marché
européen du monocolis en 2002 et atteindre à cet horizon,
1.400 milliards de francs d'encours pour ses services financiers.
1. Les alliances internationales : le " dinosaure Poste " face aux " gazelles européennes " ?
" Rien ne sert de courir, il faut partir à
point ".
Bien que semblant désormais convaincue de la nécessité de
conclure des partenariats ou des alliances lui permettant de parer aux
offensives de croissance externe tous azimuts de ses concurrents, La Poste n'a
toutefois pas atteint
son objectif de conclure, d'ici à la fin de
1999, une alliance internationale stratégique
. Il faut dire que
l'opérateur est singulièrement dépourvu de moyens, devant
trouver, d'après les termes employés par M. Christian
Pierret lors du colloque " Poste, Europe, Territoires " au
Sénat en juin dernier,
en elle-même
, c'est-à-dire
sans dotation en capital de sa tutelle, et donc sans les moyens qu'auraient
conférés une possible ouverture dudit capital, les ressources de
son développement international. Dans ce contexte, que représente
la marge brute d'autofinancement de La Poste face aux sommes impressionnantes
-plusieurs dizaines de milliards de francs- dégagées par ses
concurrents pour leur croissance externe ?
Même en prenant l'hypothèse d'une titrisation de ses actifs
immobiliers, les moyens à la disposition de l'opérateur ne
changent pas réellement d'échelle.
La Poste n'est certes pas restée totalement immobile. Mais les
résultats semblent bien fluets dans la course actuelle aux parts de
marché européennes. On peut notamment citer :
- dans l'express, l'accord avec l'Espagnol Correos y Telegrafos et la
création d'une filiale commune ; le partenariat avec Der Kurier,
spécialiste allemand du J+1 ; l'acquisition par Chronopost de la
majorité du britannique Panic Link ;
- dans le colis, la prise de contrôle de l'allemand Deukhaus, de la
société Bikart et d'Interspe, qui permettent une
pénétration sur le marché allemand.
Soulignons que La Poste est également sur le point de s'implanter
outre-atlantique en acquérant la société de transport
international de presse INSA.
Votre rapporteur pour avis considère toutefois que la création
de la holding Coélo (colis et logistique) par la Poste le 18 mai
dernier est une avancée positive.
Cette évolution -qui n'a d'ailleurs pas vraiment, pour l'instant,
amené les développements attendus- ne saurait remplacer la
capitalisation de l'établissement que réclame votre commission.
Elle offre toutefois certaines perspectives. Cette société
anonyme détient en effet l'ensemble des participations du groupe La
Poste dans les sociétés opérant sur le marché du
colis et de la logistique.
Outre l'objectif industriel de rapprochement des filiales, de rationalisation
de leur offre, et de développement de synergies,
la création
de Coélo met en place un véhicule juridique pour la constitution
d'une alliance par une éventuelle ouverture du capital à des
partenaires financiers et industriels, parmi lesquels, le cas
échéant, d'autres opérateurs postaux ou un grand
intégrateur de messagerie.
Si la structure juridique est en place, aucun accord significatif n'a toutefois
encore été conclu.
2. Le commerce électronique : un moteur de croissance à embrayer
Alors
que notre pays compte déjà sans doute près de
8 millions d'internautes, et que ceux-ci devraient représenter, au
plan mondial, 300 millions de personnes
6(
*
)
en 2003, toutes les projections s'accordent à estimer que
le commerce
électronique est en passe de devenir l'un des principaux support des
transactions commerciales
.
Le développement fulgurant qui est attendu en la matière
représente une opportunité de croissance pour les
opérateurs de messagerie et de logistique.
En effet, les transactions électroniques se concrétisent par des
flux physiques de biens qui doivent être acheminés dans des
délais rapides jusqu'au client final.
C'est plus globalement toute la gamme des activités de logistique qui
est appelée à se développer, c'est-à-dire non
seulement l'acheminement mais également le stockage, l'emballage et la
préparation de la commande.
Les opérateurs postaux européens tendent d'ailleurs à
mettre en place -à l'instar des grands intégrateurs
spécialistes de la messagerie- une offre de plus en plus globale,
incluant la logistique, ce qui leur permet, en outre, de capter la
clientèle des grandes entreprises.
Certains postiers européens proposent même aux entreprises qui
vendent des produits sur Internet de prendre en charge le stockage, l'envoi et
le paiement de leurs articles.
La Poste, si elle se fixe l'objectif de réaliser, à
l'horizon 2002, 2 milliards de francs de chiffre d'affaires
grâce aux nouvelles technologies, ne fait toutefois pas de leur
développement l'un des axes majeurs de sa stratégie.
Les initiatives en la matière ne sont certes pas inexistantes, mais
restent encore largement expérimentales ou embryonnaires.
Ainsi, certains projets -certes prometteurs- sont largement inaboutis :
C'est le cas du service
" PostECS "
, développé
en collaboration avec les postes américaine et canadienne, qui devrait
fournir des fonctionnalités de chiffrement du document, de protection
par mot de passe et de suivi en temps réel. La Poste se donne l'objectif
de servir ses clients en matière de courrier électronique avec le
même impératif de rapidité, de confidentialité et
d'identification des émetteurs et destinataires que pour le courrier
physique. Après une phase pilote menée en 1998 et début
1999, le produit devrait être commercialisé en 2000.
Certinomis
est une filiale en cours de création entre la Poste et
la SAGEM, qui s'apprête à commercialiser des services de
certification. Cette autorité de certification permettra de
développer la confiance et la sécurité sur Internet en
émettant des certificats électroniques pour identifier un
individu, un " cybercommerçant " ou une organisation
quelconque sur Internet.
La Poste envisage de développer l'
horodatage
des documents
électroniques qui servirait de commencement de preuve, en droit, dans le
cadre des relations commerciales électroniques. Il permet au client de
disposer d'un moyen de prouver l'existence et la date d'une communication
électronique ou d'une transaction de commerce électronique.
Le
lancement d'une phase pilote
est prévu pour 2000. Ce service est une
transposition dans l'univers de la société de l'information du
cachet de La Poste faisant foi dans le monde du papier.
Enfin, la Poste va lancer, sans doute avec un partenaire, un portail sur
Internet. Outre l'accès à des services partenaires de La Poste,
l'un des objectifs de ce service est d'offrir à chaque français
une adresse électronique stable, permettant à chacun
ultérieurement de choisir le type de courriers qu'il souhaite recevoir
et d'y domicilier ses courriers électroniques officiels.
Rappelons également l'offre EDI (échange de données
informatiques) de Télépost auprès de clients importants de
plusieurs secteurs.
Votre commission pour avis estime que La Poste doit résolument
prendre le tournant des nouvelles technologies, qui lui offrent des
opportunités nouvelles en matière notamment de logistique et de
certification.
II. LE BOULEVERSEMENT POSTAL EUROPÉEN : UN ENJEU SOUS-ESTIMÉ
Votre
commission pour avis est frappée par l'insuffisante prise de conscience
de l'ampleur des bouleversements à l'oeuvre dans le secteur postal
européen.
Sans doute est-ce cette difficulté d'analyse -faut-il aller
jusqu'à dire qu'elle atteint même la tutelle de l'opérateur
public ?- qui explique que notre poste soit laissée, à
l'heure de la concurrence mondiale, dans une posture que ne justifiait que le
règne du monopole. On pense notamment aux charges d'intérêt
général non compensées par la collectivité qui lui
incombent.
Votre rapporteur souhaite évoquer succinctement les offensives des
postes européennes, avant de rappeler les handicaps concurrentiels que
représente le financement par l'opérateur de l'exercice de ses
missions d'intérêt général.
A. LES OFFENSIVES DES POSTES EUROPÉENNES
Les
postes européennes se sont engagées dans une course à la
croissance externe. Dans un marché libéralisé, l'effet de
taille est déterminant pour réaliser des économies
d'échelle en matière d'acheminement, d'infrastructure
d'exploitation, de systèmes d'information et de livraison.
Sur la période 1996-1998, les postes allemande, néerlandaise
et anglaise ont réalisé près de 25 acquisitions dans
le secteur du colis, pour un montant global de plus de 34 milliards de
francs.
Cette évolution est si frappante et si rapide que votre rapporteur pour
avis a souhaité annexer au présent rapport le compte-rendu des
auditions par votre commission de responsables européen et
américain de la poste et de messagerie, qui sont particulièrement
révélatrices de l'ampleur des " grandes manoeuvres " en
cours.
L'exemple le plus marquant de ce mouvement est celui de la
Deutsche Post
AG
qui, depuis un an, a multiplié les opérations de
croissance externe. DPAG, qui dispose de capacités d'investissements
très élevées, s'est lancé dans une ambitieuse
politique de croissance externe dans les secteurs du colis et de la logistique
en déboursant environ 40 milliards de francs ces derniers
mois
. L'objectif affiché de la poste allemande est de
s'internationaliser rapidement, fut-ce à un coût
élevé, pour réussir son introduction en bourse
prévue fin 2000.
En Europe du Nord tout d'abord, DPAG a renforcé ses positions par
plusieurs acquisitions. D'une part, la bataille opposant DPAG à la poste
suédoise dans le rachat de la société de transport
suédoise ASG (CA :9 milliards de francs) s'est finalement
terminée en juillet dernier par une victoire de la Deutsche Post, suite
à une décision de la Commission européenne qui a
considéré que cette acquisition n'engendrait pas la
création ou le renforcement d'une position dominante. Cette
opération devrait permettre à la Deutsche Post d'étendre
sa couverture géographique en Scandinavie. DPAG a pris le contrôle
de
ASG
, via sa filiale
DANZAS
, un des leaders du transport et de
la logistique en Europe. Parallèlement, la Deutsche Post a acquis les
divisions européennes de transport, distribution et logistique de la
société néerlandaise
Nedlloyd
, la
société néerlandaise de transport de paquets
Van Gend
Loos
et une participation de 50 % dans l'anglais
Securicor
Distribution
dont les activités s'étendent jusqu'en Irlande.
Dans le secteur de la messagerie, DPAG a étendu son réseau en
Espagne en acquérant 49 % de
Guipuzcoana
, leader espagnol
dans la distribution de colis d'entreprise, et en Suisse avec
Qualipac
,
numéro trois sur le marché helvétique des colis. Elle a
également racheté 90 % del'italien
MIT,
de 68 %
du Français
Ducros Services Rapides
. L'acquisition par DHL de
51 % de
Colitel
, entreprise spécialisée dans le
transport urgent et la logistique personnalisée, a également
permis à DPAG, liée à cette entreprise, de renforcer sa
présence en France.
Par ailleurs, sur le marché américain, DPAG a acquis
Global
Mail
, société de services de courrier international, ainsi
que
YellowStone International Corporation
, une des plus grandes
sociétés de distribution internationale de la presse aux
Etats-Unis.
Enfin, la Deutsche Post a renforcé ses activités dans
différents domaines, notamment dans le secteur du commerce
électronique en prenant une participation de 15 % dans le capital
de
GFT Technologies
, conformément au souhait du Président
de la Deutsche Post de développer rapidement les activités de son
entreprise dans ce domaine. Dans le secteur des services financiers, elle a
racheté pour 14,5 milliards de francs
Deutsche Postbank AG
dont elle avait été séparée lors de la
réforme postale. DPAG a par ailleurs annoncé le rachat de
80 % du groupe munichois
ITG Internationale Spedition
, leader sur
le marché allemand de la livraison de vêtements.
L'autre grand acteur des stratégies d'acquisitions est le
néerlandais TNT Post Group (TPG), qui a également renforcé
sa position en Europe. La poste néerlandaise a en effet mobilisé
490,6 millions de francs pour reprendre le groupe italien de stockage et
de transport
Tecnologistica
présent en Italie, mais aussi en
France, en Allemagne, en Espagne, en Autriche, en Suède et au
Bénélux.
En France, elle a racheté
Jet Services
, numéro deux sur le
marché français du transport express de petits colis, pour
2 milliards de francs, ainsi que la société de messagerie
Broos-Fouya
. TPG a également acquis la société
portugaise de transport express
Tranjato.
Quant à
la poste britannique
, qui semblait un peu à
l'écart de ces grands mouvements, elle est entrée en scène
au début de l'année en acquérant deux
sociétés allemandes, le réseau de messagerie
German
Parcel
qui détient par ailleurs une participation de 23 % dans
General Parcel, une compagnie internationale qui dessert 30 pays
européens, et
Der Kurier
un des leaders du marché allemand
de la messagerie express.
Votre rapporteur pour avis déplore que le " retard à
l'allumage " de La Poste n'amène le champ des possibles à se
rétrécir pour la nécessaire conclusion d'une alliance
internationale stratégique par l'opérateur. Sa forme sociale -et
notamment l'absence de capital- semble un handicap de taille en la
matière.
S'y ajoute la non compensation des missions d'intérêt
général, qui l'empêche de dégager les marges de
financement nécessaires à sa croissance externe.
B. LE POIDS DES CHARGES NON COMPENSÉES D'INTÉRÊT GÉNÉRAL
Rappelons qu'en 1997, votre commission
7(
*
)
avait évalué à plus de
8 milliards de francs par an les charges nettes non compensées
pesant sur La Poste en raison de l'accomplissement de ses missions
d'intérêt général, déduction faite des
contreparties budgétaires ou fiscales accordées par l'Etat.
Ce coût se répartissait ainsi :
-
3,2 milliards de francs
pour sa participation à
l'aménagement du territoire via le maintien du réseau
postal ;
-
3,6 milliards de francs
de francs pour sa contribution au
transport postal de la presse ;
-
1,3 milliard de francs
pour son rôle de guichet
bancaire des plus démunis.
Aucun élément significatif n'est venu depuis bouleverser les
fondements de cette estimation. Une telle situation est-elle compatible avec
l'irruption d'une concurrence forcenée en Europe ? Votre commission
pour avis ne le pense évidemment pas.
C. L'URGENCE DES DÉCISIONS POLITIQUES : RAPPEL DES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION
Prolongeant le rapport d'information précité de 1997 de notre collègue Larcher, le rapport d'actualisation " Sauver la Poste, est-il encore temps pour décider " du même auteur a formulé les propositions suivantes :
LES
PROPOSITIONS DU RAPPORT
" SAUVER LA POSTE, EST-IL ENCORE TEMPS POUR
DÉCIDER ? "
1)
Nouer une
alliance internationale
dans la
messagerie
en ouvrant le capital de Coelo
, le holding colis et
logistique de La Poste, à un partenaire étranger disposant des
moyens d'un réseau mondial.
2)
Ouvrir clairement
le débat sur la transformation de La
Poste en société anonyme à capitaux publics
, dans le
cadre notamment de la discussion de
la loi d'orientation postale
à établir pour éclairer l'avenir.
3)
Création avec un
grand partenaire informatique
(France Télécom, Cégétel, ...) d'une
filiale
commune
dédiée à la construction et à la
gestion d'une plate-forme de
commerce électronique
, comportant la
déclinaison par La Poste d'une gamme de prestations logistiques et
financières ; cette plate-forme aurait vocation à servir
d'hôte à des PME soucieuses de vendre sur Internet mais peu
désireuses d'avoir à assurer l'intendance de leur vitrine
électronique.
4)
Parallèlement, à l'instar de la poste allemande,
développement d'une
offre logistique intégrée
à l'intention des PME et des grandes entreprises ayant
créé leur propre site de commerce électronique.
5)
Prendre toutes les initiatives nécessaires pour que le
programme de réglementation postale fixé par la directive de 1997
soit poursuivi dès l'installation de la nouvelle Commission
européenne, afin d'éviter des débordements du
marché de nature à perturber le service universel.
6)
Instituer un
régulateur postal autonome
recevant
compétence exclusive sur le secteur du courrier, les services financiers
entrant dans le cadre des attributions du Conseil de la concurrence.
7)
Se conformer aux exigences du droit européen relatives
à la séparation des comptes des activités sous monopole et
des autres, ainsi qu'à l'individualisation comptable des
activités de service universel.
8)
Réfléchir à une
hausse temporaire du
prix du timbre
pour disposer de nouvelles marges de manoeuvre.
9) Créer un service universel bancaire minimum pour les
ménages les plus modestes et en faire reposer le financement sur le
principe du " pay or play ",
ce qui permettrait à La Poste
d'être en partie compensée des charges que lui impose son action
en ce domaine.
10)
Pour aider à
l'aménagement postal du
territoire
, élargir la diffusion des produits postaux en acceptant
le développement de leurs ventes dans des réseaux commerciaux,
aménager les horaires des points de contact postaux en fonction de la
fréquentation réelle du public et faire de La Poste un acteur
central des maisons de service public.
11)
Clarifier les compétences des divers échelons
territoriaux pour favoriser la mobilisation des cadres de terrain et, par
là même, la définition d'un projet conquérant
d'entreprise à même d'entraîner tous les personnels.
12)
Pour permettre de
mieux impliquer les élus
dans
la revitalisation postale des territoires, envisager des
partenariats
institutionnels
entre La Poste et les collectivités locales
pouvant prendre la forme de sociétés d'économie mixte
locales
.
Aucune suite n'a pour l'instant été donnée à ces
propositions. Pire, le débat ne s'est même pas réellement
amorcé.
III. UN DÉBAT PUBLIC CONFISQUÉ
A. LA TRANSPOSITION " À LA SAUVETTE " DE LA DIRECTIVE POSTALE
Votre
Haute Assemblée a critiqué avec assez de vigueur la transposition
opérée subrepticement, par amendement gouvernemental à la
loi d'aménagement du territoire, de la directive européenne du
15 décembre 1997 sur les services postaux communautaires, pour
que votre rapporteur pour avis n'ait à revenir trop longuement sur cet
artifice procédural qui a ravalé le Parlement au rang d'une
chambre d'enregistrement et traité l'enjeu postal par cavalier
législatif !
Rappelons toutefois que le Sénat avait refusé -à
l'initiative de sa majorité, mais aussi d'un groupe de l'opposition
sénatoriale- d'adopter la transposition et l'avait remplacée par
un article ainsi rédigé :
" Une loi d'orientation postale interviendra dans les six mois à
compter de la promulgation de la présente loi ".
L'Assemblée nationale, non sans avoir protesté sur la
brutalité de la méthode, s'est, de son côté,
finalement rangée au souhait du Gouvernement.
La transposition nécessite, en outre, la modification du cahier des
charges de La Poste, par un décret dont l'avant-projet vient
d'être transmis à la CSSPPT
8(
*
)
.
Votre rapporteur pour avis s'interroge à ce sujet sur la création
qui y est proposée d'un médiateur postal, qu'aucun des acteurs
concernés semble pourtant n'avoir réclamée. Il
paraît souhaitable que la phase de consultation puisse faire
évoluer ce point du projet de décret.
Ayant réussi sa transposition-éclair, le Gouvernement ne semble
toutefois pas à court de subterfuges. En effet, le ministère
avait indiqué à la CSSPPT -qui en faisait la condition de remise
de son avis sur le projet d'amendement- qu'un projet de loi serait
déposé avant la fin de l'année 1999 pour
" donner aux activités postales un cadre juridique
complet "
et achever en conséquence la transposition de la
directive.
Votre commission pour avis prône, on le sait, la rédaction
d'une véritable loi d'orientation postale, qui fixe l'avenir de
l'opérateur, au-delà de la seule transposition de la
directive.
Or, il apparaît qu'aucun texte ne soit sur le point d'être
déposé, même si, en réponse à une question
posée par votre rapporteur dans le cadre de la préparation du
présent rapport, le Secrétariat d'Etat à l'industrie a
indiqué que
" le Gouvernement présentera avant la fin
de l'année, dans le cadre d'un projet de loi portant diverses
dispositions d'harmonisation communautaire, un dispositif législatif
complétant la transposition de la directive 97/67/CE ".
Il semble qu'on soit bien loin de l'impulsion législative majeure que
votre commission pour avis appelle de ses voeux !
Votre commission ne saurait évidemment se contenter d'une
réponse si partielle aux questions que pose l'avenir du secteur postal
de notre pays.
B. L'ABSENCE DE MOBILISATION POUR PRÉPARER LA DEUXIÈME PHASE DE LA LIBÉRALISATION POSTALE
1. La directive prévoit sa propre révision : cette échéance doit être préparée
La
directive du 15 décembre 1997 prévoit, dans son
article 7, son propre calendrier de révision en vue d'une
libéralisation accrue. Il est en effet énoncé que :
- la Commission présentera une proposition dans ce sens
" avant la fin de l'année 1998 "
. Des premiers
débats d'orientation ont déjà eu lieu à la
Commission sur ce sujet, mais ont pris du retard, notamment du fait du
changement de Commission ;
- le Parlement et le Conseil devaient aboutir à une décision
" au plus tard le 1
er
janvier 2000 "
en
vue de
" la poursuite de la libéralisation progressive et
contrôlée du marché des services postaux, notamment en vue
de la libéralisation du courrier transfrontière et du
publipostage, ainsi que d'un nouveau réexamen des limites de prix et de
poids, avec effet à compter du
1
er
janvier 2003 " ;
- la directive ne s'applique que jusqu'au
31 décembre 2004, en vertu de son article 27.
Votre rapporteur pour avis estime que la France doit se mobiliser pour
poursuivre l'oeuvre réglementaire européenne, faute de quoi, le
marché dictera seul sa règle. Or notre opérateur n'y est
pas encore préparé.
Si le choc concurrentiel reste pour l'instant supportable
, compte tenu du
périmètre retenu pour les services réservés
à La Poste par la transposition -qui revient à n'accroître
la concurrence qu'à proportion de 2,2% du chiffre d'affaires du courrier
en France-,
cette situation risque bien de changer après 2003
.
Le répit que nous laissait la directive de 1997 aurait dû
être mis à profit pour effectuer un sursaut salvateur et
préparer l'après 2003. Tel n'a pas été le cas.
Votre commission pour avis estime donc urgente une plus grande implication des
pouvoirs publics français est nécessaire pour la phase
d'élaboration de la nouvelle directive. Elle estime que ce point doit
être l'un des objectifs de la présidence française de
l'Union européenne.
2. Une bonne nouvelle : l'évolution du régime des frais terminaux
Les
" frais terminaux " correspondent à la
rémunération que les postes se versent entre elles afin de
couvrir les coûts de la distribution du courrier international qui leur
est remis par leurs homologues étrangères.
Régis par un accord multilatéral, ces taux de
rémunération étaient nettement insuffisants pour couvrir
le coût des services rendus, notamment dans les pays
développés. Cette accord a donc servi de base à des
détournements de flux de trafic de courrier international, ou
" repostage ", consistant à faire intervenir un pays tiers
entre un expéditeur et un destinataire. Cette pratique, contraire au
principe de coopération postale de l'UPU
9(
*
)
, générait un manque à gagner
financier potentiel et affectait gravement l'équilibre du service
universel en obligeant les postes des pays développés à
fournir un service postal international ne couvrant pas ses coûts. Il
n'existe aucune statistique internationale sur les différentes formes de
repostage qui sont soit des offres commerciales globalisées dans le
trafic postal international d'un pays, soit réellement un contournement
des accords de l'UPU sur lequel aucune information ne peut, par nature
même de l'activité, être donnée.
On peut toutefois
estimer que le préjudice subi par La Poste française
s'élève à près de 600 millions de francs
chaque année
.
Votre rapporteur pour avis se félicite de ce que le réglement
de la question des frais terminaux ait progressé
, tant en raison de
la réaction des postes, qui ont développé une offre
commerciale adéquate, que de la
négociation par celles-ci
d'accords commerciaux, distincts des accords de l'UPU
.
Parallèlement,
le récent Congrès de l'UPU qui s'est
tenu à Pékin du 23 août au 15 septembre 1999
a adopté un nouveau système de frais terminaux
. En effet,
ainsi que le souhaitait la France, les propositions du Conseil d'exploitation
postale sur les frais terminaux ont été adoptées par le
Congrès qui permettront, à l'issue d'une période
transitoire,
de couvrir les coûts effectifs de chaque poste de
distribution et consolideront ainsi le service universel mondial.
Les principales caractéristiques du nouveau système sont les
suivantes :
- dans les relations entre pays industrialisés, les frais terminaux
représenteront 60 % des tarifs intérieurs en 2003, la
proportion finale à atteindre en 2005 devant être fixée,
après étude, en 2002. De plus, les postes des pays
industrialisés offriront aux postes expéditrices, à
conditions comparables, les conditions d'accès prévues avec leurs
plus gros clients nationaux ;
- afin de préserver les recettes actuelles des pays en
développement, ces derniers accéderont aux marchés des
pays industrialisés sur la base du dispositif actuel (28 francs du
kg), jusqu'à un seuil de trafic donné ;
- la rémunération des pays en développement sera
majorée de 7,5 % afin de financer des actions d'amélioration
de la qualité de service dans ces pays. C'est donc une enveloppe de 120
à 130 millions de francs qui sera investie chaque année pour
renforcer le service universel mondial.
Dernier point enfin et non le moindre, le dispositif de protection contre le
repostage abusif article 40 (ex article 25 de la Convention) a
été préservé.
Par ailleurs, La Poste a signé un accord commercial tarifaire avec les
postes des autres pays membres de l'Union Européenne -à
l'exception de la Poste néerlandaise-, dit accord REIMS II, qui vise
à
aligner les frais terminaux sur un pourcentage des tarifs
domestiques
. Cet accord, conformément aux dispositions du
Traité de Rome, a été notifié à la
Commission, afin que celle-ci vérifie sa comptabilité avec les
principes concurrentiels du droit communautaire et autorise la mise en oeuvre
de ce régime. Avec les postes des pays développés ne
participant pas à l'accord REIMS, La Poste a, par ailleurs, signé
des accords commerciaux sur une base bilatérale. Au regard de la
structure actuelle du trafic postal international français, le nouveau
système de frais terminaux et les accords commerciaux signés par
les postes devraient enfin apporter un début de solution au
problème du repostage.
CHAPITRE III -
LA MONDIALISATION DES
TÉLÉCOMMUNICATIONS
I. CROISSANCE, CHANGEMENT ET CONCENTRATION : LE TRYPTIQUE DE LA MONDIALISATION DES TÉLÉCOMMUNICATIONS
A. UN MARCHÉ MONDIAL EN TRÈS VIVE ÉVOLUTION
1. Une croissance phénoménale
a) Des bouleversements très rapides
Le
secteur des télécommunications et des nouvelles technologies est
sans doute à l'heure actuelle l'activité économique
où les changements sont les plus rapides, la croissance la plus vive,
les percées technologiques les plus rapprochées, les
créations d'entreprises technologiques les plus nombreuses et les
valorisations boursières des sociétés innovantes les plus
démesurées.
Même le secteur des biotechnologies ne
bénéficie pas d'un engouement de cette ampleur des analystes et
des investisseurs et n'est pas soumis à des bouleversements aussi
rapides.
La seule constante de ce secteur est le changement
. Qui connaissait, il
y a trois ans, Worldcom, qui, avec à peine plusieurs années
d'existence, vient de racheter les deux puissants opérateurs
américains MCI et Sprint ? Qui connaissait, en France, Omnicom, qui
vient de réussir brillamment son introduction en bourse ? Qui
aurait parié sur la fin du modèle des alliances et prédit
le devenir de Global One, Unisource ou Concert ?
Qui aurait pensé que France Télécom, encore il y a peu
quatrième opérateur, risquerait de se voir reléguer si
rapidement, malgré la croissance vive des activités, au
huitième rang mondial ?
b) Une croissance fulgurante
Selon
l'Idate
10(
*
)
, le marché mondial des
services de télécommunications
devrait passer de
890 milliards de dollars à 1.330 milliards de dollars entre
1999 et 2003. Parallèlement, le nombre d'internautes devrait rapidement
décoller.
Les projections sont les suivantes :
En 1999
Total : 890 milliards de dollars
En 2003
Total : 1.330 milliards de
dollars
Le nombre d'Internautes
(en millions)
* mars
** pour 2005 les prévisions de Computer Industry Alamanac sont de
720 millions
Source : IDATE
Rappelons que depuis 1995,
le taux de pénétration mondial des
téléphones portables
est passé de 13 à
34 % en moyenne. L'an prochain, 500 personnes seront abonnées
à un service de téléphonie mobile, contre
305 actuellement.
Certains analystes
11(
*
)
estiment que le
trafic de données
sur les réseaux mobiles aura
rattrapé dès 2003 celui de la voix.
La croissance devrait être également très vive
dans le
marché des équipements
des télécommunications,
qui devrait passer, d'après l'Idate, de
297 miliards de dollars
en 1999 à 331 milliards de dollars en 2003.
La course aux hauts
débits sur tous types d'infrastructures, la prolifération des
technologies Xdsl, des boucles locales radio et des nouvelles
générations de téléphone mobiles sont les moteurs
de cette croissance.
Par type d'infrastructures, les prévisions de l'Idate sont les
suivantes :
CROISSANCE DU MARCHÉ MONDIAL D'ÉQUIPEMENTS DE
TÉLÉCOMMUNICATIONS.
En 1999 = 297 milliards de dollars
En 2003 = 331 milliards de dollars
Source : IDATE
Le développement attendu de
la téléphonie sur
Internet
, du
commerce électronique
et la mise en service
des réseaux satellitaires de téléphonie mobile
de
première et de seconde génération (à haut
débit) offrent des perspectives importantes en matière tant de
services que d'équipements de télécommunications.
2. De promptes concentrations
a) La fin du modèle des alliances
Après avoir déçu en termes de
résultat
commerciaux comme de rentabilité financière, il semble que les
trois alliances mondiales d'opérateurs de
télécommunications, Unisource, Global One et Concert, ne soient
désormais plus le modèle de l'organisation des stratégies
internationales du secteur.
Destinées initialement à fournir des prestations " sans
couture " à leurs grands comptes sur l'ensemble de la
planète, elles ont peu à peu cédé du terrain -voire
éclaté- devant la montée en puissance d'une vague de
rachats boursiers.
b) Le règne des fusions-acquisitions
L'énumération des récents achats
effectués dans le secteur des télécommunications de par le
monde serait si longue qu'elle revêtirait un caractère fastidieux.
Les développements récents de l'actualité
-l'OPA de
Vodaphone sur Mannesmann annoncée le 19 novembre, par exemple, pour
124 milliards d'euros, soit le record absolu de l'histoire
boursière en montant financier-
ne cessent d'illustrer l'ampleur de
ce mouvement.
Signalons toutefois, pour France Télécom, l'acquisition
récente du troisième opérateur de mobiles allemand E-Plus,
qui fait suite à une prise de position au sein du
câblo-opérateur britannique NTL. Ces opérations, modestes
relativement à l'effervescence du secteur, n'empêchent pas
l'opérateur de régresser en termes de rang mondial. Elles
méritent toutefois d'être soulignées.
S'agissant de Deutsche Telekom, l'opérateur allemand a récemment
pris position en Angleterre, via le rachat de l'opérateur de
téléphonie mobile One 2 One et en France, via le rachat de Siris,
titulaire du préfixe " 2 ".
Mais ce sont sur les marchés boursiers anglo-saxons qu'interviennent les
concentrations les plus importantes.
Deux types d'opérations caractérisent ce mouvement :
- des rapprochements de
croissance externe
" horizontale "
, à l'initiative de compagnies locales
américaines (Bell Atlantic et GTE) ou d'opérateurs de longue
distance (MCI et World Com), afin
d'élargir leur champ
d'activité et de réaliser des économies
d'échelle
;
-
des rachats dans d'autres segments d'activité
, à
l'exemple des opérateurs longue distance qui s'intéressent au
marché local. Ainsi, AT&T a racheté Teleport
(opérateur de boucle-locale), TCI (câblo-opérateur) et
Vanguard Cellular (téléphonie mobile).
Les opérations significatives de fusions-acquisitions intervenues aux
Etats-Unis -
pour la seule année 1998
-, à des prix parfois
astronomiques, sont résumées dans le tableau
ci-dessous :
ACHETEUR |
CIBLE |
PRIX (EN MILLIARDS DE DOLLARS) |
SEGMENT D'ACTIVITÉ |
AT&T |
IBM Global Data Network |
4,95 |
Transport de données |
AT&T |
TCI |
43,2 |
Téléphonie sur câble |
AT&T |
Teleport |
10,9 |
Boucle locale (entreprises) |
AT&T |
Vanguard Cellular |
1,5 |
Téléphonie cellulaire |
Bell Atlantic |
GTE |
53 |
Opérateur régional |
Frontier |
Global Center |
0,2 |
Hébergement de site WE |
Qwest |
ICON |
0,18 |
Fournisseur d'accès à Internet |
Qwest |
LCI |
4,85 |
Téléphonie longue distance |
SBC Communications |
Ameritech |
62,6 |
Opérateur régional |
SBC Communications |
SNET |
5,8 |
Opérateur régional |
World Com |
Brooks Fiber Properties |
2,6 |
Boucle locale |
World Com |
MCI Communications |
42 |
Téléphonie longue distance |
Source : La Tribune du 8 avril 1999 - Morgan Stanley
Dean
Witter
En 1999, le mouvement de concentration s'est poursuivi sur le
marché
américain
des télécommunications avec notamment le
rachat de Frontier par Global Crossing pour l'équivalent de
11,2 milliards de dollars, celui de MediaOne Group par Comcast pour
59 milliards de dollars et la fusion, à parité, entre Qwest
et US West.
Conséquence de l'ouverture du marché européen à la
concurrence et de la globalisation au niveau mondial du secteur des
télécommunications, les
opérateurs européens
procèdent à leur tour à des fusions-acquisitions.
En témoignent par exemple le rachat de l'opérateur mobile
américain Air Touch par l'anglais Vodafone pour 60 milliards de
dollars et le rapprochement de Global Telesystems Group avec Esprit Telecom
puis avec le Français Omnicom.
Les opérateurs historiques n'échappent pas au mouvement de
concentration : Telia, l'opérateur suédois et Telenor,
l'opérateur norvégien ont annoncé leur fusion. Olivetti a
pris le contrôle de Telecom Italia pour l'équivalent de
62 milliards de dollars, au détriment de Deutsche Telekom.
En Allemagne, Mannesmann, qui fait l'objet d'une offre de rachat de la part de
Vodaphone pour 124 milliards d'euros, a racheté le réseau
Otelo auprès de RWE et Veba pour 2,25 milliards de marks. Par
ailleurs, il est désormais le deuxième opérateur italien
après l'acquisition d'Oliman, holding détenant Omnitel
(opérateur mobile) et Infostrada (opérateur fixe).
3. Une part prépondérante dans l'économie
Secteur
économique d'importance par le nombre de salariés, la richesse
créée et les investissements réalisés, les
télécommunications sont également devenues
l'un des
principaux moteurs de l'économie
, qu'il s'agisse de la croissance ou
de la création d'emplois.
Cette réalité, intégrée depuis longtemps aux
Etats-Unis, où elle est acceptée comme la manifestation d'une
entrée dans l'économie de la connaissance, tend à
être de mieux en mieux reconnue en France.
Ainsi, une récente étude de l'INSEE
12(
*
)
a montré que les technologies de l'information
et de la communication (informatique, télécommunications,
électronique, communication) avaient engendré en 1997, 5 %
du PIB français, soit davantage que l'automobile et l'énergie
réunies.
D'après cette étude, les entreprises françaises
spécialisées dans ces technologies ont ainsi
réalisé en 1997 un
chiffre d'affaires de 828 milliards de
francs, en progression de près de 7 % par rapport à 1996
.
Avec 406 milliards de francs de recettes en 1997,
les entreprises
industrielles
spécialisées dans les technologies de
l'information et de la communication représentaient 12 % de
l'industrie manufacturière. L'industrie française des
technologies de l'information et de la communication (TIC) occupe ainsi le
quatrième rang mondial en termes de chiffres d'affaires, derrière
le Japon, les Etats-Unis, et l'Allemagne, le cinquième en nombre
d'emplois et le huitième rang à l'exportation.
L'INDUSTRIE FRANÇAISE DES TIC AU QUATRIÈME RANG MONDIAL POUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES
|
Chiffre d'affaires (milliards de francs) |
Emplois (milliers) |
Japon |
1 945 |
1 485 |
Etats-Unis |
1 240 |
994 |
Union européenne |
997 |
908 |
Allemagne |
245 |
231 |
France |
186 |
149 |
Royaume-Uni |
182 |
181 |
Italie |
121 |
118 |
Source : Sessi - année 1997
Les
entreprises de services
représentent plus de la moitié
des ventes des entreprises spécialisées dans les technologies de
l'information et de la communication. Avec un chiffre d'affaires de
422 milliards de francs en 1997, elles ont engendré un
cinquième des recettes des entreprises de services marchands stricto
sensu (hors commerce, transport et activités financières).
Industrie et services confondus, les entreprises spécialisées
dans les
télécommunications
ont réalisé un
chiffre d'affaires de
256 milliards de francs en 1997, soit 31 %
des recettes des entreprises des TIC.
L'informatique
a engendré en 1997 238 milliards de francs de
chiffre d'affaires. Quant aux autres activités liées aux TIC,
elles avaient réalisé un chiffre d'affaires de 335 milliards
de francs, dont les trois quarts provenaient des
activités de
communication
-édition, imprimerie, audiovisuel- et un quart de
l'industrie électronique.
Le tableau suivant résume ces données :
LES TÉLÉCOMMUNICATIONS EN TÊTE DES TIC
|
Chiffre d'affaires (milliards de francs) |
En % |
Télécommunications |
256 |
31 |
dont industrie |
82 |
10 |
dont services |
174 |
21 |
Informatique |
238 |
29 |
dont industrie |
83 |
10 |
dont services |
155 |
19 |
Communication |
247 |
30 |
dont industrie |
154 |
19 |
dont services |
93 |
11 |
Industrie électronique |
87 |
10 |
TOTAL |
828 |
100 |
Source : Enquête annuelle d'entreprises, 1997,
Sessi
et Insee
En plein développement, les télécommunications
françaises ont particulièrment bénéficié de
l'explosion de la téléphonie mobile.
La suprématie de la téléphonie fixe est menacée par
l'essor d'autres services : elle représentait en 1997 62 % des
recettes de services de télécommunication contre 75 % au
début des années 1990. En développement rapide,
téléphonie cellulaire, radiomessagerie et autres services mobiles
représentaient en 1997 près de 18 % des recettes des
entreprises de télécommunications (contre 11% en 1996). Depuis
1996, le nombre d'abonnés au téléphone mobile a
pratiquement doublé chaque année, pour atteindre 11 millions
à la fin 1998, et 17 millions en octobre 1999.
Les industriels
français sont concurrencés par les
constructeurs asiatiques et nordiques pour le matériel grand public,
notamment les téléphones mobiles. En revanche, ils sont bien
placés pour la production de matériel professionnel de
transmission et surtout de commutation, ainsi que pour le matériel de
transmission et surtout de commutation, ainsi que pour le matériel de
transmission hertzienne, très sollicité par les
télécommunications sur réseaux mobiles.
B. L'ÉTAT DES LIEUX DE LA LIBÉRALISATION EUROPÉENNE
1. Le cinquième rapport sur la mise en oeuvre de la réglementation en matière de télécommunications
La
Commission européenne a livré -comme elle le fait
périodiquement- un dernier état de la libéralisation du
marché européen des télécommunications, dans un
rapport publié quelques jours avant l'examen du présent rapport.
Ce bilan a une signification particulière, alors qu'on sait que la
Commission doit faire ses propositions de révision du paquet de
directives " télécommunications " dans le courant de
l'année.
Dans ce rapport, la Commission dresse d'abord un état des lieux de
la santé du marché européen des
télécommunications
.
Ce marché représentera, d'après elle, quelques
161 milliards d'euros
en 1999, soit un peu moins de
7 % de
plus qu'en 1998
; la valeur des services mobiles aura augmenté
en moyenne d'environ 16 %. Il existe désormais dans les Etats
membres plus de
240 opérateurs fournissant effectivement des
communications interurbaines et internationales
, et plus de
220 fournisseurs de communications locales
; plus de
180 opérateurs offrent des services nationaux et internationaux
et 375 offrent des services de réseaux locaux.
Un nombre
beaucoup plus élevé de licences ont été
octroyées sur ces segments de marché, ce qui indique que
l'activité augmentera encore à l'avenir. On estime que le
nombre d'hôtes de l'internet par milliers d'habitant
a
augmenté à raison de
125 % en moyenne dans toute l'Union
de janvier à juillet 1995.
Au cours de la période 1997-1999, les tarifs résidentiels ont
baissé
de 40 % en moyenne dans la plupart des Etats membres
pour les appels internationaux ;
les tarifs d'affaires pour ce type
d'appels sont également en baisse
dans la plupart des Etats membres
(25 % en moyenne au cours de la même période). Pour les
communications régionales et interurbaines de dix minutes, les tarifs
ont baissé respectivement de 13 % et de 30 %.
La Commission dresse ensuite un bilan globalement satisfaisant de la
libéralisation européenne
.
Certains
problèmes importants doivent
pourtant, d'après
elle,
être résolus
. Dans certains cas, la Commission juge
que des limitations réglementaires ont créé des entraves
à la création d'un marché unique des services de
télécommunications en Europe.
Les
principales conclusions à retenir
de ce bilan sont les
suivantes :
- la Commission constate d'abord que les directives de
libéralisation et l'harmonisation ont presque intégralement
été transposées par la plupart des Etats membres ;
- des lacunes existent toutefois à son sens dans leur application,
notamment en ce qui concerne les régimes d'octroi de licences
13(
*
)
et d'interconnexion, qui constituent parfois une
entrave à la constitution d'un marché unique ;
-
de grandes divergences
qui existent dans le domaine de la mise en
oeuvre des règles communautaires au niveau national
constituent
d'autres entraves
;
- les
autorités réglementaires nationales
sont
proches des marchés nationaux et jouent un rôle essentiel en
contribuant à la mise en oeuvre du cadre réglementaire
communautaire. Leurs tâches sont cependant rendues plus difficiles par
des
différences de leurs pouvoirs et de leurs ressources
, par la
manière dont les tâches réglementaires sont
partagées avec d'autres organismes et par des différences dans
les procédures en vigueur. La Commission estime que les autorités
réglementaires nationales doivent accentuer leurs efforts, notamment
dans le domaine des
accords d'interconnexion
;
- l'absence d'une mise en oeuvre nationale adéquate de la
réglementation régissant la
comptabilité des
coûts
dans de nombreux Etats membres semble contribuer à
d'importantes compressions de prix, et à une tarification excessive pour
les lignes louées ;
- la Commission estime qu'il y a, actuellement, un
manque de
concurrence sur le marché de l'accès local
dans tous les
Etats membres, bien que des mesures soient prises en faveur de l'octroi de
licences pour la boucle locale sans fil et pour utiliser les
réglementations nationales pour fournir d'autres moyens d'ouvrir
l'accès au " dernier kilomètre ". En outre, les
réseaux de télévision par câble restent
contrôlés par les opérateurs existants dans certains Etats
membres ;
- eu égard aux préoccupations du marché quant au fait
que les
régimes du service universel
constituent une entrave
à l'entrée sur le marché, la Commission estime
nécessaire une évaluation rigoureuse des coûts nets
réels de la fourniture du service universel. Rien ne montre,
d'après la Commission, que les tarifs pour la téléphonie
vocale appliqués par les opérateurs en place aient
été effectivement rééquilibrés. La
Commission rappelle que seule la France et l'Italie ont prévu des
mécanismes de financement du service universel, notre pays étant
le seul dans lequel ce mécanisme ait conduit à des transferts de
paiement entre opérateurs ;
- il existe dans l'Union des différences en matière de
protection des consommateurs
qui proviennent de différences dans
la manière dont les Etats membres traitent les intérêts des
consommateurs et de différences de traitement selon les services de
télécommunications ;
- enfin, la Commission juge que la réglementation actuelle ne
traite pas explicitement de questions telles que les régimes
spéciaux pour
l'accès à l'Internet
, ou les
sauvegardes à appliquer pour éviter d'éventuelles
distorsions de concurrence résultant de l'intégration des
services voix/données et des services fixes/mobiles.
2. Le réexamen communautaire du cadre réglementaire des télécommunications
La
Commission vient de lancer parallèlement, par une récente
communication
14(
*
)
, la révision des
directives relatives aux télécommunications, pour lesquelles elle
devrait faire prochainement des propositions de modification, la consultation
étant ouverte jusqu'au 15 février 2000.
La Commission considère en effet que le cadre législatif existant
a été essentiellement conçu pour
gérer la
transition vers la concurrence
et qu'il était par conséquent
centré sur la création d'un marché concurrentiel et sur
les droits des nouveaux arrivants. Le nouveau cadre politique devrait viser,
quant à lui, à
renforcer la concurrence dans tous les segments
du marché
, particulièrement au niveau local. Dans le
prolongement des résultats du débat qu'elle a lancé sur la
convergence, la Commission prévoit une approche réglementaire
" légère " pour les nouveaux marchés de
services, tout en s'assurant que les acteurs dominants du marché
n'abusent pas de leur position. La réglementation sectorielle devrait
progressivement être limitée à des domaines où la
seule concurrence ne permet pas d'atteindre les objectifs fixés.
D'ores et déjà, les principales propositions de la Commission
sont les suivantes :
Un cadre réglementaire unique pour les infrastructures de
communications et les services associés
.
Actuellement, des règles différentes s'appliquent pour les
différentes infrastructures de communications et les services
associés
. Or, la Commission pense que la convergence implique que
les mêmes services puissent être fournis en empruntant n'importe
quel réseau de transmission : réseau fixe ou mobile,
réseau de télécommunication ou de télévision
par câble, réseau par satellite ou terrestre). L'existence de
cadres réglementaires distincts pour les différentes
infrastructures de communications et les services associés serait
d'après elle susceptible d'engendrer des incohérences et
risquerait de fausser la concurrence.
Le nouveau cadre couvrirait toutes les infrastructures de communications et
les services associés
, de sorte que des règles
équivalentes s'appliqueraient à ces réseaux. En pratique,
cela signifie que le nouveau cadre s'appliquerait aux réseaux de
télévision par câble et aux réseaux de
radiodiffusion terrestres.
Par exemple, les autorités réglementaires nationales
appliqueraient les mêmes principes d'octroi de licences
(transparence, non discrimination, proportionnalité et
objectivité)
à tous les types d'infrastructures de
communications et de servies associés
.
Un enrichissement du service universel ?
" Garantir un accès à un prix abordable à tous les
services de communications nécessaires pour participer à la
société de l'information reste une priorité fondamentale
pour la Commission "
est-il affirmé dans la communication
précitée. Le cadre réglementaire actuel définit un
ensemble de services qui constituent le service universel. Ces services peuvent
être financés par des systèmes de financement qui
indemnisent le fournisseur du service universel par une contribution de ses
concurrents, si les Etats membres jugent que la fourniture du service universel
impose une charge inéquitable à l'exploitant
désigné pour fournir cet ensemble de services. Actuellement, la
France est le seul Etat membre à disposer d'un fond opérationnel
pour le financement du service universel. Les Etats membres peuvent imposer des
obligations supplémentaires au périmètre défini de
service universel, mais ils ne peuvent obliger les exploitants à
contribuer à leur financement.
Outre la possibilité de financer l'accès public aux services
sur le budget de l'Etat (par exemple pour les écoles et les
bibliothèques), les Etats membres garderaient, dans les propositions de
la commission, la possibilité de mettre en place les mécanismes
de financement du service universel évoqués plus haut.
Cependant, la Commission souhaite évaluer soigneusement les types, il
existe un risque de distorsion de la concurrence et de subvention
croisée inéquitable.
La Commission propose toutefois de maintenir à ce stade la
définition et la portée actuelles du service universel,
même si elle propose de mettre des critères pour l'extension
possible de son champ d'application, ainsi que des mécanismes de
réexamen périodique, dans la législation communautaire.
Votre rapporteur estime que ce point devra faire l'objet d'une implication
particulière du Gouvernement et du Parlement pour arriver à un
élargissement du service universel.
Un renforcement de la concurrence au niveau de la boucle locale
La Commission juge urgent d'agir pour renforcer la concurrence au niveau de la
boucle locale -c'est-à-dire entre le canal local et les locaux de
l'abonné-. Les exploitants en place continuent, en effet, à
dominer le marché de la fourniture de services de communication au
niveau local. La possibilité d'utilisation d'infrastructures nouvelles
et d'infrastructures de substitution existantes (par exemple les réseaux
de télévision par câble ou les boucles locales sans fil)
par de nouveaux exploitants de services de communications a
théoriquement accru le choix des consommateurs mais, dans de nombreux
endroits, ce choix n'existe pas encore.
Observant que les autorités réglementaires nationales de nombreux
Etats membres -ce n'est pas encore le cas en France- adoptent des mesures pour
que les exploitants en place procèdent au
" dégroupage " de leurs réseaux d'accès local
afin que des prestataires de services concurrents puissent les utiliser, la
Commission se félicite de cette évolution et considère que
l'action communautaire ne peut attendre l'adoption de mesures
législatives dans ce domaine. La Commission indique qu'elle
" fera usage des pouvoirs que lui confèrent les règles du
traité en matière de concurrence pour encourager le
dégroupage de la boucle locale dans l'ensemble de l'Union
européenne "
.
Les négociations ne font que commencer, mais votre commission pour
avis compte bien être particulièrement attentive à leur
déroulement
.
3. La situation française
Votre rapporteur pour avis dispose de données fournies, en réponse à ses questions, dans le cadre de la préparation du présent rapport, par l'ART, qui permettent d'évaluer, segment par segment, le dynamisme du marché français des télécommunications.
a) Le marché des infrastructures alternatives
Deux ans
après l'ouverture à la concurrence, les principaux offreurs
d'infrastructures alternatives au réseau de France Télécom
sont les suivants :
-
les offreurs
, qui disposent de " fibres noires " sur
des boucles locales ou métropolitaines (Telcité, FOD ou ADP), sur
des axes longue distance (les autoroutiers : Cofiroute, Sanef, ASF, SAPRR,
AREA, mais aussi LDCOM, du groupe Louis Dreyfus, qui utilise les voies
navigables), ou encore vers l'international (Eurotunnel et Hermès). Les
infrastructures de ces sociétés sont estimées, fin 1998,
à 6.270 kilomètres d'artères et plus de
230.000 kilomètres fibres,
soit 11 % du total de la
capacité de France Telecom
(2 millions de km/fibres) ;
-
les opérateurs
: Worldcom, Colt,
Télécom Développement (TD), Cégétel, Siris,
Belgacom, Kertel, Rslcom, Esprit Télécom notamment, se sont
positionnés sur ce segment. Les infrastructures détenues en
propre par ces opérateurs représentent environ
8.700 kilomètres d'artères (dont 7.900 pour TD). Ces
opérateurs utilisent également les " fibres noires "
louées aux sociétés d'infrastructures. Le marché de
la location de fibre noire est d'ailleurs évalué à
près de 240 millions de francs pour l'année 1998.
b) Le marché des capacités de transmission15( * )
Le
marché de la capacité de transmission nationale est fortement
dominé par France Télécom. En effet, le chiffre d'affaires
total des ventes de capacités alternatives à France
Télécom est estimé à près de
200 millions de francs contre une estimation, à fin 1998, pour
France Télécom, de 5,3 milliards de francs, soit à
peine 4 % de parts de marché.
Les principaux acteurs en 1998 sont Cable and Wireless, Eurotunnel, WorldCom,
ADP, et Colt.
Les acheteurs de capacités se répartissent quant à eux
entre des acheteurs de boucle locale (Worldcom et Colt) et des acheteurs de
longue distance (le secteur bancaire est un secteur très consommateur de
bande passante vers l'international). Les grands comptes représentent
près de 60 % des ventes de capacités
évaluées.
c) Le marché de la téléphonie longue distance et internationale
En 1998,
la concurrence a essentiellement portée sur les
appels longue
distance et internationaux
. Sur ce marché, d'un point de vue
pratique, on peut identifier deux principaux types de services : les
services de sélection du transporteur et les services de cartes
téléphoniques.
les services de sélection du transporteur
sont accessibles
par abonnement, l'utilisateur devant désigner la ligne
téléphonique par laquelle il passe ses appels, soit par un
préfixe à un chiffre (E) soit par un préfixe à
quatre chiffres (16XY).
Fin 1998, les principaux opérateurs sur ce marché étaient
Cégétel (le " 7 ") qui comptait
651.000 abonnés, et Omnicom (préfixe 5) avec
70.000 abonnés. Les services commerciaux des autres
opérateurs titulaires de E ont en général
été ouverts en 1999 : c'est le cas notamment du
" 4 " (Télé 2).
Fin 1998, les concurrents de
France Télécom représentaient 5 % du trafic national
longue distance et 6 % du trafic international.
le marché des cartes téléphoniques
est
composé des cartes prépayées, d'une part, et des cartes
accréditives (associées à un compte
téléphonique ou bancaire), d'autre part.
Pour les cartes prépayées
, on distingue la
" télécarte " de France Télécom,
utilisable uniquement dans les publiphones et les autres cartes, qui
correspondent à un crédit de communication auprès d'un
opérateur ou d'un fournisseur.
Par ailleurs, on peut différencier ces cartes prépayées
selon leur usage ou leur cible de clientèle : certaines sont
vendues par les opérateurs et les entreprises de " call-back "
directement auprès des utilisateurs finals, d'autres, à
caractère promotionnel, sont proposées à un client
intermédiaire qui les utilise pour faire la promotion de ses produits et
services ; d'autres, enfin, sont commercialisées par les
opérateurs de téléphonie mobile (Mobicarte de France
Télécom par exemple ou Nomad de France Télécom).
S'agissant des " cartes accréditives ",
elles
permettent d'appeler partout, sans limite de crédit, après
composition d'un code personnel d'identification, et offrent le plus souvent
des services supplémentaires (cartes utilisables comme porte-monnaie
électronique ou carte de crédit de la grande distribution).
En dehors de France Télécom, on comptait en France, en 1998,
37 cartes commercialisées par 20 opérateurs.
d) Le marché de la " boucle locale "
Votre
rapporteur entend ici le marché de la boucle locale comme celui de la
fourniture au client final d'un bouquet de services incluant la fourniture de
l'accès et du trafic local et longue distance de
téléphone, de trafic d'accès à Internet, et, de
plus en plus, la fourniture de services à haut débit.
Les modalités du raccordement des clients sont a priori nombreuses
(boucle locale filaire, réseau câblé, réseau de
téléphonie mobile, boucle locale radio, liens satellites,
liaisons louées), même si toutes ne s'adressent pas à la
même cible de clientèle, ni aux mêmes zones et ne sont pas
toutes au même niveau de développement.
Les acteurs agissant aujourd'hui sur la boucle locale en France sont
principalement :
- des acteurs ayant déployé des réseaux de fibres
optiques propre, à destination de gros consommateurs professionnels. Ces
réseaux sont en général déployés dans des
zones à forte activité ;
- les cablo-opérateurs, au sein desquels on peut distinguer, d'une
part, des cablo-opérateurs relativement récents qui ont
d'emblée déployé des réseaux permettant d'offrir
des services de télécommunications et, d'autre part, des
cablo-opérateurs plus anciennement installés, dans l'audiovisuel
en général, qui modernisent leur réseau, en vue de les
adapter à la fourniture de services de télécommunications.
La clientèle visée, composée de résidentiels et de
professionnels, est le plus souvent urbaine ;
- les opérateurs mobiles (v.supra). A noter que les offres
actuelles ne portent que sur les bas débits.
Pour développer la concurrence sur la boucle locale, l'ART a
lancé au cours de l'année 1998 une phase d'expérimentation
des technologies de " boucle locale radio ". Les opérateurs
peuvent ainsi établir des réseaux expérimentaux raccordant
par voie radio des abonnés résidentiels et des entreprises, et
tester sur ces réseaux la fourniture de l'ensemble des services de
télécommunications, dont la téléphonie fixe et
l'accès à Internet. Au total, 23 expérimentations
réparties dans toute la France et conduites par
16 sociétés ont ainsi été autorisées.
e) Le marché des services de transmission de données
Ce
marché est celui où la concurrence sur le territoire national est
la plus ancienne. Les principaux offreurs de service de transmission de
données concurrents à France Télécom/Transpac sont
Cégétel, Siris et Equant, qui offrent des services de
données en national, Worldcom qui a une offre internationale et IBM GS
qui offre des services à valeur ajoutée.
Le chiffre d'affaires des concurrents de Transpac s'élève
à près de 900 millions de francs à la fin de 1998,
parmi lesquels seuls 50 % concernent la transmission de données (le
reste étant composé de liaisons louées). Le chiffre
d'affaires de Transpac est de 5,9 milliards de francs 1998. La part de
marché des concurrents peut donc être estimée à
7 % en 1998. L'activité des concurrents de France
Télécom reste centrée sur les entreprises. Le chiffre
d'affaires est réalisé en grande partie par les grands comptes
(70 % chez Cégétel contre 30% pour les PME) mais tous les
acteurs se positionnent désormais sur ce marché des PME.
f) Le marché de l'accès à Internet
Le
marché de l'accès à Internet comptait environ
250 fournisseurs d'accès à la mi-1998
. On distingue
le marché résidentiel, où l'accès se fait
principalement par le réseau téléphonique commuté,
à un débit de 28 ou 59 kbits/s, plus marginalement par la
câble à des débits nettement plus élevés, et
le marché professionnel, où l'accès se fait principalement
par le réseau téléphonique commuté, soit par le
RNIS
16(
*
)
, soit par le câble ou par
liaison louée.
Sur le marché résidentiel, 4 principaux fournisseurs
d'accès (ISP) représentaient en 1998 plus de 80 % du
marché :
PARTS DE MARCHÉ DES FOURNISSEURS D'ACCÈS À INTERNET
Wanadoo (France Télécom) |
29,5 % |
AOL/Compuserve/HOL (Cégétel) |
31 % |
Club Internet (Lagardère) |
14 % |
Infonie |
8 % |
Autres |
17,5 % |
Source : IDATE
L'apparition fin 1998-début 1999 de formules d'accès à
Internet à abonnement gratuit, attractives pour les petits utilisateurs,
pourrait modifier sensiblement la structure du marché.
g) La téléphonie mobile
Les chiffres régulièrement communiqués par l'observatoire des mobiles confirment l'envolée spectaculaire de ce marché dans notre pays, qui compte désormais 17 millions d'abonnés, soit 28,5 % de la population.
LE MARCHÉ DES MOBILES AU 31 OCTOBRE 1999
|
Parc de |
Croissance nette |
|||
|
clients |
mensuelle |
% |
6 derniers mois |
% |
France TELECOM |
|
|
|
|
|
Itinéris-Ola |
8 209 800 |
379 000 |
4,8% |
1 922 400 |
31 % |
Améris (France Caraïbes mobiles) |
163 700 |
10 300 |
6,7 % |
45 700 |
39 % |
Total numérique |
8 373 500 |
389 300 |
4,9 % |
1 968 100 |
31 % |
Radiocom 2000 TDV & mixte |
700 |
-100 |
-12,5 % |
-9000 |
-56 % |
TOTAL |
8 374 200 |
389 200 |
4,9 % |
1 967 200 |
31 % |
CEGETEL |
|
|
|
|
|
SFR GSM |
6 079 800 |
295 000 |
5,1 % |
1 349 000 |
29 % |
SRR |
97 100 |
5 500 |
6,0 % |
34 300 |
55 % |
TOTAL |
6 176 900 |
300 500 |
5,1 % |
1 383 300 |
29 % |
BOUYGUES |
|
|
|
|
|
Bouygues Télécom |
2 553 000 |
192 100 |
8,1 % |
843 200 |
49 % |
TOTAL numérique |
17 103 400 |
881 900 |
5,4 % |
4 194 600 |
32 % |
Total analogique |
700 |
-100 |
-12,5 % |
-900 |
-56 % |
TOTAL GENERAL |
17 104 100 |
881 800 |
5,4 % |
4 193 700 |
32 % |
Source : Observatoire des mobiles
Les parts de marché se répartissent de la façon
suivante : Itinéris 49 % ;
SFR 36,1 % ; Bouygues Telecom 14,9 %.
Pour clore ce bilan sur la situation française des
télécommunications, votre rapporteur pour avis aimerait formuler
deux observations :
Les bienfaits de la concurrence ne font guère de doute,
contrairement à ce que voudraient faire croire certains zélotes
du statu quo en matière postale ou énergétique.
L'ouverture des télécommunications a généré
de la croissance, des investissements, de l'emploi. Elle a
bénéficié aux entreprises et aux consommateurs en
diversifiant l'offre et en baissant les tarifs. Rappelons que le prix du panier
des ménages de l'ART, à l'indice 100 en 1996, s'établit en
1999 et celui des entreprises à 78.
L'évolution réglementaire n'est pas aboutie. En
particulier, votre rapporteur pour avis souhaite une mise en oeuvre rapide de
la promesse gouvernementale du dégroupage partiel de la boucle locale
afin de lever les derniers freins au développement de la concurrence.
II. DES MUTATIONS FRANÇAISES À PARACHEVER
A. FRANCE TÉLÉCOM : UNE CROISSANCE FORTE, MAIS UNE STRATÉGIE INTERNATIONALE ENCORE EN DEVENIR
1. Une activité toujours " tirée " par les mobiles et Internet
Les
résultats semestriels publiés par France Télécom en
septembre 1999 attestent de la toujours vigoureuse croissance de ses
activités et de sa rentabilité :
Le chiffre d'affaires consolidé
du groupe atteint, au premier
semestre 1998, 12.980 millions d'euros, en hausse de 9,2% par rapport
à la même période de 1998 (11.883 millions d'euros). A
périmètre et taux de change constants, la croissance
s'établit à 7,4 %.
L'" EBITDA
17(
*
)
"
progresse de 10,1 % à 4.907 millions d'euros contre
4.457 millions d'euros sur les six premiers mois de 1998, principalement
grâce à l'amélioration sensible de la rentabilité de
l'activité mobiles en France.
Le résultat opérationnel
s'établit à
2.404 millions d'euros pour le premier semestre 1999, en augmentation de
14,3 % par rapport au premier semestre de 1998 (2.104 millions
d'euros).
Le résultat avant impôts, participation et
intérêts minoritaires
, progresse de 10,1 % à
2.101 millions d'euros contre 1.908 millions d'euros au premier
semestre 1998.
Le résultat net consolidé part du Groupe
reste stable
(+0,2 %) à 1.158 millions d'euros, sous l'effet d'une hausse
du taux effectif d'imposition et d'une diminution des plus-values de cessions
réalisées.
Pour le téléphone fixe, la transmission de données et
Internet :
Après quelques années de baisse du chiffre d'affaires due au
rééquilibrage tarifaire engagé fin 1996, l'objectif de
stabilisation des revenus de la téléphonie fixe en France est
atteint.
Par ailleurs, on note une amélioration de la
productivité et donc du résultat opérationnel courant -en
baisse de 7,4 % à 2.438 millions d'euros-.
Le
développement de l'Internet et des nouveaux usages
compense le
ralentissement de la croissance de l'activité liée à la
téléphonie fixe traditionnelle.
Le trafic de l'Internet permet
plus de 40 % de la croissance du trafic téléphonique
global
au cours du premier semestre 1999.
Le service d'accès à Internet Wanadoo compte
768.000 abonnés à fin juin 1999, en progression de
55 % en six mois.
Ce succès confirme la place de leader de
France Télécom, avec près de 37 % du marché
français des fournisseurs d'accès Internet. En termes d'audience,
Wanadoo et Voilà sont en tête des portails de langue
française, avec plus de quatre millions de pages vues par jour.
Au premier semestre 1999, le nombre de liaisons louées haut et moyen
débit progresse de 42 %. Dans le même temps, le volume de
transmission de données Internet a été multiplié
par trois.
Votre rapporteur se félicite de l'engagement de l'opérateur
historique dans l'Internet, qui constitue un levier puissant pour le rattrapage
du retard français en la matière.
Pour la téléphonie mobile :
Soutenu par la forte croissance du parc d'abonnés, le chiffre d'affaires
d'Itinéris progresse de 43,4 % à 2.337 millions
d'euros. L'augmentation de la rentabilité est très nette :
le résultat opérationnel courant atteint 374 millions
d'euros contre 70 millions d'euros un an auparavant, soit une progression
de 432 %.
En deux ans, le nombre de clients Itinéris a ainsi été
multiplié par plus de 3,5. Par ailleurs, la mise en place d'un programme
efficace de fidélisation des clients a permis de réduire d'un
sixième le taux de résiliation d'un semestre à l'autre, et
ce malgré le développement des cartes prépayées.
Au-delà de ce palmarès, votre rapporteur pour avis
s'inquiète de la dégradation du climat social au sein de
l'entreprise dont les personnels ont, rappelons-le, conservé un statut
de fonctionnaires
.
2. L'international : un passage à la vitesse supérieure ?
Loin de
votre rapporteur pour avis l'idée de nier les progrès à
accomplir pour le développement européen de France
Télécom !
En effet, le chiffre d'affaires international représente
désormais 10,4 % de celui du groupe.
Le nombre d'abonnés (fixes, mobiles et Internet) à France
Télécom est en croissance de 263 % en Europe (220.000) entre
98 et 99.
Outre les récents rachats ou prises de participation
évoqués (E-Plus en Allemagne et NTL en Grande-Bretagne),
l'opérateur est en effet déjà présent en Belgique
(Robistar), en Suisse (Multilink), en Italie (Wind), en Grèce (Panafon),
en Espagne (Uni 2), au Portugal (Optimus), aux Pays-Bas (Casema, Delft
Dutehtone et réseaux câblés de La Haye), en Norvège
(Eltele) et en Suède et Finlande via Global One. France
Télécom détient également une part significative de
Telecom Argentina.
Toutefois, la rupture avec Deutsche Telekom a bel et bien laissé
l'opérateur orphelin d'une véritable stratégie
internationale. Outre le sérieux handicap -en voie d'être
comblé par le rachat d'E-Plus- de la non présence sur le
marché allemand, c'est toute la stratégie extérieure qui
s'est trouvée fragilisée.
Dans le contexte actuel de fusions-acquisitions, et compte-tenu des
survalorisations boursières des sociétés du secteur, les
marges de manoeuvre de France Télécom pour financer son
développement international ne sont pas infinies. Outre les ressources
propres de l'opérateur, les recettes de la vente éventuelle de la
participation détenue dans Deutsche Telekom, l'opérateur peut
théoriquement compter, le cas échéant, sur la marge qui
existe entre la participation actuelle de l'Etat (62 %) et la part qu'il
doit conserver au capital (plus de la moitié) en vertu de la loi.
La particularité de l'entreprise nationale, souhaitée en 1996 par
votre Haute Assemblée en raison de ses missions de service public
(entreprise possédée aux deux tiers de l'Etat et composée
majoritairement de fonctionnaires) n'a pour l'instant pas été un
handicap à son développement. Votre commission pour avis est
toutefois attentive, dans le contexte actuel, à cet aspect de la
question.
B. LE SERVICE UNIVERSEL DES TÉLÉCOMMUNICATIONS : DEUX LACUNES REGRETTABLES
1. L'annuaire universel toujours aux abonnés absents !
La loi
de réglementation des télécommunications avait
prévu, en contrepartie de l'ouverture à la concurrence,
l'élaboration
d'un annuaire rassemblant les coordonnées de
tous les abonnés
, quel que soit le réseau de
télécommunications qu'ils ont choisi. Cet annuaire universel est
une composante essentielle du service universel des
télécommunications. Compte tenu du caractère
commercialement stratégique des informations qu'elle contient, la liste
de l'ensemble des abonnés servant à établir cet annuaire
devait être, en vertu de la loi, gérée par un organisme
indépendant. Un décret était prévu pour
déterminer, notamment, le statut de cet organisme et les
modalités de gestion de cette liste.
Il n'est toujours pas paru
.
L'actuelle difficulté, qui en découle, à obtenir, faute
d'annuaire exhaustif, les coordonnées des abonnés des autres
réseaux, est contraire aux principes de
simplicité et
d'accessibilité du service public
des
télécommunications, pourtant inscrits dans la loi. Les
abonnés des opérateurs de
téléphonie mobile
sont aujourd'hui les premiers concernés par la création d'un tel
annuaire.
Votre rapporteur pour avis a déjà exprimé son
désaccord face à cette situation et a interpellé le
Gouvernement sur ce sujet, notamment lors du débat sur le projet de loi
de finances pour 1999, ainsi qu'au moyen d'une question écrite. Aucun
calendrier précis d'élaboration du décret concerné
ne lui a toutefois été fourni à ces occasions, non plus
qu'en réponse à la question posée lors de la
préparation du présent rapport.
Les enjeux économiques
liés à la consolidation de la liste de tous les abonnés,
expliqueraient-ils, au-delà des seuls aspects techniques, le retard
pris ?
On ne peut que déplorer que la volonté du législateur ne
se soit toujours pas concrétisée, trois ans après le vote
de la loi. Or, tout se passe comme si le Gouvernement ignorait qu'il dispose de
moyens juridiques pour mettre fin à cette situation !
Le dispositif législatif actuel distingue deux fonctions : une
fonction de gestion de la liste universelle, sur la base des listes de leurs
abonnés fournies par les opérateurs, confiée à un
organisme indépendant ; une fonction d'édition de l'annuaire
universel sous forme imprimée et électronique, confiée
à France Télécom.
La loi de 1996 avait conçu cette première fonction de
constitution d'un fichier universel comme un monopole confié à un
organisme indépendant, charge à ce dernier de céder sa
liste aux éditeurs d'annuaires à un prix équilibrant ses
coûts.
Or, la directive n° 98/10
18(
*
)
a imposé aux opérateurs l'obligation de
céder leur liste d'abonnés à un tarif fondé sur les
coûts à toute personne qui en fait la demande, aux fins
d'édition d'annuaires universel, faisant du même coup tomber le
postulat monopolistique sur lequel reposait le système
français
. Dans ce contexte, il est avancé par
l'administration que l'organisme indépendant chargé de la
constitution de la liste universelle ne pourrait, dans des conditions
acceptables par tous les opérateurs, tirer suffisamment de revenus de
cette activité pour assurer son seul fonctionnement. Il ne serait donc
en mesure d'exercer convenablement cette activité qu'en recourant
à des fonds publics, hypothèse qui aurait pour effet de peser sur
l'équilibre du budget de l'Etat et qui semble donc écartée
par le Gouvernement. Cette situation expliquerait le retard pris dans la
progression de ce dossier, notamment pour ce qui concerne la première
étape, c'est-à-dire la publication du décret d'application
des dispositions législatives.
Soit ! Mais qu'attend-on pour mettre en place un mécanisme
alternatif permettant l'élaboration de l'annuaire universel ?
L'Autorité de régulation des télécommunications,
dans son dernier rapport annuel, a souligné
la
nécessité de parvenir rapidement à une solution
respectant les principes suivants :
- garantir, au nom du service public, la mise à disposition d'un
annuaire universel, regroupant l'ensemble des abonnés à
l'exception de ceux qui ne souhaitent pas y figurer ;
- assurer une concurrence loyale sur le marché des annuaires ;
- offrir une égalité de traitement aux abonnés de
tous les opérateurs ;
- constituer une solution aussi simple et efficace que possible ;
- définir clairement les modalités de valorisation de la
liste universelle et de son utilisation à des fins commerciales.
La Commission supérieure du service public des postes et
télécommunications a, quant à elle, rendu
, le
30 juin dernier, un avis sur différentes solutions envisageables
pour la mise en place de l'annuaire universel, dans lequel elle suggère
de résoudre cette question au moyen d'une modification de
l'article L.35-4 du code des postes et télécommunications,
à l'occasion de la transposition, par voie législative, de la
directive précitée 98/10/CE " ONP Téléphonie
vocale ", ce qui ne permet pas d'envisager la mise en place de l'annuaire
universel dans un délai rapproché, même si la CSSPPT
appelle de ses voeux cette transposition avant la fin de l'année 1999.
On ne peut que regretter que le Gouvernement n'ait encore pris aucune
initiative pour sortir de l'impasse actuelle, alors que c'est
l'accessibilité du service public des télécommunications
qui est en cause. La réponse écrite de l'administration à
votre rapporteur est on ne peut plus évasive :
" Cette
transposition "
(de la directive précitée)
" qui
requiert une modification législative, sera effectuée dès
que possible ".
2. Des tarifs " sociaux " qui n'existent qu'en théorie
La loi
précitée du 26 juillet 1996 a prévu la mise en
place de tarifs téléphoniques spécifiques pour certaines
catégories de personnes rencontrant des difficultés dans
l'accès au service téléphonique en raison notamment de
leur niveau de revenu de leur handicap.
Le décret nécessaire à leur mise en oeuvre est enfin paru,
en mars dernier
19(
*
)
.
Le dispositif proposé n'a cependant pas reçu d'application, le
ministre ayant indiqué que l'entrée en vigueur effective
dépendait dorénavant de la capacité des services de la
branche famille de la sécurité sociale à le mettre en
oeuvre.
Ce retard est lui aussi regrettable.
C. COLLECTIVITÉS LOCALES ET TÉLÉCOMMUNICATIONS : DEUX AVANCÉES NÉCESSAIRES
1. Le produit de la taxe professionnelle de France Télécom : le Gouvernement tiendra-t-il ses engagements ?
Alors
que votre commission pour avis demande depuis plusieurs années que la
taxe professionnelle de France Télécom soit versée aux
collectivités locales et non à l'Etat, le débat
budgétaire de l'an dernier a permis au Sénat d'obtenir du
Gouvernement l'assurance que le projet de loi de finances pour 2000 serait
l'occasion d'envisager ce transfert conforme à la
décentralisation et à l'autonomie des collectivités
locales. Le système actuel, hérité de la loi du
2 juillet 1990 sur l'organisation du service public de La Poste et
des télécommunications, est manifestement inadapté
à l'existence d'un secteur désormais libéralisé et
pourrait même entraîner des distorsions de concurrence
défavorables à l'opérateur.
Rappelons que le montant en jeu s'élève
à près
de 6 milliards de francs en 1998
(5,604 milliards, soit le
deuxième impôt payé par France Télécom
après la TVA -16,7 milliards- et avant l'IS -3,6 milliards-).
Signalons aussi, au passage, que l'Etat, actionnaire à 62 % de
France Télécom, a touché en 1999,
4,2 milliards de
francs de dividendes au titre de l'exercice 1998,
l'Assemblée
générale des actionnaires ayant fixé le dividende à
un euro par action.
Divers systèmes ont été proposés par le
Sénat :
- effectuer un transfert pur et simple au bénéfice des
collectivités d'implantation ;
- affecter le produit de cette taxe pour moitié aux
collectivités d'implantation des établissements de
l'opérateur et pour moitié à la péréquation
nationale de la taxe professionnelle ;
- affecter une partie de ce produit à un fonds géré
paritairement entre l'Etat et les élus, permettant de compenser le
surcoût occasionné à La Poste par sa contribution à
l'aménagement du territoire.
Votre commission pour avis attend toujours la réponse du
Gouvernement. Elle observe que le groupe de travail
France-Télécom/ministère de l'économie et des
finances censé recenser et actualiser l'assiette de cette taxe n'a
été mis en place que très tardivement.
La question reste posée : le Gouvernement respectera-t-il son
engagement ? Rien n'engage, hélas, à le penser...
2. Collectivités locales et fibres noires : une liberté en trompe-l'oeil ?
Dans une
optique de rationalisation de la gestion locale, mais aussi
d'aménagement du territoire et de développement
économique, les collectivités territoriales ont parfois
déployé leurs propres infrastructures de
télécommunications.
Les exemples abondent, qu'il s'agisse de la ville de Besançon, du
district du grand Toulouse, de la Communauté urbaine du Grand Nancy et
de divers projets en cours ou à l'étude (communauté
urbaine de Lyon ; syndicat intercommunal de la périphérie de
Paris pour l'électricité et les réseaux de
télécommunications, SIPPEREC).
Des expériences similaires -et souvent plus poussées- existent
d'ailleurs dans les autres pays européens.
C'est ainsi qu'en Grande-Bretagne, dans les pays scandinaves, ou en Allemagne,
des collectivités territoriales peuvent soit disposer de réseaux
de " fibre noire " -c'est-à-dire inactivée- qui sont
loués à une grande diversité d'opérateurs
(24 pour le seul réseau métropolitain " fibre
noire " de Stockholm par exemple), soit jouer un rôle direct dans
l'offre de services de télécommunications (licences
d'opérateurs des villes de Cologne ou de Düsseldorf).
Les expériences françaises actuelles sont moins abouties puisque
les collectivités concernées n'envisagent pas d'exercer
elles-mêmes les fonctions d'opérateur, mais bien de louer leurs
infrastructures à des intervenants du secteur des
télécommunications.
Or, un arrêt du tribunal administratif de Nancy du
18 mars 1999
20(
*
)
a remis en cause la
légalité de telles interventions et placé les
collectivités dans une incertitude juridique difficilement compatible
avec le montant des investissements et le caractère stratégique
territorialement de tels projets.
Soulignons qu'avant même que n'intervienne cette décision de
justice, tant le Conseil de la concurrence que la Commission européenne
avaient jugé compatibles avec le droit de la concurrence -et même
bénéfiques s'agissant de l'ouverture de la boucle locale- de
telles interventions des collectivités.
Le premier ministre en approuvait quant à lui le principe, au cours
d'une conférence de presse le 19 janvier 1999. L'ART y
était favorable.
Pour lever cette incertitude juridique, le Sénat, représentant
constitutionnel des collectivités locales, a adopté, lors de la
discussion du projet de loi d'aménagement et de développement du
territoire, sur proposition de votre rapporteur pour avis, un amendement
clarifiant le cadre d'intervention des collectivités pour la location de
leurs infrastructures de " fibre noire ".
Hélas, le Gouvernement, pour des motifs inavoués -jacobinisme
excessif ou refus de l'actionnaire majoritaire de l'opérateur dominant
de la boucle locale de voir s'y installer la concurrence ?-, suivi par
l'Assemblée nationale , ont refusé de s'engager dans la voie
tracée par le Sénat. Le texte finalement adopté,
le
nouvel article L.1511-6 du code général des
collectivités territoriales, a été accueilli par la presse
et les acteurs du secteur comme un mauvais coup porté au
développement de la concurrence et à la liberté
d'administration des collectivités territoriales
.
En outre, d'après votre rapporteur, confirmé en cela par
plusieurs juristes ayant analysé le texte, l'incertitude juridique est,
malgré l'adoption de cet article, très loin d'être
levée, comme incite à le penser l'article suivant :
LE NOUVEL ARTICLE L.1511-6 : UN " NID À CONTENTIEUX " POUR LES COLLECTIVITÉS LOCALES ?
" La rédaction (...) comporte une condition
restrictive qui porte en elle
bien des motifs de risques contentieux
.
Elle subordonne en effet le don de réaliser des infrastructures de
réseaux de télécommunications à la condition
" que l'offre de services ou de réseaux de
télécommunications à haut débit (...) n'est pas
fournie par les acteurs du marché à un prix abordable ou ne
répond pas aux exigences techniques et de qualité ces [ces
collectivités ou établissements] attendent ".
Ces termes semblent contenir bien des ambiguïtés.
Tout
d'abord, la notion de " prix abordable " appellera une
définition jurisprudentielle car elle ne répond à aucune
mesure objective et quantifiable (...).
La procédure de publicité est également susceptible
d'être source de contentieux dès lors qu'elle n'est pas
définie que d'une manière générale. Quel type de
publicité ? Auprès de quels acteurs du marché ?
Pour déterminer quels types de besoins ? Autant de questions
auxquelles les collectivités devront répondre avant de lancer une
procédure. Le formalisme ici n'est pas défini comme dans la loi
Sapin sur les délégations de service public. Au surplus,
l'article L.1511-6 nouveau instaure une obligation de publicité
mais non de mise en concurrence. Dans l'attente d'une possible circulaire
(purement indicative depuis les lois de décentralisation), les
collectivités qui souhaiteraient disposer d'un réseau à
haut débit, notamment en vue de favoriser la concurrence sur la boucle
locale, devront s'entourer d'un maximum de précautions en
procédant à la publication d'un avis d'appel public
" à propositions ", sur la base d'un cahier des charges
techniques assez précis ".
Source : Article de MM. François Essig et Philippe Delelis, du
cabinet Deloitte & Touch, paru dans " Les échos " du
15 novembre 1999.
Votre commission pour avis regrette que les collectivités ne
disposent toujours pas de la sécurité juridique indispensable
à la gestion locale. Elle regrette que l'actuelle majorité n'ait
pas voulu faire confiance aux collectivités !
CHAPITRE IV -
LES TECHNOLOGIES DE
L'INFORMATION : VERS UN RATTRAPAGE FRANÇAIS
I. LES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION : 20 % DE LA CROISSANCE FRANÇAISE ET BIENTÔT 10 MILLIONS D'INTERNAUTES
Le
ministère de l'économie a annoncé, lors de la
présentation, mi-octobre, de la deuxième édition du
" tableau de bord de l'innovation ", que
les nouvelles
technologies de l'information assuraient désormais 20% de la croissance
française.
Parallèlement, l'objectif des 10 millions d'abonnés à
Internet en France à la fin 2000 apparaît de plus en plus
réaliste, ce qui atteste du rythme fulgurant de l'augmentation du taux
de pénétration de ce service ; les différentes
études chiffrent actuellement entre 4 et 8 millions
21(
*
)
le nombre actuel d'Internautes dans notre pays.
Le groupe de travail " chiffres, tendances et perspectives " de la
mission " commerce électronique ", mise en place par le
ministère, a dressé un bilan chiffré de la
pénétration de ces technologies, qu'il faut toutefois
considérer comme donnant des ordres de grandeur davantage que des
chiffres exacts, tant sont délicats le recueil et surtout la comparaison
dans le temps et dans l'espace de ces données, compte-tenu notamment de
différences de définitions et de méthodes.
Les évolutions dégagées sont les suivantes :
L'équipement informatique progresse
La part des
ménages
équipés d'un micro-ordinateur a
progressé : de 18,5 % en 1997, elle est passée à
26 % en 1999
, contre 38 % en Allemagne et 29 % au
Royaume-Uni.
La proportion de
PME connectées à Internet
croît
très vite : de 2 % en 1994, elle est passée à
24 ù en 1997 et
48 % en 1998.
La croissance des accès à Internet est vive, mais reste
insuffisante pour combler totalement le retard français
Le nombre d'internautes en France est ainsi passé de 400.000 en 1996
à environ 3,5 à 4,5 millions début 1999
(d'après une synthèse d'estimations).
Malgré cette croissance, la France demeurerait pourtant en recul sur ce
point par rapport aux autres pays développés :
NOMBRE D'INTERNAUTES PAR PAYS
Pays |
Date |
Nombre
|
En pourcentage de la population adulte |
Source |
Allemagne |
Oct 98 |
7,3 |
8,7 |
GFK |
Canada |
Nov 98 |
6,3 |
26,0 |
ComQuest |
Etats-Unis |
Déc 98 |
47 |
24,0 |
eStats |
France |
Fin 98 |
3,5 à 4 |
7,6 |
Synthèse d'estimations |
Japon |
Mars 98 |
12,1 |
9,6 |
Nikkeibp |
Royaume-Uni |
Oct 98 |
7,5 |
16,0 |
BMRB |
La France reste en décalage par rapport
à la
vive croissance mondiale du commerce électronique.
Toujours d'après la même source, le commerce électronique
représenterait environ 520 milliards de francs de chiffres
d'affaires mondial en 1999 (dont 400 pour le commerce inter-entreprises). Les
prévisions pour 2000 mettent ce chiffre d'affaires autour de
1.100 milliards de francs, dont 800 milliards entre entreprises.
La France resterait toutefois à la traîne en la matière,
comme le montre le tableau ci-après :
ESTIMATION DU CHIFFRE D'AFFAIRES DES ACHATS SUR
INTERNET
(HORS
EDI)
22(
*
)
(en milliards de francs)
|
France |
Allemagne |
Royaume-Uni |
Etats-Unis |
Résidentiel |
0,5 |
0,8 |
3,7 |
32 |
Entre entreprises |
2 |
3-4 |
nd |
100 |
Source : Synthèse d'estimations
En revanche, d'après l'AFTEL
23(
*
)
,
environ 6 à 8 milliards de francs d'achats transiteraient encore en
France annuellement sur le Minitel.
II. L'ANNONCE DU PROJET DE LOI " SOCIÉTÉ DE L'INFORMATION "
Le
premier ministre a annoncé le dépôt prochain d'un projet de
loi sur la société de l'information.
Votre rapporteur pour avis estime qu'en matière de
société de l'information, un certain nombre de points de droit
demeurent aujourd'hui encore non résolus. Il s'agit :
- des voies et moyens du " contrôle " des contenus, depuis
la censure par le Conseil Constitutionnel d'un amendement du Gouvernement et de
votre Commission à la loi de réglementation des
télécommunications du 26 juillet 1996.
- de la question, qui lui est liée, de la
responsabilité
pénale
des fournisseurs d'accès
, pour laquelle votre
rapporteur pour avis a d'ailleurs posé une question d'actualité
au Gouvernement le dernier
24(
*
)
.
Certes, les débats en cours sur le projet de loi relatif à
l'audiovisuel pourraient permettre d'entrevoir une solution, si l'amendement
parlementaire relatif à cette question est définitivement
adopté. Votre commission pour avis sera particulièrement
attentive à ce débat.
D'après la consultation lancée sur Internet par le Gouvernement,
les grandes orientations du projet de loi à venir seraient les
suivantes :
LES GRANDES ORIENTATIONS DU PROJET DE LOI " SOCIÉTÉ DE L'INFORMATION "
Assurer la liberté des communications en ligne
en
clarifiant les droits et libertés de chacun
:
- clarifier les responsabilités des intermédiaires
techniques (opérateurs de transport, de " cache " et
d'hébergement) ;
- assurer la régulation des contenus par la mise en place d'un
organisme et la labellisation des sites ;
- adapter le régime de la propriété
intellectuelle ;
- clarifier la gestion des noms de domaines ;
- veiller à la protection des données personnelles.
Favoriser l'accès du plus grand nombre à la
société de l'information :
- favoriser l'accès à Internet par une baisse des tarifs,
l'introduction de nouveaux moyens d'accès (dégroupage) et une
extension du contenu du service universel des
télécommunications ;
- développer l'accès à Internet à haut
débit ;
- adapter le cadre réglementaire des services de
télécommunications (transposition de directives) ;
- garantir un accès aux décodeurs à des conditions
équitables et non discriminatoires ;
- harmoniser les régimes juridiques des réseaux
câblés et des réseaux de
télécommunications ;
- préparer le développement de la télévision
numérique terrestre ;
- permettre le développement des systèmes à
satellites.
Veiller à la sécurité et à la
loyauté des transactions en ligne
:
- protéger les consommateurs dans les transactions
électroniques ;
- assurer la transparence des réseaux (identification des
parties) ;
- reconnaître la valeur probante de la signature
électronique ;
- instaurer la liberté d'utilisation des moyens de
cryptologie ;
- lutter contre la criminalité, la piraterie et protéger les
réseaux vitaux du pays.
*
* *
Suivant les conclusions de son rapporteur, la commission a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits relatifs aux technologies de l'information et à la poste dans le projet de loi de finances pour 2000.
ANNEXE -
AUDITIONS DE LA COMMISSION SUR LES
MUTATIONS DU SECTEUR POSTAL EN EUROPE
Votre commission a procédé, en commun avec le groupe d'études sur l'avenir de la Poste et des télécommunications qui lui est rattaché, présidé par notre collègue Gérard Larcher, à trois auditions qui ont montré le décalage entre le rythme d'évolution de la Poste et celui de ses concurrents européens, résolument offensives.
I. AUDITION DU PRÉSIDENT ET DU DIRECTEUR GÉNÉRAL DE LA POSTE LE 27 JANVIER 1999
La
commission, conjointement avec le groupe d'études sur l'avenir de La
Poste et des télécommunications, a procédé à
l'audition de M. Claude Bourmaud, président de La Poste, et de M. Martin
Vial, directeur général, sur la stratégie internationale
de La Poste et sur son engagement en faveur de l'aménagement du
territoire.
M. Claude Bourmaud, président de La Poste, a tout d'abord rappelé
les résultats de l'exercice 1998, avec un développement de
l'activité courrier, dont le chiffre d'affaires, d'un montant de 60
milliards de francs, a progressé de 2,6 %. Il a souligné que le
contrat de plan signé en juin 1998 prévoyait une baisse en francs
constants des tarifs pour ce secteur d'activité, à la
satisfaction des grands clients de l'opérateur.
Dans le secteur des colis, activité très concurrentielle, le
groupe a connu en 1998 une progression globale d'activité de 7 % et de
25 % sur le segment de marché, très concurrentiel, dit "
entreprise à entreprise ". Il a estimé que ces résultats
montraient la pertinence de la restructuration de cette activité et de
la segmentation de l'offre.
M. Claude Bourmaud, président de La Poste, a souligné qu'en 1998
les services financiers de La Poste avaient collecté près de 38
milliards de francs, le total des encours se rapprochant de 1.080 milliards de
francs, contre seulement 587 milliards en 1991.
Rappelant la contribution des filiales au dynamisme du groupe, avec une
croissance de 13,6 % du chiffre d'affaires de Sofipost, il a indiqué que
le chiffre d'affaires total du groupe avait augmenté de près de 3
milliards de francs, soit une croissance globale de 3 %.
M. Claude Bourmaud, président de La Poste, a estimé qu'en 1998
l'opérateur avait renforcé sa puissance dans deux domaines : les
assurances, avec l'augmentation de la participation au capital de la Caisse
Nationale de Prévoyance (CNP) et les nouvelles technologies, avec un
récent partenariat avec Sagem.
Abordant le contrat d'objectifs et de progrès signé le 25 juin
1998 avec l'Etat, le président a estimé que, pour la
première fois, La Poste était reconnue comme une entreprise
intervenant dans un marché concurrentiel, ainsi que le montrent les
dispositions du contrat de plan relatives au tarif du courrier, à la
prise en charge de l'accroissement de la charge de retraites par l'Etat,
à la rémunération à hauteur de 1,5 % de la collecte
des fonds des livrets A, à la délégation progressive
à La Poste de la gestion des dépôts des chèques
courants postaux auparavant centralisés auprès du Trésor,
à l'encouragement à l'internationalisation et à
l'utilisation des nouvelles technologies, ainsi, enfin, qu'au nouveau cadre de
concertation territoriale pour envisager l'évolution de la
présence postale territoriale.
Evoquant le plan stratégique pour la période 1998-2002
présenté à son conseil d'administration du 17
décembre dernier, M. Claude Bourmaud, président de La Poste, a
indiqué qu'il fixait des objectifs de croissance très ambitieux,
parmi lesquels un doublement, de 5 % à 10 %, de la part de chiffre
d'affaire réalisée à l'international, y compris pour
l'activité colis. Ce plan stratégique fixe pour l'activité
financière l'objectif d'atteindre les 1.400 milliards de francs
d'encours en 2002, contre 1.080 milliards actuellement. Il a également
précisé que La Poste ambitionnait de devenir un des premiers
groupes français d'intégration de services et d'être
à même, par une synthèse des savoir-faire du groupe, de
répondre à de vastes appels d'offres, à l'image du
recensement décennal de l'INSEE, marché de 200 millions de francs
que La Poste a, avec différents partenaires, remporté.
Il a précisé que l'application de la loi sur
l'amélioration et la réduction du temps de travail faisait
actuellement l'objet d'une négociation entre le directeur
général et les organisations syndicales s'inscrivant dans une
démarche de réorganisation visant à mieux répondre
aux besoins des différentes clientèles, et s'inspirant d'une
analyse comparative de l'organisation et de la compétitivité des
concurrents européens de La Poste. Il a relevé que cette
négociation, dont le terme approchait, permettrait vraisemblablement de
compenser, pour les années 1999 et 2000, les 20.000 départs
naturels par 18.200 recrutements et par la création de 1.800 postes
supplémentaires.
M. Claude Bourmaud, président de La Poste, a indiqué qu'il
fallait répondre " à armes égales " aux concurrents
européens de plus en plus pugnaces, qui avaient récemment
renforcé leurs positions en Europe dans les secteurs de la distribution
de paquets, de la logistique, voire de la distribution des lettres. Il a
insisté sur l'accélération, depuis le mois de juin
dernier, de la recomposition de l'environnement postal européen. Il a
souligné que la Poste hollandaise (société anonyme
à capitaux publics détenus à 43 % par l'Etat et
récemment introduite en bourse à Londres, New-York, Amsterdam et
Francfort), qui a racheté, il y a trois ans, l'intégrateur
australien TNT, a, en outre, récemment acquis, pour 2 milliards de
francs, l'entreprise lyonnaise Jet Services, après avoir montré,
par le rachat de la société milanaise Rinaldi, son
intérêt pour la distribution du courrier en Europe. Il a
décrit la stratégie de l'opérateur postal allemand qui,
outre une participation de 25 % au capital de la société de
messagerie express DHL, avait récemment acquis la société
anglaise de logistique Securicor, le suisse Danzas, une petite
société italienne de transport de colis, ainsi que le
français Ducros. Quant à la poste britannique, il a
indiqué que le Gouvernement, s'il avait affirmé sa volonté
de ne pas en changer le statut, avait toutefois mis à disposition de son
président une enveloppe de 10 milliards de francs consacrée aux
acquisitions d'entreprises. La société allemande German Parcel
-qui dispose d'une participation indirecte au capital d'Exapaq, concurrent
français de La Poste pour les colis- vient d'ailleurs, a-t-il poursuivi,
de passer sous le contrôle de Post Office.
Face à ces offensives, M. Claude Bourmaud, président de La Poste,
a estimé que la transposition en droit français de la directive
européenne du 15 décembre 1997 sur les services postaux
communautaires devait intervenir rapidement et que l'opérateur
français devait dès aujourd'hui se préparer à la
deuxième phase probable de libéralisation, fixée par cette
directive à 2003. Il a jugé indispensable que l'offre de services
de La Poste soit adaptée afin d'être aussi large et
compétitive, en termes tarifaires et de fiabilité, que celle de
ses concurrentes, désormais de taille mondiale.
M. Claude Bourmaud, président de La Poste, a encore
précisé que La Poste cherchait à nouer des accords avec
certains partenaires postaux européens. S'agissant de l'acquisition de
sociétés étrangères, il a indiqué que La
Poste avait récemment acheté la société allemande
Denkhaus, ce qui lui donnait accès à 21 % du marché du
monocolis d'entreprise à entreprise en Allemagne.
Le président de La Poste a dressé un tableau du marché du
transport express du monocolis d'entreprise à entreprise en Europe :
l'allemand DPAG représente ainsi 25 milliards de francs de chiffre
d'affaires ; le néerlandais TNT, 17 milliards de francs ;
l'américain UPS, 9,5 milliards de francs ; DPD, 7 milliards de francs ;
La Poste, 4,5 milliards de francs et l'américain Federal Express, 2,7
milliards de francs. Il a estimé que ces chiffres montraient la
nécessité, pour La Poste, d'atteindre une taille critique sur ce
marché.
M. Claude Bourmaud, président de La Poste, a jugé qu'une alliance
capitalistique avec un grand opérateur offrirait un
débouché mondial souhaité par les clients de La Poste. Il
a précisé que les acquisitions effectuées depuis
l'été dernier par les postes européennes avaient
mobilisé des sommes considérables : la poste allemande y avait
consacré 30 milliards de francs sur un chiffre d'affaires de 90
milliards ; la poste néerlandaise avait acheté 24
sociétés pour un montant total de 15 milliards de francs ; la
poste anglaise disposant, quant à elle, d'une enveloppe de 10 milliards
de francs pour sa croissance externe. Il a indiqué que la
stratégie française ne reposait pas sur une politique d'achats
massifs, mais plutôt sur la conclusion de partenariats et d'alliances
capitalistiques.
M. Jean François-Poncet, président, a considéré
que l'exposé du président de La Poste avait mis en lumière
l'accélération des mutations du paysage postal européen,
qui devenait de plus en plus concurrentiel.
M. Gérard Larcher, président du groupe d'études sur
l'avenir de La Poste et des télécommunications, soulignant
l'isolement français face à la constitution de vastes alliances
internationales, a demandé au président de La Poste si l'absence
de capital n'était pas pour l'opérateur le principal handicap
à la conclusion d'une alliance crédible avec les deux grands
acteurs du transport express non encore engagés avec des concurrents de
La Poste : UPS et Federal Express. Il a exprimé ses craintes de voir
s'installer une stratégie de " contournement " de la France par les
opérateurs mondiaux en cours de constitution.
Il a souhaité connaître le coût du passage aux 35 heures
à La Poste, citant une fourchette approximative de 3 à 5
milliards de francs. Il s'est interrogé sur l'exclusion de La Poste du
bénéfice des aides versées par l'Etat pour la
réduction de la durée hebdomadaire du travail, soulignant que
d'autres entreprises publiques, dont France Télécom, n'en
étaient pas exclues.
Rappelant que le rapport d'information qu'il avait présenté au
nom de la commission et du groupe d'études sur l'avenir de La Poste et
des Télécommunications avait chiffré le coût
considérable des missions d'aménagement du territoire
supportées par La Poste, M. Gérard Larcher a interrogé le
président de La Poste sur l'évolution du réseau postal
face à la triple nécessité de rester présent, de
maîtriser les coûts et d'apporter un supplément de services,
alors que le contrat de plan ne prévoit que des moyens limités
pour faire face à cette question.
Estimant que le contrat de plan n'avait permis de régler que
provisoirement la question de l'accroissement du coût des retraites, il a
demandé au président de La Poste comment l'opérateur
mettrait à profit les cinq années couvertes par ce contrat pour
dégager une solution définitive.
M. Claude Bourmaud, président de La Poste, a répondu que, dans le
contexte actuel de frénésie d'achat qui avait saisi l'Europe, il
convenait de " garder la tête froide ". Il a souligné que la
volonté d'acquérir des parts de marché avait conduit
certains opérateurs à surpayer les sociétés
rachetées, sans que la rentabilité de ces investissements soit
évidente. Il a admis que La Poste était actuellement
confrontée au problème du financement de la stratégie
internationale qu'elle souhaitait mettre en place, tout en affirmant qu'il
était possible de mener à bien cette stratégie avec un
budget d'investissement nettement plus modeste que celui dont disposent
certains concurrents. Il a insisté sur l'importance de la prise de
position récente de La Poste en Allemagne, qui mettait
l'opérateur dans une situation plus favorable pour aborder les
négociations avec d'éventuels partenaires stratégiques. Il
a précisé que la stratégie internationale de La Poste
serait formalisée, à cet égard, à la fin du premier
semestre 1999.
S'agissant de la forme juridique de La Poste, et des éventuels
problèmes posés par l'absence de capital, le président de
La Poste a estimé que ces questions relevaient de décisions
politiques qui ne ressortaient pas à son domaine de compétence.
Citant les chiffres considérables de la capitalisation boursière
de certaines sociétés susceptibles de s'allier avec La Poste, il
en a conclu qu'il serait certainement plus réaliste d'envisager, le cas
échéant, un échange de participations croisées
plutôt qu'un rachat pur et simple d'une partie du capital, compte tenu du
coût de cette dernière option.
M. Martin Vial, directeur général de La Poste, a souligné
que la forme juridique des filiales de La Poste, détenues à 100 %
par la maison mère, permettait d'envisager de créer des liens
capitalistiques -d'ailleurs plus vraisemblablement au moyen de la constitution
de filiales communes- avec des partenaires étrangers.
M. Claude Bourmaud, président de La Poste, a rappelé les
progrès accomplis pour désendetter La Poste, et l'existence d'une
marge brute d'autofinancement l'autorisant à envisager sereinement
d'investir.
Le président de La Poste a insisté sur l'importance
stratégique de la période actuelle, estimant qu'en matière
d'alliances, le paysage international devrait être constitué au
plus tard d'ici à la fin 1999.
En ce qui concerne la durée du travail, M. Martin Vial, directeur
général de La Poste, a précisé qu'un accord cadre
national était en cours de négociation avec les organisations
syndicales (soixante expérimentations ayant eu lieu) et que des
études avaient été réalisées sur la
durée réelle du travail à La Poste et sur le
positionnement de l'opérateur par rapport à ses concurrents en
termes d'organisation et de coûts.
Rappelant les chiffres cités par M. Claude Bourmaud, président de
La Poste, en termes de recrutement pour les deux prochaines années, il a
souligné qu'il s'agirait d'emplois permanents, qui permettraient de
réduire le nombre d'emplois précaires. Il a indiqué que la
réduction du temps de travail s'accompagnerait d'une
réorganisation des services permettant le redéploiement de 30.000
emplois, afin que deux tiers des postiers soient, en 2002, au contact du
public. Il a précisé que les négociations en cours
devraient aboutir au respect de l'équilibre économique de La
Poste en liant l'augmentation de la masse salariale à la croissance de
l'activité et qu'elles amélioreraient la qualité du
service rendu en accroissant notamment la disponibilité des bureaux de
poste pour les entreprises en fin d'après-midi, en réduisant les
temps d'attente aux guichets et en améliorant, enfin, la distribution
postale le samedi. A cet égard, il a souligné que la France
était un des seuls pays européens à assurer la
distribution du courrier six jours par semaine en tous points de son
territoire.
S'agissant du coût du passage aux 35 heures, en réponse à
une question renouvelée de M. Gérard Larcher, président du
groupe d'études sur l'avenir de La Poste et des
télécommunications, M. Claude Bourmaud, président de La
Poste, a estimé que le chiffre de 3 milliards, avancé par
certains journalistes, relevait d'une approche purement arithmétique
fondée sur l'hypothèse de la création de 30.000 emplois
nouveaux, hypothèse dont la réalisation n'était pas
envisagée.
Revenant à la question de l'aménagement du territoire, le
président de La Poste a rappelé le contexte actuel
d'harmonisation du marché postal européen, qui se poursuivrait
vraisemblablement après 2003. Il a jugé indispensable que la
compétitivité de La Poste soit améliorée, estimant
que cette dernière souffrait, dans la formation de ses coûts, d'un
handicap de compétitivité qu'il a chiffré à environ
50 centimes, pour un timbre à 3 francs, par rapport à ses
concurrentes.
Il a souligné l'importance de la question du financement des missions de
service public -auxquelles il a rappelé son vif attachement-
assurées par La Poste, alors que partout en Europe les opérateurs
rétrécissent leur réseau domestique : avec seulement
35.000 kilomètres carrés de surface en Hollande,
l'opérateur postal a fermé ou " franchisé " certains
points de contact ; au Royaume-Uni, l'opérateur ne gère
directement plus que 600 établissements, tandis qu'en Espagne, le
réseau postal est passé de 1.600 à 1.400 points de contact
l'an dernier. En France, on recense 17.000 points de contact, dont 3.000
agences postales, ces dernières représentant 1,23 % seulement de
l'activité et 1,37 % des encours financiers, certaines ayant moins d'une
heure d'activité par jour. Il a estimé le surcoût
lié au maintien de ce réseau à 4 milliards de francs.
Le président de La Poste a estimé que, sans entendre
déserter le milieu rural, ce qui n'était nullement son objectif,
il souhaitait une " mutualisation " de ce coût entre les administrations,
La Poste, les collectivités locales, les entreprises publiques ou
privées, afin de " dépenser moins ". Il a précisé
que le contrat de plan s'engageait résolument dans une démarche
de concertation, avec la mise en place des " commissions départementales
de la présence postale territoriale ". Insistant sur l'importance qu'il
accordait à cette concertation, il a toutefois indiqué que, dans
le cas où elle n'aboutirait pas, La Poste étant souvent le seul
service public à être encore présent dans certaines zones,
au moyen d'établissements à faible activité, il ne voyait
pas d'autre possibilité que d'envisager des fermetures, dans la
perspective du choc concurrentiel à venir après 2003. Il a
jugé cette question désormais incontournable.
M. François Gerbaud a souhaité que le Président de La
Poste précise ce qu'il entendait par " un partenariat à niveau
local à moindre coût ". Il l'a interrogé sur l'accueil que
seraient susceptibles de réserver les syndicats au redéploiement
des emplois et à la réduction du nombre de contrats à
durée déterminée. Il a jugé qu'un retrait de la
présence postale en milieu rural ouvrirait la voie à une
implantation de ses concurrents européens. Il a souhaité que
l'Etat contribue davantage au financement des missions d'aménagement du
territoire de La Poste.
M. Pierre Hérisson a indiqué que de même que le groupe
d'études sénatorial sur l'avenir de La Poste et des
télécommunications et la commission supérieure du service
public de La Poste et des Télécommunications, il souhaitait que
l'opérateur soit doté d'un cadre juridique similaire à
celui de ses concurrents, lui permettant de disposer d'un capital. Il a
estimé que la stratégie de l'entreprise devait être
soutenue par une volonté politique au plus haut niveau de
responsabilité et demandé au président sa position sur la
question de l'existence d'un capital pour La Poste. Après avoir
jugé paradoxal le fait qu'EDF bénéficie des aides de
l'Etat pour le passage aux 35 heures -alors que La Poste en est privée-,
il a estimé que l'avenir de La Poste serait gravement compromis si elle
ne concluait pas d'alliances internationales. Evoquant, enfin, l'exemple de la
distribution postale à Londres, le samedi, par des commerces
privés, il a souhaité avoir l'opinion du président de La
Poste sur l'opportunité d'introduire des expériences similaires
en France.
M. Gérard Delfau a, tout d'abord, estimé que les questions
politiques ne relevaient pas de la décision du président de La
Poste. Il a, ensuite, souhaité qu'un débat ait lieu au Parlement
sur La Poste qui soit aussi large que celui tenu en 1990, faute de quoi nombre
de problèmes seraient tranchés non par les pouvoirs publics mais
par les circonstances. Il a interrogé le président de La Poste
sur la seconde étape de la libéralisation postale
européenne, prévue pour l'après 2003 par la directive de
1997. Il a estimé qu'en matière financière,
l'opérateur joue un rôle irremplaçable pour les populations
les plus défavorisées. Il a souhaité à ce sujet
obtenir le nombre exact de personnes auxquelles l'établissement fournit
un véritable " droit au compte bancaire ". Il a jugé qu'il
était indispensable que les nouvelles commissions départementales
de concertation fonctionnent effectivement. Il a estimé qu'en
matière de présence postale, les pouvoirs publics et les
collectivités locales devaient prendre leurs responsabilités,
notamment dans le cadre des contrats de plan Etat-région. Il a
interrogé le président de La Poste sur les coûts exacts
provoqués par le maintien du réseau rural et enfin demandé
au président de quelles dotations budgétaires La Poste disposait
pour ses investissements.
M. Claude Bourmaud, président de La Poste, a fermement affirmé
que la Poste ne souhaitait en aucun cas abandonner ses missions de service
public, dont il a jugé qu'elles étaient essentielles,
particulièrement dans les 500 établissements situés en
zones urbaines sensibles. Mais il a souligné que La Poste devait
également tenir à certains de ses clients, notamment les grands
comptes, un discours réellement commercial. Il a décrit la
situation de certaines agences postales en milieu rural, dont le coût
était disproportionné au regard de leur activité
réelle. Il a souhaité que d'autres administrations et des
entreprises publiques ou privées puissent être
fédérées, dans ces zones, au moyen, notamment, des maisons
de service public qui représentent à son sens une piste à
l'avenir prometteur.
Il a indiqué que la réduction du temps de travail permettrait
d'améliorer le dialogue social et l'offre de services.
Appelant de ses voeux la transposition rapide de la directive européenne
de 1997, il a jugé que l'accélération de la
libéralisation ne se ferait probablement pas avant 2003, même si
les négociations étaient déjà engagées
à la Commission européenne.
Il a précisé que le nombre de clients dits " sociaux " de La
Poste pouvait être estimé à 2,5 millions, M. Gérard
Delfau jugeant ce chiffre plus proche de 4 ou 5 millions.
Répondant à la question relative aux retraites des postiers, M.
Claude Bourmaud, président de La Poste, a rappelé que,
contrairement à France Télécom, l'opérateur ne
disposait pas d'une marge brute d'autofinancement lui permettant de verser une
contribution exceptionnelle à l'Etat afin que ce dernier aligne le taux
de contribution de l'opérateur sur celui de ses concurrents. Il a
estimé que des discussions devraient s'engager avant la fin du
présent contrat de plan pour qu'une solution soit à nouveau
trouvée pour la période suivante.
M. Martin Vial, directeur général de La Poste, a indiqué
que la réduction du temps de travail conduirait à augmenter de 30
% le nombre de recrutements annuels de La Poste, mais qu'elle
n'entraînerait pas une hausse du niveau de l'emploi à La Poste,
compte tenu des départs. Cette réforme permettrait de
transformer, a-t-il poursuivi, des contrats de travail à durée
déterminée en contrats de travail à durée
indéterminée. Il a, en outre, indiqué que La Poste, ne
prévoyant pas d'accroître ses effectifs de 6 %, condition
posée par la loi, n'aurait pu prétendre au bénéfice
des aides de l'Etat.
Répondant à une question de M. Jean-Pierre Plancade, M. Claude
Bourmaud, président de La Poste, a indiqué qu'un rapport de
l'inspection générale des finances avait chiffré à
4 milliards de francs le coût net de la présence postale
territoriale, dont 358 millions de francs pour les zones urbaines sensibles. Il
a souligné que l'abattement fiscal, théoriquement censé
compenser ce surcoût, était de facto réduit par la
réforme de la taxe professionnelle. Il a souhaité que les "
commissions départementales de la présence postale territoriale "
permettent d'établir la transparence des chiffres.
M. Pierre Hérisson a fait part au président de La Poste du
sentiment de nombre de maires, transmis à l'Association des maires de
France, d'un manque de concertation avant les fermetures de points de contact
postaux. M. Claude Bourmaud, président de La Poste, a répondu
que, si la concertation était un préalable indispensable à
la réorganisation de la présence postale, en revanche
l'organisation interne des services relevait de la seule compétence de
l'opérateur.
II. EXTRAIT DE L'AUDITION DU SECRÉTAIRE D'ÉTAT À L'INDUSTRIE LE 3 MARS 1999
Au sujet
de la directive sur les services postaux communautaires, M. Christian
Pierret a indiqué que le projet de loi de transposition serait
déposé dans les premières semaines de 1999, et qu'il
convenait de préparer l'échéance suivante
programmée par la directive. Le ministre a estimé que La Poste
devait conserver son caractère " hybride ", service public à part
entière, assumant des missions d'intérêt
général mais aussi pleinement entreprise, 40 % de son
chiffre d'affaires étant déjà dans le secteur
concurrentiel, et plus à l'avenir.
Le ministre a jugé que ce défi serait difficile à relever,
compte tenu de la mutation du cadre règlementaire européen, des
pratiques de repostage de la poste hollandaise et de la recomposition
capitalistique de nombre d'opérateurs européens.
Le ministre a souhaité que La Poste soit un service public et une
entreprise ouverte sur le plan international. Il a signalé le
récent accord avec la poste sud-africaine, jugeant que
l'opérateur français devait sans tarder trouver d'autres
partenariats pour élargir son implantation européenne.
Le ministre a souligné que si le chiffre d'affaire annuel par agent
s'élevait à 300.000 francs pour la Poste, il était de
550.000 francs aux Pays-Bas et de 320.000 francs en Allemagne. Il a jugé
que cette réalité posait un défi d'envergure à
l'opérateur national et que ce dernier devait impérativement
s'allier à un partenaire européen, fut-il privé, la
question de sa privatisation ne se posant en aucune façon, La Poste
n'étant pas dotée d'un capital.
III. AUDITION DU VICE-PRÉSIDENT DE UNITED PARCEL SERVICES (UPS) LE 31 MARS 1999
La
commission, conjointement avec le groupe d'études sur l'avenir de La
Poste et des télécommunications, a procédé à
l'audition de M. Anton Van der Lande, vice-président de la
société United Parcel Service (UPS) et de M. Patrick Martin,
directeur des affaires publiques Europe d'UPS.
M. Patrick Martin a tout d'abord présenté UPS,
société fondée en 1907 et basée à Atlanta,
qui réalise un chiffre d'affaires mondial de 130 milliards de
francs. Disposant -a-t-il rappelé- de 1.713 centres
opérationnels et de 157.000 véhicules utilitaires, la
société utilise tous les jours 600 avions. UPS a d'ailleurs
procédé à l'acquisition de 30 airbus et envisage d'en
acheter 30 supplémentaires.
M. Patrick Martin a indiqué qu'en Europe, UPS avait son siège
à Bruxelles et organisait son trafic aérien autour de
l'aéroport de Cologne, qui est son " hub " aérien, ou
plate-forme de correspondance.
Il a précisé qu'en France, UPS, dont le siège est à
Orly, emploie 1.500 salariés dans 40 succursales. UPS
expédie chaque jour plus de 30 000 colis dans ce pays,
à destination et en provenance de plus de 200 pays.
M. Anton Van der Lande a estimé que l'entreprise était
organisée pour travailler étroitement avec les pouvoirs publics
pour l'élaboration du cadre réglementaire postal, des
procédures douanières et de la réglementation
aérienne. Il a indiqué qu'UPS participait aux institutions
internationales comme l'organisation de coopération et de
développement économique (OCDE), l'organisation mondiale du
commerce (OMC), l'organisation mondiale des douanes (OMD) ou l'association
internationale du transport aérien (IATA).
M. Anton Van der Lande, après avoir rappelé qu'UPS n'a pas de
vocation postale en Europe, a considéré que son entreprise
était concernée par la mise en place du nouveau cadre
réglementaire européen en la matière.
Evoquant le caractère global et l'approche comparative d'UPS entre les
différents Etats, il s'est interrogé sur les raisons qui rendent,
à son sens, impossible, en France, une approche " transparente et
pragmatique " du secteur postal.
Il a estimé que la transparence comptable était indispensable
dans le secteur postal, et qu'un accès aux comptes de La Poste
était nécessaire. Il a indiqué que, jugeant rentable
l'activité courrier de La Poste, UPS craignait en conséquence que
cette profitabilité ne serve à subventionner l'activité de
colis express de cet opérateur, en France et à l'étranger.
Il s'est alors interrogé sur l'occasion offerte sur le recours à
des financements des collectivités locales -hypothèse à
son sens actuellement envisagée- pour assurer les coûts du
maintien du réseau postal sur le territoire.
M. Anton Van der Lande a souhaité que La Poste respecte,
conformément au contrat de plan signé avec l'Etat, son engagement
de présenter une comptabilité analytique à la fin du
premier semestre 1999, comme l'exige la directive communautaire du 15
décembre 1997 sur les services postaux.
S'agissant de la présence postale sur le territoire, M. Anton Van der
Lande a considéré que, contrairement à la concession au
secteur privé de l'activité postale dans les zones à
faible densité, en cours dans les autres pays européens, le
désengagement de La Poste de ces zones serait probablement, en France,
financé, en vertu du contrat de plan et du projet de loi d'orientation
pour le développement et l'aménagement durable du territoire, par
les collectivités locales.
Il a estimé que La Poste présenterait ainsi aux régions,
départements et communes une facture de 3 milliards de francs
représentant sa charge actuelle d'aménagement du territoire et
que les collectivités étaient en conséquence
fondées à demander des comptes à l'opérateur.
M. Anton Van der Lande a précisé qu'UPS souhaitait accéder
à la comptabilité du service universel postal afin de s'assurer
qu'il n'existait pas de subventions croisées entre les
différentes activités du prestataire du service universel.
Evoquant une culture du secret héritée, à son sens, du
Cabinet des Dépêches de Louis XIV à Versailles, il a
préconisé une plus grande transparence dans le secteur postal
français.
Il a jugé nécessaire, en outre, la mise en place d'outils de
régulation économique dans cette activité, afin d'abaisser
le coût du service universel et de favoriser l'émergence
d'opérateurs nouveaux.
Rappelant que UPS est un acteur majeur du transport express mondial, il a
considéré que son activité d'enlèvement, de suivi
en temps réel, de réalisation des formalités
douanières et de livraison, partout dans le monde, sous un délai
garanti, de colis d'un poids inférieur à 70 kilos était un
élément de la compétitivité des entreprises
clientes. Evoquant les moyens importants nécessités par cette
activité en termes de flotte de véhicules, d'infrastructures au
sol, de moyens informatiques, de télécommunications et de
personnel, il a souligné qu'UPS souhaitait disposer de ses propres
moyens, " de bout en bout ".
M. Anton Van der Lande a insisté sur la différence entre le
marché du courrier et des colis, dont UPS n'est pas partie prenante, et
celui de l'express, apportant un niveau de services bien plus
élevé, à un prix 30 fois supérieur.
Il a jugé que la confiance des clients dans la bonne fin des envois
réalisés par UPS et dans leur rapidité d'exécution
était essentielle, UPS disposant d'ailleurs d'une avance technologique
importante pour le suivi en temps réel des colis, grâce à
de considérables investissements en matière informatique.
M. Anton Van der Lande a estimé qu'UPS remplissait une fonction
d'aménagement du territoire. Présent sur les lieux de production
et d'expédition, l'entreprise permet l'implantation des activités
qui cherchent le meilleur service logistique. En la matière -a-t-il
jugé-, l'offre crée la demande.
Revenant à la libéralisation postale européenne, il a
rappelé que la directive du 15 décembre 1997 proposait un cadre
réglementaire transitoire, en vue d'une libéralisation future et
fait observer que cette directive visait à créer un
système concurrentiel régulé, pour empêcher les
Postes d'abuser de leur position dominante sur leur marché d'origine.
M. Anton Van der Lande a regretté que l'application actuelle de ce
dispositif ne permette pas, à son sens, une véritable croissance
du secteur, pour les raisons suivantes :
- il ne consacre pas de véritable ouverture concurrentielle sur le
marché du courrier ;
- il ne permet pas l'indispensable transparence comptable, contrepartie de
la réservation de services à un opérateur, en vue du
financement du service universel postal. Cette opacité -qui pourrait ne
pas être involontaire de la part des Etats et des opérateurs-
nourrit la suspicion de subventions croisées entre les
différentes activités des prestataires du service universel
postal, qui dissuade les nouveaux entrants de s'investir dans le
marché ;
- il ne règle pas le problème du comportement de certaines
postes européennes, à caractère public, qui financent,
comme c'est le cas en Allemagne, une très vive croissance externe par
une rente monopolistique et des aides d'Etat. Des plaintes ont d'ailleurs
été déposées auprès de la Commission
à ce sujet.
M. Anton Van der Lande a estimé que les postes cherchaient à
ajouter, à leurs activités traditionnelles, des services à
plus forte valeur ajoutée, comme l'express, traditionnellement
développés par des entreprises privées.
Il a jugé que ce comportement n'allait pas sans poser de questions,
quant aux risques pris par l'actionnaire public de ces postes, quant à
la valeur très élevée d'acquisition de certaines
entreprises rachetées et quant à la légitimité d'un
financement par le contribuable européen de la stratégie de
croissance externe des opérateurs publics -d'autant plus douteuse en
France que La Poste, dépourvue de capital, ne distribue pas en retour de
dividendes à son actionnaire-.
M. Anton Van der Lande a déploré que la période
transitoire, établie par la directive avant une plus grande
libéralisation, ait été interprétée par les
gouvernements européens comme une période " de dopage avant
la compétition ", qui s'accompagne, en France, d'un manque total de
lisibilité des circuits de financement entre l'Etat et La Poste ainsi
que d'une impossibilité de comparaison entre les charges de
l'opérateur et celles des entreprises privées.
Il a regretté qu'aucun des quatre critères, permettant à
son sens de juger la réussite d'un processus de libéralisation,
ne soient réunis dans le cas du secteur postal : présence de
nouveaux entrants ; amélioration de l'offre au client ; baisse
des prix ; rentabilité et innovation des entreprises du secteur.
Pour la France, M. Anton Van der Lande a souhaité que les obligations
comptables du prestataire du service universel postal soient
précisées dans un texte de loi, qui permette de disposer des
comptes du service universel, des services réservés, des services
postaux hors service universel et des services rendus sur les autres
marchés. Il a estimé indispensable de distinguer les coûts
de la levée, de la distribution, du tri, du transport et des coûts
commerciaux postaux.
Il a souhaité que la comptabilité analytique de La Poste puisse
être accessible aux autres acteurs du marché postal, ainsi qu'aux
élus locaux.
Il a jugé la mise en place d'une autorité de régulation
indépendante indispensable pour assurer " un contrôle
anti-dopage " du secteur. Il a précisé qu'UPS souhaitait
d'ailleurs une coordination des différentes instances de
régulation européennes.
M. Anton Van der Lande a appelé de ses voeux un débat
français sur le financement des missions d'intérêt
général de La Poste.
M. Gérard Larcher, président du groupe d'études sur
l'avenir de la Poste et des télécommunications, a
évoqué la croissance significative de l'activité d'UPS,
qui transporte chaque jour 5 % du produit intérieur brut
américain, chiffre qui contraste avec l'évolution plus
modérée de l'activité de l'opérateur
français sur le marché de l'express.
Il a interrogé le vice-président d'UPS sur son analyse de la
stratégie de certains opérateurs postaux européens,
tendant à une prise de contrôle de grands intégrateurs
mondiaux et à une introduction en Bourse.
Soulignant que La Poste cherchait un partenaire dans le domaine de la
messagerie internationale, il a considéré que UPS et Federal
Express étaient les deux derniers candidats en lice. Il a demandé
quel serait l'impact du développement du commerce électronique
sur le marché de la messagerie.
M. Anton Van der Lande a tout d'abord répondu que le
développement d'UPS en Europe, bien que soutenu, était toutefois
inférieur aux prévisions initiales de cette
société, en raison de la concurrence déloyale de certains
opérateurs notamment allemand, néerlandais et anglais.
Rappelant qu'UPS est le plus grand opérateur de messagerie
américain, il a indiqué que, sur son marché domestique,
cette société perdait aussi des parts de marché, mais
maintenait sa profitabilité grâce à un avantage comparatif
en termes de suivi informatique des envois et d'ampleur de la flotte et du
réseau mondial.
Il a jugé que le développement du commerce électronique
offrirait des opportunités pour La Poste, compte tenu de sa
présence territoriale importante, atout dont ne disposent pas les
intégrateurs internationaux.
Evoquant la stratégie mondiale très ambitieuse de
l'opérateur postal néerlandais, il a toutefois relevé que
ce dernier n'était encore présent ni en Allemagne, ni aux
Etats-Unis, ni en Asie. S'agissant de la Poste allemande, il a jugé
qu'elle avait un objectif de primauté mondiale et que son
développement dans le secteur de l'express était largement
lié à la perspective de sa prochaine introduction en Bourse.
M. Anton Van der Lande a précisé que, s'agissant d'une
éventuelle alliance avec La Poste, UPS considérerait
systématiquement toutes les occasions commerciales mais qu'il
était, en l'état du cadre concurrentiel européen -à
son sens insatisfaisant- difficile d'envisager sérieusement un
investissement important. Il s'est étonné que la poste allemande
avait pu investir ces derniers mois entre 20 et 30 milliards de francs pour sa
croissance externe, des réserves de financement existant encore à
son sens, qu'il s'agisse de sa future capitalisation boursière, du prix
toujours élevé du timbre allemand ou de la vente du patrimoine
immobilier de cet opérateur.
Il a souligné que La Poste française avait peu de chance de
résister à une concurrence aussi déloyale.
M. Jean François-Poncet, président, a fait observer que le
paysage postal européen avait évolué très
rapidement, l'opérateur allemand semblant désormais
représenter un concurrent plus redoutable que son homologue
néerlandais.
M. François Gerbaud a demandé si une décentralisation de
son trafic aérien était envisagée par UPS, compte tenu de
la congestion actuelle de certains grands aéroports. Il a demandé
si UPS se cantonnerait, en Europe, à l'axe Londres-Francfort-Milan, le
plus dense, surnommé " la banane bleue ". Il a souhaité
savoir si UPS entendait ester en justice pour une meilleure application de la
directive de 1997. Il a enfin interrogé le vice-président sur les
perspectives de réduction des coûts et des délais de
livraison de son entreprise.
M. Anton Van der Lande a précisé que UPS disposait d'une flotte
aérienne très moderne et donc silencieuse,
l'intégralité des aéronefs répondant aux normes du
chapitre III de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI), fait
qui, conjugué à l'accroissement de la capacité unitaire
des avions, limitait les nuisances sonores. Il a considéré qu'une
interdiction éventuelle des vols de nuit remettrait totalement en cause
l'activité d'UPS, rendant impossible une livraison le lendemain.
S'agissant de l'organisation du trafic aérien d'UPS, il a
précisé que la société entendait développer
d'autres " hubs " en Europe.
Il a estimé qu'UPS saisirait la juridiction européenne en cas de
mauvaise application de la directive par les Etats membres, une plainte
étant d'ailleurs pendante contre l'Allemagne.
Il a indiqué que la réduction continue des coûts permettait
à UPS de maintenir sa profitabilité, malgré des pertes de
marché, grâce à une automatisation accrue du triage et des
systèmes informatiques et à une modernisation de la flotte.
M. Pierre Hérisson a demandé quelle était la
stratégie mondiale d'UPS. Evoquant la fin du partenariat, au 1er avril
2001, entre Chronopost et TNT Post Group, il s'est interrogé sur
l'éventualité d'une alliance entre La Poste et UPS après
cette date.
Il a demandé si l'absence de capital de l'opérateur
français était un obstacle à la conclusion d'un
partenariat mondial. Il a interrogé M. Anton Van der Lande sur sa vision
de l'Etat français en tant qu'actionnaire, employeur et
régulateur.
M. Ladislas Poniatowski a estimé que, si la France ne respectait pas la
directive européenne du 15 décembre 1997, l'Allemagne la
respectait encore moins. Il a demandé si UPS avait porté cette
affaire devant la justice.
M. Anton Van der Lande a réaffirmé qu'UPS n'entendait pas
s'investir dans le secteur du courrier traditionnel. S'agissant de l'alliance
avec Chronopost, il a déclaré qu'une proposition raisonnable
intéresserait vraisemblablement UPS, mais que le rapprochement entre La
Poste et l'Allemand DPD, concurrent d'UPS, ne facilitait pas la conclusion
d'une telle alliance.
Il a jugé que l'absence de capital n'était pas un obstacle
dirimant à la conclusion d'un accord avec La Poste, dont le principal
atout résidait dans l'étendue de son réseau. Il a
d'ailleurs souligné que UPS, malgré sa taille, n'était pas
coté en Bourse et s'apparentait à une " coopérative
capitaliste ".
Estimant que ses développements précédents l'amenaient
à émettre un jugement négatif du rôle de l'Etat en
tant que régulateur, il a évoqué les procédures
actuellement en cours auprès des juridictions européennes,
à l'initiative d'UPS, contre l'opérateur allemand.
M. Gérard Larcher a souligné les mutations
accélérées du secteur postal européen, que
révèle, notamment, la stratégie allemande.
IV. AUDITION DU PRÉSIDENT DE TNT POST GROUP (POSTE NEERLANDAISE) LE 7 AVRIL 1999
La
commission a tout d'abord procédé, conjointement avec le groupe
d'études sur l'avenir de La Poste et des
télécommunications, à l'audition de M. Ad Scheepbouwer,
Président de TNT Post Group (Etablissement postal néerlandais).
Après avoir remercié la commission pour son invitation,
M. Ad Scheepbouwer a évoqué les bouleversements en
cours du secteur postal européen, dont la France, l'Allemagne et le
Royaume-Uni étaient des marchés importants. Il a indiqué
qu'avant 1989, la poste néerlandaise, sous le contrôle de l'Etat,
était de petite taille et ne réalisait pas de profit. Il a
précisé que c'est après deux études, menées
en 1983 et en 1986, que le Gouvernement néerlandais avait
décidé de transformer l'opérateur postal et de
télécommunications en société, en 1989, sous le nom
de KPN, puis de privatiser cette dernière en 1994. Insistant sur le
caractère unique en Europe de cette privatisation, il a indiqué
que ce n'était que l'an dernier que l'activité postale avait
été séparée des télécommunications,
la nouvelle société s'appelant TNT Post Group (TPG).
M. Ad Scheepbouwer a estimé qu'en 1989, la situation de la poste
néerlandaise n'était pas satisfaisante, avec des marges
insuffisantes, une stagnation des marchés et une forte
vulnérabilité liée à la dépendance
vis-à-vis de gros clients, représentant l'essentiel de
l'activité. A ces mauvaises perspectives internes, il a ajouté
l'absence de possibilité de développement international,
liée au caractère monopolistique des marchés postaux
européens.
Dans une telle situation, M. Ad Scheepbouwer a indiqué que la
stratégie mise en oeuvre lors de la privatisation, par une équipe
de dirigeants issus du secteur privé, reposait sur trois
principes : l'amélioration de la rentabilité ;
l'accroissement de la responsabilisation des salariés ; le
positionnement sur des marchés en croissance.
Il a considéré qu'il était, par nature, facile
d'accroître la rentabilité d'une organisation de type
bureaucratique. Estimant que les fonctionnaires étaient, en
général, relativement davantage payés en bas de
l'échelle et moins bien payés en haut de l'échelle
hiérarchique, par rapport au secteur privé, il a
précisé qu'un accord salarial était intervenu avec les
syndicats de l'entreprise pour permettre, en huit ans, un rattrapage de cette
échelle de salaires sur celle du secteur privé. M. Ad
Scheepbouwer a, en outre, précisé que des investissements
importants avaient été réalisés pour automatiser
massivement le tri du courrier : ces dix dernières années,
le taux d'automatisation est passé de 25 à 90 %. Il a
observé que, trois ou quatre ans après la transformation en
société, le profit s'élevait à 300 millions de
florins, contre un profit nul en 1989. En 1998, le profit de TPG
s'élève à 820 millions de florins.
Abordant les nouvelles méthodes de gestion du personnel introduites en
1989, M. Ad Scheepbouwer a précisé qu'elles reposaient sur une
responsabilisation accrue des agents. Il a indiqué que les nombreux
services de l'opérateur avaient été restructurés en
sept " unités d'affaires ", chacune étant responsable
de son chiffre d'affaires, de ses coûts et de son bénéfice.
Il a estimé qu'il s'agissait d'un changement majeur par rapport à
une gestion de type administratif, chacun étant désormais
personnellement comptable des résultats obtenus. Il a jugé que
cette mutation -réalisée plus rapidement qu'il ne l'avait
initialement escompté- avait été le facteur le plus
déterminant pour la réussite de l'entreprise.
Expliquant que la stratégie de TPG, à partir de 1989, avait
été centrée sur l'accroissement des possibilités de
développement de l'opérateur, M. Ad Scheepbouwer a
rappelé que si au moment de la privatisation le marché du
courrier n'augmentait que de 1 à 2 % par an -ce dernier ayant
même connu une régression (-0,5 %) en 1993-, les
prévisions de croissance pour les années à venir se
situaient autour de 2 à 4 %. Il a énuméré les
facteurs de cette progression :
- les tarifs de TPG n'ont pas augmenté ;
- le développement du courrier électronique se substitue
davantage à la télécopie et au téléphone
qu'au courrier ;
- de nouveaux produits à très forte croissance ont
été développés, comme le publipostage, le courrier
international et le courrier envoyé par voie électronique, puis
imprimé et expédié par TPG, dans le monde entier ;
- TPG s'est positionné sur des marchés en forte croissance,
comme la messagerie expresse et la logistique. Pour ce faire, 17
sociétés ont été rachetées par
l'opérateur, dont le chiffre d'affaires dans l'express est
désormais de 50 milliards de francs.
M. Ad Scheepbouwer a considéré que, pour un secteur aussi
consommateur de main-d'oeuvre que les services postaux, la croissance
était le corollaire indispensable de la mutation des opérateurs,
comme le prouve la réussite de TPG.
Il a fait valoir que les consommateurs avaient bénéficié
de la privatisation de la poste néerlandaise : le tarif du timbre
est moins élevé aux Pays-Bas que dans tous les autres pays
européens, excepté l'Espagne, où l'opérateur
réalise des pertes importantes. Il a rappelé que la
qualité des prestations du courrier aux Pays-Bas, mesurée par un
bureau indépendant, était exceptionnelle, 95 % des envois
étant distribués le lendemain. En ce qui concerne
l'évolution du réseau postal néerlandais, il a
évoqué la mise en commun des moyens réalisée entre
l'opérateur et la Postbank.
M. Ad Scheepbouwer a précisé qu'à la suite de la
privatisation, l'activité de tous les bureaux de poste avait
été analysée. Il a indiqué que de nouveaux
services, comme la distribution de services financiers ou la vente de
papeterie, avaient été introduits et que certains bureaux avaient
été réservés à la clientèle
professionnelle. Une chaîne de librairies a également
été rachetée, a-t-il poursuivi, pour assurer la
distribution postale et les plus petits bureaux de poste ont été
franchisés. Il a fait observer qu'au terme de ces évolutions la
poste néerlandaise restait le premier réseau de
détaillants aux Pays-Bas, le nombre de bureaux étant passé
de 2.200 à 2.600. Rappelant que, si les services courants étaient
disponibles dans les petits bureaux de poste, pour certaines prestations plus
particulières, l'usager devait se rendre dans un bureau de plus grande
dimension. Il a souligné que ces mutations avaient supprimé
certains emplois, mais n'avaient donné lieu à aucun licenciement,
grâce aux départs naturels.
M. Ad Scheepbouwer a ainsi jugé que l'ensemble des parties prenantes
avait profité de la privatisation de TNT : les salariés, les
clients et le Gouvernement, qui, outre les recettes tirées de la
privatisation, reçoit chaque année un dividende de
500 millions de francs.
Voyant dans le monopole et la fragmentation du marché européen le
principal obstacle à la croissance de ce dernier, M. Ad Scheepbouwer a
estimé que la notion de service universel était bien souvent
utilisée, par les opérateurs nationaux, pour servir leurs propres
intérêts. Il a déploré que cette notion soit bien
souvent abordée sous l'angle politique et non économique. Jugeant
que nombre d'opérateurs ne connaissent pas exactement leurs coûts,
il a indiqué qu'une poste saine et gérant une quantité
suffisante de trafic pourrait fournir, sans surcoût, le service universel
postal. Rappelant que 94 % du trafic du courrier concerne les
professionnels, il a considéré que ce marché pouvait
permettre de financer des prestations de qualité à bas
coûts pour les particuliers.
M. Ad Scheepbouwer a abordé la question de la très rapide
croissance externe de quatre opérateurs européens : TPG,
Deutsche Post, Royal Mail et, dans une moindre mesure, La Poste. Il a
estimé que ces quatre opérateurs avaient une ambition
européenne, voire mondiale. Il a évoqué également
deux grands intégrateurs de messagerie expresse (Federal Express et
United Parcel Service), disposant d'une meilleure couverture que TPG sur le
continent américain, mais d'un moins bon positionnement en Europe.
Il a considéré, à titre personnel, qu'il était
probable que se constituent rapidement des alliances entre certains de ces
quatre opérateurs européens et l'un ou l'autre des deux
intégrateurs américains.
M. Ad Scheepbouwer a indiqué que le marché postal français
était le plus dynamique d'Europe. Rappelant que 4.500 personnes
étaient déjà employées par TNT Post Group en
France, il a jugé bonnes les relations entretenues avec La Poste.
Evoquant le contrat actuel liant son entreprise à Chronopost, filiale de
La Poste, il a indiqué que des discussions étaient en cours sur
une confirmation de la coopération entre l'opérateur
français et néerlandais. De plus, il a estimé qu'une
éventuelle alliance entre La Poste et TPG aurait toute sa pertinence
dans le contexte européen actuel et fait valoir qu'outre
l'attractivité du marché français, la position de La Poste
dans le transport du colis et en Europe du Sud étaient des atouts
complémentaires de ceux de TPG, qui dispose d'un réseau de
messagerie expresse internationale et d'une activité logistique à
l'échelle mondiale.
M. Gérard Larcher, président du groupe d'étude sur
l'avenir de La Poste et des télécommunications, rappelant que TNT
Post Group était constitué sous la forme d'une
société anonyme à majorité privée et
cotée en Bourse, a demandé si un changement de statut en vue d'un
échange de participations était une condition à
l'éventuelle conclusion d'une alliance entre les deux opérateurs.
Il a souhaité connaître la stratégie de
développement de TPG en France, qu'une alliance soit, ou non, conclue
avec La Poste. Il s'est interrogé sur le devenir des liens entre
Chronopost et TPG après 2001, date de l'échéance du
contrat actuel. Il a interrogé le président de TPG sur les
modalités du développement outre-Atlantique des opérateurs
européens. Rappelant que les charges liées à la
présence territoriale de La Poste s'élevaient à
4 milliards de francs par an, il s'est interrogé sur la
compatibilité entre cette charge et la profitabilité pour
l'entreprise, quel que soit son mode de gestion.
M. Pierre Hérisson, jugeant déloyale la pratique du
" repostage " qui détourne les flux de trafics entre pays, a
demandé au président de TPG si un règlement
européen de cette question était, à son sens,
envisageable. Il a souhaité savoir si la présence d'un
actionnaire majoritaire public -dans l'hypothèse où La Poste
serait dotée d'un capital- serait un handicap pour la conclusion
d'une alliance.
M. Ad Scheepbouwer a répondu que, si un échange de participations
croisées était envisageable avec La Poste, il n'était
toutefois pas absolument indispensable, non plus qu'un changement de statut de
cet opérateur, pour conclure une alliance. Il a jugé que la
présence de l'Etat au capital n'était pas un obstacle, TPG
étant lui-même propriété à 44 % de
l'Etat hollandais, qui s'est engagé à conserver un tiers du
capital jusqu'en 2004. Il a toutefois précisé que le Gouvernement
néerlandais ne participe ni aux prises de décisions concernant la
conclusion d'alliances par l'opérateur, ni à la gestion de la
société.
M. Ad Scheepbouwer a indiqué que TPG entendait se développer en
France, en particulier sur le marché de la messagerie expresse
d'entreprise à entreprise et sur celui de la logistique, la
société étant notamment spécialisée dans les
industries automobile et électronique.
Il a estimé que le marché français du courrier, encore
sous monopole, mais devant être libéralisé d'ici 2003
à 2005, était " incontournable ", tout comme le
marché allemand, du fait de sa place en Europe, pour les
opérateurs souhaitant avoir une taille européenne. Dans cette
optique, a-t-il précisé, TPG réfléchit aussi
à l'établissement d'un réseau de distribution en France,
dans le respect du monopole qui sera fixé par la loi.
M. Ad Scheepbouwer a estimé qu'à l'issue du contrat liant son
entreprise à Chronopost, en 2001, une négociation aurait sans
doute lieu. Jugeant que Chronopost aurait certainement besoin de l'accès
à un réseau international, il a considéré que seuls
les quatre grands intégrateurs (TPG, UPS, Fed Ex et DHL) seraient
à même de le lui offrir.
S'agissant du développement de son entreprise aux Etats-Unis, il a
évoqué plusieurs options.
En ce qui concerne le financement des charges liées aux missions
d'intérêt général, il a évoqué une
étude du cabinet Mac Kinsey, dont les conclusions mettent en
évidence un surcoût de 15 %, lié à la desserte
des zones rurales dans les pays à plus faible densité de
population, comme la France. D'un autre côté, il a fait valoir que
la productivité de l'opérateur néerlandais était
deux fois supérieure à celle de ses homologues français et
allemands. Il a jugé que cette question devait être abordée
sous l'angle économique, et non pas politique.
S'agissant du " repostage ", M. Ad Scheepbouwer a jugé abusive
l'utilisation de ce mot par de nombreux acteurs. Il a rappelé que TNT
était liée avec La Poste par un contrat de repostage. Il a
considéré que les entreprises étaient maîtresses de
leur lieu d'implantation, comme du site d'expédition de leur courrier.
Evoquant un recours judiciaire en cours, à l'initiative de la Deutsche
Post, au sujet de l'activité de PTT Poste d'impression et de
distribution de tous les relevés de la banque Citicorp, il a jugé
cette attitude en complet décalage avec l'évolution des
technologies et des marchés. Il a toutefois précisé que
TPG ne pratiquait pas de repostage de type " ABA " (expédition
du courrier depuis un pays étranger vers le pays d'origine de ce
même courrier). Il a indiqué que la principale intervention de TPG
dans ce domaine concernait du courrier acheminé, par exemple, depuis les
Etats-Unis, en cargo, pour être adressé, affranchi et
distribué en Europe.
M. Gérard Delfau a tout d'abord remercié le Président de
TNT Post Group de sa franchise. Il lui a ensuite demandé quel
était le nombre de fonctionnaires restant dans l'entreprise. Evoquant la
dérégulation postale européenne, il a estimé que
l'opposition de certains Etats-membres ne la rendait pas certaine. Estimant que
La Poste remplit, en France, une mission de service public en permettant
l'accès de 4 à 5 millions de Français aux services
financiers, il a souhaité savoir si TPG remplissait un rôle
similaire aux Pays-Bas.
M. Ad Scheepbouwer a précisé qu'il n'y avait plus un seul
fonctionnaire au sein de TPG depuis 1989. Il a indiqué qu'un accord,
signé avec les syndicats de salariés, pour une période de
transition de huit ans, avait permis le changement de statut, du public au
privé, de l'ensemble des personnels, ces derniers
bénéficiant, notamment, d'une garantie d'augmentation de salaire
par rapport aux évolutions de la fonction publique. Soulignant les
évolutions salariales plus favorables intervenues chez TPG par rapport
aux fonctionnaires d'Etat ces dernières années, il a rendu
hommage à la clairvoyance des syndicats qui avaient su, dès 1988,
prévoir cette tendance.
Au sujet de la libéralisation postale européenne, M. Ad
Scheepbouwer a jugé qu'une ouverture totale à la concurrence,
dès 2003 ou 2005, même si elle pouvait être provisoirement
retardée par certaines réticences, était, à terme,
inéluctable et souhaitable. Il a considéré que repousser
cette ouverture serait une erreur, les nouvelles technologies permettant de
contourner les marchés sous monopole.
Il a évoqué le partenariat de TPG avec Postbank pour les bureaux
de poste, qui a créé une possibilité de diffusion des
services financiers. Cet établissement, en collaboration avec la banque
ING étant présent également dans le domaine de
l'assurance, ayant six millions de clients pour une population de huit millions
de foyers.
M. André Ferrand a demandé au président de TNT Post Group
quelles étaient les modalités de la franchise des plus petits
bureaux de poste aux Pays-Bas. Evoquant la stratégie allemande d'une
tarification élevée du timbre, il s'est interrogé sur
l'opportunité, pour l'opérateur français, de relever
provisoirement ses tarifs afin d'accroître sa profitabilité et
d'investir dans sa croissance externe avant l'ouverture à la
concurrence. Il lui a enfin demandé si les différences
d'identité culturelle étaient un obstacle à la
constitution d'alliances entre les opérateurs historiques
français et néerlandais.
M. Ad Scheepbouwer a précisé les modalités de franchise
des petits bureaux postaux :
- les bureaux à plus faible trafic ont été
délégués en franchise à certains employés
qui le souhaitaient, moyennant une aide financière de TPG ;
- des chaînes de détaillants, telles que les
supermarchés, ont également été
franchisées ;
- dans les plus petits villages, la franchise a été
attribuée, le cas échéant, à l'unique commerce
existant.
Revenant à la stratégie allemande d'un prix du timbre
élevé, M. Ad Scheepbouwer a jugé qu'il ne
s'agissait pas d'une solution soutenable dans le cadre de l'ouverture à
la concurrence. Il a considéré qu'il serait en outre difficile,
pour cet opérateur, de baisser ultérieurement ses tarifs, compte
tenu de sa prochaine introduction en bourse, qui implique qu'il prenne des
engagements de rentabilité auprès de ses futurs actionnaires. Il
a estimé qu'une augmentation de la rentabilité interne et de la
productivité, ainsi qu'un investissement dans les secteurs à
forte croissance représentaient des solutions plus durables.
Il a considéré que les problèmes culturels étaient
toujours les plus difficiles à gérer dans les différentes
alliances et fusions, même s'ils pouvaient être surmontés
à condition que chacun des partenaires trouve à l'association un
bénéfice suffisant.
1
Qui ne comprenait ni les crédits
de la
Direction générale de l'industrie, des technologies de
l'information et de la Poste (DIGITIP) ni ceux de la Commission
supérieure du service public des postes et
télécommunications (CSSPPT), ni les crédits des nouvelles
technologies de l'information.
2
Hors export.
3
Hors filiales.
4
Epargne logement, épargne populaire, Codevi, Livret Jeune,
OPVCM, assurance.
5
Organismes de placement collectif de valeurs mobilières.
6
D'après l'Idate.
7
Dans le rapport d'information de M. Gérard Larcher,
rédigé avec le groupe d'études sur l'avenir de la
Poste : " Sauver la Poste, devoir politique, impératif
économique "
.
8
Commission supérieure du service public des
postes et des télécommunications.
9
Union postale universelle.
10
Institut de l'audiovisuel et des télécommunications
en Europe.
11
Merill Lynch cité par La Tribune du
11 octobre 1999.
12
Réalisée conjointement avec le SESSI et le SJTI.
13
La commission relève qu'en France, le délai
d'octroi des licences dépasse les six semaines prévues par la
directive et que la procédure fait intervenir une double instruction
(ministre ; ART) ce qui ralonge les délais et opacifie la
procédure.
14
Communication au Parlement européen du Conseil des
ministres, au comité économique et social et au comité des
régions.
15
Liaisons louées.
16
Réseau numérique à intégration de
services.
17
Space flow brut.
18
Directive n° 98/10/CE du Parlement et du Conseil du 26
février 1998.
19
Décret n° 99-162 du 8 mars 1999
relatif au service universel des télécommunications.
20
France Télécom communauté urbaine du Grand
Nancy, TA Nancy.
21
3,5 millions au début de l'année 1999 et sans
doute proche de 7 à 8 millions à la fin de l'année.
22
Echange de données informatiques.
23
Association française de la télématique.
24
Journal officiel des débats - Sénat, séance
du 4 mars 1999, page 1311.