B. UN SOUCI DE CLARIFICATION DES MODALITÉS D'INTERVENTION DE L'ETAT : UN CHANTIER ENCORE INACHEVÉ
1. Une volonté de clarifier les modalités d'intervention de l'Etat
A la
suite du décret n° 97-34 du 15 janvier 1997, la
déconcentration est devenue un principe fondamental de l'organisation
administrative de l'Etat. Ce texte entré en vigueur le 1
er
janvier 1998 prévoit en effet que l'ensemble des décisions
individuelles de l'Etat
8(
*
)
sont
prises par le préfet.
Parachevant un mouvement engagé depuis plus d'une vingtaine
d'années, le décret du 19 décembre 1997 a
précisé les conditions d'application de ce principe
général pour le ministère de la culture.
En raison de ses modalités et en particulier de l'importance de l'aide
à la création et à la diffusion, la politique du
théâtre avait vocation, plus que d'autres secteurs d'intervention
du ministère de la culture, à se prêter à cette
évolution.
En 1999, la direction de la musique, de la danse, du théâtre et
des spectacles a attribué 63 % de ses crédits
9(
*
)
à l'échelon
déconcentré
contre en moyenne 43 % pour l'ensemble des
crédits du ministère de la culture. En 2000, cette proportion
devrait atteindre 75 % : sur les 80 millions de francs de mesures
nouvelles dont bénéficiera la direction, 10 millions de francs
sont imputés sur crédits centraux et 70 millions de francs sur
crédits déconcentrés.
Cette année a été poursuivi le transfert aux directions
régionales des affaires culturelles de la gestion du réseau des
scènes nationales, des centres dramatiques nationaux et des compagnies
nationales, processus qui devrait être achevé en 2000. Seuls
restent gérés en administration centrale les organismes de
rayonnement national ou international, ainsi que les commandes et les aides
à la création et aux auteurs.
Votre rapporteur s'était félicité de la relance de la
déconcentration, évolution susceptible de rapprocher l'Etat de la
réalité des institutions culturelles subventionnées.
Cependant, il avait souhaité que puissent être rapidement mis en
place des instruments permettant au ministère de mieux orienter et
évaluer la politique culturelle afin notamment de répondre aux
inquiétudes des professionnels du secteur artistique et culturel, dont
certains s'étaient publiquement interrogés sur les
conséquences de ce nouveau fonctionnement de l'Etat en termes de
continuité de la politique du théâtre et des spectacles.
Afin de répondre aux craintes d'une politique culturelle à
géométrie variable et dans le même temps de tenter de
clarifier les conditions de partenariat entre l'Etat et les
collectivités territoriales, le ministère de la culture a
élaboré dès l'année dernière une
charte
des missions de service public
, document destiné à fixer le
cadre général de l'intervention de l'Etat en matière de
spectacle vivant, qui est entré en vigueur le 1
er
janvier
1999.
Cette charte pose les principes qui doivent régir les
responsabilités des équipes et des structures
subventionnées, la gestion des établissements assurant des
missions de service public et les obligations incombant à l'Etat.
Néanmoins, dans la mesure où sous bien des aspects, ses
dispositions comme ses conditions de mise en oeuvre demeuraient floues, elle
était indissociable d'une refonte des outils de la politique de soutien
à la création dramatique.
S'agissant des réseaux nationaux (théâtres nationaux,
scènes nationales), les procédures nouvelles de recrutement des
directeurs ont été modifiées afin d'en accentuer la
transparence (règles de publicité, présélection,
audition, agrément) et les critères de sélection,
définis au regard des principes de la charte. En outre, se mettent
progressivement en place les contrats d'objectifs destinés à lier
l'Etat, les collectivités territoriales et les scènes nationales.
Dans le même souci de promouvoir une contractualisation plus
précise et se prêtant de fait mieux à une
évaluation, tous les contrats de décentralisation dramatique des
centres dramatiques dont le mandat du directeur arrivait à
échéance ont été évalués par
l'inspection de la création et des enseignements artistiques avant toute
décision de renouvellement ou de non-reconduction.
Par ailleurs, afin de remédier aux rigidités des modalités
de subventionnement et de mieux les adapter aux résultats des
équipes, la réforme de l'aide aux compagnies dramatiques,
déjà partiellement mise en oeuvre dès l'année
dernière, a été précisée par une circulaire
adressée par la ministre aux préfets de région le 12 juin
1999. Sans présenter le détail du nouveau dispositif, sur lequel
votre rapporteur reviendra, on soulignera qu'elle répond à la
volonté salutaire d'accroître le caractère incitatif de ces
aides.
Répondant également à la volonté de clarifier ses
relations avec les structures subventionnées comme de tirer les
conséquences de la création de la nouvelle direction de la
musique, de la danse, du théâtre et des spectacles, a
été également engagée une réforme des
modalités du soutien aux lieux de diffusion. Consacrant l'abandon de la
catégorie des " théâtres missionnés ", a
été élaboré un nouveau label dit des
" scènes conventionnées ". Attribué pour une
période de deux ans, ce label devrait concerner à terme environ
150 scènes, notamment celles dont le caractère
pluridisciplinaire compliquait les relations avec l'administration. Il sera
attribué par voie contractuelle aux scènes présentant des
garanties minimales en matière de qualité de la programmation, de
rayonnement local, d'indépendance artistique et de professionnalisme de
la gestion. Là encore, il s'agit de rendre les mécanismes de
soutien moins rigides et de permettre au ministère d'exercer
réellement sa mission d'animation et d'orientation.
2. Des incertitudes pour l'avenir
L'augmentation des dotations consacrées au spectacle
vivant
en 1999 et en 2000 permet la remise à niveau longtemps ajournée
des aides versées par l'Etat aux structures théâtrales.
Cependant, des incertitudes pèsent encore sur l'équilibre
financier de ces structures qui devront faire face à l'application du
nouveau statut fiscal des associations, aux conséquences de la
réduction du temps de travail ainsi qu'aux modifications susceptibles
d'affecter le régime des intermittents du spectacle.
•
Les charges engendrées par les nouvelles règles
fiscales applicables aux associations
Comme le laissait craindre l'analyse de votre rapporteur, une lecture
pessimiste des nouvelles dispositions relatives à la fiscalité
des associations s'impose. L'instruction du 15 septembre 1998 puis celle du
16 février 1999 précisant les conditions d'imposition des
activités lucratives des associations entreront en vigueur le
1
er
janvier 2000, la date initialement fixée ayant
été reportée compte tenu des difficultés que
suscitaient leurs dispositions.
Force est de constater que l'application des critères qu'elles
définissent devrait se traduire par l'assujettissement aux impôts
commerciaux de nombreuses associations culturelles ayant une activité
dans le domaine du théâtre, à titre principal pour celles
dont la gestion n'a pas un caractère désintéressé
ou à titre accessoire pour les activités de celles dont la
gestion est désintéressée -ce qui correspondra sans doute
à un petit nombre d'entre elles.
En effet, les documents élaborés par le ministère des
finances pour préciser les conditions d'application de ces instructions
indiquent qu'en ce qui concerne les activités artistiques et
culturelles,
" l'appréciation des critères permet donc
d'orienter l'analyse vers l'assujettissement des structures professionnelles,
sauf circonstances particulières, et vers le non-assujettissement des
structures caractérisées par la pratique en amateur même si
ces dernières font appel épisodiquement à des
professionnels dès lors que le volume des activités payantes
reste faible et que l'activité demeure occasionnelle ".
Pour l'heure, les incidences de ce nouveau régime fiscal pour les
structures théâtrales constituées sous forme d'association
-qui sont pourtant fort nombreuses- n'ont pas été
mesurées, faute notamment d'une connaissance statistique précise
de ces structures.
En ce qui concerne les plus petites d'entre elles, ces mesures ne devraient pas
avoir de conséquences majeures grâce à la
possibilité d'exonération de taxe professionnelle ouverte par la
loi de finances pour 1999 au profit des entreprises de spectacle. On
relèvera qu'afin de faire bénéficier de cette mesure le
plus grand nombre possible d'associations, le projet de loi de finances
prévoit à titre exceptionnel que les délibérations
des collectivités locales relatives à cette exonération
auront pu valablement être prises jusqu'au 15 octobre 1999 -au lieu du
1
er
juillet 1999 comme la loi de finances pour 1999 le
prévoyait- pour être applicables en 2000. En effet, peu de
collectivités locales avaient, à cette date, pris des
délibérations en ce sens.
Par ailleurs, en ce qui concerne les associations sans but lucratif, votre
rapporteur se félicitera que l'article 8 du projet de loi de finances
pour 2000 prévoit une exonération d'impôts commerciaux pour
les activités lucratives accessoires si leurs recettes n'excèdent
pas 250 000 francs par an. Cette exonération concerne
également la taxe professionnelle et la taxe sur la valeur
ajoutée. Une telle disposition apparaît également de nature
à atténuer les difficultés que risquaient
d'entraîner les nouvelles règles fiscales pour les structures
théâtrales les plus modestes.
•
Les conséquences incertaines de l'application de la
réduction du temps de travail
Les modalités d'application de la réduction du temps de travail
dans les structures théâtrales à l'instar des
conséquences des nouvelles règles fiscales applicables aux
associations, n'ont pas encore fait l'objet d'appréciation par le
ministère qui, interrogé sur ce point par votre rapporteur, a
déclaré ne pas être à même de fournir une
estimation de leur coût.
Votre rapporteur ne peut qu'inciter le ministère à étudier
avec soin cette question qui risque de se traduire pour les structures
théâtrales par des difficultés notamment pour les plus
petites d'entre elles dont l'équilibre budgétaire est
déjà précaire.
•
Vers un règlement des difficultés du régime
des intermittents ?
Le théâtre dramatique, comme l'ensemble du secteur du spectacle
vivant, se caractérise par une organisation du travail spécifique
fondée en grande partie sur le salariat intermittent.
Ce salariat, qui repose sur des contrats à durée
déterminée, entrecoupés par des périodes de
chômage, est par nature précaire et a justifié la mise en
place d'un régime spécifique d'indemnisation.
Les difficultés économiques qui ont affecté le secteur du
spectacle vivant et de l'audiovisuel, et la progression rapide de la
précarité de l'emploi qui en a résulté ont eu pour
effet d'aggraver le déséquilibre structurel des annexes VIII et X
de l'UNEDIC.
A la suite de la menace formulée par les organisations patronales en
novembre 1996 de ne pas les reconduire, le gouvernement a pris l'engagement de
mettre en oeuvre des mesures destinées à remédier aux
difficultés de ce régime, engagement qui avaient permis la
reconduction des annexes jusqu'au 31 décembre 1998.
Plusieurs des mesures annoncées ont été mises en oeuvre.
L'ordonnance sur les spectacles a été réformée par
la loi du 18 mars 1999. Grâce au regroupement des organisations
patronales au sein de la FESAC (fédération des entreprises du
spectacle vivant, de la musique, de l'audiovisuel et du cinéma), une
commission mixte paritaire a pu être mise en place afin de
déterminer les conditions dans lesquelles les employeurs peuvent
recourir au contrat de travail à durée déterminée,
conditions désormais formalisées dans l'accord signé le 12
octobre 1998. Enfin, rendue obligatoire par arrêté du
15 janvier 1999, la généralisation du guichet unique pour
les déclarations et le recouvrement des cotisations des organisateurs
occasionnels de spectacles vivants est désormais possible.
Les annexes ont été à nouveau reconduites le 20 janvier
1999 jusqu'au 31 décembre 1999. Cette reconduction prend en compte d'une
part les dispositions adoptées le 27 avril 1997 relatives au mode de
calcul de l'allocation journalière de chômage des techniciens de
l'audiovisuel sur la base du salaire réel et, d'autre part, les termes
de l'accord du 12 octobre 1998 sur le contrat dit " d'usage ".
Les représentants des employeurs ont assorti cette reconduction de
conditions : les résultats de l'année 1999 devront
refléter les effets positifs des mesures prises pour améliorer le
dispositif d'indemnisation et une négociation entre les partenaires
sociaux devra aboutir à la réduction du déficit en trois
ans de l'ordre de 50 %. C'est donc au vu des résultats obtenus en
ce sens en 1999 que le MEDEF devrait fixer sa position d'ici la fin de
l'année.
Sans préjuger de l'issue des négociations entre les partenaires
sociaux, on soulignera qu'outre l'accord destiné à
préciser les conditions d'application du contrat d'usage, les mesures
prises, si elles sont destinées à clarifier le dispositif, ne
devraient pas se traduire par une réduction significative des
périodes d'indemnisation.