III. LES ENJEUX DE LA POLITIQUE DU CINÉMA
A. L'ADAPTATION DES DISPOSITIFS DE SOUTIEN AUX ÉVOLUTIONS DU SECTEUR
Les
évolutions qui affectent depuis le début des années
quatre-vingt le secteur du cinéma imposent une adaptation des
mécanismes de soutien afin d'en garantir l'efficacité. Cette
adaptation est désormais bien engagée.
En effet, les mécanismes de l'avance sur recettes ont été
modifiés en 1997. La réforme du soutien à l'exploitation
rendue nécessaire du fait du développement des multiplexes a
été menée à bien en 1998. La procédure de
l'agrément a été profondément remaniée par
le décret n° 99-130 du 24 février 1999 afin d'en
simplifier et d'en clarifier les modalités selon des principes que votre
rapporteur a rappelé dans ses précédents rapports.
Cette année, les difficultés croissantes que connaît le
secteur de la distribution, et en particulier les distributeurs
indépendants, comme les résultats commerciaux décevants
des films français ont conduit à améliorer sensiblement
les modalités de soutien à ce secteur. Par ailleurs, a
été engagée une réflexion sur les modalités
d'une réforme des aides sélectives à l'exploitation.
1. L'amélioration des modalités du soutien automatique au secteur de la distribution
a) La modification du barème de l'aide automatique à la distribution
Le
secteur de la distribution étant soumis à un fort mouvement de
concentration, l'objectif visé par le soutien public est de
préserver l'existence de distributeurs indépendants afin de
garantir une offre cinématographique diversifiée susceptible
d'élargir les débouchés de la distribution des films
français.
Le secteur de la distribution apparaît aujourd'hui comme un secteur
très hétérogène. Si la plupart des 161 entreprises
que comptait ce secteur en 1998 sont de dimensions modestes -51 d'entre elles
n'avaient distribué qu'un seul titre- les dix premières
sociétés ont réalisé 91,5 % des recettes, les
deux premières en représentant à elles seules 44 %.
La concentration de ce secteur a été accentuée par les
difficultés économiques liées à la baisse de la
fréquentation à partir des années 1990. Ses
conséquences sur la diversité de l'offre cinématographique
sont d'autant plus inquiétantes que le secteur de l'exploitation
connaît lui aussi une évolution comparable et que les
sociétés de distribution les plus puissantes appartiennent
à des entreprises pratiquant l'intégration verticale (Gaumont,
UGC, Pathé ou les " majors " américaines). La situation
des distributeurs, et plus particulièrement celle des
" indépendants ", s'en trouve fragilisée alors
même que l'essor des multiplexes entraîne un nouvel accroissement
des risques financiers par la forte hausse des frais d'édition et de
promotion qu'il implique.
Dans le souci de compenser une part de ces risques et de consolider la
situation financière des entreprises, le barème de l'aide
automatique a été modifié par arrêté en
juillet dernier. Cette modification accentue le caractère
dégressif de l'aide afin d'en accroître le caractère
redistributif. On rappellera que les entreprises de distribution n'ont
accès au soutien qu'à la condition d'avoir investi dans le film
concerné et ne peuvent l'utiliser qu'en le réinvestissant dans de
nouveaux films.
Le nouveau barème qui s'applique à tous les films sortis en
première exclusivité en 1999 prévoit pour calculer les
droits à soutien des distributeurs :
- un taux de 150 % -au lieu de 75 %- appliqué au produit de la
TSA jusqu'à ce que le film atteigne 7 millions de francs de
recettes en salles (environ 200 000 entrées) ;
- un taux de 25 % -au lieu de 50 %- pour les recettes comprises entre
7 et 20 millions de francs (de 200 000 à 600 000
entrées) ;
- un taux inchangé de 15 % lorsque les recettes excèdent
20 millions de francs.
Il est encore trop tôt pour estimer les effets de cet aménagement
de l'aide automatique. On ne peut qu'espérer que, correspondant à
la reprise des à-valoir constatée en 1998, il incitera les
distributeurs à reprendre une part plus active dans le financement de la
production.
b) La reconduction du dispositif relatif aux sorties estivales
Afin
d'assurer une meilleure répartition sur l'année des sorties de
films français, la mesure prévoyant une majoration du soutien
automatique à la distribution pour les sorties estivales a
été reconduite pour 1999 et 2000.
Les producteurs et les distributeurs de films agréés
bénéficient d'une majoration de 50 % du soutien automatique
de leurs films lorsque ces derniers sortent entre le 12 mai et le 11 août
1999.
Répondant à des objectifs légitimes mais de portée
limitée, les aménagements apportés en 1999 aux
mécanismes du soutien automatique répondent au souci
d'atténuer les effets des évolutions économiques qui
affectent l'industrie du cinéma en fonction des objectifs qui guident
depuis près de cinquante ans l'action de l'Etat en ce domaine et qui
sont le dynamisme de la création nationale et le pluralisme de l'offre
cinématographique. Ces adaptations au coup par coup s'avèrent
inévitables dans la mesure où les mécanismes de soutien
n'ont pas pour objet d'agir directement sur les structures économiques,
mais de corriger les conséquences les plus néfastes de leur
évolution, à savoir le creusement de l'écart entre des
groupes intégrés de plus en plus puissants et des entreprises
indépendantes affaiblies.
2. Vers une réforme des aides sélectives à l'exploitation
Le
soutien sélectif à l'exploitation a été mis en
place à partir de 1969 pour tempérer les rigidités du
soutien automatique qui, dans les faits, favorisait la concentration de la
branche.
Les aides sélectives à l'exploitation, qui représentent
151 millions de francs en 1999, sont attribuées selon diverses
procédures. La plus importante, l'aide sélective aux salles
situées dans les zones insuffisamment équipées, est une
aide à l'investissement. Par ailleurs, certaines salles
bénéficient également de subventions de fonctionnement
annuelles : aides aux salles " art et essai " primes
d'encouragement à l'animation et à la diffusion
cinématographique ou encore aides aux salles indépendantes
parisiennes.
Dans le souci de mieux adapter l'ensemble de ces dispositifs aux mutations
récentes qui ont affecté le secteur de l'exploitation, la
ministre de la culture et de la communication a confié une mission
à deux experts
3(
*
)
dont
les conclusions ont été rendues publiques en février
dernier.
Outre des propositions de simplification du dispositif, leurs
préconisations s'orientent autour de deux axes principaux :
- en premier lieu, réformer les procédures d'attribution des
aides afin de faire prévaloir un critère lié à
l'indépendance des exploitants concernés par ce dispositif ;
- et en second lieu, permettre à l'aide sélective d'apporter son
concours à des projets de modernisation ambitieux à condition que
les bénéficiaires prennent des engagements en matière de
programmation.
De telles propositions exigent une refonte d'ensemble des multiples dispositifs
existants. Bien que nécessaire pour remédier aux
inconvénients de la mosaïque réglementaire actuelle, elle se
traduira inévitablement par un redéploiement des aides dont les
conséquences n'ont pas encore été mesurées.