B. VERS UNE NOUVELLE " CHRONOLOGIE " DES MÉDIAS
Les
relations entre la télévision et le cinéma sont
progressivement devenues depuis plus d'une dizaine d'années un des
éléments clés de l'équilibre économique de
l'industrie cinématographique française.
Ces relations qui constituent une spécificité du système
français ont largement contribué à soutenir la production
nationale. Elles reposent sur des obligations imposées aux chaînes
de télévision, d'une part, en matière de diffusion des
oeuvres cinématographiques afin d'assurer des débouchés
aux films nationaux dans des conditions préservant les
intérêts du secteur de l'exploitation et, d'autre part, en
matière d'investissement dans la production.
L'ambition de ce dispositif est bien entendu de permettre le maintien d'un
équilibre économique entre cinéma et
télévision, équilibre aujourd'hui remis en cause notamment
par le développement de nouveaux services de télévision
(télévision à péage, numérique,
systèmes satellitaires).
Un des éléments de cet équilibre réside dans ce que
l'on appelle la chronologie des médias, c'est-à-dire l'ensemble
des règles qui fixent les délais dans lesquels sont
exploités par les différents médias les oeuvres
cinématographiques.
Sur ce point, la directive 97/36/CE du 30 juin 1997 qui a modifié la
directive 89/552/CEE du 3 octobre 1989 dite " directive
Télévision sans frontière " a introduit une
innovation lourde de conséquence : en effet, elle renvoie à
la négociation contractuelle la fixation de ces délais alors que
jusque-là n'étaient prescrits au niveau européen que des
délais minimaux de référence. Depuis le 1
er
janvier 1999, cette disposition est devenue d'application immédiate,
faute de transposition en droit français. A donc cessé de
s'appliquer la réglementation fixée en application de la loi de
1986 relative à la liberté de communication par le décret
n° 87-36 du 26 janvier 1987, applicable aux seules chaînes
hertziennes, les autres chaînes étant déjà
régies par des accords contractuels.
Cependant, si elle laisse à la négociation contractuelle la
fixation des délais de diffusion, la directive n'en incite pas moins les
Etats à susciter la signature d'accords-cadres entre les professionnels
concernés. Son considérant 32 précise, en effet que
" la question des délais spécifiques à chaque type
d'exploitation télévisée des oeuvres
cinématographiques doit, en premier lieu, faire l'objet d'accords entre
les parties intéressées et les milieux professionnels
concernés ".
Ces accords apparaissent comme le seul moyen de promouvoir des délais
harmonisés, permettant autant que possible de préserver les
intérêts des professionnels du cinéma.
La transposition de la directive, qui est prévue par l'article 14 du
projet de loi modifiant la loi du 30 septembre 1986 relative à la
liberté de communication, en cours d'examen en première lecture
par le Sénat, va dans ce sens. L'article 70-1 de la loi de 1986 dans sa
rédaction proposée par l'article 14 du projet de loi
précise que
" lorsqu'il existe un accord entre une ou plusieurs
organisations professionnelles de l'industrie cinématographique et un
éditeur de services portant sur les délais applicables à
un ou plusieurs types d'exploitation télévisuelle des oeuvres
cinématographiques, les délais de diffusion prévus par cet
accord s'imposent à l'éditeur de services ".
Ce dispositif ne permet que de se prémunir contre des accords
dérogatoires aux accords passés entre professionnels et ne
confère à l'Etat aucune prérogative pour résoudre
les éventuelles difficultés qui pourraient résulter de la
coexistence d'accords contradictoires. Par ailleurs, la loi ne précise
pas les sanctions dont est assortie l'obligation pour les éditeurs de
respecter les termes des accords professionnels auxquels ils sont parties.
Sans attendre l'adoption définitive de ces dispositions, certaines
organisations professionnelles ont d'ores et déjà conclu des
accords avec les diffuseurs.
Pour les services de télévision hertziens en clair, un premier
accord est intervenu le 8 janvier 1999 entre les différentes
organisations professionnelles du cinéma réunies au sein du
bureau de liaison des industries cinématographiques (BLIC) l'association
des auteurs, réalisateurs et producteurs (ARP), TF1, France
Télévision, La Cinquième, M6 et la Sept-Arte, qui retient
un dispositif identique à celui en vigueur avant l'entrée en
vigueur des dispositions de la nouvelle directive Télévision sans
frontière.
En ce qui concerne les chaînes à péage consacrées au
cinéma, deux accords ont été conclu, l'un le 15 mars 1999
entre le BLIC, l'ARP et le bouquet TPS et le second, le 13 avril 1999,
entre le bureau de liaison des organisations du cinéma (BLOC) et Canal
satellite. Les règles de diffusion qu'ils fixent et qui, il convient de
le noter, ne constituent qu'un des aspects de ces accords, diffèrent.
Afin d'harmoniser les règles applicables, le CNC a suscité
l'organisation de négociations entre les organismes
représentatifs de la profession et les diffuseurs, négociations
qui devraient aboutir d'ici la fin de l'année.
Votre rapporteur souligne l'intérêt pour le cinéma
français de parvenir à l'adoption de dispositions
harmonisées, qui permettraient d'éviter les inconvénients
d'un système régi par des accords ponctuels entre producteurs et
diffuseurs risquant fort en pratique de se solder par un alignement par le
bas.