2. Un effort en faveur du logement intermédiaire, notamment par le biais du nouveau statut du bailleur privé, aux effets incertains
Le
Gouvernement semble avoir pris conscience des difficultés
rencontrées par le logement intermédiaire.
Déjà, la convention conclue entre l'Etat et l'UESL prévoit
explicitement une mobilisation de la participation des employeurs à
l'effort de construction (PEEC) à hauteur de 300 millions de francs
annuels pendant les cinq années à venir, ce qui devrait
contribuer à rendre possible le montage d'opérations PLI avec un
loyer de sortie d'un montant compatible avec les ressources des ménages
visés.
Le projet de budget pour 1999 propose une mesure d'une tout autre ampleur :
la réorientation des incitations fiscales à l'investissement
locatif vers un nouveau secteur privé conventionné.
Jusqu'à présent, le mécanisme d'incitation fiscale
à l'investissement locatif privé est celui d'un régime
d'amortissement accéléré, dit " amortissement
Périssol ".
Institué par la loi du 12 avril 1996, l'" amortissement
Périssol " permet aux propriétaires de logements neufs
situés en France de demander à bénéficier d'une
déduction de leurs revenus fonciers au titre de l'amortissement
égale à 10 % du prix d'achat pour les quatre
premières années et à 2 % pour les vingt
années suivantes. Le total des déductions représente donc
80 % de la valeur du logement. En contrepartie, le propriétaire
doit s'engager à louer le logement pour une durée de neuf ans.
La loi du 2 juillet 1998 portant diverses mesures d'ordre
économique et financier a prolongé ce dispositif jusqu'au
31 août 1999, pour les permis de construire délivrés
avant le 1
er
janvier prochain.
L'article 68 du projet de loi de finances prévoit une alternative
à la disparition programmée de l'amortissement Périssol.
Le dispositif proposé comporte quatre différences majeures
avec le régime fiscal actuel :
- un taux d'amortissement moins attractif
. Pour les logements neufs,
le taux d'amortissement sera de 8 % de la valeur de l'investissement
pendant les cinq premières années, puis de 2,5 % les quatre
années suivantes. Le total des déductions ne représentera
alors plus que 50 % de la valeur de l'investissement ;
- l'extension du régime d'incitation fiscale
au parc
ancien
. Le taux de déduction forfaitaire sur les revenus fonciers
(fixé à 14 % actuellement) sera majoré de 25 % pour
les six premières années de location ;
- l'instauration de " contreparties sociales "
. Pour
bénéficier de l'avantage fiscal, le bailleur devra respecter des
plafonds de ressources (il s'agirait du plafond de ressources PLA majoré
de 40 %) des locataires et des plafonds de loyers (pour le neuf,
75 francs par m² à Paris et dans les communes limitrophes,
65 francs par m² dans l'agglomération parisienne,
50 francs par m² dans les agglomérations de plus de
100.000 habitants, 45 francs par m
2
ailleurs).
- la mise en place d'une meilleure " sécurisation "
pour les bailleurs.
Celle-ci prendra deux formes : l'allocation logement
sera versée directement au bailleur et le bailleur pourra
bénéficier d'une garantie de loyer en vertu de la convention
signée entre l'Etat et l'UESL.
Votre commission estime que ce nouveau " statut du bailleur
privé " apporte des améliorations par rapport au
régime existant, mais reste handicapé par une incertitude
.
Les améliorations sont au nombre de trois.
En premier lieu, la mise en place d'une " contrepartie sociale "
devrait permettre de réorienter l'investissement locatif privé
vers le secteur intermédiaire dont on a vu la situation très
dégradée
. Les plafonds de ressources et de loyers qui seront
retenus sont en effet très proches des paramètres des PLI.
En second lieu, l'extension du dispositif à l'ancien permet de
remédier à la principale insuffisance de l'amortissement
Périssol.
Enfin, la nouvelle " sécurisation " permettrait de
compenser la diminution de l'avantage fiscal et d'assurer l'attractivité
du nouveau régime en protégeant les bailleurs contre les
impayés de loyer
. (
cf. encadré ci-dessous
).
La " sécurisation " du bailleur privé
Une
garantie de paiement du loyer et des charges locatives peut être
octroyée, en cas d'impayés. Le montant de la garantie est
plafonné à neuf mois de loyers et charges, et son intervention
est limitée à une période de trois ans ;
cependant,
dans le parc locatif privé conventionné, le montant maximum de
l'aide est porté à trois ans de loyers et charges
, si le
logement fait l'objet d'une réservation locative en contrepartie de la
garantie. Lorsque la garantie est mise en oeuvre, les fonds versés au
bailleur sont ensuite remboursés par le locataire sous la forme d'une
avance sans intérêts.
Peuvent bénéficier de cette mesure, les bailleurs qui donnent un
logement en location aux locataires suivants :
- les salariés des entreprises assujetties à la
participation, souhaitant accéder uniquement à un logement du
parc locatif privé conventionné ;
- les jeunes de moins de trente ans en recherche de premier emploi et les
salariés en situation de mobilité professionnelle.
Mais il subsiste une incertitude. " L'amortissement Périssol "
était incontestablement un succès. Votre commission se demande si
le " dispositif Besson " permettra la poursuite de ce mouvement. Le
plafonnement des loyers réduit la rentabilité économique
de l'investissement locatif, tandis que le nouveau régime
d'amortissement en limite l'avantage fiscal. Votre commission observe cependant
que la projection présentée par le professeur Michel
Mouillart
4(
*
)
aboutit à
deux conclusions équilibrées :
- le dispositif pourrait se traduire par une diminution de l'ordre de
10.000 mises en chantier, en année pleine, essentiellement à
Paris et en Provence Côte d'Azur ;
- mais il pourrait également favoriser l'émergence d'un
logement locatif de taille familiale, notamment en province (les grands
logements et la province étant moins touchés par le plafonnement
des loyers).
Votre commission restera donc tout particulièrement vigilante et
examinera avec attention les effets concrets de ce nouveau dispositif.