II. LES ALLÉGEMENTS DE CHARGES SOCIALES CONSTITUENT TOUJOURS LE SOCLE DE LA POLITIQUE DE L'EMPLOI EN FRANCE

Le montant total des exonérations de cotisations liées aux mesures destinées à favoriser l'emploi, qu'elles soient ou non compensées par l'Etat, a été de 78,6 milliards de francs en 1997 et est évalué à 79,7 milliards de francs en 1998. Les exonérations de charges sociales compensées à la sécurité sociale s'élèvent dans le projet de loi de finances à 66,7 milliards de francs.

Fin 1997, le nombre de salariés concernés par une ouverture de droits à réduction de cotisations se serait élevé, sur l'ensemble des dispositifs d'exonérations à environ 8 millions de personnes, contre 7 millions en 1997.

L'importance des sommes en jeu (52 % des crédits du ministère lui sont consacrés) comme celle des effectifs concernés illustrent bien le caractère prédominant des allégements de charges sociales dans la politique de l'emploi en France.

Comme le déclarait M. Jean-Claude Boulard 3( * ) , rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour le travail et l'emploi lors du débat budgétaire à l'Assemblée nationale : " l'outil essentiel de l'accompagnement de la croissance dans ce budget est constitué par les allégements de charges sociales qui s'élèvent à 80 milliards de francs " . Il ajoutait même que ce dispositif constituait le premier pilier sur lequel reposait la politique de l'emploi.

Cette prise de position tranche avec les déclarations habituelles des membres de la majorité jusqu'à présent. Votre rapporteur se contentera de rappeler les déclarations au Sénat de Mme Nicole Péry 4( * ) , secrétaire d'Etat à la formation professionnelle lors du débat sur la proposition de loi de M. Christian Poncelet tendant à alléger les charges sur les bas salaires. La ministre déclarait en effet que le gouvernement " n'avait pas fait de la poursuite de l'allégement des charges patronales une priorité pour trois raisons principales : (...) nous ne sommes pas certains que le niveau des charges patronales soit l'obstacle majeur à l'emploi, (...) l'efficacité des allégements de charges patronales semble relative au regard d'autres politiques telles que la réduction du temps de travail (...), la difficulté majeure restant le financement d'une telle mesure " .

Il fait peu de doutes que le gouvernement n'aurait pas reconduit une politique aussi coûteuse s'il avait conservé son diagnostic de 1998.

La prorogation pour trois ans du dispositif d'exonération de cotisations patronales de sécurité sociale pour l'embauche du " premier salarié " accompagnée de son plafonnement au niveau du SMIC instituée par l'article 4 du projet de loi de financement de la sécurité sociale 5( * ) pour 1999 résume à elle seule les hésitations et les contradictions du Gouvernement sur cette question.

Exonérations de cotisations liées aux mesures emploi

(en millions de francs)

 

1993

1994

1995

1996

1997

1998

PLF 1999

Exonérations non compensées

6.834

12.331

14.134

14.749

15.805

16.800

17.200

Exonérations compensées

12.758

19.401

27.962

50.494

62.805

62.889

66.743

Total exonérations

19.592

31.732

42.096

65.243

78.610

79.689

83.943

Budget Emploi

84.421

108.801

114.161

138.272

150.381

155.593

161.849

Pourcentage exonérations/budget

23 %

29 %

37 %

47 %

52 %

51 %

52 %

A. LA POLITIQUE D'ALLÉGEMENT DES CHARGES SOCIALES ENGAGÉE DEPUIS 1993 EST POURSUIVIE

1. La " ristourne dégressive " sur les bas salaires est reconduite

Après quelques hésitations, il semble que le Gouvernement se soit rangé aux arguments de ceux, parmi lesquels on compte le Sénat, qui défendent l'idée qu'une politique ambitieuse d'allégement des charges sociales sur les bas salaires constitue la pierre angulaire de toute politique de lutte contre le chômage structurel.

Dans le cadre de la loi de finances pour 1998, le Gouvernement avait choisi de " réduire la voilure " en abaissant le seuil d'exonération de la ristourne dégressive de 1,33 à 1,30 fois le SMIC et en décidant que ce seuil constituerait désormais un plafond qui ne serait plus revalorisé avec le SMIC.

Depuis l'année dernière, la réduction dégressive des cotisations sociales patronales est donc égale à 1.219 francs par mois pour tout salarié payé au SMIC et décroît jusqu'à 0 franc lorsque le seuil de 1,3 SMIC est atteint. L'ensemble des mesures de réduction des crédits alloués à l'allégement des charges sur les bas salaires s'est monté en 1995 à près de 7 milliards de francs lorsque l'on compare les crédits inscrits en loi de finances aux crédits qui auraient été nécessaires à législation inchangée. Cette somme est à comparer aux 3 milliards inscrits à titre de provision pour financer le dispositif d'incitation à la réduction de la durée du travail.

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 1999, les crédits correspondant à la ristourne dégressive ne sont plus intégrés au budget des charges communes mais sont inscrits au budget du ministère de l'emploi et de la solidarité (chapitre 44-47 article 30). La dotation de cette ligne budgétaire passe de 38.473 millions de francs en loi de finances initiale pour 1998 à 43.000 millions de francs pour le projet de loi de finances pour 1999.

Auparavant, il fallait se reporter au chapitre 44-75 qui rassemblait des crédits globaux relatifs à des " mesures exceptionnelles en faveur de l'emploi et de la formation professionnelle " pour apprécier le montant de ces crédits. Ce détour par le budget des charges communes était peu satisfaisant, le chapitre en question ne distinguant pas entre la ristourne dégressive et d'autres dispositions comme le mécanisme d'exonération de cotisations sociales patronales dans les DOM, les exonérations de cotisations d'allocations familiales dans les zones de revitalisation rurale ou encore l'aide au passage aux 35 heures.

Il est à noter que le projet de loi de finances rectificative pour 1998 prévoit l'ouverture de 5,62 milliards de francs de crédits supplémentaires pour compenser le montant des exonérations de charges sociales sur les bas salaires aux caisses de sécurité sociale. Cette dotation complémentaire illustre le succès d'un dispositif qui participe largement au mouvement de création d'emplois observé depuis plusieurs mois maintenant.

La reconduction du dispositif d'allégement des charges sociales sur les bas salaires constitue une bonne nouvelle étant donné le peu de goût dont à fait montre le Gouvernement actuel pour cette politique mise en oeuvre depuis 1993. Elle n'est toutefois pas suffisante comme l'ont illustré les multiples appels lancés pour qu'un effort complémentaire soit consenti.

Il peut être rappelé que les députés de l'opposition avaient proposé 6( * ) en janvier 1998 de porter progressivement l'exonération de charges sociales de 1,3 à 1,4 fois le SMIC. Cette proposition de loi a été examinée en séance publique à l'Assemblée nationale le 30 janvier 1998. A cette occasion 7( * ) , Mme Martine Aubry a dénoncé le coût élevé par emploi de la réduction des charges sociales, la ministre a insisté sur les effets pervers de la ristourne dégressive, considérant que" son effet était d'autant plus élevé que le salaire était bas avec le risque qu'elle ne créée une " trappe à bas salaires ". Mme Martine Aubry a demandé le rejet de la proposition de loi.

La proposition de loi ayant été rejetée par l'Assemblée nationale, M. Christian Poncelet, alors président de la commission des Finances, a pris l'initiative de déposer une proposition de loi 8( * ) en termes identiques au Sénat. Dans son rapport 9( * ) au nom de la commission des Affaires sociales, M. Alain Gournac a notamment considéré que l'abaissement des charges sociales sur les bas salaires avait des effets positifs sur l'emploi, qu'il permettait de pallier la suppression du plan textile et qu'il était complémentaire d'autres dispositifs comme la réduction du temps de travail librement négociée.

Le Sénat a adopté cette proposition de loi le 30 juin 1998, elle a, depuis, été transmise à l'Assemblée nationale.

La commission des Affaires sociales réitère son souhait qu'une réponse favorable soit apportée à cette proposition de loi qui apparaît aujourd'hui comme une chance pour l'emploi.

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