II. EXAMEN DE L'AVIS
Réunie le
mercredi 28 octobre 1998
, sous la
présidence de M. Jean Delaneau, président,
la
commission a procédé à
l'examen du rapport
de
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis
des crédits
en
faveur de
la ville
inscrits dans le projet de loi de finances pour 1999.
M. Paul Blanc
a tout d'abord rappelé que l'attentisme du
Gouvernement avait pu sembler préjudiciable à la politique de la
ville lors de l'examen du budget de l'année dernière et il a
constaté que trois éléments nouveaux étaient
intervenus depuis.
Tout d'abord, M. Jean-Pierre Sueur a remis en février dernier à
Mme Martine Aubry un rapport sur la politique de la ville qui
préconise diverses réformes institutionnelles et qui porte un
jugement souvent sévère sur la discrimination territoriale
positive à l'oeuvre dans le cadre de la politique de zonage.
Par ailleurs, M. Claude Bartolone a été nommé ministre
délégué à la ville le 31 mars dernier.
Enfin, un comité interministériel des villes s'est tenu le 30
juin 1998 afin d'articuler l'action gouvernementale autour de quatre objectifs
: garantir le pacte républicain, renforcer la cohésion sociale
dans les villes, mobiliser autour d'un projet collectif, construire un nouvel
espace démocratique avec les habitants.
M. Paul Blanc
a déclaré que l'on ne pouvait que souscrire
à ces principes tout en remarquant qu'ils étaient valables pour
l'ensemble des politiques ministérielles. Insistant sur les acquis de la
géographie prioritaire de la politique de la ville, il a rappelé
les différentes catégories de zones prévues dans le cadre
du pacte de relance pour la ville ainsi que les caractéristiques des
populations habitant dans les quartiers.
Puis il a présenté les crédits budgétaires du
" bleu " budgétaire relatif à la ville en soulignant
que ces crédits étaient en hausse de 32 %, au montant
excédant le cap symbolique du milliard de francs. Toutefois, il s'est
interrogé sur l'augmentation des dépenses de communication et de
fonctionnement de la délégation interministérielle
à la ville (DIV), ainsi que des crédits d'études
prévus en ce domaine.
S'agissant des opérations " Ville, Vie, Vacances ", il s'est
félicité que les dispositifs de surveillance et d'encadrement mis
en place dans certaines stations du littoral aient été maintenus
en 1998 tout en soulignant les coûts induits pour les communes d'accueil
concernées.
Evoquant l'ensemble de l'effort public consacré à la ville,
récapitulé dans le " jaune " budgétaire, il a
regretté que l'effort supplémentaire de l'Etat repose
essentiellement sur les engagements de ses partenaires ou sur des
déclarations d'objectifs.
Concernant les dépenses des collectivités territoriales, il s'est
interrogé sur le caractère volontariste de l'objectif de hausse
de leur participation aux contrats de plan et aux contrats de ville dans la
période actuelle.
S'agissant des emplois jeunes, il a souligné le caractère
prévisionnel des engagements et il a considéré qu'un bilan
devrait être dressé pour connaître la proportion exacte des
emplois jeunes qui jouent un rôle du point de vue de la politique de la
ville.
Enfin, s'agissant de l'intervention accrue de la Caisse des dépôts
et consignations, il a souligné qu'en tout état de cause les
emprunts seraient contractés et remboursés par les
collectivités locales.
Abordant la politique générale du Gouvernement, il a fait part de
sa déception sur les augmentations retenues, en soulignant que la
nouvelle ambition pour la ville s'appuyait sur des objectifs contradictoires,
et qu'elle ne donnait une place suffisante, ni au rétablissement de la
sécurité dans les quartiers, ni au développement de
l'outil économique.
Rappelant, tout d'abord, que les contrats de ville essuyaient
déjà des critiques du fait de leur lourdeur, de la
multiplicité des partenaires engagés et de la juxtaposition de
financements croisés, il s'est déclaré sceptique sur la
démarche du Gouvernement qui tend à utiliser la
négociation des prochains contrats comme un levier en vue de faire
avancer la coopération intercommunale et la participation des habitants.
Concernant le rétablissement de la sécurité dans le
quartier, il a constaté que la violence urbaine était
aggravée par son extension aux zones périurbaines et par la
montée de la délinquance des mineurs.
Il a fait part de ses réserves quant au souci du Gouvernement de
s'appuyer trop exclusivement sur une politique de prévention
fondée sur le partenariat avec les collectivités locales dans le
cadre des contrats locaux de sécurité et de la mise en place
d'emplois de proximité financés par des emplois-jeunes.
Concernant la relance de l'outil économique, il a évoqué
les résultats des études conduites par l'Association nationale
des villes zones franches urbaines qui mettent l'accent sur le renversement de
tendance observé, sur la part importante des emplois créés
par rapport aux emplois transférés ainsi que sur le recours
important à l'embauche locale.
Dans ce contexte, il a regretté que le Gouvernement ne se soit pas
attaché à accompagner le mouvement de relance dans les zones
franches urbaines ainsi que le retard pris par la mise en place de
l'établissement public national d'aménagement et de
restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA).
En conclusion, il a invité la commission à émettre un avis
défavorable à l'adoption du projet de budget pour la ville.
M. Louis Souvet
, après avoir félicité le rapporteur
pour avis, a souligné que les personnels embauchés comme adjoints
de sécurité n'étaient pas toujours utilisés dans le
cadre des missions de pilotage ou de patrouille initialement prévues. Il
s'est inquiété du fait que les contrats
" emplois-jeunes " ne servaient pas toujours à prendre en
charge les besoins émergents non satisfaits comme le Gouvernement
l'avait annoncé. Evoquant le cas de Montbéliard, il a
regretté les résultats insuffisants de certaines zones de
redynamisation urbaine (ZRU).
M. Jean Delaneau, président
, a souligné que certains
maires de grandes villes, en province, s'inquiétaient des conditions de
mise au travail des personnes embauchées dans le cadre d'emplois-jeunes.
M. Gilbert Chabroux
a regretté le jugement très
sévère rendu par le rapporteur pour avis sur les orientations du
ministre délégué à la ville. Déclarant
comprendre que soient portés des jugements divergents sur les
orientations du ministère, il a souligné que le ministre
délégué faisait preuve d'enthousiasme et d'ambition et
qu'il ne saurait être taxé d'immobilisme.
Il a souligné que le budget du ministère de la ville augmentait
de 32 % pour atteindre le cap symbolique du milliard de francs et que
l'ensemble de l'effort public en direction de la ville s'élevait
à 31 milliards de francs, soit un chiffre très proche de
celui souhaité par M. Jean-Pierre Sueur dans son rapport qui
était de 35 milliards de francs par an sur 10 ans.
Il a estimé que ce budget de la ville répondait à ses
attentes tout en permettant à l'Etat de recourir aux partenariats
nécessaires à travers, notamment, les contrats locaux de
sécurité, qui rencontrent un grand succès.
M. Guy Fischer
a souligné qu'en matière de politique de la
ville, il convenait de faire preuve d'humilité ; il a souligné
l'importance de l'action régalienne de l'Etat et il a estimé
qu'une action conjointe de tous les partenaires impliqués sur le terrain
était nécessaire pour réussir.
Concernant les zones franches urbaines, il a jugé intéressants
les résultats obtenus à Garges ou à Roubaix, tout en
soulignant qu'il ne fallait pas perdre de vue l'intégration des jeunes
des quartiers par l'accès à l'emploi et la
nécessité de création nette d'emplois.
S'agissant des grands projets urbains, il s'est inquiété de la
sous-consommation des crédits relatifs aux prêts locatifs
aidés (PLA), tout en s'inquiétant de la montée des
phénomènes de ségrégation dans le secteur des
habitations à loyer modéré (HLM) ou en milieu scolaire.
Il a souligné que le retour à la
" tranquillité " dans les quartiers passait d'abord par
l'emploi et par l'éducation.
Estimant que la politique de la ville était à un tournant, il a
souhaité une politique forte appuyée sur des engagements de
crédits importants.
M. Claude Domeizel
a d'abord constaté que les
phénomènes de violence urbaine se propageaient dans des
départements très ruraux, notamment dans les communes de 20.000
à 30.000 habitants. Il s'est déclaré surpris par le choix
du rejet du budget formulé par le rapporteur, en soulignant que
l'augmentation de 32 % des crédits de la ville démontrait la
volonté du Gouvernement de traiter au fond le problème.
M. Jean Delaneau, président
, s'est inquiété du
mouvement récemment apparu qui tendait à limiter la construction
de logements sociaux dans des communes urbaines où la demande est forte
et dans lesquelles le parc social est considéré comme
saturé, ce qui entraîne un transfert de la construction de
logements sociaux vers les petites communes. Il a souligné par ailleurs
l'importance de la demande d'accession à la propriété.
M. Guy Fischer
a approuvé le président et il a
souligné les effets de la suppression de la taxe sur la valeur
ajoutée (TVA) sur les terrains à bâtir.
M. Jacques Machet
a précisé qu'il convenait de faire
preuve d'humilité en matière de politique de la ville tout en
affirmant que " l'on ne remettrait pas les villes à la
campagne ". Il s'est interrogé sur le souhait du rapporteur pour
avis d'une responsabilisation accrue des familles en matière de
prestations familiales.
M. Philippe Nogrix
a souligné, en parallélisme avec la
démarche des contrats d'insertion, que certaines prestations devraient
être versées sous réserve de l'engagement des
bénéficiaires de respecter certains devoirs.
En réponse,
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis,
a tout d'abord
indiqué que si les résultats des zones franches urbaines
pouvaient être contrastés, la tendance d'ensemble demeurait
néanmoins positive en termes de création d'emplois.
Il a souligné que la faiblesse des résultats dans certaines zones
devait conduire à s'interroger sur des mesures d'accompagnement sous la
forme d'investissement en faveur de la restructuration des espaces commerciaux
ou d'offres de locaux.
S'agissant du budget, il a reconnu l'effort du Gouvernement, tout en se
demandant s'il ne laissait pas une place trop importante aux dépenses de
fonctionnement, au détriment des aides à l'investissement pour la
restructuration.
Concernant l'effort public total, il a estimé indéniable que
l'objectif annoncé était obtenu en faisant largement appel aux
efforts des partenaires de l'Etat.
S'agissant de la sécurité dans les quartiers, il a reconnu le
rôle utile joué par les contrats locaux de sécurité,
tout en soulignant que l'Etat ne pouvait pas négliger d'assurer
l'exercice, sur tout le territoire, de ses fonctions régaliennes en
matière de protection des personnes et des biens.
Il a approuvé les déclarations de M. Guy Fischer concernant
l'importance d'une convergence de volonté de tous les acteurs sur le
terrain pour réussir la politique de la ville.
D'une manière générale, il a regretté que le
Gouvernement n'accorde plus autant d'importance à la réinsertion
par l'économie qui doit demeurer une priorité.
S'agissant des prestations familiales, il a souligné qu'il ne s'agissait
pas, dans son esprit, d'interrompre leur versement mais simplement d'instaurer
les conditions d'un dialogue dans la dignité pour les familles qui
n'assument pas leurs responsabilités parentales dans des conditions
normales.
A l'issue de ce débat, la commission, sur proposition de son rapporteur,
a émis un avis défavorable sur les crédits de la
ville.
Mesdames, Messieurs,
Cet avis présente une physionomie légèrement
différente de celui de l'année dernière puisqu'il ne
traite plus des crédits relatifs à l'intégration inscrits
au budget de l'emploi et de la solidarité : en effet, tirant les
conséquences de la nomination de M. Claude Bartolone en tant que
ministre délégué à la ville le 30 mars dernier et
de la création d'un fascicule budgétaire spécifique pour
les crédits afférents, cet avis porte désormais
exclusivement sur la politique de la ville.
Votre commission, tout en se félicitant de la décision de
remanier l'organigramme gouvernemental -qu'elle avait demandée au cours
de la dernière discussion budgétaire- s'est penchée sur
les nouvelles orientations de la politique de la ville telles qu'elles
ressortent du rapport de M. Jean-Pierre Sueur
1(
*
)
et telles qu'elles ont
été formulées par le comité interministériel
des villes du 30 juin dernier.
Constatant certaines réticences exprimées à l'égard
de la poursuite de la politique de la ville à travers les zones de la
géographie prioritaire, votre commission a considéré que
le caractère très dégradé de certains indicateurs
sociaux dans les quartiers sensibles justifiait le maintien d'une politique
spécifique appropriée.
Concernant les crédits du ministre délégué, qui
augmentent de 32 %, votre commission a souligné l'importance d'un
soutien particulier aux collectivités locales qui reçoivent un
nombre important de jeunes bénéficiant des opérations
" villes-vie-vacances ".
Elle s'est interrogée en revanche sur la nécessité
d'augmenter significativement les dépenses de communication et de
fonctionnement de la délégation interministérielle
à la ville et au développement social urbain (DIV).
S'agissant de l'effort public en faveur de la ville d'un montant estimé
à 31 milliards de francs pour 1999, votre commission a
constaté tout d'abord que cet effort reposait sur la prise en compte
conventionnelle de 20 % des crédits inscrits au titre des
emplois-jeunes qui n'ont qu'une valeur prévisionnelle.
Elle a constaté par ailleurs que l'augmentation tenait également
à l'effort des partenaires de l'Etat, en particulier des
collectivités locales, dont la participation directe ou indirecte
à travers la solidarité financière ou les emprunts
auprès de la Caisse des dépôts, est prévue en hausse
pour 1999.
Puis votre commission a émis trois observations générales
sur la politique de la ville :
Tout d'abord, elle a estimé que la nouvelle procédure de
contractualisation qui souhaite développer à la fois
l'émergence des agglomérations, la consultation des habitants et
une participation accrue des départements, s'engageait sur des objectifs
confus et trop nombreux alors que le but prioritaire devrait être de
réussir à alléger les procédures et les
règles de financement.
Elle a souligné par ailleurs que l'absence d'augmentation significative
des effectifs de policiers en exercice ne permettait pas de donner au
rétablissement de la sécurité dans les quartiers la
priorité qui devrait lui revenir.
Elle a constaté enfin que la création des zones franches urbaines
avait permis d'inverser de manière forte le mouvement de baisse des
emplois enregistré dans ces zones depuis près de
15 années et a regretté les retards pris dans la mise en
place de l'établissement public d'aménagement et de
restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA) destiné
à faciliter la requalification des centres commerciaux en zone difficile.
Dans ces conditions, votre commission a émis un avis défavorable
à l'adoption du projet de budget pour la ville pour 1999 tel que
transmis par l'Assemblée nationale.