Projet de loi de finances pour 1999

BLANC (Paul)

AVIS 70 (98-99), Tome III - COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Table des matières




N° 70

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999

Annexe au procès-verbal de la séance du 19 novembre 1998.

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de finances pour 1999 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME III

VILLE

Par M. Paul BLANC,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jean Delaneau, président ; Jacques Bimbenet, Louis Boyer, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Guy Fischer, Jean-Louis Lorrain, Louis Souvet, vice-présidents ; Mme Annick Bocandé, MM. Charles Descours, Alain Gournac, Roland Huguet, secrétaires ; Henri d'Attilio, François Autain, Paul Blanc, Mme Nicole Borvo, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Gilbert Chabroux, Jean Chérioux, Philippe Darniche, Christian Demuynck, Claude Domeizel, Jacques Dominati, Michel Esneu, Alfred Foy, Serge Franchis, Francis Giraud, Claude Huriet, André Jourdain, Philippe Labeyrie, Roger Lagorsse, Dominique Larifla, Henri Le Breton, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Simon Loueckhote, Jacques Machet, Georges Mouly, Lucien Neuwirth, Philippe Nogrix, Mme Nelly Olin, MM. Lylian Payet, André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Bernard Seillier, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vezinhet, Guy Vissac.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 1078 , 1111 à 1116 et T.A. 193 .

Sénat : 65 et 66 (annexe n° 20 ) (1998-1999).

Lois de finances.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DU MINISTRE

Réunie le mercredi 21 octobre 1998 , sous la présidence de M. Jean Delaneau, président, la commission a procédé à l'audition de M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville, sur les crédits de son département ministériel.

M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville,
a tout d'abord souligné que la politique de la ville (CIV) était incontestablement utile, même si ses résultats étaient parfois difficiles à appréhender sur des opérations par nature de longue durée.

Evoquant les orientations gouvernementales, il a rappelé que le comité interministériel des villes du 30 juin 1998, présidé par M. Lionel Jospin, Premier ministre, avait assigné un nouvel horizon à la politique de la ville.

Rappelant que huit Français sur dix vivraient bientôt dans les villes, il a affirmé qu'il fallait repenser et bâtir la ville comme un territoire de mixité sociale et urbaine, un lieu d'échanges et de bien-vivre, une ville faite pour l'homme.

Il a souligné combien il était important d'enrayer la montée de l'intolérance, de lutter contre l'abstention et l'extrémisme et de renouveler la confiance des citoyens envers l'action publique.

Il a fait tout d'abord état de son inquiétude devant les progrès de la violence urbaine et il a souligné que chaque citoyen avait droit à la sécurité, quel que soit son lieu de vie.

Se référant au climat social positif durant la coupe du monde de football, il a considéré que la jeunesse souhaitait que les talents de chacun soient reconnus afin que tous puissent " jouer la partie ".

Il a déclaré que les réponses aux différents enjeux de la politique de la ville passaient nécessairement par une approche politique globale sur le long terme qui devrait tirer parti des potentiels de chaque territoire pour dépasser des politiques parfois stigmatisantes.

Mettant l'accent sur l'importance de la concertation et de la coordination des acteurs sur le terrain, il a considéré que l'Etat devait afficher sa détermination pour assurer l'égalité devant le service public sur tout le territoire dans les domaines essentiels de l'éducation, de la sécurité et de l'emploi.

Evoquant les trois dimensions de la politique qu'il entendait mener, il a tout d'abord souligné le renforcement de la déconcentration pour assurer une meilleure coordination des administrations.

Il a évoqué ensuite l'importance de la décentralisation en indiquant que les élus locaux devaient être en mesure de signer un pacte avec l'Etat, afin d'être mis en situation de disposer des moyens pour répondre aux défis des zones urbaines.

Il a insisté, enfin, sur l'importance du développement de la démocratie afin que les populations puissent veiller à ce que les annonces soient bien suivies d'effet ; il a considéré qu'il était nécessaire d'associer les habitants au projet qui les concernait, d'accepter leurs interpellations et de soutenir leurs initiatives.

Il a indiqué que les actuels contrats de ville avaient été prolongés d'un an afin que soient mis en cohérence sur la période 2000-2006 les nouveaux contrats de ville, les contrats de plan Etat-régions et les cycles d'intervention des fonds structurels européens.

Rappelant que M. Jean-Pierre Sueur, dans son rapport sur la politique de la ville, avait estimé à 35 milliards de francs par an pendant dix ans le coût de l'effort nécessaire, M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville, a indiqué que le projet de loi de finances pour 1999 proposait de se rapprocher de ce niveau dès cette année afin de témoigner de la volonté de l'Etat.

Citant M. Jean-Pierre Chevènement, il a considéré que la politique de la ville ne devait pas être " l'alibi de l'absence de politiques ministérielles ou locales au profit des habitants des quartiers en difficulté ".

Abordant tout d'abord les crédits spécifiques du ministère de la ville, il a indiqué qu'il avait estimé plus intéressant de mobiliser les crédits de droit commun plutôt que d'obtenir un accroissement, toujours aléatoire, des crédits des divers ministères transférés au fonds d'intervention pour la ville (FIV), de nature à entraîner certaines réticences.

Considérant que les crédits spécifiques du ministère devaient être le " ciment " des projets de la politique de la ville, il a souligné que l'augmentation de plus de 32 % de ces crédits, sans précédent depuis la création d'un ministère de la ville, était le signal de la mobilisation générale et que le franchissement du cap du milliard de francs dans le projet de budget était un symbole fort.

Il a précisé que l'année 1999 serait une année d'expérimentation pour préparer une nouvelle catégorie de contrats de ville sur la période de 2000 à 2006 à partir des résultats de l'opération conduite sur seize sites-pilotes.

Evoquant les priorités des crédits inscrits sur le fascicule budgétaire consacré à la ville, il a tout d'abord souligné l'importance de l'animation de la nouvelle politique de la ville grâce à un renforcement des capacités d'animation, de formation, d'ingénierie et de recherche. A cet égard, il a estimé que la délégation interministérielle à la ville (DIV) devrait jouer un rôle de " tête de réseau ", en organisant diverses manifestations ou débats publics, et il a souhaité que le conseil national des villes soit renforcé pour jouer un rôle de conseil et d'aiguillon.

Il a insisté, enfin, sur la création d'un institut pour la ville et de centres de ressources régionaux qui avaient vocation à devenir des lieux d'échanges, d'expériences et de confrontations de points de vue entre les associations, les élus locaux et les divers acteurs de terrain.

En réponse à une demande de précision de M. Jean Delaneau, président, M. Claude Bartolone a indiqué que si la localisation du futur institut pour la ville n'était pas encore décidée, il veillerait à ce que celui-ci soit situé en dehors de Paris.

Il a évoqué ensuite le soutien aux initiatives locales et aux expérimentations s'inscrivant dans les orientations du CIV dans le domaine de l'emploi, de la sécurité et de l'éducation.

Il a précisé que les crédits d'investissement serviraient à accompagner des opérations exemplaires de reconstruction-démolition.

Il a indiqué que les initiatives en matière de gestion urbaine de proximité et de participation des habitants seraient également soutenues.

Il s'est félicité d'avoir obtenu la création d'une nouvelle ligne budgétaire, dotée de 45 millions de francs de crédits de fonctionnement pour les communes impliquées dans un grand projet urbain (GPU) afin d'éviter une sous-consommation des crédits d'investissement par suite des dépenses de fonctionnement induites pour ces opérations.

Il a déclaré que les opérations " Ville, Vie, Vacances " bénéficieraient de crédits supplémentaires et qu'elles seraient recentrées sur les territoires et les publics les plus en difficulté.

Par ailleurs, il a souligné que l'implication forte de tous les ministères concernés devrait se traduire par une augmentation de près de 3 milliards de francs de l'effort financier global en faveur de la ville en 1999.

Il a évoqué la part prise par les emplois-jeunes, qu'il s'agisse des adjoints de sécurité ou des aides-éducateurs, essentiellement déployés dans les quartiers en difficulté ou des autres emplois-jeunes, dont 20 % devraient profiter aux quartiers en difficulté.

Il a rappelé l'importance du coût des exonérations fiscales et sociales consenties dans le cadre des zones franches urbaines (ZFU) et des zones de redynamisation urbaine (ZRU), qui atteindrait 2,6 milliards de francs en 1999.

Il a mis l'accent sur l'amélioration du concours de la Caisse des dépôts et consignations qui serait en augmentation de près de 3 milliards de francs dans le cadre de deux enveloppes exceptionnelles de prêts de 10 milliards de francs pour trois ans destinés aux projets urbains et aux opérations de reconstruction-démolition.

Pour conclure, il a insisté sur l'importance d'une vaste mobilisation autour de l'enjeu de la ville tout en rappelant que cette mobilisation ne devait pas conduire à tourner le dos au monde rural, mais qu'il était essentiel de réfléchir en termes d'équilibre global du territoire.

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis, s'est félicité du fait que la politique de la ville ait été confiée à un ministre, comme l'avait souhaité la commission au cours du dernier budget. Il s'est demandé si l'élaboration des contrats de ville ne serait pas alourdie par le renforcement de la participation des habitants et de l'intervention des agglomérations et du conseil général. Se référant aux exemples étrangers, il a mis l'accent sur la priorité à accorder à la lutte contre la délinquance. Il s'est interrogé sur l'efficacité des adjoints de sécurité par rapport aux forces policières ainsi que sur la réforme des contingents communaux d'aide sociale. Enfin, il a émis quelques réserves sur le bon déroulement des opérations " Ville, Vie, Vacances " lorsque l'encadrement était insuffisant.

M. Jean Delaneau, président, a souligné que certaines communes subissaient les mêmes actes de violence que certains quartiers visés par la politique de la ville. Se référant à la situation des Etats-Unis, il s'est inquiété de la formation de véritables " villes privées " dotées de moyens de sécurité privatisés.

En réponse, M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville, a admis que les déficiences en encadrement pouvaient soulever des difficultés pour les communes accueillant des jeunes dans le cadre des opérations " Ville, Vie, Vacances ".

Il a indiqué qu'il avait souhaité, dès cet été, que les élus locaux et les animateurs travaillent de manière plus cohérente et il a précisé qu'une évolution était en cours sur le dispositif, ses modalités de financement ainsi que sur la pertinence de l'opération par rapport au public concerné.

Il a souhaité que les opérations " Ville, Vie, Vacances " soient centrées sur les jeunes de quartiers qui ne disposent pas d'autres moyens de partir durant les périodes estivales.

Concernant la préparation des contrats de ville, il a admis que l'amélioration de la participation des habitants pouvait alourdir la procédure tout en faisant valoir que l'action était moins efficace si la population n'était pas associée aux collectivités locales pour travailler à long terme sur les problèmes urbains.

Prenant l'exemple de la ville de Rennes, il a noté que les correspondants de nuit auraient été moins bien acceptés par la population si un référendum n'avait pas précédé leur mise en place.

S'agissant de la notion d'agglomération, il a estimé que celle-ci n'alourdirait pas la procédure dans la mesure où, d'ores et déjà, la réflexion sur les grandes infrastructures dépassait largement le cadre des seules communes.

Concernant la consultation des conseils généraux, il a souligné que ces derniers intervenaient déjà au titre de l'action sociale ou de l'aide sociale à l'enfance en difficulté.

S'agissant de la sécurité dans les quartiers, il a rappelé qu'il accordait une grande attention à ces problèmes qui devaient être abordés à la fois sous l'angle de la prévention et de la répression.

Concernant l'exemple hollandais, il a rappelé que si le discours des pouvoirs publics devenait moins libéral envers la toxicomanie, les Pays-Bas avaient toujours été soucieux que la police soit proche des populations.

S'agissant de la ville de New-York, il a relevé que les bons résultats en matière de lutte contre la délinquance et la criminalité étaient allés de pair avec la reprise de la croissance et des embauches ainsi que d'une augmentation considérable du nombre de détenus en maisons d'arrêt.

Il a souligné que devait s'établir une complémentarité entre l'action des adjoints de sécurité et des agents de médiation locale, d'une part, et celle des policiers, d'autre part.

Il a plaidé pour une " gestion intelligente du temps policier " en considérant que les forces policières devaient intervenir sur les cas les plus graves tandis que les agents de médiation avaient vocation à résoudre les problèmes de voisinage ou les actes d'incivilité qui n'appellent pas de réponse policière.

Il a opéré une distinction entre les atteintes aux biens et aux personnes qui devaient appeler une réponse " forte ", la petite délinquance urbaine qui appelait une réponse " systématique " notamment de la part de la justice et, enfin, les incivilités et les fautes de comportement qui appelaient une réponse " collective " de la part des adultes concernés.

S'agissant des contingents communaux d'aide sociale, il a indiqué que le dispositif mis en place dans le cadre de la loi portant transfert de compétences, en 1983, ne corrigeait pas les écarts de population et de richesse fiscale des communes par rapport aux problèmes sociaux rencontrés. Il a rappelé que la contribution des communes de plus de 10.000 habitants constituait 65 % des montants en cause, alors que ces communes représentaient 50 % de la population et 51 % du potentiel fiscal des communes.

Il a précisé que le nouveau dispositif opérerait un écrêtement progressif sur le montant des contributions en fonction d'un indice synthétique des richesses et des charges urbaines.

S'agissant des villes petites et moyennes, il a souligné qu'il ne serait pas possible de multiplier les zones d'intervention de la politique de la ville sans courir le risque d'un saupoudrage des crédits. En revanche, il a considéré que la délégation interministérielle à la ville (DIV) était tout à fait susceptible de communiquer, en tant que de besoin, les méthodes et les conseils nécessaires.

Concernant la création de " villes privées ", il a affirmé qu'en France la loi républicaine, qui s'appliquait sur tout le territoire, était incompatible avec de telles dérives.

Souhaitant éviter toute fracture entre le milieu rural et le milieu urbain, il a souligné que la ville n'était pas un danger mais plutôt une richesse pour l'avenir.

M. Louis Boyer s'est vivement inquiété de l'insécurité créée par des bandes organisées de jeunes mineurs de 13 à 15 ans et il a souligné qu'aucun résultat ne serait obtenu sans une implication des parents. Il a précisé que les opérations de démolition étaient souvent le seul recours pour donner une impulsion nouvelle à un quartier.

Mme Nelly Olin a indiqué que la montée de la délinquance dans les quartiers sensibles était très inquiétante et qu'elle excédait les populations qui en étaient les victimes. Elle s'est inquiétée de la diminution des crédits du fonds social urbain.

M. Gilbert Chabroux a estimé que l'élargissement et la globalisation des contrats de ville au niveau de l'agglomération étaient une démarche intéressante, tout en soulignant l'importance d'un véritable pilotage, en particulier dans les agglomérations les plus grandes. Il s'est demandé s'il était envisagé de réorienter le dispositif des zones franches urbaines.

M. André Jourdain a souhaité un bilan des zones de redynamisation urbaine et des zones franches urbaines, en faisant la part des véritables créations d'entreprises et des simples transferts.

M. Guy Fischer a souligné le caractère essentiel de l'intégration des jeunes dans les quartiers difficiles et il s'est interrogé sur la mise en oeuvre de l'intercommunalité au niveau des agglomérations.

M. Louis Souvet a souligné que, dans certains cas, le refus de démolir était source de difficultés à la fois en termes d'aménagement des villes et de sécurité.

En réponse, M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville, a souligné que les parents devaient impérativement être réintégrés dans leur rôle et dans leur citoyenneté.

Il a indiqué qu'aux mesures tendant à supprimer les allocations familiales à titre de sanction, il préférait une démarche positive ; que l'école ne pouvait pas tout faire, qu'une aide et un soutien devaient être apportés aux parents et qu'un accord-cadre devait être passé à cet effet avec les grandes associations familiales.

S'agissant des restructurations urbaines, il a admis que les démolitions de certaines formes d'habitat rejetées par les populations étaient parfois indispensables, tout en soulignant qu'il était essentiel d'imaginer dans quel cadre serait opérée une reconstruction ; il a précisé qu'il ne souhaitait pas bloquer, par principe, les opérations de démolition sans construction de quartiers en difficulté et qu'il convenait d'examiner, au cas par cas, ce qui se passait sur le terrain.

S'agissant de la lutte contre la délinquance, il a fait valoir que les effectifs policiers étaient importants en France par rapport à la population et il a indiqué que le problème tenait à une meilleure utilisation et à un redéploiement des personnels disponibles.

Il a expliqué la baisse des crédits du FSU par l'existence d'un fort niveau de crédits non consommés sur cette ligne budgétaire.

Concernant le rôle de l'agglomération, il a indiqué que son souhait serait toujours de choisir un niveau pertinent d'action et de ne pas diluer la politique de la ville dans un périmètre trop large ; il a souligné que la notion d'agglomération devait être prise en compte dans le cadre de la coopération intercommunale, avant d'être reconnue éventuellement par le législateur.

S'agissant des zones franches urbaines, il a précisé qu'il avait demandé à l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et à l'Inspection générale des finances (IGF) de lui présenter des éléments précis sur leur bilan, tout en soulignant que ces instruments avaient permis utilement de prendre en considération l'outil économique dans la politique de la ville.

Concernant les ZRU, il a indiqué que ces dernières posaient moins de difficulté que les ZFU sous réserve de quelques difficultés liées à la délimitation des périmètres, qui devraient être résolues à la suite d'une mesure réglementaire récemment prise.

Concernant l'intégration, il a regretté les cas constatés de discrimination à l'embauche ou à l'accès au logement, en soulignant que la politique de la ville ne pourrait pas réussir si chacun n'avait pas l'impression d'avoir les mêmes droits et les mêmes devoirs.

II. EXAMEN DE L'AVIS

Réunie le mercredi 28 octobre 1998 , sous la présidence de M. Jean Delaneau, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Paul Blanc, rapporteur pour avis des crédits en faveur de la ville inscrits dans le projet de loi de finances pour 1999.

M. Paul Blanc a tout d'abord rappelé que l'attentisme du Gouvernement avait pu sembler préjudiciable à la politique de la ville lors de l'examen du budget de l'année dernière et il a constaté que trois éléments nouveaux étaient intervenus depuis.

Tout d'abord, M. Jean-Pierre Sueur a remis en février dernier à Mme Martine Aubry un rapport sur la politique de la ville qui préconise diverses réformes institutionnelles et qui porte un jugement souvent sévère sur la discrimination territoriale positive à l'oeuvre dans le cadre de la politique de zonage.

Par ailleurs, M. Claude Bartolone a été nommé ministre délégué à la ville le 31 mars dernier.

Enfin, un comité interministériel des villes s'est tenu le 30 juin 1998 afin d'articuler l'action gouvernementale autour de quatre objectifs : garantir le pacte républicain, renforcer la cohésion sociale dans les villes, mobiliser autour d'un projet collectif, construire un nouvel espace démocratique avec les habitants.

M. Paul Blanc a déclaré que l'on ne pouvait que souscrire à ces principes tout en remarquant qu'ils étaient valables pour l'ensemble des politiques ministérielles. Insistant sur les acquis de la géographie prioritaire de la politique de la ville, il a rappelé les différentes catégories de zones prévues dans le cadre du pacte de relance pour la ville ainsi que les caractéristiques des populations habitant dans les quartiers.

Puis il a présenté les crédits budgétaires du " bleu " budgétaire relatif à la ville en soulignant que ces crédits étaient en hausse de 32 %, au montant excédant le cap symbolique du milliard de francs. Toutefois, il s'est interrogé sur l'augmentation des dépenses de communication et de fonctionnement de la délégation interministérielle à la ville (DIV), ainsi que des crédits d'études prévus en ce domaine.

S'agissant des opérations " Ville, Vie, Vacances ", il s'est félicité que les dispositifs de surveillance et d'encadrement mis en place dans certaines stations du littoral aient été maintenus en 1998 tout en soulignant les coûts induits pour les communes d'accueil concernées.

Evoquant l'ensemble de l'effort public consacré à la ville, récapitulé dans le " jaune " budgétaire, il a regretté que l'effort supplémentaire de l'Etat repose essentiellement sur les engagements de ses partenaires ou sur des déclarations d'objectifs.

Concernant les dépenses des collectivités territoriales, il s'est interrogé sur le caractère volontariste de l'objectif de hausse de leur participation aux contrats de plan et aux contrats de ville dans la période actuelle.

S'agissant des emplois jeunes, il a souligné le caractère prévisionnel des engagements et il a considéré qu'un bilan devrait être dressé pour connaître la proportion exacte des emplois jeunes qui jouent un rôle du point de vue de la politique de la ville.

Enfin, s'agissant de l'intervention accrue de la Caisse des dépôts et consignations, il a souligné qu'en tout état de cause les emprunts seraient contractés et remboursés par les collectivités locales.

Abordant la politique générale du Gouvernement, il a fait part de sa déception sur les augmentations retenues, en soulignant que la nouvelle ambition pour la ville s'appuyait sur des objectifs contradictoires, et qu'elle ne donnait une place suffisante, ni au rétablissement de la sécurité dans les quartiers, ni au développement de l'outil économique.

Rappelant, tout d'abord, que les contrats de ville essuyaient déjà des critiques du fait de leur lourdeur, de la multiplicité des partenaires engagés et de la juxtaposition de financements croisés, il s'est déclaré sceptique sur la démarche du Gouvernement qui tend à utiliser la négociation des prochains contrats comme un levier en vue de faire avancer la coopération intercommunale et la participation des habitants.

Concernant le rétablissement de la sécurité dans le quartier, il a constaté que la violence urbaine était aggravée par son extension aux zones périurbaines et par la montée de la délinquance des mineurs.

Il a fait part de ses réserves quant au souci du Gouvernement de s'appuyer trop exclusivement sur une politique de prévention fondée sur le partenariat avec les collectivités locales dans le cadre des contrats locaux de sécurité et de la mise en place d'emplois de proximité financés par des emplois-jeunes.

Concernant la relance de l'outil économique, il a évoqué les résultats des études conduites par l'Association nationale des villes zones franches urbaines qui mettent l'accent sur le renversement de tendance observé, sur la part importante des emplois créés par rapport aux emplois transférés ainsi que sur le recours important à l'embauche locale.

Dans ce contexte, il a regretté que le Gouvernement ne se soit pas attaché à accompagner le mouvement de relance dans les zones franches urbaines ainsi que le retard pris par la mise en place de l'établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA).

En conclusion, il a invité la commission à émettre un avis défavorable à l'adoption du projet de budget pour la ville.

M. Louis Souvet , après avoir félicité le rapporteur pour avis, a souligné que les personnels embauchés comme adjoints de sécurité n'étaient pas toujours utilisés dans le cadre des missions de pilotage ou de patrouille initialement prévues. Il s'est inquiété du fait que les contrats " emplois-jeunes " ne servaient pas toujours à prendre en charge les besoins émergents non satisfaits comme le Gouvernement l'avait annoncé. Evoquant le cas de Montbéliard, il a regretté les résultats insuffisants de certaines zones de redynamisation urbaine (ZRU).

M. Jean Delaneau, président , a souligné que certains maires de grandes villes, en province, s'inquiétaient des conditions de mise au travail des personnes embauchées dans le cadre d'emplois-jeunes.

M. Gilbert Chabroux a regretté le jugement très sévère rendu par le rapporteur pour avis sur les orientations du ministre délégué à la ville. Déclarant comprendre que soient portés des jugements divergents sur les orientations du ministère, il a souligné que le ministre délégué faisait preuve d'enthousiasme et d'ambition et qu'il ne saurait être taxé d'immobilisme.

Il a souligné que le budget du ministère de la ville augmentait de 32 % pour atteindre le cap symbolique du milliard de francs et que l'ensemble de l'effort public en direction de la ville s'élevait à 31 milliards de francs, soit un chiffre très proche de celui souhaité par M. Jean-Pierre Sueur dans son rapport qui était de 35 milliards de francs par an sur 10 ans.

Il a estimé que ce budget de la ville répondait à ses attentes tout en permettant à l'Etat de recourir aux partenariats nécessaires à travers, notamment, les contrats locaux de sécurité, qui rencontrent un grand succès.

M. Guy Fischer a souligné qu'en matière de politique de la ville, il convenait de faire preuve d'humilité ; il a souligné l'importance de l'action régalienne de l'Etat et il a estimé qu'une action conjointe de tous les partenaires impliqués sur le terrain était nécessaire pour réussir.

Concernant les zones franches urbaines, il a jugé intéressants les résultats obtenus à Garges ou à Roubaix, tout en soulignant qu'il ne fallait pas perdre de vue l'intégration des jeunes des quartiers par l'accès à l'emploi et la nécessité de création nette d'emplois.

S'agissant des grands projets urbains, il s'est inquiété de la sous-consommation des crédits relatifs aux prêts locatifs aidés (PLA), tout en s'inquiétant de la montée des phénomènes de ségrégation dans le secteur des habitations à loyer modéré (HLM) ou en milieu scolaire.

Il a souligné que le retour à la " tranquillité " dans les quartiers passait d'abord par l'emploi et par l'éducation.

Estimant que la politique de la ville était à un tournant, il a souhaité une politique forte appuyée sur des engagements de crédits importants.

M. Claude Domeizel a d'abord constaté que les phénomènes de violence urbaine se propageaient dans des départements très ruraux, notamment dans les communes de 20.000 à 30.000 habitants. Il s'est déclaré surpris par le choix du rejet du budget formulé par le rapporteur, en soulignant que l'augmentation de 32 % des crédits de la ville démontrait la volonté du Gouvernement de traiter au fond le problème.

M. Jean Delaneau, président , s'est inquiété du mouvement récemment apparu qui tendait à limiter la construction de logements sociaux dans des communes urbaines où la demande est forte et dans lesquelles le parc social est considéré comme saturé, ce qui entraîne un transfert de la construction de logements sociaux vers les petites communes. Il a souligné par ailleurs l'importance de la demande d'accession à la propriété.

M. Guy Fischer a approuvé le président et il a souligné les effets de la suppression de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur les terrains à bâtir.

M. Jacques Machet a précisé qu'il convenait de faire preuve d'humilité en matière de politique de la ville tout en affirmant que " l'on ne remettrait pas les villes à la campagne ". Il s'est interrogé sur le souhait du rapporteur pour avis d'une responsabilisation accrue des familles en matière de prestations familiales.

M. Philippe Nogrix a souligné, en parallélisme avec la démarche des contrats d'insertion, que certaines prestations devraient être versées sous réserve de l'engagement des bénéficiaires de respecter certains devoirs.

En réponse, M. Paul Blanc, rapporteur pour avis, a tout d'abord indiqué que si les résultats des zones franches urbaines pouvaient être contrastés, la tendance d'ensemble demeurait néanmoins positive en termes de création d'emplois.

Il a souligné que la faiblesse des résultats dans certaines zones devait conduire à s'interroger sur des mesures d'accompagnement sous la forme d'investissement en faveur de la restructuration des espaces commerciaux ou d'offres de locaux.

S'agissant du budget, il a reconnu l'effort du Gouvernement, tout en se demandant s'il ne laissait pas une place trop importante aux dépenses de fonctionnement, au détriment des aides à l'investissement pour la restructuration.

Concernant l'effort public total, il a estimé indéniable que l'objectif annoncé était obtenu en faisant largement appel aux efforts des partenaires de l'Etat.

S'agissant de la sécurité dans les quartiers, il a reconnu le rôle utile joué par les contrats locaux de sécurité, tout en soulignant que l'Etat ne pouvait pas négliger d'assurer l'exercice, sur tout le territoire, de ses fonctions régaliennes en matière de protection des personnes et des biens.

Il a approuvé les déclarations de M. Guy Fischer concernant l'importance d'une convergence de volonté de tous les acteurs sur le terrain pour réussir la politique de la ville.

D'une manière générale, il a regretté que le Gouvernement n'accorde plus autant d'importance à la réinsertion par l'économie qui doit demeurer une priorité.

S'agissant des prestations familiales, il a souligné qu'il ne s'agissait pas, dans son esprit, d'interrompre leur versement mais simplement d'instaurer les conditions d'un dialogue dans la dignité pour les familles qui n'assument pas leurs responsabilités parentales dans des conditions normales.

A l'issue de ce débat, la commission, sur proposition de son rapporteur, a émis un avis défavorable sur les crédits de la ville.


Mesdames, Messieurs,

Cet avis présente une physionomie légèrement différente de celui de l'année dernière puisqu'il ne traite plus des crédits relatifs à l'intégration inscrits au budget de l'emploi et de la solidarité : en effet, tirant les conséquences de la nomination de M. Claude Bartolone en tant que ministre délégué à la ville le 30 mars dernier et de la création d'un fascicule budgétaire spécifique pour les crédits afférents, cet avis porte désormais exclusivement sur la politique de la ville.

Votre commission, tout en se félicitant de la décision de remanier l'organigramme gouvernemental -qu'elle avait demandée au cours de la dernière discussion budgétaire- s'est penchée sur les nouvelles orientations de la politique de la ville telles qu'elles ressortent du rapport de M. Jean-Pierre Sueur 1( * ) et telles qu'elles ont été formulées par le comité interministériel des villes du 30 juin dernier.

Constatant certaines réticences exprimées à l'égard de la poursuite de la politique de la ville à travers les zones de la géographie prioritaire, votre commission a considéré que le caractère très dégradé de certains indicateurs sociaux dans les quartiers sensibles justifiait le maintien d'une politique spécifique appropriée.

Concernant les crédits du ministre délégué, qui augmentent de 32 %, votre commission a souligné l'importance d'un soutien particulier aux collectivités locales qui reçoivent un nombre important de jeunes bénéficiant des opérations " villes-vie-vacances ".

Elle s'est interrogée en revanche sur la nécessité d'augmenter significativement les dépenses de communication et de fonctionnement de la délégation interministérielle à la ville et au développement social urbain (DIV).

S'agissant de l'effort public en faveur de la ville d'un montant estimé à 31 milliards de francs pour 1999, votre commission a constaté tout d'abord que cet effort reposait sur la prise en compte conventionnelle de 20 % des crédits inscrits au titre des emplois-jeunes qui n'ont qu'une valeur prévisionnelle.

Elle a constaté par ailleurs que l'augmentation tenait également à l'effort des partenaires de l'Etat, en particulier des collectivités locales, dont la participation directe ou indirecte à travers la solidarité financière ou les emprunts auprès de la Caisse des dépôts, est prévue en hausse pour 1999.

Puis votre commission a émis trois observations générales sur la politique de la ville :

Tout d'abord, elle a estimé que la nouvelle procédure de contractualisation qui souhaite développer à la fois l'émergence des agglomérations, la consultation des habitants et une participation accrue des départements, s'engageait sur des objectifs confus et trop nombreux alors que le but prioritaire devrait être de réussir à alléger les procédures et les règles de financement.

Elle a souligné par ailleurs que l'absence d'augmentation significative des effectifs de policiers en exercice ne permettait pas de donner au rétablissement de la sécurité dans les quartiers la priorité qui devrait lui revenir.

Elle a constaté enfin que la création des zones franches urbaines avait permis d'inverser de manière forte le mouvement de baisse des emplois enregistré dans ces zones depuis près de 15 années et a regretté les retards pris dans la mise en place de l'établissement public d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA) destiné à faciliter la requalification des centres commerciaux en zone difficile.

Dans ces conditions, votre commission a émis un avis défavorable à l'adoption du projet de budget pour la ville pour 1999 tel que transmis par l'Assemblée nationale.

III. LA NOUVELLE ORIENTATION DE LA POLITIQUE DE LA VILLE SEMBLE RÉTICENTE À TIRER LES CONSÉQUENCES DE LA SPÉCIFICITÉ DES QUARTIERS SENSIBLES

Votre commission avait eu l'occasion de souligner dans son avis de l'année dernière combien l'attentisme du Gouvernement et l'absence d'orientations claires semblaient souvent préjudiciables, à la fois, à la pérennisation de l'idée même de la politique de la ville apparue à partir de 1981, mais aussi au succès du pacte de relance pour la ville lancé par M. Alain Juppé le 1 er janvier 1996.

On ne peut donc que se féliciter que le Gouvernement de M. Lionel Jospin, nommé le 3 juin 1997, se soit doté d'une ligne de conduite plus nettement définie au cours de cette année 1998. Trois étapes successives ont marqué cette évolution : le rapport de M. Jean-Pierre Sueur de février 1998 ; la nomination d'un secrétaire d'Etat à la ville le 30 mars dernier ; la réunion du comité interministériel des villes du 30 juin 1998.

A. LA LENTE MISE EN PLACE DE NOUVELLES ORIENTATIONS

1. Le rapport " Sueur " fait primer les considérations institutionnelles sur l'analyse de la situation des quartiers

M. Jean-Pierre Sueur, maire d'Orléans et ancien secrétaire d'Etat aux collectivités locales, a remis le 13 février son rapport intitulé " Demain, la ville " à Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Dans son introduction, M. Jean-Pierre Sueur estime que si beaucoup a été fait en vingt ans de politique de la ville, " il y a aujourd'hui plus de ségrégation et moins de mixité sociale dans bien des quartiers ".

Paradoxalement, ce rapport ne présente pas pour autant la " photographie " que l'on pourrait attendre de la situation économique et sociale dans les zones en difficulté ; rejetant le principe même du " zonage " pour lui substituer la mise en oeuvre effective du principe de l'égalité républicaine, M. Jean-Pierre Sueur privilégie l'approche institutionnelle pour répondre aux défis urbains.

a) L'agglomération est privilégiée dans les réformes institutionnelles

•  Constatant que la politique de la ville dépasse souvent les contours de la commune, M. Jean-Pierre Sueur propose de " s'orienter vers l'élection au suffrage universel direct d'une assemblée d'agglomérations ". Corrélativement, il demande que les futurs contrats concernant la politique de la ville et les politiques urbaines soient transformés en contrats signés entre l'Etat et l'agglomération et couvrent une période de dix ans .

Simultanément, il préconise une meilleure " représentation des agglomérations urbaines au sein des départements " et propose, à titre expérimental, un transfert des compétences exercées par le département en matière d'action sociale et de mise en oeuvre du RMI au sein d'une ou plusieurs agglomérations candidates.

La volonté réformatrice du rapport s'étend à la fiscalité locale : ainsi, il est proposé de mettre en oeuvre par voie législative " la taxe professionnelle d'agglomération dans l'ensemble des agglomérations de plus de 100.000 habitants ".

Comme on le voit même s'il ne s'agit pas, selon M. Jean-Pierre Sueur, de " la mise en cause de la commune qui constitue depuis deux siècles, la cellule de base de la démocratie " , les propositions du rapport aboutiraient bien, si elles étaient appliquées, à bouleverser assez sensiblement le paysage institutionnel.

•  En dessous du niveau de la commune, il est proposé de généraliser la création de conseils de quartiers associant non seulement les conseillers municipaux élus mais également " les représentants des associations ou des forces vives du quartier " .

Ils seraient dotés d'un rôle important : " outre un pouvoir de proposition sur l'ensemble du champ communal, ces conseils devraient obligatoirement être consultés pour toute décision concernant le quartier considéré, préalablement à l'inscription de ladite question à l'ordre du jour du conseil municipal ".

b) Un jugement sévère sur la politique de discrimination positive

L'idée de discrimination territoriale positive qui consiste à accorder un régime dérogatoire, notamment sur les plans fiscal et social à des zones urbaines en difficulté, est remise en question par le rapport de M. Jean-Pierre Sueur au profit de la " mise en oeuvre effective du principe de l'égalité républicaine " .

Un jugement souvent sévère est porté sur la politique, qualifiée de " politique de zonage ", qui est pourtant, en quelque sorte, à l'origine historiquement de la politique de la ville que nous connaissons aujourd'hui : c'est en 1981 qu'apparaissent les premières conventions de développement social des quartiers (DSQ) qui ont fourni le socle de la création du ministère de la ville en 1991.

M. Jean-Pierre Sueur considère que la discrimination territoriale positive à l'oeuvre à travers la géographie prioritaire de la politique de la ville est inflationniste, complexe, souvent incohérente et qu'elle provoque une stigmatisation préjudiciable des populations concernées.

En outre, le choix des territoires d'intervention serait contestable parce qu'il dépendrait des critères de sélection, reposerait sur les données dépassées du recensement de 1990 et induirait des effets de seuil : il apparaît pourtant que les critères ont été relativement affinés et diversifiés -de manière analogue au demeurant à ce qui se fait en matière de répartition de la DGF- pour aboutir à des modèles qui font l'objet d'un relatif consensus.

Enfin, il est souligné que le périmétrage isolerait artificiellement les zones cibles de la géographie prioritaire et créerait ainsi des risques de " déport ".

Partant de ce postulat, il propose de substituer le concept de rétablissement de l'égalité républicaine à celui de discrimination positive, c'est-à-dire d'assurer à l'ensemble des habitants des quartiers en difficulté les services publics auxquels ils ont droit dans les mêmes conditions que l'ensemble de la population.

Souhaitant favoriser " la sortie du zonage ", M. Jean-Pierre Sueur admet qu'il est essentiel que les engagements de l'Etat soient respectés : " cela suppose le maintien des zones de redynamisation urbaine (ZRU) et des zones franches urbaines (ZFU) jusqu'aux termes prévus dans le dispositif ayant entraîné leur création ".

Au-delà, M. Jean-Pierre Sueur pose le principe " qu'en cas de non-reconduction, les sommes afférentes seront affectées à la structure d'agglomération pour être employée à la politique de la ville ".

c) Des objectifs de financement ambitieux

Concernant les moyens financiers, le rapport " Sueur " préconise un effort financier minimum mené sur dix ans au moins " à la hauteur de celui accompli pour la mise en oeuvre des emplois-jeunes ", ce qui correspondrait à 35 milliards de francs par an.

Conscient des conséquences de l'annualité budgétaire, il propose un effort public pour la ville qui couvrirait une période de dix ans .

L'action de l'Etat irait de pair avec un engagement accru des collectivités locales dont l'effort actuel, qui est pourtant loin d'être négligeable -le jaune budgétaire en convient-, est considéré comme " très inégal et souvent insuffisant ".

En d'autres termes, les collectivités locales seraient appelées à " financer plus " et " aucun contrat de plan ne devrait être signé par l'Etat sur la base du statu quo ".

2. La nomination du ministre délégué à la ville rattaché à l'emploi et à la solidarité

La nomination de M. Claude Bartolone en tant que ministre délégué à la ville est intervenue le 30 mars dernier, soit près d'un an après la nomination du Gouvernement de M. Lionel Jospin.

Il a ainsi été donné raison à une demande de votre commission lors de la discussion du projet de budget pour 1998 : elle avait souligné que, -quelles que soient les qualités personnelles de Mme Martine Aubry-, l'emploi du temps d'un ministre chargé de l'emploi et de la solidarité était sans doute trop astreignant pour lui permettre de jouer un rôle de pilotage à part entière de la politique de la ville.

Il n'est pas inutile de rappeler qu'en janvier dernier, à la suite d'événements survenus dans les banlieues, le Président de la République avait reçu à l'Elysée onze maires de toutes tendances politiques pour faire le point sur la question de la sécurité dans les zones urbaines sensibles.

Comme le rappelle le rapport " Sueur ", plusieurs solutions institutionnelles ont été expérimentées depuis 1981 pour assurer la conduite de la politique de la ville au sein des structures gouvernementales :

- un ministre, ayant éventuellement rang de ministre d'Etat, chargé exclusivement de la ville (M. Michel Delebarre, M. Bernard Tapie) ;

- un ministre chargé de la ville dans un portefeuille plus large : ville et aménagement du territoire (deuxième ministère de M. Delebarre, 1992), affaires sociales, santé et ville (Mme Simone Veil, 1993), ministre de l'emploi et de la solidarité, " également chargé de la politique de la ville ", aux termes du décret d'attribution (Mme Martine Aubry) ;

- un ministre chargé de la ville dans un portefeuille plus large, et doublé d'un ministre délégué : aménagement du territoire, ville et intégration (M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration, et M. Eric Raoult, ministre délégué à la ville et à l'intégration) ;

- un secrétaire d'Etat à la ville, sous l'autorité du Premier ministre (M. François Loncle) ;

- un secrétaire d'Etat à la ville, sous l'autorité du ministre chargé de l'intégration et de la lutte contre les exclusions (Mme Françoise de Veyrinas, secrétaire d'Etat aux quartiers en difficulté).

Parmi les multiples évolutions connues en matière de structure gouvernementale pour la ville, la formule actuellement choisie qui consiste à rattacher la ville au ministère des affaires sociales présente l'avantage de mettre l'accent sur le caractère essentiel de la dimension sociale .

Il reste que le choix d'un rattachement au ministère de l'équipement et de l'aménagement du territoire -qui avait été celui du Gouvernement de M. Alain Juppé-, permet d'insister sur la notion d'aménagement du territoire car le traitement des quartiers urbains sensibles doit aller de pair avec le soutien aux zones rurales défavorisées .

Selon le décret n° 98-242 du 2 avril 1998, M. Claude Bartolone " exerce par délégation de la ministre de l'Emploi et de la Solidarité, les attributions de celle-ci relatives à la ville " . Pour cela, il dispose de la délégation interministérielle à la ville et au développement social urbain.

Il dispose également " en tant que de besoin " des autres directions et services placés sous l'autorité de Mme Martine Aubry, notamment la direction de l'administration générale, du personnel et du budget, le service de l'information et de la communication, de l'inspection générale des affaires sociales, ainsi que des directions et services des autres ministères qui concourent à la préparation et à la mise en oeuvre de la politique de la ville.

3. Le comité interministériel des villes du 30 juin 1998 définit des orientations générales

Enfin, la troisième étape du lancement de " la nouvelle ambition pour les villes ", pour reprendre la terminologie gouvernementale, s'est tenue avec le comité interministériel des villes du 30 juin 1998, présidé par le Premier ministre.

Ce comité a donné lieu à l'adoption d'orientations politiques, du programme du Gouvernement et de programmes d'action pour chaque ministère. Le contenu des trois parties est largement repris dans le " jaune " budgétaire relatif à la ville. C'est pourquoi votre rapporteur ne le reprendra pas dans le détail.

L'action gouvernementale est articulée autour de quatre objectifs :

- tout d'abord, " garantir le pacte républicain " sur tout le territoire en particulier " en redonnant au service public son rôle d'intégration du corps social " tout en " réaffirmant le sens de la citoyenneté dans les droits qu'elle ouvre mais aussi dans les obligations qu'elle crée " ;

- puis, " renforcer la cohésion sociale dans les villes " par la recherche de la mixité urbaine et sociale à travers la politique de l'habitat, de l'intégration des populations et du développement économique gage du progrès social ;

- ensuite, " mobiliser l'auteur d'un projet collectif ", l'Etat affichant sa détermination à assurer l'égalité devant le service public et les collectivités locales devant être en mesure d'assurer pleinement leurs responsabilités " par un meilleur partage de la fiscalité locale, en particulier de la taxe professionnelle, une implication et un effort financier plus conséquent des conseils régionaux et généraux et un redéploiement des dotations de l'Etat " ;

- enfin, " construire un nouvel espace démocratique " avec les habitants.

Il est frappant de constater que ces déclarations de principe ne concernent pas seulement les quartiers sensibles en difficulté mais fournissent des objectifs généraux à l'action des différentes politiques ministérielles valables pour l'ensemble du territoire .

Cette démarche est confirmée dans le compte rendu diffusé par le secrétariat général du Gouvernement : on peut ainsi noter que Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité indique que " la politique de la ville ne peut plus être, seulement, celle des quartiers en difficulté " et que " les actions en faveur de la mixité sociale, de l'ouverture des quartiers en difficulté vers le reste de la ville sont aussi déterminantes ".

La même logique se retrouve dans la déclaration du ministre de l'intérieur, reprise par M. Claude Bartolone au cours de ses auditions, indiquant que " la politique de la ville ne saurait être ce qui demeure lorsque les autres politiques publiques ont échoué " et dans la synthèse finale du Premier ministre soulignant que " la politique de la ville ne peut être ni le solde de ce qui est mené lorsque les autres politiques publiques ont échoué, ni la somme de toutes les politiques publiques existantes ".

Votre rapporteur souligne que, s'il est certes commode de définir la politique de la ville par ce qu'elle n'est pas, il reste à se demander si certaines mesures spécifiques ne demeurent pas nécessaires lorsque les politiques publiques ne parviennent plus à faire la preuve de leur efficacité, notamment en matière d'emploi et de sécurité .

B. LA SPÉCIFICITÉ DES QUARTIERS EN DIFFICULTÉ JUSTIFIE TOUJOURS LA GÉOGRAPHIE PRIORITAIRE DE LA POLITIQUE DE LA VILLE

Il est indéniable que certaines zones présentent des indicateurs sociaux très dégradés ce qui justifie que le Gouvernement, malgré les réticences exprimées, n'ait pas démantelé les dispositifs mis en place dans le cadre de la géographie prioritaire de la politique de la ville.

1. Des quartiers qui concentrent les difficultés

a) Des indicateurs spécifiques

En 1997, la délégation interministérielle à la ville a fait réaliser par l'institut national des statistiques et des études économiques (INSEE) une exploitation particulière du recensement général de la population de 1990 pour préciser et réactualiser la situation socio-démographique des zones urbaines sensibles (ZUS), des zones de redynamisation urbaine (ZRU) et zones franches urbaines (ZFU) instituées par la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville .

Il est à noter que quatre régions représentent à elles seules plus de la moitié de la population résidant dans un quartier prioritaire : l'Ile-de-France (30 % des habitants des ZUS de la métropole), le Nord-Pas-de-Calais (9,2 %), Provence-Alpes-Côte d'Azur (8,6 %) et Rhône-Alpes (8,5 %).

La population des quartiers identifiés dans les contrats de ville est de 6,5 millions de personnes , pour 17 millions d'habitants dans les communes signataires des contrats de ville.

En métropole, la population des quartiers est de 4.688.000 habitants dans les ZUS (soit 8,2 % de la population française), 3.238.000 dans les ZRU (soit 5,6 % de la population française) et 724.000 dans les ZFU (soit 1,4 % de la population française).

Le taux de chômage moyen est de 18,9 % dans les ZUS, de 20,6 % dans les ZRU et de 21,3 % dans les ZFU. Le chômage touche particulièrement les jeunes : en mars 1990, le taux de chômage des jeunes de 15 à 24 ans s'élevait à 28,5 % dans les ZUS, 30,2 % dans les ZRU et 31,2 % dans les ZFU alors que ce même taux était de 21,1 % dans l'ensemble des agglomérations où se situent ces quartiers et de 19,9 % pour la France métropolitaine.

Taux de chômage dans les quartiers prioritaires

(En pourcentage)

 

ZUS

ZRU

ZFU

Agglomérations ayant une ZUS

Taux de chômage des 15 à 59 ans (hommes)

15,4

16,6

17,0

7,9

Taux de chômage des 15 à 59 ans (femmes

23,5

25,8

27,0

10,4

Taux de chômage des 15 à 24 ans (hommes

24,1

25,4

26,3

17,2

Taux de chômage des 15 à 24 ans (femmes)

33,5

35,6

36,1

24,7

Taux de chômage (ensemble)

18,9

20,6

21,3

11,6

Source : recensement de la population de 1990, INSEE

Enfin, la part des ménages dont la personne de référence est de nationalité étrangère est en moyenne de 16 %, soit le double du taux prévalant dans l'ensemble des agglomérations.

Toutefois, cette moyenne recouvre une grande variabilité des situations locales, allant d'une absence de surreprésentation par rapport à la réalité communale (pour environ une ZUS sur 10) à des situations où la proportion de ménages étrangers dans la ZUS est plus de trois fois plus élevée que sur l'ensemble de la commune (dans un peu plus de 10 % des cas).

b) La dimension sociale des handicaps dont souffrent les quartiers

Par ailleurs en 1993-1994, l'INSEE a réalisé une étude sur 500 quartiers dits " sensibles " qui dresse un inventaire des handicaps économiques sociaux et culturels concentrés dans ces quartiers et montrent que l'exclusion est un phénomène social avant d'être urbain 2( * ) .

Tous les indicateurs sociaux ne sont pas " alarmants " dans chacun des quartiers mais ces derniers présentent bien, en moyenne, un profil dégradé aussi bien par rapport à l'agglomération dont ils font partie qu'en comparaison de la moyenne nationale : ainsi, 45 % des jeunes de 16 à 25 ans vivent dans un ménage touché par le chômage contre 24 % en moyenne nationale ; l'habitat est souvent de médiocre qualité : la mauvaise isolation acoustique concerne 59 % des habitations dans les quartiers contre 31,6 % en moyenne nationale.

Le poids de l'aide sociale dans les revenus est particulièrement important : pour 26,1 % des ménages, les prestations sociales représentent plus du quart des revenus déclarés contre 13,6 % en moyenne nationale.

Enfin, il est frappant de constater que 66 % des habitants se sentent en sécurité dans un quartier sensible contre 86,2 % en moyenne nationale.

Dix indicateurs sur la vie dans les quartiers

(en pourcentage)

 

Quartiers prioritaires

Agglomérations incluant ces quartiers

France métropolitaine

Taux de chômage déclaré (parmi les actifs de 15 ans et plus)

24,2

15,0

13,6

Jeunes de 16 à 25 ans vivant dans un ménage touché par le chômage

45,0

24,7

24,4

Pauvreté visible de l'immeuble

17,7

6,8

6,7

Mauvaise isolation acoustique

58,8

40,3

31,6

Jugent le quartier bien desservi par les transports en commun

90,0

81,0

57,3

Aucun dépôt ou compte-chèques régulièrement débiteur (% de ménages/répondants)

18,3

11,8

12,2

Faible niveau de vie (2.500 F par unité de consommation)

11,7

5,5

6,1

Importance des prestations institutionnelles dans le revenu (prestations > 25 % parmi les déclarés)

26,1

15,3

13,6

A rendu de menus services à au moins un voisin

44,7

50,6

55,5

Se sentent en sécurité dans leur quartier

66,0

80,7

86,2

2. Les interventions graduées dans les zones relevant de la géographie prioritaire de la politique de la ville

Les 214 contrats de ville conclus dans le cadre du XI ème Plan (1994-1999), ont concerné 771 communes signataires et 1.300 quartiers, dont 930 quartiers prioritaires périphériques, 112 centres villes, 195 quartiers sensibles à traiter préventivement et 71 quartiers d'action thématique ciblée.

Le dispositif issu du Pacte de relance pour la ville a distingué trois niveaux de quartiers :

a) Les zones urbaines sensibles

Les zones urbaines sensibles (ZUS) correspondent à des grands ensembles et des quartiers d'habitat dégradé souffrant d'un déséquilibre accentué entre l'habitat et l'emploi.

Elles sont d'abord apparues dans la loi du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement du territoire qui faisait référence à la liste des grands ensembles et des quartiers d'habitat dégradé mentionnée par le décret du 5 février 1993 3( * ) .

Une nouvelle liste de 780 ZUS (dont 34 dans les départements d'outre-mer) situées sur le territoire de 490 communes dans 87 départements, a été sélectionnée parmi :

- les quartiers inscrits dans les contrats de ville ;

- les quartiers inscrits au décret du 5 février 1993 précité, mais ne bénéficiant pas de contrat de ville,

- quelques quartiers hors des procédures précitées, mais dont les caractéristiques sociales étaient fortement dégradées.

Cette liste résulte du décret n° 96-1156 du 26 décembre 1996 pris en application de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance.

Les habitants des ZUS bénéficient :

- des emplois de ville (article 8 de la loi n° 96-376 du 6 mai 1996 relative à la réforme du financement de l'apprentissage),

- d'une dérogation aux plafonds de ressources du PLA,

- d'une exonération du supplément de loyer de solidarité en HLM,

- d'un développement du programme " Ecole ouverte ",

- d'une extension des zones d'éducation prioritaire (ZEP).

Les entreprises peuvent y être exonérées par le conseil municipal de taxe professionnelle (exonération non compensée par l'Etat à la charge des communes).

Les fonctionnaires travaillant en ZUS bénéficient de la nouvelle bonification indiciaire (NBI). Ces zones bénéficient aussi d'avantages en termes d'équipement et d'aménagement urbain (prêts projets urbains, transformation des grands logements, ...).

b) Les zones de redynamisation urbaine

Les zones de redynamisation urbaine (ZRU) avaient été définies par la loi du 4 février 1995 précitée en ne prenant en compte que les ZUS comprises dans une commune éligible à la dotation de solidarité urbaine (DSU).

La loi du 14 novembre 1996 de mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville affine considérablement la sélection en se référant à une sélection de critères avalisés par le Parlement et tirés de plusieurs éléments représentatifs de la dégradation des conditions de vie dans les ZRU à savoir, la population , le taux de chômage , la proportion de jeunes de moins de 25 ans, la proportion de jeunes sortis du système scolaire sans diplôme et le potentiel fiscal des communes de rattachement.

Les 416 ZRU actuelles (dont 20 dans les DOM) ont été sélectionnées dans 343 communes et 76 départements parmi les 750 ZUS 4( * ) .

Le dispositif visant à conforter ou à recréer de l'activité économique dans ces quartiers très défavorisés, est constitué pour l'essentiel d'exonérations fiscales et sociales accordées aux entreprises.

Les mesures applicables en ZRU sont les suivantes :

- exonération, compensée par l'Etat, de taxe professionnelle, pour les établissements nouveaux, ou déjà existants, pendant cinq ans sur la totalité de la base imposable, plafonnée à 1 million de francs pour la création ou l'extension, et à 500.000 francs pour les établissements existants (art. 1466 A I ter, du code général des impôts),

- exonération d'impôt sur les bénéfices, totale les deux premières années puis dégressive les troisième, quatrième et cinquième années, sans plafonnement, pour les entreprises nouvelles (article 44 sexies du code général des impôts),

- exonération de taxes foncières sur les propriétés bâties, pendant deux ans, pour les entreprises nouvelles ou les établissements créés ou repris à une entreprise en difficulté (article 1383 du code général des impôts),

- exonération sur douze mois des charges sociales patronales du quatrième au cinquantième salarié pour les entreprises nouvelles ou existantes sur une fraction de salaire n'excédant pas 1,5 fois le SMIC.

Selon le " jaune budgétaire ", le coût total estimé de ce dispositif pour 1998 est de 1.267,13 millions de francs et se décline de la façon suivante :

- impôt sur le bénéfice : 530 millions de francs

- droit de mutation : 150 millions de francs

- taxe professionnelle : 525 millions de francs

- exonérations de charges patronales

pour les 50 premiers salariés 62,13 millions de francs

c) Les zones franches urbaines

Enfin, les zones franches urbaines (ZFU) ont été déterminées, après appel à projet, parmi les quartiers de plus de 10.000 habitants présentant les caractéristiques les plus dégradées en termes de chômage des jeunes, de qualification professionnelle ou de ressources des communes.

Les ZFU, qui bénéficient des exonérations fiscales et de charges sociales les plus importantes, sont au nombre de 44, dont 38 en métropole et 6 dans les départements d'outre-mer. Elles sont déterminées par le législateur qui en a fixé la liste en annexe à la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996.

La délimitation de ces zones a été fixée par deux décrets du 26 décembre 1996 4( * ) . Le périmètre d'une ZFU peut inclure une ou plusieurs ZRU en totalité ou en partie.

L'effort de l'Etat est particulièrement concentré et repose sur des mesures d'exonération fiscale et sociale renforcées :

- exonération compensée par l'Etat de taxe professionnelle pour les établissements nouveaux ou déjà existants ou étendus, pendant cinq ans, sur la totalité de la base imposable, plafonnée à 3 millions de francs (article 1466 A I quater du code général des impôts),

- exonération d'impôt sur les bénéfices totale pendant cinq ans, avec plafonnement à 400.000 francs par an, pour les entreprises nouvelles ou existantes (article 44 octies du code général des impôts),

- exonération de taxes foncières sur les propriétés bâties pendant cinq ans (article 1383 A du code général des impôts),

- exonération des charges sociales sur douze mois des charges sociales patronales du quatrième au cinquantième salarié pour les entreprises nouvelles ou existantes sur une fraction de salaire n'excédant pas 1,5 fois le SMIC.

Selon le " jaune budgétaire ", l'effort financier de l'Etat peut être estimé à 1,3 milliard de francs dans les ZFU en 1998, soit :

- exonération de l'impôt sur le bénéfice 180 millions de francs

- exonération de la taxe professionnelle 191,5 millions de francs

- exonération de la taxe foncière sur les

propriétés bâties 40,8 millions de francs

- exonération patronale 50 premiers emplois 350 millions de francs

Toutes ces exonérations font l'objet de compensations versées le cas échéant par l'Etat aux municipalités concernées et aux organismes sociaux.

d) Les grands projets urbains

En matière de grandes opérations de restructuration urbaine, il convient de souligner que 13 sites relèvent d'un grand projet urbain (GPU), c'est-à-dire d'une opération très lourde visant à transformer radicalement sur dix ou quinze ans de grands ensembles d'habitat pour améliorer le cadre de vie, réorganiser le tissu urbain, désenclaver et améliorer l'accessibilité.

IV. DES ÉVOLUTIONS BUDGÉTAIRES FLATTEUSES QUI SOULÈVENT DES INTERROGATIONS

Les crédits augmentent de manière significative aussi bien en ce qui concerne le noyau dur des crédits gérés par la délégation interministérielle à la ville (DIV) inscrits sur le " bleu " budgétaire, qu'en ce qui concerne l'ensemble des crédits, éventuellement contractualisés, gérés par les autres ministères et les partenaires de l'Etat, inscrits sur le " jaune " budgétaire.

A. LES CRÉDITS RELEVANT DU MINISTRE DÉLÉGUÉ À LA VILLE ENREGISTRENT UNE NETTE AUGMENTATION DES DÉPENSES DE FONCTIONNEMENT

1. Les mesures nouvelles du bleu " ville "

Comme l'a souligné M. Claude Bartolone en commission, les crédits du bleu ville dépassent le seuil symbolique du milliard de francs : ils passent de 754 millions de francs à 771 millions de francs en 1999 en section de fonctionnement tandis que les crédits d'investissement relevant de la DIV restent à peu près au même niveau (213 millions de francs de crédits de paiement en 1999 contre 227 millions de francs en 1998).

Les 240 millions de francs de mesures nouvelles se répartissent comme suit :

156,5 millions de francs (+ 42 %) sont ajoutés au titre de la participation du ministère aux contrats de ville , ceci afin de prendre en compte la prolongation d'un an de ces contrats.

Afin d'adapter le calendrier des contrats de ville aux décisions par le comité interministériel d'aménagement du territoire du 15 décembre 1997, les contrats de ville et autres conventions de développement social urbain sont prorogés d'un an jusqu'au 31 décembre 1999. Il s'agit de tirer ainsi les conséquences de la décision de conclure les contrats de plan Etat-régions sur la période 2000-2006.

Le ministère indique que les crédits nouveaux précités seront destinés à soutenir, de façon significative, les initiatives locales engagées dans le cadre des contrats de ville et des projets dans les domaines des services publics de proximité, de l'éducation, de la sécurité et de l'emploi.

45 millions de francs sont mis en place au titre du suivi des grands projets urbains (GPU) sur lesquels sont conduites des opérations lourdes d'investissement et de réhabilitation.

Le programme gouvernemental du 30 juin dernier précise sur ce point que des moyens exceptionnels doivent être mis en place au profit de certaines communes engagées dans un GPU afin de les aider à faire face aux difficultés financières qu'elles connaissent du fait d'investissements importants. La liste des communes concernées et le montant des aides doivent être arrêté en CIV.

23,5 millions de francs sont consacrés aux projets de service public de quartier 5( * ) , il s'agit de passer des accords, notamment avec La Poste, pour renforcer la présence des services publics dans les zones sensibles.

Sur la base d'une consultation des habitants des quartiers en difficulté et d'un débat organisé au sein des commissions locales avec les responsables locaux des services publics, chaque préfet de département est chargé d'établir un diagnostic sur la répartition et l'organisation du réseau des services publics, en liaison avec les recteurs pour ce qui relève de la carte scolaire.

Une synthèse nationale doit être effectuée au début de 1999 par l'inspection générale de l'administration, qui formulera également des recommandations d'action aux ministères, aux établissements publics et aux entreprises nationales concernés.

Les diagnostics locaux et les recommandations nationales doivent servir de base à la négociation du volet concernant les services publics dans les futurs contrats de ville.

Par ailleurs, la création des maisons des services publics doit être encouragée et des partenariats avec les réseaux nationaux de service public établis. Parmi ceux-ci, et compte tenu du rôle particulier de La Poste dans les quartiers en difficulté, une démarche spécifique sera mise en oeuvre avec l'exploitant public, qui se concrétisera par une convention visant à définir des objectifs d'adaptation de l'offre de services et d'accès au service public correspondant aux besoins de ces quartiers.

10 millions de francs sont affectés aux dépenses déconcentrées pour un " programme de formation des acteurs de la politique de la ville ".

Ces crédits, qui se sont élevés à 3 millions de francs en 1998, permettent de financer des formations pour favoriser l'adaptation au poste de travail des agents nouvellement nommés, en leur permettant de mieux connaître leur quartier d'affectation et les démarches liées à la politique de la ville ainsi que de former les agents en poste à l'accueil en termes de connaissance des usagers et de leurs besoins.

2. Les observations de votre commission

a) Les opérations " ville-vie-vacances " nécessitent un accompagnement de l'Etat auprès des collectivités locales concernées

Les opérations " ville-vie-vacances " bénéficient de 5 millions de francs supplémentaires en 1999, permettant de porter à 50 millions de francs le montant des crédits du ministère de la ville.

Compte tenu de la participation des différents ministères, le coût global de l'opération pour l'Etat a été de 84,6 millions de francs en 1998 pour 865.000 jeunes accueillis dans 91 départements .

•  Le 30 mars 1998, Mme Martine Aubry a déterminé, par circulaire, les objectifs des opérations " ville-vie-vacances " en tenant compte des expériences passées : axées autour du déroulement de la Coupe du monde de football, les opérations en 1998 devaient favoriser la mixité et la diversité sociale et culturelle, tout en permettant d'accueillir de manière plus significative les jeunes filles qui sont souvent les " oubliées " du dispositif.

La circulaire souligne à juste titre le besoin d'encadrement qui est très réel pour assurer le succès des opérations : il a été demandé aux préfets de porter une attention particulière au contenu éducatif des actions proposées, de veiller à ce que l'encadrement dispose d'une réelle expérience et d'accorder une attention toute particulière aux opérations qui ne se déroulent pas dans le département d'origine.

Pour prévenir d'éventuels incidents pouvant se produire sur des sites de tourisme populaire (sites balnéaires, en particulier littoral girondin et roussillonnais), deux départements (Gironde et Pyrénées-orientales) ont mis en place, comme l'année dernière, un " plan littoral " : il s'agit d'un dispositif d'accueil d'animateurs de rue et de renforcement de la surveillance venant compléter les renforts de sécurité (gendarmerie, police nationale, police municipale). Il a été demandé de signaler immédiatement les incidents pouvant être provoqués par des jeunes estivants relevant du dispositif " ville-vie-vacances ". Un troisième département, l'Hérault, envisage la création d'un plan littoral.

La réponse au questionnaire budgétaire de votre rapporteur indique que, d'une manière générale, les orientations de la circulaire du 30 mars 1998 ont été respectées, même si, sur certains sites, la préoccupation de la prise en charge des 10-13 ans continue à être posée : le rajeunissement des jeunes commettant des actes de délinquance semble être, à ce propos, une donnée forte à laquelle des réponses devraient être apportées. Des partenariats plus étroits avec les collectivités territoriales devraient être mis en place afin de déterminer la responsabilité des réponses pour ces publics.

•  Concernant la mise en oeuvre du programme pour 1999 , le ministère travaille sur trois pistes :

- le " ciblage " du programme doit être amélioré : en effet, il apparaît à la DIV que les jeunes de 10 à 14 ans sont plutôt demandeurs de consommation d'activités, ce qui entre en contradiction avec l'objectif de responsabilisation, visant à rendre les jeunes acteurs " de leurs activités ".

- S'agissant du champ territorial, le ministère envisagerait de doter de moyens plus conséquents les départements dans lesquels les problèmes sont les plus aigus. Si l'extension du programme à 91 départements a permis de répondre aux difficultés des jeunes, le ministre indique que la faible dotation de certains départements ne permet pas de mettre en place un véritable programme départemental.

Le ministère souhaite donc améliorer la dotation des 42 derniers départements entrés dans le dispositif, en utilisant des indicateurs identiques sur l'ensemble du territoire (et non plus une dotation forfaitaire) et accroître la dotation des départements prioritaires, sur la base des besoins en matière de lutte contre les exclusions et de prévention de la délinquance.

- l'encadrement doit être renforcé : l'un des paramètres de réussite du programme tient à la formation des personnels d'encadrement dont le niveau serait souvent insuffisant. De ce fait, le ministère préconise un véritable plan de formation de ces personnels, soit localement, soit nationalement. Un rapprochement avec les ministères chargés de ces formations pourrait permettre de mettre en place un programme, cofinancé par l'Union européenne, sur cette question.

Il importe particulièrement de souligner que, dans les stations qui accueillent beaucoup de touristes, la cohabitation réussie entre, d'une part, les familles d'estivants et, d'autre part, les jeunes accueillis au titre des opérations " ville-vie-vacances " et ceux qui viennent par leurs propres moyens des quartiers sensibles, suppose un effort réel d'encadrement, de surveillance et parfois de médiations, en cas de conflits .

Le coût global des opérations " ville-vie-vacances " est de l'ordre de 300 millions de francs , la subvention de l'Etat jouant en quelque sorte un rôle de levier. Ainsi, en 1997, la subvention de l'Etat versée par la délégation interministérielle à la ville (DIV) a représenté 27 % de la dépense totale et entraîné la mobilisation des autres partenaires que sont les caisses d'allocations familiales (5,26 %), le Fonds d'action sociale (5,24 %), les communes (30,37 %), les conseils généraux (9,03 %), les associations (12,03 %), les familles (6,30 %) ainsi que d'autres financeurs (4,12 %) tels que les sociétés d'HLM, de transport ou des entreprises privées.

Les opérations " ville-vie-vacances " mobilisent fortement les collectivités locales concernées, soit par des subventions directes, soit indirectement, par les coûts induits dans le domaine de l'accueil et de la prévention.

Votre commission ne peut que souligner que les communes ne peuvent assumer à elles seules les surcoûts de fonctionnement résultant des opérations " ville-vie-vacances " et qu'il est donc particulièrement important d'évaluer tous les aspects du coût de la mise en oeuvre de ces opérations avant d'en élargir le champ ou d'en réformer les modalités de fonctionnement.

b) L'augmentation importante des dépenses de fonctionnement de la délégation interministérielle à la ville

Il apparaît une augmentation importante des dépenses de fonctionnement de la délégation interministérielle à la ville (DIV) qui passent de 13 à 20 millions de francs, soit une mesure nouvelle de 6,8 millions de francs (+ 54 %). Les dépenses dites de communication passent de 3,4 à 5 millions de francs (+ 47 %).

Votre rapporteur ne conteste pas l'augmentation des dépenses de fonctionnement dès lors qu'elles ont pour objet d'aider les collectivités locales à mieux faire face aux dépenses induites par les instruments contractuels de la politique de la ville. En revanche, l'augmentation des frais de fonctionnement des organismes chargés de la gestion de la politique de la ville apparaît plus critiquable.

Parmi les dépenses de fonctionnement supplémentaire, votre rapporteur s'interroge sur l'utilité de la création d'un nouvel organisme de concertation et de réflexion en matière de politique de la ville : en effet, le CIV du 30 juin dernier a décidé la création, en lien avec les associations d'élus locaux, d'un organisme ayant pour vocation essentielle de capitaliser, de valoriser et de diffuser les connaissances et pratiques. Selon le Gouvernement, cet organisme, dénommé provisoirement " institut pour la ville ", mettrait en communication les acteurs des politiques urbaines, ferait circuler entre eux l'information et favoriserait l'accessibilité des données de base.

Il convient de rappeler qu'il existe déjà un Conseil national des villes placé auprès du Premier ministre et présidé par lui, ou par l'un des deux vice-présidents désignés parmi les maires qui en sont membres. Il comprend vingt-cinq élus locaux ou nationaux et quinze personnalités qualifiées désignées par le Premier ministre sur proposition du ministre de la ville. Il a pour objet de concourir à l'élaboration de la politique de la ville par ses propositions d'orientations et de mise en oeuvre.

Au demeurant la DIV, qui comptait 85 agents dont 32 agents contractuels au 1 er août 1998, a pour mission, comme le rappelle le " jaune " budgétaire, d'assurer la mobilisation des différents acteurs de la politique de la ville dans un souci de cohérence et d'efficacité. Elle est un foyer d'initiatives, de réflexions et de propositions. Elle anime aussi les réseaux des professionnels du développement social urbain et les services déconcentrés de l'Etat, assure le suivi de l'exécution des contrats passés avec les collectivités territoriales et les échanges internationaux et européens avec les Etats confrontés à des problèmes de développement social urbain analogues.

La mission du futur Institut apparaît donc pour le moins difficile à définir par rapport aux deux institutions existantes, sauf à considérer que celles-ci jouent mal leur rôle.

•  S'agissant des dépenses d'investissement, le Fonds social urbain (FSU), qui permet au ministère de la ville de financer certaines opérations urgentes d'investissement en dehors des contrats de plan, connaît une baisse continue de ses crédits : les autorisations de programme passent de 200 à 180 millions de francs tandis que les crédits de paiement passent de 120 à 110 millions de francs. Bien que le Gouvernement mette en avant une sous-consommation des crédits à ce chapitre, il paraît peu souhaitable d'affaiblir le financement d'opérations visant notamment à désenclaver certains quartiers et à l'intégration urbaine.

B. LA HAUSSE DE L'EFFORT PUBLIC GLOBAL EN FAVEUR DE LA VILLE REPOSE ESSENTIELLEMENT SUR LES EFFORTS DES PARTENAIRES DE L'ETAT OU SUR DES DÉCLARATIONS D'OBJECTIF

Concernant l'ensemble de l'effort public consacré à la ville, le Gouvernement fait valoir que celui-ci atteindra, pour la première fois cette année, 31,2 milliards de francs, soit un niveau proche de l'objectif souhaité par M. Jean-Pierre Sueur dans son rapport (35 milliards de francs par an pendant les dix prochaines années par analogie avec les emplois-jeunes).

Il convient de rappeler que l'évolution du budget de l'Etat est concernée directement en matière de politique de la ville à quatre échelons.

- Les crédits dont la gestion relève directement de la Délégation elle-même et qui, soit sont inscrits sur le bleu budgétaire du ministère des affaires sociales, soit transitent par le fonds d'intervention pour la ville (FIV).

Ces crédits s'élèvent à 1,6 milliard de francs en 1999 contre 1,38 milliard de francs en 1998 : ils comprennent à la fois les moyens inscrits en investissement et en fonctionnement au titre de l'agrégat " ville " dans le bleu budgétaire du ministère de l'emploi et de la solidarité, examinés ci-dessus, ainsi que des transferts de gestion provenant du fonds d'aménagement pour la région d'Ile-de-France (FARIF), ou d'autres ministères, au titre des opérations d'été en faveur des jeunes par exemple.

- Les crédits des différents ministères afférents aux contrats de ville représentent 2,1 milliards de francs en 1999 contre 2,2 milliards de francs en 1998 et se situent en légère diminution par rapport à 1998.

Ils comprennent à la fois des crédits qui ont fait l'objet d'un engagement contractualisé dans les contrats de ville (1.108 millions de francs), tels que les investissements du ministère du logement affectés à la réhabilitation des logements HLM, et les crédits ordinaires des ministères qui viennent financer les actions inscrites aux programmes d'action des contrats de ville sans faire l'objet d'engagements pluriannuels (993 millions de francs).

- Les crédits des différents ministères qui concourent indirectement à la politique de développement social urbain mais qui ne sont pas consommés dans le cadre des contrats de ville , comme les crédits consacrés par le ministère du travail aux emplois de ville.

Ces crédits passent de 7,1 milliards de francs en 1997 à 9,9 milliards de francs en 1998 essentiellement en raison du financement des emplois-jeunes.

- Le manque à gagner en recettes de l'Etat au titre des dépenses fiscales et sociales et de leur compensation versée aux collectivités locales, ou aux régimes de sécurité sociale, s'élève en estimation à 2,6 milliards de francs en 1999 au lieu de 2,5 milliards de francs en 1998.

1. L'augmentation de l'effort de l'Etat est largement imputable aux objectifs annoncés sur les emplois-jeunes

Parmi les mesures nouvelles recensées dans l'effort public, près de 3 milliards de francs sont imputables à la mise en oeuvre des emplois-jeunes. Le Gouvernement retient par convention 20 % des crédits inscrits au budget " emploi " pour le financement des emplois-jeunes ( chapitre 44-01, article 10 ) qui s'élèvent au total à 13,9 milliards de francs en 1999.

Le fondement de cette clé de répartition conventionnelle est la décision du CIV du 30 juin 1998 prévoyant que " 20 % " au moins des embauches réalisées au titre des emplois-jeunes concernerait les jeunes issus des quartiers relevant de la politique de la ville ou pour des activités de service réalisées au sein de ces quartiers.

Le choix d'une clé de répartition conventionnelle est compréhensible à condition de souligner qu'elle s'applique à des emplois qui sont financés mais dont les contrats ne sont pas nécessairement encore signés à ce jour. En outre, le bilan précis devra être dressé pour connaître la proportion exacte des emplois-jeunes qui jouent effectivement un rôle du point de vue de la politique de la ville afin de savoir si le taux de 20 % est réellement tenu.

Enfin, il est important de souligner que même si l'Etat prend en charge, pendant cinq ans, 80 % du coût de la rémunération de l'emploi-jeune par référence au SMIC, le solde demeure à la charge des employeurs et notamment des collectivités locales concernées.

2. La contribution importante des collectivités territoriales

Il importe de préciser que, pour la première fois cette année, le jaune budgétaire fait apparaître une ligne correspondant à la contribution des collectivités territoriales évaluée à 3,1 milliards de francs en 1999 compte tenu des engagements pris au titre des contrats de plan. Cet engagement ferait suite à un montant de crédits de 2,5 milliards de francs en 1998.

Seules les données disponibles pour 1997, font apparaître la répartition entre les différentes catégories de collectivités territoriales : sur un montant total de 2,34 milliards de francs, les communes se sont engagées à hauteur de 1,4 milliard de francs sur les contrats de ville, les départements à hauteur de 533 millions de francs et les régions à hauteur de 431,12 millions de francs.

Il convient de se féliciter de la nouvelle présentation du " jaune " budgétaire qui permet de faire apparaître de manière plus précise l'étendue des engagements des collectivités locales.

On observera toutefois que le montant des dépenses des collectivités locales, qui sont destinées aux quartiers sensibles mais qui ne sont pas individualisées dans les contrats de plan, tel que par exemple les dépenses induites par les opérations ville-vie-vacances, ne sont pas prises en compte dans le montant de l'intervention des collectivités locales.

Pour réaliser une parfaite symétrie avec la présentation de l'effort du budget de l'Etat, il conviendrait, en pratique, de faire apparaître les dépenses des collectivités locales qui contribuent à la politique de la ville même si elles ne sont pas contractualisées . Bien entendu, cette donnée ne pourrait qu'être estimée à partir d'un échantillon représentatif afin de ne pas alourdir les charges statistiques.

En second lieu, votre commission souligne que pour comparer la réalité de l'évolution de l'effort public et la portée du montant de 31 milliards de francs annoncé par le Gouvernement, il faut réintégrer la participation des collectivités territoriales qui n'était pas incluse les années précédentes, ce qui conduit à un effort public global de 24 milliards de francs pour 1998. Le jaune procède d'ailleurs de façon tout à fait exacte à la " reconstitution rétroactive " de l'effort public global pour 1997 et 1998. Il reste que les annexes des années précédentes ne permettent plus d'établir de série homogène.

Enfin, la commission constate avec une certaine perplexité que, concernant la participation des collectivités locales, le Gouvernement affiche, de manière volontariste, un objectif de hausse de leur participation aux contrats de ville en 1999.

Cet affichage peut sembler surprenant dans la mesure où les collectivités locales seront dans l'attente de la mise en place des nouveaux contrats de ville qui seront en préparation pour la période 2000-2006. En outre, les niveaux d'intervention des régions s'inscrivaient plutôt en baisse en 1997.

Comme le rappellent les réponses aux questionnaires, les annexes financières des contrats de ville qui retracent annuellement l'effort financier de l'Etat et des collectivités locales montrent d'une part, un " décollage " difficile de la consommation des crédits régionaux au début du XI ème Plan et un tassement, voire une régression de cet engagement à partir de l'année 1997 (- 59 % par rapport à 1996).

Le Gouvernement estime que l'explication principale pourrait trouver sa source dans le taux du montant subventionnable des opérations sur lesquelles interviennent les régions (généralement 30 %) et qui laisse une part à financer considérée comme trop importante pour les communes maîtres d'ouvrage. Il est précisé que plusieurs régions envisagent de porter ce taux à un niveau supérieur afin de réaliser la totalité de leur engagement financier quinquennal sur les deux dernières années d'exécution du contrat de plan, à savoir 1998-1999.

Il reste que l'on peut s'interroger sur la volonté de lancer des investissements parfois différés depuis longtemps alors que le cycle des nouveaux contrats de plan est sur le point de débuter.

3. L'effort public de l'Etat continue d'intégrer les dotations relatives à la solidarité urbaine

Le second poste qui évolue fortement est celui de la dotation de solidarité (DSU) qui augmente de près d'un milliard de francs. Cette année encore, votre commission s'est étonnée que le Gouvernement inscrive toujours, au titre de l'effort de l'Etat, des dotations qui relèvent de la solidarité financière entre communes.

Deux dotations sont ainsi inscrites : tout d'abord, le Fonds de solidarité des communes de la région d'Ile-de-France (FSCRIF) qui représente 700 millions de francs en 1999 et qui est constitué exclusivement des contributions prélevées sur les communes de la région. A cet égard, M. Jean-Pierre Sueur rappelle dans son rapport que la Cour des comptes considère que les crédits du fonds en question ne font que transiter par le budget de l'Etat et qu'il est donc abusif de les retenir au titre de l'effort financier de l'Etat.

Pour ce qui concerne la DSU, il convient de souligner que cette dotation est une fraction de la DGF que l'Etat est, en tout état de cause, tenu de verser aux communes et qu'elle correspond à un financement des villes entre elles dans le cadre d'une politique de péréquation en faveur des communes les plus défavorisées.

Toutefois, une nuance est à apporter cette année puisque l'augmentation d'un milliard de francs de la DSU est imputable pour moitié à une nouvelle répartition au sein de la DGF et pour moitié à une dotation exceptionnelle de l'Etat, de 500 millions de francs, qui devrait être reconduite en 2000 et 2001.

Il reste que la solidarité financière entre collectivités territoriales ne peut être qu'abusivement mise au crédit de l'effort public de l'Etat en faveur de la politique de la ville.

4. L'affichage du montant des prêts de la Caisse des dépôts et consignations dans l'effort public soulève des interrogations.

Enfin, 3 milliards de francs sont imputables à l'intervention de la Caisse des dépôts et consignations.

Il s'agit de la mise en place de deux enveloppes de prêt à taux réduit de 10 milliards de francs, chacune destinée respectivement à permettre le financement d'investissements d'infrastructure par les collectivités locales et des travaux sur les logements par les HLM et les SEM.

Il conviendra là encore d'examiner comment seront consommés les crédits en question par les emprunteurs dont il convient de remarquer qu'ils sont en priorité soit des communes soit des organismes d'HLM.

V. LA NOUVELLE AMBITION POUR LA VILLE S'ENGAGE SUR DES OBJECTIFS CONTRADICTOIRES ET NE DONNE PAS SUFFISAMMENT SA PLACE AU RÉTABLISSEMENT DE LA SÉCURITÉ DANS LES QUARTIERS ET AU DÉVELOPPEMENT DE L'OUTIL ÉCONOMIQUE

A. LE NOUVEAU CADRE CONTRACTUALISÉ DE LA POLITIQUE DE LA VILLE, QUI APPELLERAIT DES SIMPLIFICATIONS, S'ENGAGE SUR DES OBJECTIFS TROP COMPLEXES

Parmi les multiples instruments contractuels de la politique de la ville, le contrat de ville joue un rôle essentiel. Signé entre l'Etat et les maires des communes concernées et, le cas échéant, les représentants du conseil régional, du conseil général et du FAS, il met en oeuvre les diagnostics et arrête les choix stratégiques ainsi que les programmes d'action sur cinq ans pour lutter contre l'exclusion dans les quartiers.

Les contrats de ville présentent l'avantage d'ouvrir la voie à une démarche globale et de présenter une grande souplesse dans l'intervention des signataires dans le respect des règles de la décentralisation.

1. La lourdeur du dispositif actuel est incontestable

La lourdeur de la mise en oeuvre pratique des contrats de ville a soulevé diverses critiques qui sont évoquées notamment dans le rapport de M. Jean-Pierre Sueur.

Certaines de ses objections rejoignent celles qui avaient été formulées dans les avis présentés au nom de notre commission par Mme Hélène Missoffe.

Trois catégories de critiques peuvent être formulées.

Tout d'abord, la multiplicité des partenaires engagés dans la politique de la ville rend relativement complexe la gestion des réunions de concertation et de pilotage. Il est à noter que la multiplicité des centres de décision n'est pas uniquement le fait des collectivités locales mais aussi des services de l'Etat pour lequel chaque service déconcentré tend à vouloir faire respecter son autonomie de décision.

Ensuite, la juxtaposition de procédures financières distinctes est source de retards de paiement des subventions. Les procédures financières sont lourdes et la généralisation des cofinancements joue comme un frein dans la mesure où doivent être attendues les diverses délibérations des collectivités locales parties prenantes au projet qui souhaitent, de manière assez légitime, qu'il soit fait état du montant de leur financement.

Enfin, la multiplicité des procédures sur un même site urbain malgré la vocation globale du contrat de ville est un facteur de complexité : les communes dotées d'un GPU voient se développer un circuit de réunions et de financement pour les projets d'investissement différent de celui appliqué pour les dépenses de fonctionnement de droit commun dans le cadre des contrats de ville.

En prenant la décision de prolonger d'un an les actuels contrats de ville, le Gouvernement a pris une décision qui semble justifiée par le souci d'agir en cohérence avec la mise en place du XII ème Plan (2000-2006) et d'assurer la mise en phase avec les cycles d'intervention des fonds structurels européens.

Toutefois, il est dommage que ce délai supplémentaire ne soit pas mis à profit pour préparer la mise en place des nouveaux contrats de ville dans des conditions moins précipitées que celles qui avaient pesé, pour des raisons tenant au calendrier, sur Mme Simone Veil.

Au contraire, les récentes déclarations du ministre délégué à la ville laissent à penser que la nouvelle négociation sera ralentie, en pratique, par la redéfinition du rôle des nouveaux contrats de ville auxquels semblent avoir été assignés de multiples objectifs.

2. Une certaine confusion sur les futurs objectifs des contrats de ville

Les déclarations du ministre délégué à la ville et le CIV du 30 juin dernier montrent qu'il est souhaité :

- que les contrats de ville s'intègrent dans les contrats d'agglomération, tel que prévu par le projet de loi sur le développement durable du territoire dans les aires urbaines où de tels contrats seront négociés et dès leur conclusion ;

- qu'une réflexion s'engage sur les modalités d'association et de consultation formelle des habitants dans le cadre des articles L. 2143-2 et L. 2142-1 du code général des collectivités territoriales.

- et que les départements soient plus fortement associés aux contrats de ville.

Conscient de la difficulté de sa démarche, le Gouvernement a choisi d'expérimenter seize sites pilotes sur lesquels des projets de contrats de ville préfigurant la contractualisation 2000-2006 doivent être lancés en septembre 1998.

Les 16 sites pilotes de la politique de la ville

Amiens

Orléans

Bastia

Perpignan

Boucle nord 92 (Asnières, Colombes, Gennevilliers, Villeneuve-la-Garenne)

Poitiers

Grenoble

Port de Bouc, Martigues

Le Mantois

Rennes

Les portes de Paris (Bry-sur-Marne, Noisy-le-Grand, Villiers-sur-Marne)

Saint-Dizier

Lille, Roubaix, Tourcoing

Val-de-Marne centre (Alfortville, Bonneuil, Créteil, Maisons-Alfort)

Mulhouse

Saint-Denis-de-la-Réunion

Un groupe de travail interministériel doit étudier la géographie d'intervention de l'Etat, le contenu des futurs contrats et les modalités d'association des habitants à l'élaboration des contrats, les modalités d'intégration des contrats de ville aux futurs contrats d'agglomération. Un prochain CIV doit arrêter avant la fin de 1998 le dispositif et les orientations retenues pour préparer les contrats de ville.

La valorisation du niveau de l'agglomération notamment semble particulièrement préconisée dans les travaux du Gouvernement.

La presse s'est récemment fait l'écho d'un rapport d'étape sur la mission de préfiguration des nouveaux contrats de ville de M. Georges Cavallier, ingénieur des Ponts et Chaussées, qui aurait été remis à M. Claude Bartolone.

Ce rapport, destiné à la préparation d'un CIV programmé pour le mois de décembre, indique nettement que " l'échelle territoriale pertinente du contrat de ville est celle de l'agglomération urbaine dès lors que ce contrat n'est pas seulement destiné à mettre en oeuvre une politique localisée et catégorielle de traitement d'urgence des quartiers en crise, mais qu'il doit aussi constituer un véritable contrat global de solidarité urbaine " .

Il serait donc proposé un système à deux étages : " Un contrat-cadre, politique et stratégique, serait signé à l'échelle de l'agglomération entre l'Etat et le président de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI). Sujet à d'éventuelles révisions, il fixera, sur une longue période, les grandes orientations. S'y ajouteront des contrats particuliers engageant des partenaires multiples (mairies, conseils généraux, conseils régionaux, bailleurs sociaux) mais essentiellement territoriaux et exceptionnellement thématiques et pouvant être conclus pendant toute la période " .

Dans un récent entretien 6( * ) , M. Claude Bartolone, interrogé sur le point de savoir s'il pouvait s'engager dans une logique résolument intercommunale alors qu'aucun texte n'était voté, a répondu qu'il était demandé aux élus " de définir un projet politique de solidarité pour leur territoire qui serait l'objet du projet de ville présenté en commun par l'ensemble des responsables des collectivités locales concernées " .

Il convient de souligner en effet que si le Gouvernement a adopté le 28 octobre dernier en Conseil des ministres un projet de loi relatif à l'organisation urbaine et à la simplification de la coopération intercommunale, aucune disposition législative n'est aujourd'hui votée modifiant institutionnellement le rôle des agglomérations.

En fait, le ministère semble poursuivre des objectifs institutionnels éloignés des actuels contrats de ville : la question du développement de la notion d'agglomération est importante mais elle passe par une réflexion institutionnelle préalable sur l'intercommunalité. De même, la participation des habitants peut s'exprimer par des voies juridiques qui n'obèrent pas le travail d'élaboration des contrats de ville.

Enfin, s'il est nécessaire d'associer le plus large nombre de collectivités possibles, il importe de souligner que la dimension communale demeure essentielle et que, plus se multiplient les participations formalisées, plus la préparation des documents contractuels est retardée.

Il serait erroné de vouloir utiliser les contrats de ville comme un levier pour faire avancer la coopération intercommunale et la participation des habitants. A poursuivre trop d'objectifs, l'instrument déjà critiqué que constitue le contrat de ville risque de se fragiliser encore plus.

B. LA POLITIQUE DE LA VILLE N'ACCORDE PAS AU RÉTABLISSEMENT DE LA SÉCURITÉ DANS LES QUARTIERS LA PRIORITÉ QUI DEVRAIT LUI REVENIR.

Le ministre met presque exclusivement l'accent sur les mesures prises en matière de prévention de la délinquance qui font largement appel à l'intervention des communes dans le cadre de la politique contractuelle.

1. La montée de la délinquance et de la violence urbaine

La question de la montée de la délinquance et de la violence urbaine se pose avec toujours autant d'acuité.

Il est à noter de manière liminaire qu'en réponse à une demande statistique sur les taux de délinquance dans les quartiers, il a été indiqué à votre rapporteur que " les statistiques de la police et de la gendarmerie recouvrent des zones géographiques qui s'apparentaient le plus souvent au découpage administratif ; l'exploitation des données fournies sur la base d'une codification d'infractions permet d'observer l'aspect de la criminalité et de la délinquance pour l'ensemble du territoire, par régions, départements ou circonscriptions que ces statistiques ne permettaient pas d'établir le taux de délinquance dans les quartiers ".

Le manque d'information de la DIV, ainsi qu'apparemment du ministère de l'intérieur, peut soulever quelques interrogations du point de vue de l'évaluation de l'action publique.

Comme on le sait, les faits constatés de criminalité et de délinquance n'ont cessé d'augmenter depuis un quart de siècle. Le seul point positif constaté est la décélération de la hausse apparue notamment entre 1994 et 1997 qui conduit à une baisse des faits enregistrés de criminalité et de délinquance respectivement de 2,88 % en 1996 et de 1,86 % en 1997.

Bien entendu, ces améliorations statistiques n'ont pas automatiquement à court terme un effet sur le sentiment d'insécurité qui règne dans les quartiers , d'autant plus que certaines catégories d'infractions ont continué à augmenter sur la période et en particulier les atteintes à la personne, les vols avec violence avec ou sans arme à feu, les destructions et dégradations, comme le souligne notre collègue M. Jean-Patrick Courtois dans son avis 7( * ) sur la police et la sécurité.

Enfin, les actes d'incivisme ou d'incivilité qui se multiplient dans les quartiers sensibles et exaspèrent les populations ne sont pas pris en compte car ils ne donnent pas toujours lieu à déclaration et au dépôt d'une plainte.

Sur ce point, des expériences étrangères ont été conduites pour tenter d'apporter une réponse plus claire des forces policières et conjurer ainsi le sentiment d'impunité des agresseurs que ressentent les victimes.

La théorie du " carreau cassé "

Dans la ville de New York qui compte environ 7 millions d'habitants, la délinquance a baissé de 10 % par an au cours des sept dernières années.

Les policiers s'efforcent d'appliquer la théorie du " carreau cassé " : la moindre infraction doit faire l'objet d'une réponse policière. En vertu de ce principe de " tolérance zéro ", aucune infraction ou déprédation ne doit rester impunie.

La théorie du " carreau cassé " est accompagnée de trois méthodes :

- un recrutement important de policiers : de 1994 à aujourd'hui le nombre de policiers en service à New-York est passé de 22.000 à 38.000 environ ;

- un contrôle des résultats à échéance régulière pouvant donner lieu à la mise en jeu du mandat du responsable policier local ;

- un renforcement des liens avec la population ( community policing ) par l'intermédiaire d'associations de quartiers et de vigiles non armés.

Une mission du ministère de l'intérieur s'est rendue aux Etats-Unis en février 1998 pour étudier les résultats. Trois propositions ont été suggérées au ministre : désigner des sites-pilotes où seraient promues des associations de rue en contact avec un correspondant policier ; rendre chaque policier en charge de ces secteurs responsable par rapport à sa hiérarchie ; réaliser un sondage auprès des policiers et de la population pour déterminer les attentes de chacun.

En octobre 1998, la police d'Amsterdam a été invitée également à sanctionner par des amendes les infractions ou les déprédations même mineures commises sur la voie publique.

La violence urbaine est aggravée par deux phénomènes préoccupants pour l'avenir.

•  La violence affecte par un effet de " tache d'huile " des quartiers voisins de ceux où elle était enracinée. Tel est notamment le cas des franges agricoles des grandes villes des espaces dits périurbains où vivent 9 millions de Français et sur lesquels se maintiennent des exploitations représentant 10 % de la surface agricole utile nationale.

Les actes de déprédation et les actes de vandalisme gratuit semblent se développer sur les exploitations agricoles périurbaines.

Il convient également de souligner les " bouffées " de violence qui frappent des communes suburbaines moyennes jusqu'ici épargnées par ces phénomènes.

•  Le second phénomène inquiétant est la montée d'une délinquance qui est le fait de mineurs, souvent en bandes organisées ; la part des mineurs dans les vols avec violence est passée de 19 à 31 % sur les vingt dernières années ; leur part dans les actes de vandalisme est passée de 23 à 40 %. Ceci pose la question de l'organisation de notre système judiciaire et son aptitude à répondre à cette nouveauté ; cela pose également la question de savoir si le système social d'aide aux familles ne devrait pas rechercher dans certains cas à mieux responsabiliser les familles en ouvrant la voie à un dialogue dans la dignité avec les parents.

2. Une politique fortement axée sur la dimension préventive

Le Gouvernement souligne que la politique de la prévention de la délinquance est mise en oeuvre sur la totalité du territoire national mais qu'elle s'attache à intensifier ses interventions dans les sites prioritaires de la politique de la ville.

Cette politique est élaborée au sein de 850 conseils communaux de prévention de la délinquance dont 345 dans les communes ayant signé un contrat de ville.

La circulaire du Premier ministre du 13 février 1997 instituant la généralisation des plans départementaux de prévention de la délinquance a indiqué que ces plans devraient accorder une priorité à la prise en charge des jeunes les plus en difficulté.

Le Gouvernement met également en avant :

- les initiatives visant à responsabiliser la génération adulte,

- les mesures de prévention de la toxicomanie,

- le développement des mesures alternatives à la détention dans le cadre des plans départementaux pour prévenir les récidives,

- le développement de la justice de proximité et l'aide aux victimes,

- des initiatives locales pour assurer la sécurité dans certains lieux sensibles (gares et transports, centres commerciaux).

Par ailleurs, le CIV du 30 juin 1998 a chargé la DIV de présenter des propositions visant à la simplification des dispositifs de prévention et de sécurité. Celle-ci doit également faire une étude sur les réponses à apporter aux incivilités. Un séminaire national doit être organisé pour refonder la question de la prévention de la délinquance.

En matière de lutte contre la délinquance, le ministère rappelle que sept brigades anti-criminalité départementales (BAC) fonctionnent dans les départements de la région parisienne. Ces unités ont été créées à partir de 1996.

Il est indiqué que les contrats locaux de sécurité -dont 400 sont en cours d'élaboration-, doivent conduire au développement d'une véritable sécurité de proximité.

En revanche, s'agissant des effectifs, le ministère renvoie au redéploiement prévu dans le cadre de la réforme de la carte des services de police et de gendarmerie visant à redéployer 3.000 policiers en zones sensibles et 1.200 gendarmes en zones périurbaines et qui, à ce jour, n'est pas entrée en vigueur.

Pour mémoire, il n'est pas inutile de rappeler que dans le cadre du pacte de relance pour la ville, M. Alain Juppé, alors Premier ministre, avait envisagé d'affecter 4.000 policiers supplémentaires en trois ans dans les départements comportant des quartiers difficiles.

La présence supplémentaire d'agents sur le terrain repose donc aujourd'hui quasi exclusivement sur l'arrivée des adjoints de sécurité, qui ne peuvent, en tout état de cause, participer à des missions de police judiciaire ou de maintien de l'ordre et des agents locaux de médiation sociale qui ne disposent d'aucune compétence judiciaire, d'aucun pouvoir réglementaire et qui ne peuvent en aucun cas être armés.

Ces emplois de proximité ne peuvent remplacer l'expérience des policiers et gendarmes qui présentent de toute manière un taux de rotation très élevé lorsqu'ils sont affectés en zone urbaine sensible.

La situation dans les quartiers apparaît donc menaçante du point de vue de la sécurité.

Certes, une circulaire du ministère de l'intérieur du 11 mars 1998 a défini quatre orientations sur la lutte contre les violences urbaines :

- renforcer la recherche et l'exploitation du renseignement en recourant à des matériels adaptés (caméscope, appareil photo, etc.) ;

- amplification de la recherche des situations de flagrant délit en améliorant la rigueur professionnelle des interpellations ;

- concentrer les moyens d'investigation sur les banlieues sensibles pour mettre un terme aux nombreux trafics ;

- conforter l'ordre public pour s'opposer aux exactions et " manifester à la population, la volonté de l'Etat d'assurer sa mission régalienne ".

Si les formules semblent pertinentes, la circulaire risque fort de demeurer à l'état de voeu pieux si des effectifs supplémentaires de policiers ne sont pas affectés dans les zones sensibles pour assumer les missions envisagées.

C. UNE ATTENTION INSUFFISANTE PORTÉE AU DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE

A la lecture du rapport Sueur, il apparaît que la politique d'exonération fiscale et de charges sociales dans les quartiers, lancée par le pacte de relance pour la ville, ne suscite pas une adhésion de la part des pouvoirs publics.

Pourtant la redynamisation de l'économie dans les zones sensibles est une des conditions essentielles pour réussir le retour des quartiers dans le droit commun.

1. Le scepticisme du rapport Sueur

Lorsque nous avions souhaité, l'année dernière, obtenir des informations sur les résultats des ZFU, le Gouvernement nous avait renvoyés au rapport à venir de M. Jean-Pierre Sueur.

Ce dernier ne semble pas avoir obtenu d'informations particulières de la part de l'Administration et constate l'absence de statistiques fiables. Il s'interroge sur le respect de la clause d'embauche des habitants des quartiers en zone franche dues au faible niveau de qualification des chômeurs.

Il met l'accent également sur la petite taille des entreprises installées qui seraient peu créatrices d'emplois ainsi que sur les transferts qui auraient lieu à l'échelon communal.

En définitive, M. Jean-Pierre Sueur tranche dans ses propositions pour le maintien des ZRU et des ZFU " jusqu'au terme du dispositif ayant entraîné leur création " , c'est-à-dire au moins pendant cinq ans.

2. La nouvelle dynamique des zones franches urbaines

Votre rapporteur a reçu en audition l'Association nationale des villes zones franches urbaines (ANVZFU) qui a procédé à un bilan d'étape après 18 mois de mise en oeuvre du dispositif.

Au 1 er novembre 1998, 4.622 entreprises se sont installées en ZFU dont 2.194 sont des créations.

Un constat analogue apparaît en matière d'emplois : depuis le 1 er janvier 1996, 20.125 emplois nouveaux sont mis en place dans les quartiers dont 10.308 créations nettes.

La clause dite d'embauche locale est bien respectée : 37 % des embauches se font au niveau de la zone.

Ce chiffre est d'autant plus spectaculaire qu'il fait suite à une baisse continue de l'emploi dans les quartiers défavorisés depuis ces dernières années, ce qui avait abouti à un stock de 35.000 emplois à la veille de l'instauration du pacte de relance pour la ville.

A Roubaix, dans la zone sensible, qui n'avait plus connu d'emplois nouveaux depuis 15 ans, 2.500 emplois ont été implantés en 18 mois. De même, la zone Garges-Sarcelles a connu 2.400 emplois nouveaux et les communes concernées ne disposent plus actuellement des moyens fonciers nécessaires pour fournir des locaux aux entreprises intéressées.

Par ailleurs, il s'agit bien, dans 50 % des cas, de créations nettes d'emplois nouveaux, ce qui conduit à relativiser le discours qui voulait que les zones franches ne feraient que le bonheur des chasseurs de primes. Des comités d'agrément informels se sont mis en place dans la quasi-totalité des villes pour éviter les abus. Les contrôles effectués par les services de l'Etat semblent avoir été particulièrement attentifs.

S'agissant des emplois transférés, il est difficile de les considérer comme de simples " délocalisations ". Un examen attentif montre souvent que l'entreprise transférée a suivi une logique de développement d'activité. Parfois, le déménagement vise à éviter une fermeture qui risquait d'être irréversible sans les aides sociales ou fiscales.

Il est regrettable, dans ce contexte, que le Gouvernement ait mis en place l'établissement de restructuration des espaces commerciaux (EPARECA) avec un retard de près d'un an et demi sur le programme initial. Ainsi, selon l'ANVZFU, la première réunion de l'établissement public s'est tenue seulement en octobre 1998.

Au total, malgré les réticences, le dispositif du pacte de relance pour la ville apparaît bien comme le plus lisible et le plus efficace qui a été mis en place depuis quinze ans pour relancer l'activité économique dans des zones en situation désespérée : les entreprises sont venues malgré la réputation parfois déplorable des quartiers et génèrent des flux économiques ; les habitants bénéficient de ce regain d'activité et l'image du quartier est revalorisée à l'intérieur comme à l'extérieur ; la défiscalisation revient moins chère à l'Etat qu'une subvention.

C'est pourquoi on ne peut que regretter que le Gouvernement actuel ne cherche pas à accompagner, en facilitant les investissements commerciaux, le mouvement de reprise qui s'est déclenché.

*

* *

Pour les raisons exposées ci-dessus, votre commission a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits relatifs à la ville dans le projet de budget pour 1999.


1 " Demain, la Ville " - rapport présenté au ministre de l'emploi et de la solidarité par M. Jean-Pierre Sueur, maire d'Orléans.

2 Les conditions de vie dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville par M. Philippe Choffel in Donnée urbaines, ouvrage collectif, collection Villes, éditions Anthropos.

3 Décret n° 93-203 du 5 février 1993 pris pour l'application de l'article 26 de la loi n° 91-662 du 13 juillet 1991 d'orientation pour la ville et relatif à l'article 1466 A du code général des impôts.

1 Décrets n os 96-1157 et 96-1158 du 26 décembre 1996 fixant la liste des zones de redynamisation urbaine en métropole et dans les DOM et décret n° 96-1159 du 26 décembre 1996 définissant l'indice synthétique de sélection des zones de redynamisation urbaine en métropole.

4 Décret n° 96-1154 du 26 décembre 1996 portant délimitation de zones franches urbaines dans certaines communes et décret n° 96-115 du 26 décembre 1996 portant délimitation de zones franches urbaines dans certaines communes des départements d'outre-mer.

5 dont 10 millions de francs en dépenses directes de fonctionnement (chapitre 37-82) et 13,5 millions de francs en dépenses d'intervention (chapitre 46-60).

6 Le Monde, vendredi 13 novembre 1998.

7 Avis n° 71 (1998-1999), Tome II Intérieur : Police et sécurité.



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