B. LES CRÉATIONS D'EMPLOI NE SE SONT PAS ACCOMPAGNÉES D'UN ACCROISSEMENT POURTANT NÉCESSAIRE DE LA MOBILITÉ
1. La création de 150 emplois
Le
Gouvernement avait annoncé l'an passé qu'un vaste effort en
faveur de l'emploi scientifique serait lancé. En la matière, le
budget 1999 apparaît toutefois moins ambitieux que le budget pour
1998.
Le BCRD prévoit en effet la création de 150 emplois (contre
400 l'an passé) :
- 100 emplois de chercheurs dans les EPST ;
- 50 emplois d'ingénieurs et de techniciens dont 43 dans les
EPST.
Comme en 1998, sur ces 150 créations, un " volant " de
21 emplois ne sera pas encore affecté à tel ou tel
organisme, pour être en cours d'année réparti, afin de
"
soutenir les efforts de rapprochement et de rationalisation des
structures de recherche
".
Votre Commission relèvera tout d'abord que ce programme de
création d'emplois, bien qu'affiché comme une des grandes
priorités du BCRD pour 1999, est nettement moins ambitieux que celui de
l'an passé, puisqu'il concerne
un volume d'emplois quatre fois
inférieur.
Faut-il pour autant le regretter ?
Deux facteurs incitent votre commission pour avis ne le pense pas pour les deux
raisons suivantes :
- d'abord, dans un contexte budgétaire qui n'est guère
porteur, et alors que
les frais de personnel représentent
déjà près de 80 % des dépenses des
établissements
, la création de nouveaux emplois
budgétaires est de nature à accroître encore les
rigidités de gestion des organismes ;
-
ensuite et surtout, cette " politique de l'emploi " n'en
est pas une.
Les problèmes les plus importants, comme par exemple
celui de
l'absence de mobilité des chercheurs,
sont en effet
très loin d'être résolus et rien ne permet de dire que les
actuelles créations de postes vont dans le sens de leur
résolution.
2. Une mobilité quasi inexistante
a) La mobilité ne concerne qu'une faible majorité de chercheurs publics
Votre
commission ne reviendra pas longuement sur un constat qu'elle a
déjà largement dressé
2(
*
)
, celui de
la
nécessité du rajeunissement de la pyramide des âges de la
recherche publique
, -action initiée par le comité
interministériel de la recherche scientifique du
3 octobre 1996-, et de l'indispensable
accroissement de la
mobilité des chercheurs
.
Comme l'ont signalé tant la Cour des Comptes dans son rapport sur la
valorisation de la recherche politique
3(
*
)
que M. Henri Guillaume dans son
rapport de mission sur la technologie et l'innovation, remis en mars 1998,
l'absence de mobilité des chercheurs publics est en effet quasiment
totale.
Pour les EPST, le bilan des mobilités en 1997 est le suivant :
MOBILITÉ AU SEIN DES EPST EN 1997
|
Effectif budgétaire
|
Mobilité des chercheurs |
En % de l'effectif total |
||||
|
|
|
|
|
|
Total |
|
INRA |
1 771 |
4 |
17 |
3 |
44 |
69 |
3,8 % |
CEMAGREF |
73 |
- |
7 |
1 |
- |
8 |
11 % |
INRETS |
150 |
1 |
- |
2 |
- |
3 |
2 % |
INRIA |
327 |
4 |
7 |
7 |
- |
18 |
5,5 % |
CNRS ET INSTITUTS |
11 386 |
45 |
9 |
4 |
- |
58 |
0,5% |
INSERM |
2 115 |
11 |
5 |
6 |
29 |
5 |
2,4 % |
DRSTOM |
824 |
- |
3 |
- |
15 |
18 |
2,2 % |
INEO |
57 |
1 |
3 |
- |
1 |
5 |
8,8 % |
Total |
16 703 |
66 |
51 |
23 |
89 |
229 |
1,4 % |
Source : RENRT Vers l'enseignement Vers le
secteur
privé
Vers le secteur public Interne
(interdisciplinarité)
En termes de flux pour 1997, le chiffre global des mobilités (229)
montre qu'elles n'ont concerné que
1,4 % de l'effectif
budgétaire.
Encore faut-il constater que les mobilités ont le
plus souvent lieu
vers le secteur public, l'enseignement ou vers d'autres
programmes ou structures de recherche publique.
Ainsi, en 1997, seulement
23 chercheurs des EPST ont effectué une mobilité vers le
secteur privé, sur un effectif budgétaire de
16.703 personnes
.
Rappelons que, dans son rapport, la Cour des Comptes évaluait à
700 en 10 ans le nombre de mobilités dans les EPST vers
l'industrie, soit
une moyenne annuelle de 0,2 % des effectifs
.
Cette caractéristique purement française nuit fortement
à la diffusion technologique des résultats de la recherche dans
le monde économique.
En effet, la mobilité des chercheurs vers l'entreprise est
bénéfique d'un triple point de vue, comme le rappelle le rapport
de mission précité de M Henri Guillaume :
-
pour l'entreprise
, l'arrivée d'un chercheur permet
l'apport d'une compétence de haut niveau immédiatement
disponible ;
-
pour le chercheur
, la mobilité lui permet de voir ses
travaux déboucher sur une réalisation économique et de
découvrir un milieu nouveau et des conditions de travail
attractives ;
-
pour le laboratoire de recherche
, cette expérience offre
la possibilité de définir, en concertation avec l'entreprise, de
nouveaux axes de recherche et de nouer des relations contractuelles avec
elle.
b) L'impératif d'une relance des incitations à la mobilité
Le
Gouvernement précédent avait mis en place des dispositifs tendant
au développement de la mobilité des chercheurs publics,
qui ne
sont que reconduits par l'actuel Gouvernement, malgré ses ambitions
affichées en la matière.
La mobilité vers l'enseignement supérieur
Afin de favoriser les passages de corps de recherche dans le corps des
enseignants-chercheurs, 520 postes ont été
créés aux budgets des exercices 1990 à 1995 du
ministère de l'Education nationale, destinés exclusivement
à cette possibilité supplémentaire offerte aux chercheurs
des EPST.
Les conditions de cette mobilité ont été organisées
par la circulaire n°90-010 du 10 janvier 1990 et le décret
n° 90-984 du 1er octobre 1990 modifiant le décret
n° 84-431 du 16 juin 1984 portant statut du corps des
professeurs d'université et du corps des maîtres de
conférences. Ce texte permet aux chercheurs d'être
détachés puis ensuite intégrés dans les corps
d'enseignants-chercheurs.
De 1990 à 1995, ces mesures ont permis à 500 chercheurs
environ d'être accueillis sur des postes d'enseignants-chercheurs, par la
voie du détachement et par la voie du recrutement direct.
Actuellement de 70 mobilités de chercheurs vers l'enseignement
supérieur ont lieu chaque année, dont 50 correspondent
à des recrutements par concours dans le corps des professeurs
d'université et 20 à des détachements.
La mobilité vers les entreprises
Cette mobilité est particulièrement faible.
Depuis plusieurs années, la condition au financement par l'Etat des
projets de recherche d'envergure des groupes industriels dans le cadre des
grands programmes technologiques est un engagement de leur part d'accueillir
des chercheurs des organismes publics, comme cela a été le cas
par exemple, dès 1997 de Rhône-Poulenc pour le programme
" REACTIF " et de Peugeot et Renault pour le programme
" PREDIT ".
L'ANVAR a soutenu près de 600 recrutements de chercheurs titulaires
et de post-doctorants au sein des entreprises en 1996 ; un budget
spécifique de 18 millions de francs a été
dégagé du Fonds de la recherche et de la technologie (FRT) pour
soutenir les entreprises embauchant un jeune post-doctorant dans le cadre d'un
projet innovant en 1997.
Afin d'inciter les chercheurs à accepter une mobilité vers les
entreprises, les gains de rémunération possibles dans le cadre
d'un détachement, qui étaient auparavant limités à
30 % ont été portés à 50 %.
Pourtant, cette action est bien loin d'être suffisante.
Plusieurs mesures favorisant la mobilité des chercheurs vers les
entreprises sont actuellement à l'étude ; il s'agit en
particulier du projet de loi concernant l'essaimage, du détachement
à temps partiel dans une entreprise et, enfin, d'un allongement de la
durée de contrat à durée déterminée pour les
chercheurs détachés dans une entreprise.
Votre commission pour avis regrette que ces orientations n'aient pas
été mises en oeuvre avec plus de rapidité et de
détermination.