CHAPITRE II -
RECHERCHE, INNOVATION ET PETITES
ENTREPRISES
I. UN IMPÉRATIF : REMÉDIER AU MAUVAIS RENDEMENT TECHNOLOGIQUE DE LA RECHERCHE FRANÇAISE
L'année 1998 aura, sans nul doute, été marquée par la remise, par M. Henri Guillaume, président d'honneur de l'ANVAR, de son rapport de mission sur la technologie et l'innovation . Ces conclusions, remises en mars 1998 aux ministres chargés de l'économie, des finances et de l'industrie, de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie et au secrétaire d'Etat à l'industrie, étaient l'aboutissement de huit mois d'investigations effectuées à la demande 4( * ) de MM. Allègre, Strauss-Khan et Pierret, destinées à dégager une évaluation et des propositions sur la qualité du " couplage " entre le potentiel scientifique français et les activités industrielles et sur l'environnement de la création et du développement d'entreprises innovantes.
A. LE CONSTAT ACCABLANT DU RAPPORT GUILLAUME
Le
bilan, accablant, dressé par ce rapport a été suffisamment
commenté par ailleurs pour que votre rapporteur n'en rappelle que les
grandes lignes.
Le constat est en effet peu satisfaisant :
Il existe un décalage entre la bonne production scientifique de la
France et sa mauvaise position technologique
.
Le rapport constate le décalage entre la position française en
matière de
publications scientifiques
et sa position en termes de
dépôts de brevets européens, ou américains
,
en globalité et plus spécifiquement dans le domaine des
" technologies clés ".
M. Henri Guillaume affirme que la grande majorité des personnes
consultées par lui juge que le couplage des découvertes ainsi que
des connaissances de la recherche publique et des activités
économiques "
n'atteint pas son plein rendement
".
Le rapport précise :
"
Cette situation n'est pas propre à la France. Plusieurs
études comparatives soulignent par exemple que mises à part des
exceptions comme Cambridge, ou l'université de Twente aux Pays-Bas, le
système universitaire européen a, en matière de
transfert de technologie vers l'industrie, un retard de 10 ans sur les
universités américaines
".
La " recherche technologique " est insuffisante en France
Définissant la recherche technologique comme celle dont
les objectifs
sont déduits d'une problématique industrielle
, cette
recherche répondant directement à la demande des entreprises, le
rapport estime que sa faiblesse et son absence de structuration en France sont
de très sérieux handicaps.
"
L'évocation de ce thème suggère
immédiatement le réseau des Fraunhoffer en Allemagne, le TNO aux
Pays-Bas, les grandes universités technologiques anglo-saxonnes.
L'impossibilité de citer leurs équivalents français est
symptomatique de notre situation.
Si l'Etat a su créer un
réseau puissant d'organismes publics de recherche, il n'a pas su mettre
sur pied un système d'institutions relais entre la recherche et le monde
économique
. De même, l'existence des grandes écoles n'a
pas facilité la création de grandes universités de
technologies, Compiègne demeurant jusqu'à ce jour l'exception.
Or, la qualité de la recherche technologique, son accessibilité
sont désormais des facteurs déterminants du processus
d'innovation des entreprises et, de l'avis des groupes industriels, une
condition essentielle de leur compétitivité à moyen
terme
".
Le dispositif public de transfert et de diffusion de la technologie est
trop complexe
Impliquant un nombre trop élevé d'acteurs, autour de missions qui
prennent souvent des formes variées, le dispositif public de transfert
de technologie vers les entreprises est jugé complexe et peu efficace,
particulièrement pour
les petites entreprises
.
Pour ces dernières "
la lisibilité globale du
dispositif est extrêmement faible, les conduisant même parfois
à renoncer à l'apport considérable que
représenterait ce type de partenariat technologique
. La
multiplicité des acteurs est vécue au niveau régional
comme la conséquence d'une stratification dans le temps de mesures et de
dispositifs qui perdurent indépendamment de toute évaluation.
Il est paradoxal que l'Etat ait encore accru cette complexité en
étant incapable de concentrer ses financements (dispersés dans de
nombreuses procédures), et en ne clarifiant pas les
responsabilités de ses services déconcentrés et de ses
agences
".
Les grands organismes publics de recherche n'ont pas su
" valoriser " les résultats de leurs recherches
La loi d'orientation et de programmation pour la recherche et le
développement technologique du 15 juillet 1982, dont votre
rapporteur pour avis avait eu l'honneur d'être le rapporteur au
Sénat, précisait, en son article 5, que la politique de
recherche et de développement technologique vise non seulement à
l'accroissement des connaissances, mais aussi à la
valorisation des
résultats de cette recherche
. Une telle mission était, en
conséquence, assignée aux organismes publics de recherche.
Regrettant qu'aucune évaluation suivie de la politique de valorisation
des laboratoires publics ne soit menée, ni par le ministère ni
par les établissements eux-mêmes, le rapport Guillaume arrive,
là encore, à un constat alarmant :
l'attitude culturelle des
laboratoires à l'égard de la recherche appliquée est telle
qu'elle remet en cause jusqu'à la réalité de la
volonté d'engager des actions de transfert de technologies
.
En effet, la réussite des coopérations industrielles n'est pas
portée au crédit des chercheurs pour leur évaluation, ni
à celui des laboratoires pour l'affectation prioritaire des moyens
humains et financiers. Cette situation nuit à la motivation des
chercheurs et des équipes.
Le rapport indique : "
La suggestion quasi-unanime est d'introduire,
à côté du critère scientifique, des critères
d'évaluation spécifiques pour prendre en compte les
résultats du transfert de savoir-faire et des projets de
coopération, ainsi que l'opinion des acteurs industriels
".
Votre commission souhaite qu'une telle démarche soit rapidement
adoptée.
Ce rapport formule de très nombreuses propositions, que votre rapporteur
n'exposera pas en détail, mais qui portent à la fois sur la
nécessaire restructuration des
organismes publics
de
valorisation de la
recherche et du dispositif public de diffusion
technologique, sur le financement
public de la recherche industrielle des
entreprises et le
crédit d'impôt recherche
et enfin sur le
contexte financier et fiscal
à développer pour soutenir
l'innovation.