CHAPITRE IER -

LE CONTEXTE INTERNATIONAL

I. UNE CONJONCTURE INCERTAINE

Le projet de budget du commerce extérieur pour 1999 s'inscrit dans une conjoncture économique incertaine.

A. UNE CONJONCTURE JUSQU'À PRÉSENT FAVORABLE À LA CROISSANCE

1. La reprise observée depuis mai 1996 s'est poursuivie et amplifiée en 1997 dans les économies occidentales

La conjoncture des pays d'Europe continentale s'est améliorée à partir du deuxième trimestre 1997 , soutenue par une forte contribution de la demande extérieure et, dans une moindre mesure, par la demande intérieure. La croissance a ainsi atteint 2,5 % dans les pays de la zone euro en 1997, après 1,6 % en 1996.

L'activité est restée exceptionnellement dynamique tout au long de l'année 1997 dans les pays anglo-saxons. Aux Etats-Unis, pour la sixième année consécutive, la croissance est demeurée vigoureuse et sans tensions inflationnistes, en dépit d'un marché du travail se rapprochant du plein emploi. Au Royaume-Uni, la croissance a également connu un rythme élevé en raison du dynamisme du secteur des services, soutenu par la demande des ménages.

En revanche, en Asie orientale, l'année 1997 aura été celle de l'effondrement de la croissance.

Au Japon, un brutal resserrement de la demande intérieure, ainsi que l'effet de la crise asiatique, ont entraîné le pays dans la récession au dernier trimestre de l'année. La croissance est ainsi restée légèrement inférieure à 1 % en moyenne annuelle.

Les pays émergents d'Asie du sud-est et la Corée du Sud ont vu leur situation et leurs perspectives se dégrader profondément dans la seconde moitié de l'année, au fur et à mesure que la crise de change, déclenchée début juillet 1997 en Thaïlande, se propageait, engendrant une crise financière dans la plupart des pays de cette zone. Ce phénomène s'est aggravé à l'automne, en dépit de la mise en place de plans internationaux d'aide à la Thaïlande et à l'Indonésie.

La crise s'est étendue à l'ensemble des marchés boursiers d'Asie du sud-est et a eu des répercussions, fin octobre, sur les bourses des grands pays industrialisés, ainsi que sur celles de certains marchés émergents d'Amérique latine et de l'Est de l'Europe présentant une vulnérabilité particulière.

Au total, la perte d'activité dans les pays émergents d'Asie du sud-est a atteint plus de deux points de croissance en 1997, les pays les plus affectés étant la Thaïlande, l'Indonésie et la Corée du Sud.

2. Jusqu'au second semestre 1998, la croissance mondiale, recentrée sur la demande intérieure, s'est poursuivie

La contribution du commerce extérieur à la croissance s'est nettement réduite dans l'ensemble des pays industrialisés depuis le début 1998.

Dans les économies occidentales, le recentrage de l'activité sur le marché intérieur explique le maintien de la croissance.

Dans la zone euro, alors que le commerce extérieur avait largement contribué au niveau de la croissance en 1997, son influence devrait être nulle en 1998. En revanche, la progression du pouvoir d'achat des ménages, qui s'élève à 2,6 % en 1998 contre 1,2 % en 1997, favorise une consommation privée devenue le principal moteur de l'activité économique.

En Amérique du Nord, les conséquences commerciales et financières de la crise asiatique ont été plus prononcées. A partir du premier trimestre 1998, la croissance aux Etats-Unis s'est stabilisée à 1,5 % par an contre 3 % les années précédentes.

En revanche, le Japon -qui a subi, outre l'effondrement de la demande en provenance de partenaires asiatiques représentant 40 % de ses exportations, une contraction de la demande intérieure- est entré en récession début 1998, comme la majorité des pays émergents du Sud-est asiatique.

B. DES PERSPECTIVES AUJOURD'HUI PLUS INCERTAINES

Depuis le début du second semestre 1998, la déstabilisation des marchés des changes et des capitaux sur l'ensemble des places boursières témoigne d'un retournement du comportement des investisseurs.

1. Un environnement mondial déstabilisé

Depuis l'été 1998, plusieurs événements ont bouleversé les marchés mondiaux.

La crise russe

La crise institutionnelle et économique russe s'est notamment traduite par une dévaluation de près de 50 % du rouble par rapport au dollar et par un effondrement de l'activité. Avec la récession, les importations russes devraient diminuer fortement. Ces dernières ne représentant cependant que 1,3 % des importations mondiales, l'impact direct de cette crise devrait rester circonscrit.

Le prolongement de la récession en Asie

Les résultats de la croissance au premier trimestre 1998 ont confirmé l'ampleur des récessions dans plusieurs pays asiatiques, en particulier au Japon. Le recul du PIB devrait se prolonger en 1999. Le coût des restructurations des entreprises et des banques pourrait ainsi peser sur la croissance à moyen terme.

Des incertitudes sur les économies d'Amérique latine

Le recul des indices boursiers du premier trimestre 1998 touche plusieurs pays de cette zone. Cette relative défiance des investisseurs internationaux s'accompagne d'une baisse du prix des matières premières qui affecte plusieurs pays de la zone. Les principaux instituts de conjoncture estiment qu'une crise du change au Brésil ou en Argentine touchant par contagion l'ensemble des économies latino-américaines n'est pas à exclure.

Un ralentissement de la croissance dans les pays d'Amérique du Nord

Les économies d'Amérique du Nord connaissent depuis le second semestre 1998 un ralentissement pour partie lié à des éléments externes -dont la crise asiatique qui a restreint leurs débouchés-, mais également à des facteurs internes de réduction de la demande intérieure. Le ralentissement de la croissance américaine pourrait, si elle se prolongeait, affecter nos échanges extérieurs d'abord par le biais des importations, ensuite en entraînant une baisse du dollar.

2. Des incertitudes qui pèsent sur les perspectives de croissance

Les principaux organismes internationaux et instituts de conjoncture ont réduit, depuis le premier semestre 1998, leurs prévisions de croissance mondiale pour 1998 et 1999.

Ainsi, les prévisions de croissance mondiale établies par l'OCDE s'élèvent à 2,4 % pour 1998 et 1999, celles du FMI à 2 % pour 1998. Elles sont en deçà du taux de 3,1 % enregistré en 1997.

Dans l'ensemble, elles retiennent pourtant des hypothèses favorables : impact limité de la crise russe, évolution contrôlée des économies d'Amérique latine, retour progressif à la croissance en Asie et maintien de l'activité en Europe .

Compte tenu des incertitudes et aléas qui pèsent actuellement sur le marché des capitaux, ces estimations pourraient cependant se révéler optimistes. S'il est aujourd'hui difficile de prévoir le niveau de la croissance mondiale, les différents instituts de conjoncture s'accordent à penser que celle-ci dépendra directement :

- de la capacité du Japon et des pays d'Asie du Sud à réformer leur système bancaire et à relancer leur croissance ;

- du niveau de l'activité aux Etats-Unis et de l'évolution de la parité entre le dollar et l'euro;

- du maintien de la situation financière des Etats d'Amérique latine ;

- du niveau de la demande intérieure au sein des pays de l'Union et de l'impact de la création de l'euro sur la croissance en Europe.

II. LA CROISSANCE DES ÉCHANGES INTERNATIONAUX QUI S'ÉTAIT REDRESSÉE DEPUIS 1996 DEVRAIT RALENTIR EN 1998 ET 1999

La croissance du commerce international, qui s'était redressée depuis le second semestre 1996, devrait ralentir légèrement en 1998 et en 1999 sous l'effet du retournement de la conjoncture.

A. LE COMMERCE MONDIAL A CRÛ RAPIDEMENT EN 1997

Le commerce mondial de marchandises a progressé de 9,5 % en 1997 contre 5 % en 1996, soit un des taux de croissance les plus élevés des deux décennies passées.

Cette évolution est essentiellement imputable à l'accélération de la demande des pays anglo-saxons. Moins dynamiques, les importations des pays d'Europe continentale se sont redressées à partir du second semestre 1996 et ont été particulièrement importantes au printemps et à l'été 1997.

La demande des pays émergents est également restée ferme jusqu'au printemps 1997, " tirée " notamment par la demande intérieure en Amérique latine. En revanche, à partir de fin 1997, les pays de l'OPEP ont commencé à diminuer leurs importations en raison des pertes de recettes d'exportation liées à la chute du prix du pétrole.

CROISSANCE EN VOLUME DU COMMERCE INTERNATIONAL PAR RÉGIONS

En pourcentage

Moyenne 90/95

1996

1997

Monde

6 %

5 %

9,5 %

Amérique du Nord

7 %

6 %

10,5%

Amérique latine

8  %

11 %

12,5 %

Europe occidentale

5,5 %

4,5 %

8 %

Pays en transition

4,5%

7,5 %

11 %

Asie

7,5%

3,5%

11,5%

Source : OMC

La demande en provenance d'Asie, forte en 1996 et 1997, s'est effondrée en fin d'année en raison des effets de la crise des pays asiatiques sur la demande intérieure.

Compte tenu de la structure des échanges entre les pays d'Asie en crise et les économies industrialisées, dont le tableau suivant donne un aperçu, l'impact de la crise asiatique sur les échanges commerciaux a cependant été extrêmement variable selon les pays.

POIDS DES SEPT PAYS D'ASIE EN CRISE (1) DANS LES ÉCHANGES COMMERCIAUX

Pays

Importations

Exportations

Etats-Unis

15,7 %

14,2 %

Japon

23,4 %

31,2 %

Union Européenne

4,3 %

4 %

France

4 %

5 %

(1) Corée du Sud, Indonésie, Malaisie, Philippines, Thaïlande, Singapour, Hong Kong.

Source : OCDE

B. LA CROISSANCE DU COMMERCE MONDIAL DEVRAIT SE TASSER EN 1998 ET 1999

Le rythme de croissance des échanges mondiaux diminuerait en 1998 en raison du ralentissement de certaines zones émergentes, telle que l'Asie, l'Amérique latine et les pays de l'OPEP, ainsi que du tassement de la demande en Amérique du Nord et au Royaume-Uni :

- le ralentissement de la demande intérieure dans les pays d'Amérique du Nord devrait limiter les importations de ces pays ;

- la demande d'importations adressée hors de la zone Asie par les pays de l'Asie émergente touchés par la crise financière serait en recul en 1998 et les importations japonaises, de nouveau en baisse au premier trimestre, demeurent peu dynamiques tout au long de l'année 1998 en raison de l'atonie persistante de la demande intérieure ;

- les importations des pays de l'OPEP subissent de plein fouet en 1998 les conséquences de la baisse du prix du pétrole, malgré la légère reprise en volume de leurs importations qui semble s'amorcer depuis le printemps.

Dans ces conditions, la poursuite de la reprise en Europe continentale, favorable au maintien à un niveau élevé de la demande d'importations en 1998, ne parvient pas totalement à compenser le ralentissement de la demande dans les autres parties du monde.

La croissance du commerce mondial s'élévera probablement à un taux proche de 8 % en moyenne annuelle en 1998, inférieur de un et demi points à celui de l'année précédente (9,5 %) .

PRÉVISION DU COMMERCE MONDIAL DE PRODUITS MANUFACTURÉS

Taux de croissance du volume des importations en %

1996

1997

1998

Europe à 6

4,2 %

9,7 %

9,1 %

Etats-Unis

10,1 %

16,5 %

12,9 %

Canada

4,3 %

18,0 %

11,2 %

Japon

7,0 %

3,0 %

- 5,0 %

Total OCDE

6,0 %

11,1 %

8,6 %

Pays émergents

7,7 %

5,8 %

1,3 %

Commerce mondial

6,3 %

9,9 %

8,0 %

Demande mondiale adressée à la zone euro

7,8 %

8,4 %

4,7 %

Demande mondiale adressée à la France

5,5 %

9,4 %

7,4 %

Source : Direction de la prévision, Ministère de l'économie et des finances

En dépit des incertitudes qui entourent les perpectives économiques pour 1999, il est d'ores et déjà possible de tirer au moins deux enseignements de ce retournement de la conjoncture internationale.

La crise financière en Asie a montré que la mondialisation des marchés doit s'accompagner d'une meilleure régulation du système monétaire et financier international. Comme l'a souligné l'audition par votre commission de M. Michel Camdessus, directeur général du Fonds monétaire international, cette régulation ne semble possible que grâce à des règles et des institutions à la mesure de l'économie globale dans laquelle nous évoluons désormais.

C'est pourquoi, il importe d'engager dès à présent une réflexion sur une réforme des institutions financières internationales et des règles prudentielles susceptible de prévenir les crises des systèmes bancaires et financiers nationaux et leur propagation .

Le retournement de la conjoncture internationale souligne également le caractère incertain du contexte international dans lequel le projet de loi de finances pour 1999 a été élaboré.

On peut, à ce propos, se demander si le Gouvernement a bien pris en compte dans ses hypothèses de croissance la nécessaire prudence qu'il convient d'adopter dans un tel contexte.

Le projet de loi de finances pour 1999 se fonde sur une hypothèse de croissance de 2,7 %, qui suppose que la demande intérieure sera suffisamment forte pour contrebalancer le tassement de la demande extérieure.

Cette hypothèse apparaît optimiste à bien des instituts de conjoncture. Compte tenu du degré d'ouverture de notre pays et de la place prise dans notre économie par nos exportations, il est, en effet, à craindre que la croissance ne puisse se maintenir à ce niveau si notre commerce extérieur se détériore.

Certes, la perspective de la monnaie unique nous a pour l'instant préservé de l'instabilité financière, mais l'Euro ne pourra nous protéger d'un affaiblissement de la croissance mondiale.

Dans ce contexte, votre rapporteur pour avis ne peut qu'espérer que le niveau de croissance soit à la hauteur de l'optimisme dont fait preuve le Gouvernement.

III.  L'ÉTAT D'AVANCEMENT DES NÉGOCIATIONS MULTILATÉRALES

Le projet de budget du commerce extérieur pour 1999 s'inscrit dans un contexte marqué par quelques avancées dans les négociations commerciales multilatérales, mais également par la persistance de différends commerciaux en particulier entre les Etats-Unis et l'Europe.

A. UN BILAN SATISFAISANT DE L'ACTIVITÉ DE L'ORGANISATION MONDIALE DU COMMERCE (OMC)

1. Un bilan plutôt positif des deux premières conférences ministérielles de l'Organisation Mondiale du Commerce

La Conférence de Singapour de décembre 1996 avait permis de réaffirmer les engagements de Marrakech et de lancer un programme de travail sur de nouveaux sujets tels que les politiques de la concurrence ou les marchés publics ; la deuxième conférence ministérielle de Genève qui s'est déroulée du 18 au 20 mai dernier a permis d'arrêter les modalités d'une reprise des négociations multilatérales en l'an 2000.

La déclaration adoptée à Genève prévoit, par ailleurs, que les membres de l'OMC engageront des discussions sur les secteurs des groupes de travail relatifs à la concurrence, aux investissements et aux marchés publics, ainsi que sur les règles relatives au commerce avec les pays les moins avancés.

2. Un mécanisme de règlement des différends qui fait ses preuves

L'augmentation du nombre de dossiers actuellement engagés dans le cadre de la procédure de règlement des différends illustre le succès de cette procédure et le renoncement progressif des Etats aux procédures unilatérales.

Aujourd'hui, près d'une trentaine de dossiers font, en effet, l'objet d'une procédure de règlement des différends.

L'Union européenne et ses Etats membres sont directement impliqués dans une douzaine de dossiers : neuf en tant que parties plaignantes, notamment sur les dossiers relatifs aux taxes discriminatoires sur certaines boissons alcooliques au Japon ou sur les mesures américaines affectant l'interdiction d'importation des crevettes ; trois en tant que parties défenderesses, en particulier sur les dossiers du régime communautaire applicable aux importations de bananes et sur la classification douanière de certains équipements informatiques.

Ce bilan positif doit être nuancé par le constat d'un certain déséquilibre entre le niveau d'utilisation de la procédure par les Etats-Unis et par l'Union européenne.

Votre rapporteur pour avis souligne, à ce propos, que le règlement communautaire sur les obstacles au commerce -qui permet aux entreprises, aux fédérations professionnelles et aux Etats membres de saisir directement la commission des problèmes rencontrés- devrait être à l'avenir utilisé de manière plus active.

B. LES NÉGOCIATIONS SECTORIELLES

L'année écoulée a également été marquée par l'aboutissement dans le cadre de l'OMC de plusieurs négociations sectorielles .

1. Les services financiers

Après l'accord sur les services de télécommunication de base conclu le 15 février 1997, l'accord sur les services financiers est, sans nul doute, le second grand succès des négociations sectorielles menées dans le cadre de l'OMC.

Conclu le 12 décembre 1997, sous l'égide du comité sur le commerce des services financiers, il a été signé par plus de 70 pays. Il constitue le cinquième protocole de l'accord général sur le commerce des services.

Ce cinquième protocole devrait entrer en vigueur en France le 1er mars 1999, après avoir été ratifié par le Parlement.

Tous les grands partenaires commerciaux de la France, dont les Etats-Unis, sont parties à cet accord, qui tend à ouvrir aux fournisseurs de services financiers étrangers l'accès aux marchés nationaux de la banque, de l'assurance, des titres et autres services financiers.

2. Les négociations multilatérales sur l'investissement

Les investissements directs font depuis plusieurs années l'objet de négociations, au sein de l'OCDE comme de l'OMC. La portée de ces négociations s'est précisée en 1997 et 1998 sans que les parties ne parviennent à un accord.

a) La négociation à l'OCDE de l'Accord Multilatéral sur l'Investissement (AMI)

Les négociations en vue de parvenir à la conclusion d'un accord multilatéral sur l'investissement, définissant des règles communes pour la libéralisation et la protection des investissements internationaux, se sont poursuivies en 1997 et 1998.

Les négociations devaient initialement aboutir lors de la réunion ministérielle d'avril 1997. Elles avaient été reportées en 1998 en raison de plusieurs points de désaccord. Ceux-ci n'ont pas été éliminés et les ministres réunis à l'OCDE en avril dernier ont, à la demande de la France et avec l'accord des Etats-Unis, suspendu la négociation pour six mois.

Depuis le début de ces négociations, la France avait adopté des positions offensives sur plusieurs points, tout en conditionnant la conclusion de l'accord à des réserves sur certains secteurs à fort contenu politique.

La France a, en effet, souhaité renforcer la portée de l'accord afin de :

- limiter le nombre et la portée des mécanismes généraux d'autorisation des investissements étrangers ;

- s'assurer que les engagements pris au titre de l'accord ne soient pas réduits à néant par des réserves trop larges, en particulier de la part des Etats Unis, du Canada et du Mexique;

- obtenir que les Etats fédérés des fédérations, telles que les Etats Unis, le Canada, et l'Australie soient bien liées par l'accord;

- limiter l'exception générale à l'accord au titre de la sécurité nationale, en l'encadrant par une procédure anti-abus;

- obtenir l'interdiction des législations à portée extraterritoriale;

- introduire des disciplines sur les discriminations de fait;

- obtenir des disciplines de transparence en matière d'octroi de concessions.

Elle a, en revanche, souhaité dans le prolongement des accords issus de l'Uruguay Round limiter la portée de l'accord en demandant que le secteur de la culture fasse l'objet d'une clause d'exception générale.

Sur plusieurs points, la politique culturelle française est, en effet, en contradiction avec les objectifs de la négociation. D'une part, la législation française prévoit, au nom de la préservation du pluralisme, des restrictions directes à l'investissement dans le domaine de la presse, de la radio et de la télévision. D'autre part, un mécanisme tel que le compte de soutien de l'industrie cinématographique, à qui l'on doit pour une large part le dynamisme de la production cinématographique française, constitue une restriction indirecte incompatible avec la clause du traitement national.

Il était à craindre, par ailleurs, que plusieurs dispositions de cet accord ne remettent en cause certains aspects de notre législation sociale et de notre politique de protection de l'environnement.

Pour ces raisons et suite à une forte mobilisation des professions concernées, le Gouvernement a précisé en 1998 les conditions qu'il souhaite voir remplies pour pouvoir accepter un tel accord :

- l'acceptation d'une clause d'exception générale pour la culture ainsi que pour les droits de propriété littéraire et artistique de sorte que ni la conception française du droit d'auteur, ni les modalités de gestion collective de ces droits ne puissent être remises en cause ;

- l'inscription dans l'AMI d'une clause autorisant les membres de l'Union européenne à s'accorder mutuellement un traitement préférentiel, sans avoir à étendre ce dernier aux autres pays parties à l'accord ;

- l'abrogation partielle des lois américaines à portée extraterritoriale et, en particulier, la suppression des points les plus litigieux de la loi Helms-Burton relative aux relations commerciales avec Cuba ;

- l'introduction dans l'accord de clauses spécifiques garantissant le respect des normes fondamentales en matière de conditions de travail et d'environnement.

Estimant, avant même la reprise des négociations, que ces conditions ne pourraient être remplies, le Premier Ministre a annoncé le 14 octobre dernier que le Gouvernement ne reprendrait pas part aux négociations de l'AMI et qu'il serait proposé à nos partenaires de réengager ces négociations dans le cadre de l'OMC .

Votre commission partage le souci que la conclusion d'un accord sur les investissements internationaux ne limite pas de façon excessive notre maîtrise de la législation nationale et communautaire en matière de droit du travail, d'environnement ou de culture. Elle souligne néanmoins l'utilité de poursuivre ces négociations dans le cadre de l'OMC, pour assurer la protection des investissements de nos entreprises à l'étranger.

b) La poursuite des activités du groupe de travail sur le commerce et l'investissement à l'OMC

Issu de la Conférence ministérielle de l'OMC à Singapour en décembre 1996, le groupe de travail sur la concurrence et l'investissement a poursuivi ses travaux. Intégrant les contributions de pays non membres de l'OCDE, les travaux de ce groupe de travail pourraient éventuellement servir de fondement à des négociations sur les investissements dans le cadre de l'OMC.

Les pays en voie de développement, qui étaient à l'origine très réticents devant l'inscription de ce thème à l'ordre du jour de l'OMC, semblent être aujourd'hui plus ouverts. En revanche, les Etats-Unis souhaiteraient poursuivre les négociations dans le cadre plus restreint de l'OCDE.

L'Union européenne a quant à elle toujours affirmé, sur l'insistance de la France, sa détermination à négocier des règles relatives aux investissements internationaux dans le cadre de l'OMC.

Cette volonté est partagée par certains de nos partenaires européens ainsi que par le Canada qui a proposé, lors de la dernière réunion ministérielle de l'OCDE, un transfert à l'OMC des négociations de l'AMI.

3. Les marchés publics

Les négociations sur les marchés publics n'ont pas enregistré de progrès significatifs en 1997 et 1998.

L'accord plurilatéral conclu sous l'égide de l'OMC en 1994 est entré en vigueur le 1er janvier 1996. Il doit faire l'objet d'une transposition en droit communautaire. Un projet de texte adopté par le Conseil en 1995 a été rejeté par le Parlement européen.

La Commission doit présenter un nouveau texte de conciliation dans les prochains mois. Il conviendra de veiller à ce que ce texte se limite à transposer les règles de l'OMC sans créer de contrainte supplémentaire et qu'il préserve l'égalité de traitement entre opérateurs privés et publics, acquis important du marché unique.

A la suite de la conférence de Singapour, un groupe de travail a, par ailleurs, été créé en vue d'améliorer la transparence dans les procédures de passation des marchés publics. Ces discussions pourraient déboucher à terme sur la négociation d'un accord multilatéral, de portée plus limitée que l'accord plurilatéral existant, mais de participation plus large en associant les pays en développement. Aucune date n'a cependant été prise à ce stade, en raison, notamment de la réserve de ces derniers.

Enfin, des négociations en vue de conclure un accord sur les marchés publics de services sont en cours à l'OMC ; toutefois, là encore, aucune échéance n'a été fixée pour la conclusion des négociations.

C. LES DIFFÉRENDS COMMERCIAUX ENTRE LES ETATS-UNIS ET L'UNION EUROPÉENNE

Les négociations au sein de l'OMC et dans le cadre de l'OCDE ont illustré le rôle central des relations entre l'Union européenne et les Etats-Unis dans les négociations commerciales internationales. Comme l'ont montré les négociations sur l'AMI, la poursuite d'un dialogue transatlantique constructif s'accompagne également de différends importants, tant dans des secteurs où les deux partenaires ont des intérêts fortement concurrents que sur des questions relatives aux règles du commerce international en général.

1. Des différends commerciaux dans des secteurs où il existe des intérêts concurrents sur les marchés mondiaux

Dans le domaine agricole, les relations transatlantiques sont marquées par de nombreux différends :

- à la suite d'une procédure entamée devant l'OMC par les Etats-Unis et le Canada, la réglementation communautaire interdisant l'utilisation d'hormones de croissance dans la production de viande bovine a été jugée non conforme aux règles de l'OMC. Après une procédure d'appel plutôt favorable aux thèses communautaires, des études sont en cours afin de justifier scientifiquement cette interdiction ;

- le régime communautaire d'importation et de vente des bananes a également été déclaré non conforme aux règles de l'OMC, dans son volet externe, à l'initiative des Etats-Unis et de quatre pays latino-américains. L'Union européenne a jusqu'au 1er janvier 1999 pour mettre sa réglementation en conformité. Le Conseil avait donc adopté un nouveau réglement le 20 juillet dernier.

Comme l'a souligné la résolution n° 92 du Sénat sur la proposition de règlement soumis au Conseil 1( * ) , l'enjeu de cette réglementation est de maintenir l'équilibre entre les intérêts des producteurs d'Amérique latine, des pays ACP et de ceux de la Communauté parmi lesquels figurent les producteurs français des Antilles. De ce point de vue, le règlement adopté semble rencontrer les préoccupations exprimées par votre commission lors de l'examen de cette résolution 2( * ) . Il faut cependant relever que les Etats-Unis ont, une nouvelle fois, manifesté leur volonté de contester ce nouveau régime ;

- la protection des indications d'origine est peu développée aux Etats-Unis, où nombre de nos appellations sont utilisées comme des semi-génériques. Malgré les demandes communautaires répétées, la négociation d'un nouvel accord sur le vin n'a guère avancé. Les efforts communautaires et français portent donc sur l'amélioration du régime de protection offert à l'OMC et sur des négociations avec les pays latino-américains afin d'éviter que les pratiques américaines ne se répandent sur le continent ;

- courant 1997, les exportations communautaires de gluten de blé ont connu une augmentation sensible vers les Etats-Unis. Ces derniers ont donc décidé d'imposer un contingentement des importations, aboutissant à un recul de 40 % des exportations françaises. Cette mesure de sauvegarde semblant non conforme aux règles de l'OMC, la Commission a proposé le retrait de concessions d'un montant équivalent sur les importations communautaires de gluten de maïs américain, ainsi que l'ouverture de consultations à l'OMC, première étape d'une procédure de règlement des différends.

Dans le secteur industriel , l'aéronautique et dans une moindre mesure le textile sont les principaux secteurs où il existe des différends notoires :

- les relations aéronautiques, qui ne constituaient plus -depuis la signature de l'accord de 1992 sur les gros porteurs- un motif de tension entre l'Europe et les Etats-Unis, sont en effet redevenus un objet de conflit en 1997 avec l'annonce de la fusion entre Boeing et Mac Donnell Douglas. Après six mois d'enquête au titre du contrôle des concentrations, et alors que la Federal Trade Commission a donné son feu vert à la fusion le 1er juillet 1997, la Commission européenne a autorisé sous condition cette opération.

La France a demandé et obtenu que la décision de la Commission soit assortie d'un mécanisme de surveillance des engagements de Boeing auxquels sont associés les Etats membres.

Parallèlement, des discussions exploratoires ont eu lieu entre les Etats-Unis et l'Union européenne sur le fonctionnement de l'accord bilatéral sur les gros porteurs de 1992 : l'Union européenne considère, en effet, que les Etats-Unis ont une interprétation très flexible de leurs engagements à la transparence en ce qui concerne les aides indirectes à la recherche, alors que le système européen d'avances remboursables est par nature très transparent et contrôlable. La Commission tente donc de faire pression pour obtenir des résultats sur les aides indirectes pratiquées par les Etats-Unis ;

- dans le secteur du textile : à la suite d'une plainte déposée par les industriels au titre du règlement sur les obstacles au commerce (ROC), la Commission a engagé des négociations avec les autorités américaines. Ces discussions ont abouti favorablement à l'été 1997. Les Etats-Unis se sont engagés à déposer un amendement à leur loi sur les règles d'origine pour revenir aux dispositions appliquées avant le 1er juillet 1996. L'échéancier prévu est lié à la négociation sur l'harmonisation des règles d'origine dans le cadre de l'Organisation mondiale des Douanes et de l'OMC. En cas de manquement aux engagements pris par les Etats-Unis, l'accord prévoit une réactivation de la procédure à l'OMC.

Dans le secteur des services , l'audiovisuel demeure la principale source de divergence entre les Etats-Unis et l'Europe.

La fin de la négociation d'Uruguay a, certes, marqué un très net recul des tensions. Le bon résultat obtenu du point de vue français n'a pas été mis en cause au cours de la période récente. Les Etats-Unis ont cependant réaffirmé à l'OMC, lors de la réunion ministérielle de mai 1998, que ce sujet restait l'une de leurs priorités à moyen terme, notamment dans la perspective du prochain cycle. Les principaux objectifs américains devraient être d'éviter une réglementation protectrice dans ces secteurs et ceux du multimédia, de trouver un accord convenable sur la question des droits frappant les cassettes-vidéo vierges, et enfin d'obtenir la levée des restrictions à l'investissement. Si les Etats-Unis semblent avoir accepté l'équilibre obtenu à Marrakech sur ce dernier point, des tensions restent néanmoins toujours possibles, comme en témoignent les négociations sur l'AMI à l'OCDE.

2. Des divergences d'appréciation sur les règles du commerce international

Les négociations relatives à l'AMI ont illustré cette année les divergences récurrentes entre l'Union européenne et les Etats-Unis sur au moins trois points :

Lois extraterritoriales américaines

Depuis 1996, le Congrès a adopté des textes visant à faire pression sur les principaux partenaires commerciaux des Etats-Unis pour les amener à infléchir leur politique à l'égard de Cuba, de l'Iran et de la Libye, et isoler davantage ces pays, déjà soumis à embargo américain.

La législation Helms-Burton contre Cuba, entrée en vigueur le 12 mars 1996, prévoit l'exclusion du territoire américain des dirigeants et actionnaires de sociétés étrangères soupçonnées d'utiliser des biens confisqués à des ressortissants américains par le régime cubain. La loi d'Amato promulguée le 5 août 1996, met en place des sanctions contre les entreprises étrangères qui réalisent des investissements dans le domaine des hydrocarbures en Iran et en Libye.

L'Union européenne a dénoncé très fermement ces législations et a adopté, en novembre 1996, un règlement communautaire, dit " anti-embargo ", qui vise à neutraliser les effets extraterritoriaux et à dissuader les entreprises européennes de se conformer aux prescriptions ou mesures américaines prises sur leur fondement. L'Union, qui avait décidé en 1996 de porter plainte à l'OMC, a néanmoins accepté de suspendre la procédure en avril 1997, en échange d'une promesse de non-agression contre les entreprises européennes et de la recherche d'un compromis global.

Au bout d'un an de négociations, lors du sommet euro-américain du 18 mai 1998, les Etats-Unis et l'Union européenne ont trouvé un accord dans les termes suivants : les Etats-Unis s'engagent à accorder des dérogations permanentes aux entreprises de l'Union européenne au titre de la loi Helms-Burton pour autant que ces entreprises continuent à ne pas être sanctionnées au titre de la loi d'Amato.

Enfin, des dispositifs de même inspiration se sont multipliés au niveau des Etats fédérés, conduisant la Communauté à demander des consultations à l'OMC au titre de la violation de l'accord plurilatéral sur les marchés publics (AMP). Devant l'absence de résultat de ces consultations, l'Union a décidé en juillet 1998 de demander à l'OMC l'établissement d'une procédure officielle de règlement des différends sur cette affaire.

Le régime fiscal des entreprises

Les Etats-Unis permettent à des entreprises de nombreux secteurs de délocaliser une partie de leurs bénéfices liés à des exportations dans des structures fiscales dites FSC (" Foreign Sales Corporation "), implantées la plupart du temps dans des paradis fiscaux, puis de rapatrier ces revenus sans payer d'impôts. Il s'agit donc d'une subvention à l'exportation interdite par l'accord sur les subventions et mesures compensatoires de l'OMC. En 1997, l'Union a demandé des consultations à l'OMC, et, devant l'absence de tous progrès, a demandé en juillet 1998 l'établissement d'un panel.

Les Etats-Unis ont par ailleurs demandé des consultations, visiblement à titre de rétorsion, sur des mesures fiscales de cinq Etats membres (Belgique, France, Grèce, Irlande, Pays-Bas). L'Union européenne estime que les mesures fiscales évoquées sont d'une ampleur très modeste par rapport au système des FSC, qui coûte près de 1,5 milliard de dollars au budget annuel des Etats-Unis.

Les lois antidumping

L'Union européenne a demandé à l'OMC en juin 1998 des consultations sur une loi antidumping américaine de 1916 qui contrevient aux dispositions de l'article VI du GATT et à son accord interprétatif de l'Uruguay Round. cette loi donne, en effet, aux parties plaignantes, des droits qui peuvent paraître excessifs au regard des règles du GATT. Une plainte peut être déposée par toute partie privée, ce qui permet au plaignant de ne pas être représentatif de l'industrie nationale. Une simple intention de causer un dommage suffit, en outre, à actionner la loi, les mesures étant mises en place immédiatement sans les sauvegardes procédurales de l'accord antidumping. La loi prévoit enfin des dommages-intérêts élevés ou des peines d'emprisonnement alors que l'accord de l'OMC n'autorise que des droits antidumping.

3. La nécessité de poursuivre le dialogue transatlantique

Ces différends devraient être au centre des négociations commerciales entre les Etats-Unis et l'Union européenne dans les années à venir. Mais le cadre de ces négociations reste à définir.

La Commission européenne a, en effet, proposé par la voix du commissaire européen à la concurrence, Sir Léon Brittan, de poursuivre ces négociations dans un cadre bilatéral en vue de la création d'un " nouveau marché transatlantique " (NTM). Cette proposition approuvée par la Commission le 11 mars 1998, tendait à engager des discussions dans quatre domaines : l'élimination des obstacles techniques aux échanges, la suppression d'ici l'an 2010 de tous les droits de douane sur les produits industriels, la création d'une zone de libre échange pour les services, l'adoption de mesures de libéralisation en matière d'investissements, de marchés publics et de propriété intellectuelle.

Le Conseil des ministres a cependant écarté ce projet ambitieux en mars dernier. La France a notamment fait valoir que cette approche bilatérale risquait de compromettre les efforts entrepris par l'Union européenne pour obtenir de l'ensemble des membres de l'OMC une libéralisation réciproque des échanges. Elle a également souligné que rien n'indiquait que les Etats-Unis acceptent d'exclure de cette négociation les secteurs de la culture et de l'agriculture.

La Commission a donc proposé un programme d'action moins ambitieux, visant à renforcer les relations commerciales bilatérales par des accords ponctuels de libéralisation ou de reconnaissance mutuelle. Ce programme, qui sera soumis au Conseil, s'inscrit également dans le cadre de la reprise programmée des négociations au sein de l'OMC.

Votre commission souligne, dans cette perspective, la nécessité de ne reprendre les négociations avec les Etats-Unis qu'une fois que la chambre américaine des représentants aura voté la procédure du " fast track " qu'elle a rejeté en septembre. Cette procédure, qui permet au Président des Etats-Unis de négocier un accord commercial et de le soumettre au Congrès pour ratification sans que ce dernier n'ait la possibilité de l'amender, est en effet essentiel au bon déroulement des négociations.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page