C. LE RÉGIME FISCAL DES JOURNALISTES
En
supprimant dans le projet de loi de finances pour 1998 la disposition
rétablissant les abattements supplémentaires accordés
à quelque 109 professions, l'Assemblée nationale a
malencontreusement ouvert un dossier que la sagesse du Sénat l'invite
sans résultat chaque année à refermer.
Il faut rappeler que la loi de finances pour 1997 avait tout à la fois
prévu l'allégement du barème de l'impôt sur le
revenu et la suppression, par abaissement progressif du plafond de
déduction jusqu'en 2000, de toutes les déductions forfaitaires
supplémentaires pour frais professionnels.
L'abandon de cette réforme avait en toute logique conduit le
gouvernement de M. Lionel Jospin à rétablir les abattements dans
le texte du projet de loi de finances déposé sur le bureau de
l'Assemblée.
Compte tenu des protestations suscitées par le revirement de
l'Assemblée nationale et des hésitations du gouvernement sur la
méthode de compensation, la commission des finances du Sénat
avait, l'année dernière, proposé et fait accepter par le
gouvernement un report d'un an de la mesure.
Le paragraphe II de cet article 10 de la loi de finances pour 1998 disposait
d'ailleurs que ce report devait être mis à profit pour engager une
concertation avec les professions concernées afin de dégager une
solution équitable et durable.
Le processus a bien été engagé, mais n'a pas abouti
à des solutions satisfaisantes et acceptées par les
intéressés.
En particulier, la solution retenue pour les journalistes présente de
nombreux inconvénients. Elle consiste à compléter le
1° de l'article 81 du code général des impôts, qui
dispose que sont affranchies de l'impôt
" les allocations
spéciales destinées à couvrir les frais inhérents
à la fonction à l'emploi effectivement utilisés
conformément à leur objet ",
par une phrase
précisant que les rémunérations des journalistes,
rédacteurs, photographes, directeurs de journaux et critiques
dramatiques et musicaux perçues ès qualités constituent de
telles allocations à concurrence de 30 000 francs.
On notera que, sur le plan financier, et comme l'a reconnu le rapporteur
général du budget de 1999 à l'Assemblée nationale,
" la mesure proposée peut être moins avantageuse que
l'actuel dispositif d'une déduction supplémentaire pour frais
professionnels, comme le montre l'exemple de deux journalistes
célibataires disposant d'un revenu de 120 000 francs, l'autre de
200 000 francs. Elle est en effet moins favorable que l'actuel dispositif
avec un plafond de 50 000 francs, moins favorable même que celui-ci
avec un plafond de 30 000 francs, comme ce sera le cas pour l'imposition
en 1999 des revenus de l'année 1998 ".
On notera aussi que, sur le plan juridique, cette mesure ne paraît pas
présenter toute la sécurité requise pour les
intéressés : les allocations spéciales de l'article 81
doivent être utilisées conformément à leur objet, ce
qui veut dire qu'on doit être en mesure d'en vérifier
l'utilisation et donc qu'elles peuvent faire l'objet d'un contrôle fiscal.
En outre, le sort particulier fait aux journalistes et assimilés
pourrait faire l'objet de critiques, sur le plan de l'égalité
devant l'impôt.
Il paraît donc opportun de se rallier à la position de la
commission des finances qui, dans la logique équilibrée du
dispositif adopté par le précédent gouvernement,
prévoit, dans l'attente d'une solution satisfaisante, de conserver le
statu quo en reportant d'un an supplémentaire le début de
l'élimination de l'avantage fiscal pour toutes les professions
concernées.