B. PROFITER DU PROJET DE LOI POUR SÉCURISER JURIDIQUEMENT LA RETENUE DOUANIÈRE ET LES VISITES DOMICILIAIRES
La commission des lois a relevé que certaines dispositions existantes du code des douanes, bien qu'elles ne soient pas directement modifiées par le projet de loi, comportaient des particularités juridiques susceptibles de soulever des doutes quant à leur conformité à la Constitution ou, a minima, à générer des interrogations sur la pertinence des motifs justifiant que le législateur s'écarte du droit commun de la procédure pénale.
Par conséquent, à l'article 10, la commission des lois a constaté que l'absence d'association de l'autorité judiciaire à la procédure de visite domiciliaire en cas de flagrance était de nature à créer un risque de censure si ce dispositif faisait l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité ; or, ce cas de figure représente près de 90 % des visites domiciliaires conduites sur les trois dernières années.
Pour mettre fin à ce risque juridique majeur, la commission a adopté un amendement du rapporteur modifiant l'article 64 du code des douanes pour prévoir l'information immédiate du procureur de la République et confier à celui-ci les pouvoirs dévolus, hors flagrance, au juge des libertés et de la détention. Elle a, par analogie, retenu la même solution pour les visites domiciliaires fiscales.
Le rapporteur proposera en complément, en séance publique, l'adoption d'un amendement de réécriture globale de l'article 64 pour en améliorer la lisibilité et garantir sa pleine conformité à la Constitution comme aux grands principes de la procédure pénale.
Par ailleurs, la commission a adopté, à l'initiative de son rapporteur, un nouvel article 8 bis visant à intégrer au champ d'application des procédures prévues en matière de criminalité organisée, telles qu'elles résultent de l'article 706-1-1 code de procédure pénale, les délits douaniers de contrebande et d'importation ou d'exportation sans déclaration, de fausse déclaration ou d'utilisation de faux documents (articles 414 et 414-2 du code des douanes) et relatifs aux infractions financières portant atteinte aux intérêts de l'Union européenne (article 415). Elle a également mis en cohérence l'article 706-1-1 précité afin que son périmètre matériel soit centré, en matière douanière, sur les délits commis en bande organisée.
C. ENCADRER LES DISPOSITIFS NOUVEAUX SANS NÉGLIGER LES CONTRAINTES OPÉRATIONNELLES DES AGENTS DES DOUANES
Enfin, la commission des lois s'est attachée à encadrer certains des dispositifs créés par le projet de loi, soit pour en améliorer la lisibilité, soit pour renforcer les garanties associées aux nouvelles prérogatives accordées aux agents des douanes.
À l'article 12, tout en constatant les nombreuses imperfections qui affectent le texte proposé par le Gouvernement, en particulier s'agissant de la complexité et de l'imprécision du mécanisme prévu ainsi que du manque de cohérence de la procédure de recours au juge pour la suppression des contenus illicites, elle n'a pas estimé possible en l'état de modifier la rédaction du dispositif proposé. Elle a donc renvoyé à la séance publique la refonte de cet article, sous réserve des modifications qui pourront être adoptées par la commission des finances, compétente au fond.
Elle a apporté diverses précisions aux articles 9 et 10 en ce qui concerne l'accès aux données informatiques, principalement pour :
- imposer une autorisation écrite et motivée du procureur de la République en vue de l'exploitation, à l'issue de la retenue douanière et lorsque la personne concernée a été remise en liberté, des données informatiques saisies, et pour rappeler que cette exploitation ne peut intervenir que si les nécessités de l'enquête douanière l'exigent (article 9) ;
- clarifier le régime de transfert à l'État de la propriété des objets saisis et non-restitués (article 9) ;
- fixer à trente jours le délai dans lequel les données informatiques distantes « gelées » peuvent être exploitées par la DNRED (article 10).
De plus, l'expérimentation proposée par l'article 11 emportait une très nette augmentation de la durée de conservation des données issues des LAPI, celle-ci se trouvant multipliée par quatre, et les nouveaux traitements de données envisagés, bien qu'utiles à la lutte contre des formes particulièrement graves et complexes de criminalité, portaient le risque d'une atteinte forte à la vie privée de nombreuses personnes. En conséquence, la commission des lois a prévu une évaluation rigoureuse de l'expérimentation ainsi engagée, permettant à terme au Parlement de disposer de tous les éléments pertinents pour décider de pérenniser, ou non, ce dispositif : elle a dressé la liste précise des données devant être recueillies, notamment pour intégrer celles qui témoigneront de l'ampleur des atteintes à la vie privée ; elle a associé le ministère de la justice, détenteur de la compétence principale en matière de suivi de l'efficacité des politiques pénales, au pilotage et à l'évaluation de l'expérimentation ; elle a prévu la remise de trois rapports aux différents stades de l'expérimentation afin d'en documenter l'avancée de manière régulière et transparente ; enfin et surtout, conformément aux préconisations formulées par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), elle a rappelé que la durée de quatre mois devait être considérée comme un maximum et imposé que soient testées, au cours de l'expérimentation, des durées de conservation inférieures à ce plafond.
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La commission des lois a proposé à la commission saisie au fond d'adopter les articles ainsi modifiés.