C. APRÈS UNE MEILLEURE BUDGÉTISATION CES DERNIÈRES ANNÉES, LE RETOUR DE LA SOUS-DOTATION DES FRAIS DE JUSTICE

Alors que les prévisions d'exécution pour 2019 font état d'une dépense de près de 519 millions d'euros, seuls 491 millions d'euros sont prévus pour financer les frais de justice en 2020 .

Il faut en outre y ajouter les 45,39 millions d'euros de charges restant à payer au titre de 2019, ainsi que la dette de 133 millions d'euros du budget opérationnel central, dont le plan d'apurement n'est pas encore prévu.

Si des efforts sont menés par les services de la Chancellerie depuis plusieurs années pour réduire les frais de justice, il n'en reste pas moins que cette dépense demeure très dynamique et difficile à piloter , notamment parce qu'une partie importante de ses prescripteurs relève, en matière pénale, non pas du ministère de la justice mais de l'intérieur.

À cet égard, les économies attendues par la Chancellerie de la poursuite du déploiement de la plate-forme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ) en 2019 sont reportées en 2020 : elles s'élèveraient à 11,4 millions d'euros. À ce stade, la PNIJ a permis une économie de 46,5 millions, ce qui est déjà conséquent d'autant plus que son fonctionnement, chaotique à ses débuts, s'est nettement amélioré. À terme, 70 millions d'euros d'économies sont attendus.

Pour toutes ces raisons, votre rapporteur doute donc que le budget prévu suffise pour 2020 et regrette donc, une nouvelle fois, la sous-dotation des frais de justice , alors pourtant que la situation s'était améliorée en 2019.

La sous-budgétisation chronique des frais de justice a des conséquences sur les juridictions : elles accumulent les dettes et ne peuvent ensuite diligenter les expertises requises, faute de pouvoir payer les auxiliaires de justice. Ce sont ainsi des analyses génétiques, des expertises informatiques, comptables ou financières, des traductions d'écritures, pourtant indispensables à la manifestation de la vérité, qui ne peuvent être réalisées et ont pour effet de retarder le cours de la justice.

D. MAINTENIR À NIVEAU LE SOUTIEN MATÉRIEL DES JURIDICTIONS

Votre rapporteur constate que les moyens alloués aux juridictions pour leur fonctionnement courant (environ 163 millions d'euros pour 2020) et pour l' immobilier occupant (environ 211 millions d'euros pour 2020) sont stables , même si 12 % de ces crédits sont consacrés au tribunal de Paris .

Il observe également la stabilité des crédits d'investissement des juridictions pour 2020 (214 millions d'euros en 2020 contre 215 en 2019), malgré le programme de rénovation et de construction d'immobilier judiciaire engagé en 2019. En outre, 25 % de ces crédits sont alloués aux contrats de partenariat public privé, ce qui constitue un facteur de rigidité important . 50,3 millions d'euros sont en effet dédiés au tribunal de Paris 10 ( * ) .

S'agissant du chantier de l'informatique et du numérique , les crédits du programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice » augmentent, à périmètre constant, de 6,16 % et atteignent désormais les 500 millions d'euros (contre 471,46 en 2019). Il s'agit principalement de poursuivre la mise en oeuvre du plan de transformation numérique acté en 2019 11 ( * ) .

Lors de son déplacement au tribunal de grande instance de Bobigny, votre rapporteur a pu constater les progrès accomplis en matière informatique , dans un ministère qui a de nombreux défis à relever en la matière. Il relève toutefois un certain décalage entre les annonces des services et la réalité ressentie dans les juridictions . À titre d'exemple, le projet annuel de performance annonce que, grâce à l'application Portalis , les justiciables peuvent consulter l'état d'avancement de leur procédure en matière civile et certains documents mis à disposition par les juridictions. Dans la réalité cependant, d'après les représentants des personnels de greffe entendus lors de ses auditions et à Bobigny, cela ne serait pas encore techniquement possible.

Parmi les projets les plus emblématiques, celui de « procédure pénale numérique » (PPN), lancé avec le ministère de l'intérieur pour permettre à terme une dématérialisation complète de la chaîne pénale (du service d'enquête à l'exécution de la peine), est expérimenté dans les juridictions d'Amiens et de Blois depuis mars 2019. À cet égard, le budget prévisionnel de 14 millions d'euros (4,3 en 2020 et 9,7 en 2021) affecté au projet paraît particulièrement optimiste .


* 10 La renégociation du financement a permis une économie de 3 millions d'euros par an jusqu'au terme du contrat (2044).

* 11 Celui-ci se compose de quatre axes principaux : l'adaptation du socle technique et des outils de travail, les projets d'application informatique, l'accompagnement du changement et le soutien aux usagers.

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