CHAPITRE III TER - DISPOSITIONS RELATIVES À LA COMMISSION DE VÉRIFICATION DES FONDS SPÉCIAUX

À l'initiative de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement COM-120 tendant à modifier l'intitulé du chapitre III ter du projet de loi, afin de tenir compte de l'adoption d'un amendement portant ajout d'un article additionnel après l'article 22 bis , relatif au renforcement du contrôle parlementaire du renseignement.

Article 22 bis (art. 154 de la loi n° 2001-1275 du 28 décembre 2001 de finances pour 2002) - Modification des modalités de financement et des conditions de publication des travaux de la commission de vérification des fonds spéciaux

Introduit en séance publique à l'Assemblée nationale, l'article 22 bis du projet de loi vise à modifier les conditions de publication et de diffusion des travaux de la commission de vérification des fonds spéciaux ainsi que les modalités de financement de ses activités.

1.  Un ajustement des conditions de publication et de remise du rapport annuel de la commission.

Créée par l'article 154 de la loi de finances pour 2002 61 ( * ) , la commission de vérification des fonds spéciaux (CVFS), formation spécialisée de la délégation parlementaire au renseignement, est chargée de s'assurer que les dépenses faites par les services de renseignement sur les fonds spéciaux, inscrits au programme intitulé « Coordination du travail gouvernemental », sont réalisées conformément à la destination qui leur a été assignée par la loi.

Afin de mener à bien sa mission, elle bénéficie d'un pouvoir d'enquête sur pièce et sur place : elle peut ainsi prendre connaissance de tous les documents, pièces et rapports justifiant les dépenses concernées, et peut se faire présenter les registres, états, journaux, décisions et toutes pièces justificatives propres à éclairer son contrôle.

Elle établit, chaque année, un rapport sur les conditions d'emploi des fonds spéciaux. En vertu du V de l'article 154 précité, ses travaux doivent être achevés au plus tard le 31 mars de l'année qui suit celle de l'exercice budgétaire soumis à son contrôle.

Son rapport est remis aux présidents et rapporteurs généraux des commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat, ainsi qu'au Président de la République et au Premier ministre.

L'article 22 bis , issu de l'adoption, en séance publique, d'un amendement présenté par notre collègue député Loïc Kervran, membre de la délégation parlementaire au renseignement et actuel président de la CVFS, tend à faire évoluer les conditions de publication et de diffusion du rapport annuel de la CVFS.

Le 1° de l'article modifie la date de remise du rapport de la CVFS , en prévoyant que celui-ci devrait être remis au cours de l'année suivant l'exercice budgétaire objet du contrôle. Dans la pratique en effet, la CVFS n'a, depuis sa création, jamais été en mesure d'achever ses travaux avant le 31 mars. Les services de renseignement ont généralement besoin de plusieurs semaines à l'issue de la clôture d'un exercice budgétaire pour établir les documents constitutifs de leur comptabilité en fonds spéciaux. Cela est d'autant plus vrai pour les services, comme la direction du renseignement militaire (DRM) ou la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), qui disposent d'antennes à l'étranger, et qui doivent par conséquent rapatrier en centrale les justificatifs de dépenses. Dès lors, il paraît difficile pour la CVFS de conduire l'ensemble de ses travaux sur pièce et sur place dans les trois mois suivant la clôture d'un exercice budgétaire.

Le 2° de l'article 22 étend le champ de diffusion du rapport aux présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat , en précisant que ceux-ci sont habilités ès qualité à connaître des informations qu'il contient. Il aligne, de fait, la liste des destinataires des travaux de la CVFS sur celle du rapport annuel de la délégation parlementaire au renseignement.

2.  La modification du mode de financement de la CVFS

En vertu du VII bis de l'article 154 de la loi de finances pour 2002, les activités de la CVFS étaient jusqu'à présents financées au titre du programme intitulé « Coordination du travail gouvernemental », soit sur les fonds du Gouvernement.

Dans son rapport public relatif au contrôle des fonds spéciaux engagés en 2015, la CVFS avait préconisé une évolution des modalités de son financement : elle estimait en effet peu opportun que ses frais de fonctionnement soient imputés, pour tout ou en partie, sur les fonds spéciaux qu'elle contrôle.

Tirant les conséquences de cette recommandation, le 3° de l'article 22 abroge le VII bis de l'article 154 de la loi de finances pour 2002 de manière à aligner le financement de la CVFS sur celui de la délégation parlementaire au renseignement . Ainsi, les travaux de la CVFS, et notamment ses déplacements, seraient désormais financés sur le budget des assemblées. Pour des raisons opérationnelles et logistiques, les fonds seraient avancés par le Gouvernement, mais seraient ensuite remboursés par le Parlement.

Votre commission approuve cette évolution, qui permettrait de basculer le financement des activités de la CVFS sur le budget des assemblées parlementaires, renforçant de fait l'indépendance de cet organe de contrôle par rapport au Gouvernement .

Elle a, en conséquence, donné un avis favorable à l'adoption de l'article 22 bis .

Article additionnel après l'article 22 bis (art. 6 nonies de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires) - Renforcement du contrôle parlementaire du renseignement

À l'initiative de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement COM-118 tendant à insérer un article additionnel après l'article 22 bis , afin de renforcer le contrôle parlementaire du renseignement.

Cet amendement reprend le dispositif d'une proposition de loi de MM. Philippe Bas, Christian Cambon et François-Noël Buffet, déposée au Sénat le 11 mai 2018.

La mise en oeuvre d'un contrôle parlementaire du renseignement en France est relativement récente par rapport à d'autres grandes démocraties. Alors que les premières entités parlementaires de contrôle ont été mises en place dès le début des années 1950 aux Pays-Bas et en Allemagne, le Parlement français ne s'est vu ouvrir un droit de connaître des activités de renseignement qu'à compter du début des années 2000, avec la création de la Commission de vérification des fonds spéciaux (CVFS), son rôle s'étant par ailleurs limité, dans un premier temps, à un contrôle budgétaire et comptable.

La loi n° 2007-1443 du 9 octobre 2007 a élargi la portée du contrôle parlementaire en créant une délégation parlementaire au renseignement , chargée, aux termes de l'article 6 nonies de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, de contrôler l'action du Gouvernement en matière de renseignement et d'évaluer la politique publique dans ce domaine.

Soucieux de garantir l'exercice d'un contrôle plein et entier de l'activité des services de renseignement, le législateur a, dans le cadre de la précédente loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019, élargi de manière significative les prérogatives de la délégation.

Force est toutefois de constater que le contrôle parlementaire du renseignement en France demeure bien en deçà des dispositifs mis en place dans d'autres démocraties. Cette situation est d'autant plus regrettable que les services de renseignement ont été, au gré des récentes évolutions législatives et dans un contexte de menace terroriste élevée et durable, considérablement renforcés au cours des dernières années.

• Aussi le présent amendement vise-t-il à renforcer le dispositif français de contrôle parlementaire du renseignement , en étendant le périmètre de contrôle de la délégation parlementaire au renseignement, en la dotant de nouvelles prérogatives et en réformant son fonctionnement. Un élargissement du périmètre du contrôle

Lors de sa création en 2007, le rôle de la délégation se limitait au suivi de « l'activité générale et (des) moyens des services spécialisés à cet effet placés sous l'autorité des ministres chargés de la sécurité intérieure, de la défense, de l'économie et du budget ». La délégation n'était pas placée dans une position de contrôle mais plutôt de simple suivi de l'activité des services de renseignement. Par ailleurs, le champ de son activité ne portait pas sur l'ensemble de l'activité de renseignement, mais uniquement sur certains services de renseignement.

Depuis 2013, le rôle de la délégation a été étendu de manière significative : en vertu de l'article 6 nonies de l'ordonnance du 17 novembre 1958, « elle exerce le contrôle parlementaire de l'action du Gouvernement en matière de renseignement et évalue la politique publique en ce domaine ». Outre la consécration d'une véritable mission de contrôle et d'évaluation, le périmètre de la délégation a donc été étendu à l'ensemble de l'action publique en matière de renseignement.

Par ailleurs, le champ des activités susceptibles de faire l'objet d'un contrôle a également connu une légère extension . Lors de la création de la délégation, en 2007, avaient été exclus les activités opérationnelles des services ainsi que les échanges avec des services de renseignement étrangers ou des organismes internationaux compétents en matière de renseignement. Son intervention se limitait donc au suivi de l'activité générale des services mais ne pouvait porter sur les opérations qu'ils menaient.

La loi de programmation militaire de 2013 est revenue sur ce point, en permettant à la délégation parlementaire au renseignement de connaître des activités opérationnelles achevées. Les opérations en cours, les procédures et méthodes opérationnelles ainsi que les échanges avec des services étrangers demeurent toutefois exclus de son périmètre .

L'article additionnel après l'article 22 bis , que votre commission propose d'insérer, tend à étendre le périmètre de contrôle de la délégation, sur le modèle de ce qui existe dans d'autres démocraties.

Il ouvre ainsi le contrôle de la délégation et, par conséquent, son droit d'information, à l'ensemble de l'activité des services de renseignement , tout en prévoyant, pour respecter les exigences constitutionnelles 62 ( * ) et ne pas entraver l'efficacité des services, un droit d'opposition du Gouvernement pour les cas où la communication d'une information, d'un document ou d'un élément d'appréciation est susceptible de porter atteinte à une opération en cours, de mettre en péril l'anonymat ou la sécurité d'un agent ou concerne les échanges avec des services de renseignement étrangers.

La délégation serait donc désormais en droit de connaître notamment des procédures et méthodes opérationnelles, qui sont actuellement exclues de son contrôle. Sans mettre en péril ni contraindre l'activité des services, une telle évolution législative aurait le mérite d'approfondir le contrôle exercé par la délégation.

1.  Un renforcement des prérogatives de contrôle de la délégation

Les pouvoirs confiés à la délégation pour l'exercice de ses missions ont également été renforcés par la loi de programmation militaire de 2013.

Jusqu'en 2013, les prérogatives d'information dont bénéficiait la délégation étaient limitées.

Elle ne pouvait connaître que des « informations et (...) éléments d'appréciation relatifs au budget, à l'activité générale et à l'organisation des services de renseignement » que les ministres leur adressaient, sans disposer de la possibilité de demander à se faire communiquer les informations et documents qui lui sembleraient utiles à l'exercice de sa mission.

Depuis la dernière loi de programmation militaire, l'article 6 nonies de l'ordonnance du 17 novembre 1958 prévoit que la délégation « est destinataire des informations utiles à l'accomplissement de sa mission » et liste les informations et documents dont elle doit notamment, chaque année, être destinataire.

Obligations légales de transmission d'informations à la DPR

En vertu de l'article 6 nonies de l'ordonnance du 17 novembre 1958, la délégation est destinataire des documents et informations suivants :

1° La stratégie nationale du renseignement ;

2° Des éléments d'information issus du plan national d'orientation du renseignement ;

3° Un rapport annuel de synthèse exhaustif des crédits consacrés au renseignement et le rapport annuel d'activité des services spécialisés de renseignement ;

4° Des éléments d'appréciation relatifs à l'activité générale et à l'organisation des services de renseignement du premier et du second cercles ;

5° Les observations que la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement adresse au Premier ministre ainsi qu'une présentation, par technique et par finalité, des éléments statistiques figurant dans le rapport d'activité de la commission ;

6° Les observations que la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement adresse au Premier ministre en matière de contrôle du respect des dispositions relatives à la surveillance des communications hertziennes.

La délégation peut également saisir pour avis la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. Enfin, elle peut solliciter du Premier ministre la communication de tout ou partie des rapports de l'inspection des services de renseignement ainsi que des rapports d'inspection générale des ministères portant sur les services de renseignement.

L'article additionnel après l'article 22 bis tend à consolider le pouvoir d'information de la délégation .

Estimant que la rédaction actuelle de l'article 6 nonies de l'ordonnance du 17 novembre 1958 manque de clarté quant à l'étendue des prérogatives de la délégation, et notamment sur la possibilité de solliciter toute information jugée utile, votre commission a estimé nécessaire de la modifier afin de prévoir que la délégation ne serait plus seulement destinataire des informations, mais en mesure de demander la transmission, en complément des documents qui lui sont communiqués de droit en vertu de la loi, de toute autre information qu'elle estimerait nécessaire à l'accomplissement de sa mission. Parmi ces documents figurerait désormais la liste annuelle des rapports de l'inspection des services de renseignement ainsi que des rapports des services d'inspection générale des ministères portant sur les services de renseignement qui relèvent de leur compétence. Si la délégation peut, en l'état du droit, solliciter du Premier ministre la transmission de tout ou partie de ces rapports, cette prérogative se révèle, dans la pratique, difficile à exercer dans la mesure où la délégation n'a pas connaissance des travaux réalisés par ces inspections.

L'article additionnel élargit par ailleurs la liste des personnes susceptibles d'être entendues par la délégation .

Cette dernière avait, de même que le droit d'information de la délégation, été étendue par la loi de 2013 : aux instances prévues par la loi de 2007 - Premier ministre, ministres compétents, secrétaire général de la défense nationale (désormais secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale) et directeurs des services de renseignement - ont été ajoutés le coordonnateur national du renseignement, le directeur de l'Académie du renseignement ainsi que les agents des services de renseignement occupant un emploi pourvu en conseil des ministres ou accompagnant, à sa demande, le directeur d'un service de renseignement. La délégation peut également inviter le président de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) ainsi que le président de la Commission du secret de la défense nationale pour lui présenter leurs rapports annuels respectifs.

De manière à permettre à la délégation d'accéder à un spectre plus large d'informations et d'appréhender de manière plus concrète et opérationnelle le fonctionnement des services de renseignement, votre commission a souhaité aller plus loin en proposant de l'autoriser à entendre, dans le cadre de ses travaux, l'ensemble des personnels des services de renseignement . Ces derniers ne peuvent en effet actuellement être auditionnés que lorsqu'ils accompagnent les directeurs des services de renseignement ou lorsqu'ils occupent un emploi pourvu en conseil des ministres.

De manière à ne pas mettre en péril l'anonymat de ces personnels, l'article prévoit que les agents autres que ceux accompagnant, à sa demande, un directeur de service à une audition au Parlement ou ceux occupant un emploi pourvu en conseil des ministres ne pourraient toutefois être entendus que dans le cadre d'un déplacement de la délégation sur le site du service concerné.

2. Une adaptation de son fonctionnement au bénéfice d'une plus grande efficacité

L'article additionnel après l'article 22 bis vise enfin à réformer l'organisation et le fonctionnement internes de la délégation parlementaire au renseignement.

Conformément à l'article 6 nonies de l'ordonnance du 17 novembre 1958, la délégation est présidée par l'un des membres de droit, à savoir le président d'une des commissions des lois ou des commissions en charge des questions de défense de l'Assemblée nationale ou du Sénat. De manière à assurer un équilibre entre les deux assemblées, la présidence alterne, chaque année, entre l'Assemblée nationale et le Sénat.

Le format actuel de la délégation soulève des difficultés, à deux niveaux. D'une part, le changement de présidence chaque année nuit à la continuité des travaux. D'autre part, le fait que la présidence de la délégation soit systématiquement assurée pas un président de commission permanente, déjà soumis à un agenda contraint, ne permet pas au président de la délégation de s'investir autant qu'il le souhaiterait dans le suivi des activités de contrôle et dans la préparation du rapport d'activité annuel.

Afin de répondre à ces difficultés, l'article adopté par votre commission prévoit la possibilité pour la délégation de nommer en son sein un rapporteur , auquel elle pourrait confier des missions d'évaluation et de contrôle sur des thématiques définies.

La création de cette fonction, qui avait été envisagée en 2007 lors de la création de la délégation, permettrait de répondre aux deux difficultés évoquées : d'une part, elle allégerait sensiblement la charge du président de la délégation ; d'autre part, elle assurerait une plus grande continuité des travaux de la délégation en lui permettant de conduire des missions de contrôle en dépit des changements annuels de présidence.

La proposition de loi ne fixe pas la durée du mandat du rapporteur, qu'il reviendrait au Parlement de définir dans le règlement intérieur de la délégation, dans le respect des équilibres politiques entre les deux assemblées.

Votre commission est consciente que les évolutions législatives objet de cet article additionnel, nécessaires si ce n'est à l'alignement, du moins au rapprochement du dispositif français des pratiques d'autres démocraties, ne peuvent toutefois se concevoir sans un renforcement des moyens alloués à la délégation parlementaire au renseignement. Aussi reviendra-t-il à chaque assemblée d'engager en son sein un dialogue afin de permettre à la délégation d'être dotée des moyens tant humains que financiers utiles à l'accomplissement de sa mission.

Votre commission vous invite à adopter un article additionnel ainsi rédigé.


* 61 Loi n° 2001-1275 du 28 décembre 2001 de finances pour 2002.

* 62 Dans sa décision n° 2001-456 DC du 27 décembre 2001 sur la loi de finances pour 2002, le Conseil constitutionnel a en effet estimé, s'agissant des prérogatives de la commission de vérification des fonds spéciaux, que « s'il appartient au Parlement d'autoriser la déclaration de guerre, de voter les crédits nécessaires à la défense nationale et de contrôler l'usage qui en a été fait, il ne saurait en revanche, en la matière, intervenir dans la réalisation d'opérations en cours ».

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