III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION : LA RECEVABILITÉ DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION
L'article unique de la proposition de résolution présentée par notre collègue Bruno Retailleau et les membres du groupe Les Républicains, apparentés et rattachés tend à créer « une commission d'enquête composée de 21 membres sur les frontières européennes, le contrôle des flux des personnes et des marchandises en Europe et l'avenir de l'espace Schengen ».
En premier lieu, votre commission a constaté que cette proposition de résolution ne prévoyait pas un nombre de membres supérieur à vingt et un pour la commission d'enquête qu'elle tend à créer.
En deuxième lieu, votre commission a constaté qu'elle n'avait pas pour effet de reconstituer avec le même objet une commission d'enquête ayant achevé ses travaux depuis moins de douze mois.
En dernier lieu, votre commission a étudié le champ d'investigation retenu par la proposition de résolution pour la commission d'enquête, afin de vérifier s'il conduit à enquêter sur des faits déterminés ou bien sur la gestion d'un service public ou d'une entreprise nationale.
Dans son exposé des motifs, la proposition de résolution rappelle, en premier lieu, l'origine des accords de Schengen en 1985, l'évolution de ce qu'il est convenu l'espace Schengen, qui regroupe aujourd'hui 26 États, ainsi que les composantes de ce dispositif distinct de l'Union européenne, mais aujourd'hui intégré dans le fonctionnement de l'Union (normes communes en matière de franchissement des frontières extérieures, agence européenne pour assurer la coordination de la surveillance des frontières extérieures et systèmes d'échange d'informations entre les autorités nationales et européennes).
L'exposé des motifs considère que ce dispositif « présente de profondes lacunes et peine à remplir sa mission de protection effective des frontières extérieures », comme en témoigneraient « le nombre de franchissements irréguliers des frontières extérieures de l'Union européenne » et, depuis 2011, « l'ampleur du défi migratoire » auquel l'Europe est aujourd'hui confrontée. L'espace Schengen serait « proche de son point de rupture ».
En effet, la période récente a montré de « graves défaillances (...) dans le contrôle de certains tronçons des frontières extérieures », avec une « politique du "laisser-passer" appliquée par certains États » et l'absence d'assistance mutuelle entre tous les États de l'espace Schengen, notamment dans la prise en charge des demandeurs d'asile. Une telle situation de manque de coopération, dans un espace dont la vocation première est pourtant la coopération pour le contrôle des frontières extérieures en contrepartie de l'absence de contrôle intérieur de la circulation des personnes, a eu pour conséquence la décision de certains États de « réintroduction des contrôles aux frontières intérieures », « l'édification de clôtures » et la sollicitation de la Turquie, pays tiers à l'espace Schengen, aux fins d'aider les États européens « à gérer la crise migratoire en concluant un accord prévoyant des concessions importantes en matière de libéralisation des visas et de relance du processus d'adhésion » à l'Union européenne.
De plus, l'exposé des motifs ajoute que « le contrôle des frontières extérieures revêt également une importance fondamentale pour la sécurité de nos concitoyens dans un contexte d'intensification de la menace terroriste ». Il estime que les attentats terroristes récents ont illustré « d'importants dysfonctionnements dans la coopération policière et judiciaire organisée entre les États membres dans le cadre du système Schengen ».
Plusieurs mesures ont été proposées ou déjà mises en oeuvre au niveau européen afin d'améliorer l'efficacité du contrôle des frontières extérieures de l'espace Schengen, mais l'exposé des motifs considère que « l'efficacité réelle de ces mesures reste encore à évaluer » et que « les interrogations sur l'avenir de l'espace Schengen sont prégnantes ».
En conclusion, l'exposé des motifs de la proposition de résolution indique qu'il s'agirait d'enquêter sur « les lacunes du dispositif européen de protection des frontières extérieures, d'évaluer l'impact potentiel des mesures récentes et à venir sur son renforcement et d'en tirer des conclusions sur l'évolution souhaitable de l'espace Schengen au regard des enjeux de maîtrise des mouvements de population, de sécurité de nos concitoyens et de fluidité du commerce intra-européen ».
Il apparaît à votre rapporteur que cette commission d'enquête devrait donc faire porter ses investigations sur l'action des services et des organismes chargés, au niveau national comme européen, du fonctionnement du dispositif Schengen et du contrôle des frontières extérieures de l'espace Schengen, ainsi que sur les améliorations pouvant y être apportées. Il ne s'agirait donc pas d'enquêter sur des faits déterminés, mais sur la gestion des services publics compétents dans ces domaines. Votre rapporteur rappelle que les prérogatives d'une commission d'enquête se limitent toutefois au territoire national.
Ainsi, la proposition de résolution entre bien dans le champ défini par l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 précitée, au titre de la gestion d'un service public, sans qu'il soit nécessaire d'interroger le garde des sceaux aux fins de connaître l'existence d'éventuelles poursuites judiciaires.
Dès lors, votre commission estime que la proposition de résolution n° 96 (2016-2017) tendant à la création d'une commission d'enquête sur les frontières européennes, le contrôle des flux des personnes et des marchandises en Europe et l'avenir de l'espace Schengen est recevable .
Par conséquent, il n'existe aucun obstacle à la création de cette commission d'enquête par la procédure du « droit de tirage » .