EXAMEN DES ARTICLES
TITRE IER - DE LA LUTTE CONTRE LES MANQUEMENTS À LA PROBITÉ
CHAPITRE II - De la protection des lanceurs d'alerte
ARTICLE 6 F (nouveau) - Possibilité, pour le
Défenseur des droits, d'accorder une aide financière aux lanceurs
d'alerte en réparation des dommages moraux et financiers subis et pour
l'avance des frais de procédure
. Commentaire : le présent article prévoit que le Défenseur des droits peut accorder une aide financière aux lanceurs d'alerte, en réparation des dommages moraux et financiers subis et afin d'avancer les frais de procédure éventuels. Le montant de cette aide serait déterminé en fonction des ressources du lanceur d'alerte et de la diminution de sa rémunération qui aurait résulté de mesures de représailles.
I. LE DROIT EXISTANT
A. LA PROTECTION DES LANCEURS D'ALERTE EN FRANCE
Au cours des dernières années, le législateur a progressivement étendu la protection des lanceurs d'alerte. La loi du 13 novembre 2007 relative à la lutte contre la corruption 1 ( * ) a consacré dans le code du travail la protection des lanceurs d'alerte contre les mesures de rétorsion dont ils pourraient faire l'objet au sein de leur entreprise en raison du signalement qu'ils ont effectué.
L'article L. 1161-1 du code du travail du prévoit en effet qu'« aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, soit à son employeur, soit aux autorités judiciaires ou administratives, de faits de corruption dont il aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions » .
La protection prévue s'appliquait donc aux seules alertes relatives à des faits constitutifs de corruption.
Le champ sectoriel de la protection légale des lanceurs d'alerte a ensuite été progressivement étendu par le législateur :
- tout d'abord, en 2011 2 ( * ) , dans le domaine de la sécurité sanitaire (article L. 5312-4-2 du code de la santé publique) ;
- puis, en 2013 3 ( * ) , en matière de santé publique et d'environnement (article L. 1351-1 du code précité) ;
- la loi de 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière 4 ( * ) a généralisé la protection des lanceurs d'alerte pour la dénonciation de tout crime ou délit dont ils auraient connaissance dans l'exercice de leurs fonctions (article L. 1132-3-3 du code du travail) ;
- enfin, en 2016 5 ( * ) , une protection spécifique a été prévue pour les militaires (article L. 4122-3 du code de la défense) et les fonctionnaires (article 6 ter A de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires) concernant les « faits constitutifs d'un délit, d'un crime ou susceptibles d'être qualifiés de conflit d'intérêt ».
Dans chaque domaine, il s'agit de garantir qu'aucune personne qui aurait « relaté ou témoigné, de bonne foi, soit à son employeur, soit aux autorités judiciaires ou administratives de faits » de corruption, relatifs à la sécurité sanitaire, à un risque grave pour la santé publique ou l'environnement ou de faits constitutifs d'un crime ou délit « dont elle aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions » ne subisse de mesures discriminatoires ou sanctions dans le cadre de son travail - en matière de recrutement, de stage, de formation, de rémunération, de promotion, de mutation, de renouvellement de son contrat, etc.
En cas de litige, le juge peut prononcer la nullité de plein droit de ces mesures et il incombe à la partie défenderesse (l'employeur) de démontrer que les faits contestés n'étaient pas justifiés par le signalement effectué par l'employé.
Les protections accordées aux lanceurs d'alerte par le législateur sont donc de nature juridique .
Synthèse des dispositions existantes relatives aux lanceurs d'alerte
Loi n° 2007-1598 du 13 novembre 2007 |
Loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 |
Loi n° 2011-2012 du 29 décembre 2011 |
Loi n° 2013-316 du 16 avril 2013 |
Loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 |
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Article L. 1161-1 du code du travail |
Article L. 1132-3-3 du code du travail |
Article L. 5312-4-2 du code de la santé publique |
Article L. 1351-1 du code de la santé publique |
Article L. 4122-4 du code de la défense |
Article 6 ter A de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 |
Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement etc., aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, notamment en matière de rémunération, de formation, etc. ... |
Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la rémunération, l'affectation, etc. ne peut être prise à l'égard d'un : |
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militaire |
fonctionnaire |
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... « pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, »... |
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... « (...) de faits de corruption »... |
... « de faits constitutifs d' un délit ou d' un crime »... |
... « (...) de faits relatifs à la sécurité sanitaire des produits mentionnés à l'article L. 5311-1 »... |
... « (...) de faits relatifs à un risque grave pour la santé publique ou l'environne-ment »... |
... « (...) de faits constitutifs d'un délit , d'un crime ou susceptible d'être qualifiés de conflits d'intérêts (...) »... |
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... « dont il/elle aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions ». |
Source : commission des finances du Sénat
Ces dispositions spécifiques ne font pas obstacle à l'application du droit commun concernant les mesures susceptibles d'être prises par le juge, qu'il s'agisse d'une procédure prud'homale ou pénale. Le juge est donc susceptible, d'une part, de condamner la partie perdante aux dépens, d'autre part, d'accorder des dommages et intérêts aux lanceurs d'alerte pour les mesures de rétorsion subies, selon les dispositions de droit commun.
B. QUELQUES EXEMPLES ÉTRANGERS
1. Aux États-Unis : une récompense des lanceurs d'alerte
Certains pays, notamment les États-Unis, ont adopté un système de rémunération des lanceurs d'alerte particulièrement attractif. Il s'agit de récompenser ces derniers en fonction de la rentrée fiscale rendue possible grâce à l'alerte qu'ils ont donnée. Un tel dispositif installe néanmoins une inégalité entre les différents lanceurs d'alerte dans la mesure où toutes les alertes ne débouchent pas nécessairement, en raison de leur nature, sur le versement d'importantes sommes d'argent aux autorités publiques.
Ce choix peut être assimilé à une rémunération des lanceurs d'alerte, par opposition à une indemnisation qui se bornerait à compenser des dommages subis . Le Fasle Claims Act (FCA) 6 ( * ) prévoit une procédure de qui tam , issue du droit romain et anglo-saxon : « qui tam pro domino rege quam pro se ipso in hac parte sequitur » (celui qui este en justice pour le compte de l'autorité publique comme pour le sien propre). Tout citoyen américain peut ainsi poursuivre une personne physique ou morale pour des faits dont il aurait connaissance, et qui seraient constitutifs de fraude envers des programmes ou contrats fédéraux. Le Gouvernement peut s'associer à la procédure. Si l'alerte est fondée, le lanceur d'alerte peut recevoir entre 15 % et 30 % des sommes recouvrées par le Gouvernement.
Pour l'année fiscale 2014, le Gouvernement américain a versé la somme de 435 millions de dollars aux lanceurs d'alerte 7 ( * ) qui ont engagé, à raison, des procédures judiciaires au titre du FCA. Au total, ces procédures ont rapporté 5,69 milliards de dollars au Gouvernement sur l'année fiscale 2014.
Un système de récompense pour les citoyens signalant des faits illégaux peut toutefois conduire à des dérives. En Corée du Sud, si un citoyen dénonce un acte répréhensible, une récompense (en fonction du montant de l'amende ainsi perçue par les autorités publiques) est prévue par de nombreuses agences gouvernementales. Une activité de « chasseurs de primes » s'est développée 8 ( * ) , les signalements de manquements à la loi pouvant se révéler très lucratifs. Du mégot de cigarette sur le trottoir à l'affaire de corruption, certains citoyens coréens ont fait de la dénonciation une activité professionnelle .
2. En Europe, une indemnisation des lanceurs d'alerte envisagée
Contrairement aux États-Unis, les pays européens n'ont pas fait le choix de rémunérer les lanceurs d'alerte, en raison de la crainte du développement de la délation ou d'une incitation à la dénonciation calomnieuse.
Par exemple, au Royaume-Uni, le PIDA ( Public Interest and Disclosure Act ) adopté par le Parlement en 1998 fait figure de pionnier européen en matière de protection légale des lanceurs d'alerte. Le système britannique prévoit une compensation pécuniaire pour les lanceurs d'alerte , mais celle-ci ne peut être assimilée à une récompense, comme dans le cas américain. L'indemnisation peut être requise par les tribunaux, pour les dommages, y compris moraux, subis par le lanceur d'alerte. Selon l'organisation « Public Concern at Work », 7,3 millions de livres sterling ont ainsi été accordés en dommages-intérêts sur la période 2011-2013.
Le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe a adopté le 30 avril 2014 des recommandations relatives à la protection des lanceurs d'alerte : pour garantir une véritable protection du lanceur d'alerte, il est notamment préconisé un accès rapide non seulement à une décision judiciaire, mais aussi à une réparation en cas de représailles ou de préjudice ; dans l'attente d'une décision judiciaire, des mesures provisoires doivent être envisagées, en particulier pour les personnes qui ont perdu leur emploi. Toutefois, ce principe « n'implique pas la création d'un fonds national pour effectuer des paiements aux lanceurs d'alerte ».
La recommandation du Comité des Ministres du
Conseil de l'Europe
Il est notamment préconisé de prévoir, dans les cadres juridiques nationaux, une protection « contre toutes formes de représailles, directes ou indirectes, de la part de leur employeur et de la part de personnes travaillant pour le compte ou agissant au nom de cet employeur. Parmi ces formes de représailles pourraient figurer le licenciement, la suspension, la rétrogradation, la perte de possibilités de promotion, les mutations à titre de sanction, ainsi que les diminutions de salaire ou retenues sur salaire, le harcèlement ou toute autre forme de sanction ou de traitement discriminatoire » 9 ( * ) . Dans l'annexe de la recommandation, le Comité des Ministres précise que « pour que la protection soit réelle, il convient de garantir un accès rapide et efficace à un contrôle et à une décision judiciaire, ainsi qu'à une réparation en cas de représailles ou de préjudice . Ce cadre judiciaire peut inclure l'accès à des autorités et des juridictions généralistes ou spécialisées ayant le pouvoir de sanctionner les personnes ayant pris des mesures inéquitables à l'encontre d'un lanceur d'alerte ou n'ayant pas examiné comme il se doit le signalement ou la révélation d'informations qu'elles ont reçus, et d'octroyer une réparation au lanceur d'alerte en cas de victimisation ou de représailles pour le signalement ou la révélation d'informations. En dernier ressort cependant, les lanceurs d'alerte devraient avoir accès à la justice 10 ( * ) ». En outre, « en attendant l'issue de la procédure civile, les personnes qui ont été victimes de représailles pour avoir fait un signalement ou une révélation d'informations d'intérêt général devraient pouvoir solliciter des mesures provisoires, en particulier en cas de perte d'emploi » 11 ( * ) . Sur ce point, il est précisé en particulier que « la recommandation ne fait aucune référence quant aux recours qui devraient être accessibles à un lanceur d'alerte victime de représailles. Dans la plupart des cas, le recours approprié sera déterminé par le style de représailles enduré. Le temps est toutefois un facteur déterminant au moment d'assurer une protection adéquate et appropriée au lanceur d'alerte. Dans la mesure où les procédures judiciaires peuvent se prolonger, et dans l'attente de leur aboutissement, la recommandation fait une référence explicite à la nécessité de proposer des mesures provisoires. Celles-ci pourraient prendre la forme d'une mesure provisoire prononcée par un tribunal afin de mettre un terme aux menaces ou aux actes persistants de représailles , comme le harcèlement sur le lieu de travail ou l'intimidation physique, ou de prévenir des formes de représailles difficilement réversibles à l'issue d'une longue période, comme un licenciement. Le principe 26 ouvre également les mesures provisoires proposées aux organes extra-judiciaires. Les organes réglementaires publics devraient aussi avoir les moyens de prendre des mesures provisoires pour protéger le lanceur d'alerte. Le principe n'implique pas la création d'un fonds national pour effectuer des paiements aux lanceurs d'alerte . » |
De même, l'étude du Conseil d'État sur le droit d'alerte 12 ( * ) , publiée le 25 février 2016, écarte « l'idée d'incitations financières au bénéfice des lanceurs d'alerte », principalement en raison du risque d'aléa moral que comporte une telle mesure : l'alerte est d'abord lancée dans un souci d'intérêt général - et non pour obtenir une rémunération.
Écarter l'idée d'incitations financières au bénéfice des lanceurs d'alerte « Tous les acteurs auditionnés dans le cadre de la présente étude se sont déclarés opposés à ce que des incitations financières soient instituées au bénéfice des lanceurs d'alerte, en raison notamment du risque de favoriser les alertes abusives ou malveillantes . Les positions ainsi exprimées rejoignent, en définitive, l'appréciation portée par la Cour européenne des droits de l'homme dans sa décision Guja c. Moldova du 12 février 2008 (n° 14277/04), selon laquelle " un acte motivé par un grief ou une animosité personnels ou encore par la perspective d'un avantage personnel, notamment un gain pécuniaire, ne justifie par un niveau de protection élevé " . Par ailleurs, s'il existe des mécanismes de rémunération de personnes qui apportent des informations utiles à certaines administrations, ces personnes rémunérées de manière habituelle, ne peuvent être assimilés à des lanceurs d'alerte dans le sens de la présente étude et des dispositions instituant des mécanismes de protection pour ces derniers. Les lanceurs d'alerte sont en effet confrontés de manière inattendue à un comportement fautif ou à un risque, n'en font donc pas une activité habituelle et agissent dans l'intérêt général et non pour obtenir une rémunération ». |
II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
À l'initiative de son rapporteur, la commission des lois a adopté le présent article additionnel qui prévoit que les lanceurs d'alerte peuvent bénéficier d'un soutien financier du Défenseur des droits correspondant d'une part, à l'avance des frais de procédure dans le cas d'un litige avec leur employeur et d'autre part, à la réparation des dommages moraux et financiers qu'ils ont subi. Elle a en contrepartie supprimé l'article 6 relatif au financement de la protection juridique des lanceurs d'alerte par l'agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) 13 ( * ) : en raison de l'importance et de la sensibilité de cette mission, l'Assemblée nationale a souhaité la confier cette mission à une autorité indépendante existante ; son choix s'est porté sur le Défenseur des droits. Le présent article additionnel a été entièrement réécrit en séance publique par un amendement du rapporteur afin d'apporter des précisions.
Le I prévoit que le « Défenseur des droits peut accorder, sur demande du lanceur d'alerte personne physique, une aide financière destinée à la réparation des dommages moraux et financiers que celui-ci subit pour ce motif et à l'avance des frais de procédure exposés en cas de litige » relatif à la protection qui lui est garantie par l'article 6 E du présent projet de loi.
Le Défenseur des droits devrait donc décider, selon des critères qui ne sont pas précisés mais qui seraient définis par décret en Conseil d'État, si le lanceur d'alerte peut bénéficier d'une aide financière . Alors que cette aide ne pourrait être demandée que par le « lanceur d'alerte personne physique », elle pourrait être « exceptionnellement accordée aux personnes morales à but non lucratif ayant leur siège en France », c'est-à-dire aux associations.
En séance publique à l'Assemblée nationale, le ministre des Finances et des comptes publics, Michel Sapin, a présenté un sous-amendement supprimant la référence aux personnes morales, considérant, d'une part que le terme « exceptionnellement » était « une nuance toujours difficile à appréhender en droit » et d'autre part, que « la protection des personnes morales semble moins nécessaire, du moins pas dans les mêmes conditions que les personnes physiques ». Le rapporteur s'en est remis à la sagesse de l'Assemblée nationale, qui n'a pas adopté le sous-amendement présenté par le Gouvernement.
Selon le II , l'aide financière ainsi accordée par le Défenseur des droits peut être « totale ou partielle ».
Par ailleurs, cette aide « peut être accordée sans préjudice de l'aide juridictionnelle » : le lanceur d'alerte pourrait par conséquent bénéficier à la fois de l'aide juridictionnelle (AJ) et de l'aide financière accordée par le Défenseur des droits.
Lors de l'examen en séance publique, le rapporteur au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale, Sébastien Denaja, a indiqué : « ce soutien se manifestera donc par l'avance des frais de justice et l'indemnisation totale ou partielle du préjudice subi, qui pourra être cumulée avec l'aide juridictionnelle 14 ( * ) ».
Pourtant, selon le dispositif adopté par l'Assemblée nationale, c'est l'aide financière totale (réparations et avance des frais de procédure) qui serait « totale ou partielle », ce qui paraît exclure la possibilité que l'avance de frais de procédure soit partielle tandis que la réparation serait totale, alors que l'article 2 de la loi n° 91-1654 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique prévoit que l'AJ est « totale ou partielle ».
Le montant de l'aide serait « déterminé en fonction des ressources du lanceur d'alerte et de la mesure de représailles dont il fait l'objet lorsque celle-ci emporte privation ou diminution de sa rémunération ».
A contrario , si les représailles n'ont pas de conséquences sur la rémunération du lanceur d'alerte - par exemple, s'il s'agit de harcèlement -, le montant de l'aide est déterminé uniquement en fonction des ressources du lanceur d'alerte et ne dépend pas des représailles, alors même que l'objectif de l'aide prévue par le présent article est bien de réparer non seulement les dommages financiers, mais aussi moraux (cf. le I).
Le montant de l'aide est « diminué de la fraction des frais de procédure prise en charge au titre d'un contrat d'assurance de protection juridique ou d'un système de protection équivalent ».
Pour le « recouvrement du montant de cette aide financière, le Défenseur des droits est subrogé dans les droits du lanceur d'alerte ».
Il semblerait que l'intention du rapporteur soit de prévoir que le Défenseur des droits mène, au nom du lanceur d'alerte, les actions qu'il estime nécessaires pour se voir rembourser les montants qu'il a avancées au lanceur d'alerte grâce à une condamnation de l'employeur mis en cause.
Enfin, le III prévoit que les modalités d'application du présent article sont précisées par un décret en Conseil d'État.
Cette nouvelle mission donnée au Défenseur des droits est prévue par l'article 1 er de la proposition de loi organique, déposée à l'Assemblée nationale, relative à la compétence du Défenseur des droits pour l'orientation et la protection des lanceurs d'alerte qui prévoit que celui-ci assure, « en tant que de besoin », un soutien financier aux personnes « ayant la qualité de lanceur d'alerte ».
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
A. L'ABSENCE D'ESTIMATION DU COÛT DE LA MESURE PROPOSÉE
L'article 6 C du présent projet de loi prévoit un mécanisme de recueil des alertes au sein des entreprises, des administrations de l'État et de certaines collectivités territoriales et l'article 6 D prévoit que les « éléments de nature à identifier le lanceur d'alerte ne peuvent être divulgués qu'avec le consentement de celui-ci » : l'objectif est de protéger le lanceur d'alerte de toute mesure de représailles au sein de son entreprise.
Par conséquent, le Gouvernement, qui mise sur l'efficacité du dispositif, considère que les demandes de réparation adressées au Défenseur des droits devraient être assez faibles . Toutefois, il n'a pas été en mesure de communiquer d'éléments de coûts, qu'il s'agisse des réparations elles-mêmes, des avances de frais de procédure ou des moyens humains nécessaires à l'évaluation des dommages moraux et financiers.
Par ailleurs, la rédaction prévue n'est pas satisfaisante pour envisager le financement de cette compétence et les différents « flux financiers » qui peuvent survenir :
- si la partie adverse est condamnée aux dépens et à verser des dommages et intérêts au lanceur d'alerte, il faudrait au moins prévoir qu'une partie de cette somme permette de rembourser le Défenseur des droits à due concurrence de l'aide versée au lanceur d'alerte ; en effet, c'est bien d'abord à la partie adverse (l'employeur) de prendre en charge les réparations liées au licenciement du lanceur d'alerte - et non à la solidarité nationale ;
- si, au contraire, une décision de justice déboute le lanceur d'alerte - condamnation en diffamation par exemple - alors que le Défenseur des droits avait précédemment décidé de lui attribuer une aide, aucun recouvrement des sommes indûment versées n'est prévu ;
- enfin, le Défenseur des droits, dont les dépenses, en 2015, s'élèvent à 26,7 millions d'euros, ne gère, à ce jour, aucune dépense dite « de guichet ».
Dans son avis n° 16-17 du 17 juin 2016, le Défenseur des droits émet l'appréciation suivante : « compte tenu des conséquences budgétaires et structurelles d'un tel dispositif sur l'organisation du Défenseur des droits, on ne peut que s'inquiéter du vague dans lequel sont restés tant le rapporteur du texte que le ministre des finances au cours de la séance publique à l'Assemblée nationale ».
B. L'ABSENCE DE PRÉCISIONS CONCERNANT L'AIDE FINANCIÈRE
Alors que l'article 6 prévoyait uniquement une prise en charge de la protection juridique du lanceur d'alerte, l'aide financière prévue par le présent article couvre également la réparation des dommages moraux et financiers. Il paraît pourtant indispensable de distinguer les deux éléments de l'aide, qui répondent à des logiques très différentes.
Ainsi, le présent article prévoit que l'aide financière - c'est-à-dire à la fois les réparations et l'avance des frais de procédure - peut être « totale ou partielle » : il conviendrait a minima de préciser si c'est la réparation ou l'avance de frais qui peut être totale ou partielle (ou les deux), voire de préciser les critères sur lesquels se fonder (pour l'avance de frais, ce pourrait être le revenu par exemple).
Pour déterminer le montant de l'aide, seraient prises en compte les ressources du lanceur d'alerte et la mesure des représailles « dont il fait l'objet lorsque celle-ci emporte privation ou diminution de sa rémunération ». Si les dommages moraux doivent être réparés (comme l'indique le I), il conviendrait de préciser que même en l'absence de perte ou de diminution de rémunération, il serait possible de bénéficier de la réparation.
S'agissant de la subrogation, la notion de « recouvrement du montant de cette aide financière » ne paraît pas pertinente : si le Défenseur des droits est subrogé dans les droits du lanceur d'alerte, il perçoit, le cas échéant, les dommages et intérêts dus qui ne correspondent pas nécessairement au montant de l'aide financière versée par le Défenseur des droits.
Par ailleurs, il ne paraît pas opportun de verser une aide aux associations : si ces dernières peuvent révéler des informations, elles ne peuvent pas être licenciées et ne sauraient donc bénéficier d'une aide protégeant un individu, notamment de mesures de représailles de la part d'un employeur .
C. DES COMPÉTENCES ÉLOIGNÉES DU CoeUR DE MÉTIER DU DÉFENSEUR DES DROITS
En effet, cette nouvelle mission s'avère éloignée des compétences actuelles du Défenseur des droits.
Dans son avis de mai 2016 15 ( * ) , le Défenseur des droits a indiqué que : « par vocation, [il] ne peut qu'être attentif aux réflexions des uns et des autres et s'en remet au Parlement quant aux choix qui lui paraîtront le plus appropriés. S'il se trouvait impliqué, il ne se déroberait pas à ces nouvelles responsabilités ».
Toutefois, cette mission serait très différente de celles actuellement conduites par le Défenseur des droits ; en particulier, il ne dispose pas des moyens humains pour expertiser le montant des dommages moraux et financiers en jeu .
En outre, l'articulation de cette mission avec les différentes procédures judiciaires qui peuvent être menées pose question : le Défenseur des droits devrait apprécier si la personne qui le sollicite est ou non un lanceur d'alerte, avant toute décision d'un juge. Aucune voie de recours particulière n'est précisée concernant une décision de rejet d'attribution d'aide par le Défenseur des droits, aucune garantie procédurale n'est prévue (pour le lanceur d'alerte ou pour la personne morale impliquée).
Selon l'avis du Défenseur des droits n° 16-17 précité, « dès lors qu'il s'agit d'une faculté offerte au Défenseur des droits (...), sur quels critères décidera-t-il s'il accorde ou non son soutien ? Il convient en effet d'écarter tout système qui, sur un malentendu, laisserait à penser qu'un appui financier de l'État pourrait être obtenu sur la base d'une simple déclaration ou allégation qualifiée par l'auteur de l'alerte ».
Selon ce même avis, « à la différence du mécanisme d'indemnisation des victimes d'actes terroristes, ce dispositif d'indemnisation portant subrogation porterait sur des faits et des dommages relatifs à des faits non avérés, devant faire l'objet d'une enquête, d'un contradictoire et d'une décision portant grief, soit à l'encontre du prétendu lanceur d'alerte car elle pourrait rejeter sa demande, soit à l'encontre du mis en cause. Elle serait donc susceptible de recours devant le tribunal administratif . (...)
« Ce mécanisme de subrogation ainsi que la défense des droits et libertés au bénéfice d'une personne dont les droits n'ont pas encore été reconnus semblent conduire le Défenseur des droits sur le terrain de la qualification de l'alerte, et modifier substantiellement le positionnement institutionnel du Défenseur des droits en tant qu'autorité administrative indépendante, qui n'interviendrait plus comme tiers sachant sui generis devant le tribunal mais qui représenterait les intérêts de la partie après un processus d'enquête contradictoire et une décision portant grief ».
D. FAUT-IL PRÉVOIR UNE PROCÉDURE SPÉCIFIQUE POUR LES LANCEURS D'ALERTE ?
Votre rapporteur comprend l'intention de l'Assemblée nationale de prévoir un dispositif spécifique, favorable aux lanceurs d'alerte qui peuvent voir leur existence bouleversée par leur révélation en raison d'une perte d'emploi résultant de l'alerte et souvent, des longs procès qui s'ensuivent.
Toutefois, d'autres personnes peuvent se trouver dans des situations similaires, par exemple une victime de harcèlement au travail. Ne conviendrait-il pas de privilégier une amélioration du fonctionnement de la justice, et notamment une diminution des délais de jugement, plutôt que la création d'un régime spécifique, faisant intervenir, en parallèle des juges, une autorité administrative indépendante ?
À ce titre, les délais de jugement, en particulier devant les prud'hommes devraient être réduits - pas seulement pour les lanceurs d'alerte : en 2015, ils sont en moyenne de 16,6 mois 16 ( * ) (hors procédures courtes).
Pour l'ensemble de ces raisons, votre commission vous propose de supprimer cet article en adoptant l'amendement n° COM-234.
Décision de la commission : votre commission émet un avis défavorable à l'adoption de cet article.
ARTICLE 6 [supprimé] (Art. 706-161 du code de procédure pénale) - Financement de la protection juridique des lanceurs d'alerte via l'AGRASC
. Commentaire : le présent article, supprimé par l'Assemblée nationale, prévoit le versement par l'agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) d'une contribution au service chargé de la prévention et de l'aide à la détection de la corruption, dans le but de financer la protection juridique des lanceurs d'alerte.
I. LE DROIT EXISTANT
L'agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) est un établissement public administratif (EPA) de l'État créé par la loi du 9 juillet 2010 visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale 17 ( * ) . Elle permet de renforcer l'effet dissuasif de la sanction pénale, en facilitant la saisie et la confiscation des profits issus de la délinquance et du crime organisé.
Placée sous la tutelle des ministères de la justice et du budget, l'agence, en plus de fournir une aide juridique et des conseils aux magistrats en matière de saisie et de confiscations, assure la gestion centralisée des avoirs confisqués ou saisis, en vertu de l'article 706-160 du code de procédure pénale :
- les sommes saisies sont placées sur un compte à la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Ce compte produit des intérêts ;
- l'agence procède, avant jugement, à la vente de biens meubles saisis lorsque ceux-ci ne sont plus utiles à la manifestation de la vérité. Si les propriétaires bénéficient d'un acquittement, d'un non-lieu ou d'une relaxe, le produit de la vente leur est restitué ;
- depuis la loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI II) du 14 mars 2011 18 ( * ) , l'agence est également chargée de l'aliénation et de la destruction des véhicules saisis.
Selon le ministère de la justice, « depuis sa création, l'Agence a traité plus de 18 252 affaires correspondant à la gestion de 34 000 biens de nature très diverse (numéraires, comptes bancaires, véhicules, bateaux, biens immobiliers..), d'un montant total évalué à un demi-milliard d'euros.
Chaque jour, en moyenne, elle est saisie de 20 affaires nouvelles et publie une saisine pénale immobilière ». Au 31 décembre 2014, le solde de compte de l'AGRASC à la Caisse des dépôts s'élève à 513,8 millions d'euros, correspondant à des saisies dont on ne sait pas encore quelles suites leur seront données : restitution aux personnes saisies ou à leurs créanciers ou confiscation définitive.
L'article 706-161 du code de procédure pénale prévoit notamment que « l'agence veille à l'abondement du fonds de concours recevant les recettes provenant de la confiscation des biens mobiliers ou immobiliers des personnes reconnues coupables d'infraction en matière de trafic de stupéfiants ».
À ce titre, l'AGRASC effectue chaque année des versements à la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA). En 2014, l'AGRASC a versé à la MILDECA près de 7,5 millions d'euros.
En outre, l'article précité prévoit que « l'agence peut également verser à l'État des contributions destinées au financement de la lutte contre la délinquance et la criminalité ».
Entre 2011 et 2014, l'affectation du produit des confiscations a évolué au profit de la MILDECA.
Évolution de l'affectation du produit des confiscations (2011-2014)
en euros
Source : AGRASC, rapport annuel 2014
Note : Le poste « entraide » correspond à l'entraide pénale internationale : l'AGRASC peut verser à un État étranger une partie du produit de certaines ventes au titre du partage des avoirs dans le cadre de l'entraide internationale.
La loi de finances pour 2012 19 ( * ) prévoit un versement maximum du produit des confiscations au profit de l'AGRASC à hauteur de 1,806 million d'euros .
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
L'article 1 er du présent projet de loi prévoit la création d'un service à compétence nationale, « chargé de prévenir les faits de corruption, de trafic d'influence, de concussion, de prise illégale d'intérêt, de détournement de fonds publics et de favoritisme, et d'aider à leur détection par les autorités compétentes et les personnes concernées ».
Le présent article propose que l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) puisse contribuer au financement de ce service à compétence nationale.
Il propose de compléter l'article 706-161 du code de procédure pénale qui prévoit 20 ( * ) que l'AGRASC peut « verser à l'État des contributions destinées au financement de la lutte contre la délinquance et la criminalité » : l'AGRASC pourrait aussi verser à l'État des contributions « destinées à la mise en oeuvre », par le service à compétence nationale prévu par l'article 1 er , « de la protection juridique des personnes ayant relaté ou témoigné de faits susceptibles de constituer les infractions de corruption, de trafic d'influence, de concussion, de prise illégale d'intérêt, de détournement de fonds publics ou de favoritisme ».
En plus de définir la notion de lanceurs d'alerte, le présent article prévoit donc un financement spécifique, par le biais de l'AGRASC, pour leur protection juridique , le service précité étant notamment chargé d'apporter « son appui (...) à toute personne physique ou morale 21 ( * ) » .
III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
La commission des lois de l'Assemblée nationale a supprimé le présent article car son rapporteur, Sébastien Denaja, a souhaité confier la protection des lanceurs d'alerte - dont la définition a par ailleurs été modifiée - au Défenseur des droits, autorité indépendante, et non au service à compétence nationale, par ailleurs rebaptisé « Agence française anticorruption ».
La définition du lanceur d'alerte, prévue par l'article 6 A, introduit à l'Assemblée nationale à l'initiative de Sébastien Denaja et entièrement réécrit en séance publique, se veut générale et couvre un champ plus large que la définition initialement prévue par le présent projet de loi 22 ( * ) .
En outre, suite à l'adoption de l'article 6 F, il ne s'agit plus de financer la protection juridique des lanceurs d'alerte, mais une aide financière et l'avance des frais de procédure (voir le commentaire de l'article 6 F).
Par conséquent, le rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale a estimé que les contributions de l'AGRASC ne pouvaient constituer une source de financement à la hauteur des besoins de l'autorité chargée de protéger les lanceurs d'alerte : « la commission a supprimé la référence à l'AGRASC car elle a estimé qu'une telle source de financement ne serait pas à la hauteur des besoins du Défenseur des droits . Nous avons reçu de la part du ministre l'engagement formel, renouvelé une nouvelle fois ce soir dans l'hémicycle, d'abonder les fonds nécessaires à l'extension des compétences du Défenseur des droits. Je n'ai aucune raison de ne pas croire en sa parole et, surtout, de prévoir un dispositif qui donnerait l'impression qu'il ne s'agit pas de missions très importantes - car l'AGRASC, ce sont, pardonnez la trivialité du propos, des queues de cerises !
« Attendons plutôt l'automne et soyons vigilants au moment des arbitrages budgétaires : nous verrons bien quels moyens seront attribués par l'État à l'extension des missions du Défenseur des droits 23 ( * ) ».
*
Une proposition de loi organique 24 ( * ) , déposée à l'Assemblée nationale le 18 mai 2016, prévoit par conséquent que le Défenseur des droits serait désormais chargé de « d'orienter vers les autorités compétentes toute personne à laquelle il a reconnu la qualité de lanceur d'alerte dans les conditions fixées par la loi, de veiller aux droits et libertés de celle-ci dès lors que l'alerte a été émise de bonne foi et, en tant que de besoin, de lui assurer un soutien financier ».
Il pourrait être saisi « par toute personne ayant acquis la qualité de lanceur d'alerte dans les conditions fixées par la loi ou par toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits se proposant par ses statuts d'assister les lanceurs d'alerte, conjointement avec la personne s'estimant victime de mesures de rétorsion ou avec son accord ».
IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Votre commission des finances prend acte de la suppression du présent article . En 2014, l'AGRASC a versé au budget général de l'État 3 millions d'euros (hors contribution à la MILDECA et financement de l'AGRASC elle-même). Cette somme est donc considérée comme insuffisante pour financer la protection des lanceurs d'alerte.
Décision de la commission : votre commission émet un avis favorable au maintien de la suppression de cet article.
ARTICLE 7 (Art. L. 634-1, L. 634-2, L. 634-3 et L. 634-4 [nouveaux] du code monétaire et financier) - Protection des lanceurs d'alerte dans le domaine bancaire et financier
. Commentaire : le présent article prévoit d'obliger les professionnels, ainsi que l'Autorité des marchés financiers et l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution à mettre en place des procédures de recueil des signalements de faits susceptibles de constituer des manquements, ainsi qu'une protection des auteurs de ces signalements.
I. LE DROIT EXISTANT
A. DES TEXTES EUROPÉENS QUI IMPOSENT UNE PROTECTION SPÉCIFIQUE EN MATIÈRE FINANCIÈRE
Des dispositions de portée générale ont été adoptées, depuis plusieurs années, pour protéger les lanceurs d'alerte dans différents secteurs. En matière financière, où les lanceurs d'alerte jouent un rôle particulièrement important pour la découverte d'abus de marché (délit d'initié, manipulation de cours notamment), plusieurs textes européens ont récemment introduit des dispositifs spécifiques de protection des lanceurs d'alerte , en particulier :
- le règlement du 16 avril 2014 sur les abus de marché (règlement dit « MAR ») 25 ( * ) , notamment son article 32 ;
- le règlement du 23 juillet 2014 concernant les dépositaires centraux de titres (règlement dit « DCT ») 26 ( * ) , notamment son article 65.
Ces dispositions visent en particulier à obliger les autorités des États membres et les professionnels à disposer de mécanismes de recueil des signalements , mais aussi de protection professionnelle des lanceurs d'alerte.
Extrait de l'article 32 : Signalement des violations 1. Les États membres veillent à ce que les autorités compétentes mettent en place des mécanismes efficaces pour permettre le signalement des violations potentielles ou réelles du présent règlement aux autorités compétentes. 2. Les mécanismes visés au paragraphe 1 comprennent au moins : a) des procédures spécifiques pour la réception des signalements des violations et leur suivi, y compris la mise en place de canaux de communication sûrs pour ces signalements ; b) dans le cadre de leur emploi, une protection adéquate pour les personnes travaillant dans le cadre d'un contrat de travail qui signalent des violations ou qui sont accusées d'avoir commis des violations, au moins contre les représailles, la discrimination ou d'autres types de traitement inéquitable ; c) la protection des données à caractère personnel concernant à la fois la personne qui signale la violation et la personne physique qui est présumée avoir commis la violation, y compris des protections visant à préserver le caractère confidentiel de leur identité, à tous les stades de la procédure, sans préjudice du droit national ordonnant la divulgation d'informations dans le cadre d'enquêtes ou de procédures judiciaires engagées ultérieurement. 3. Les États membres exigent des employeurs exerçant des activités réglementées par la réglementation relative aux services financiers qu'ils mettent en place des procédures internes appropriées permettant à leur personnel de signaler toute violation du présent règlement. 4. Les États membres peuvent prévoir l'octroi d'incitations financières, conformément au droit national, aux personnes qui fournissent des informations pertinentes au sujet de violations potentielles du présent règlement, lorsque ces personnes ne sont pas soumises à d'autres obligations légales ou contractuelles préexistantes de communiquer de telles informations, et à condition que ces informations soient nouvelles et qu'elles amènent à infliger une sanction administrative ou pénale ou à prendre une autre mesure administrative pour cause de violation du présent règlement. |
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
Le présent article a pour objet de créer un nouveau chapitre IV intitulé « Signalement des manquements professionnels aux autorités de contrôle compétentes et protection des lanceurs d'alerte » au sein du titre III du livre VI du code monétaire et financier. Ce chapitre a trois volets : le recueil des signalements par les autorités de régulation ; la mise en place de procédures internes de signalement par les établissements financiers ; et la protection, notamment professionnelle, des lanceurs d'alerte.
A. LA MISE EN PLACE DE DISPOSITIFS DE RECUEIL DES SIGNALEMENTS PAR LES AUTORITÉS DE RÉGULATION
Le présent article créé tout d'abord un article L. 364-1 qui vise à prévoir que l'Autorité des marchés financiers (AMF) et l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) « mettent en place des procédures permettant que leur soit signalé tout manquement » aux obligations fixées par une série de textes européens :
- le règlement n° 596/2014 précité du 16 avril 2014 sur les abus de marché ;
- le règlement n° 909/2014 précité du 23 juillet 2014 sur les dépositaires centraux de titres ;
- le règlement n° 1286/2014 du 26 novembre 2014 sur les documents d'informations clés 27 ( * ) ;
- le règlement n° 600/2014 du 15 mai 2014 sur les marchés d'instruments financiers 29 ( * ) .
Par ailleurs, les signalements recueillis pourront être également ceux relatifs à des manquements à toutes « obligations définies par les règlements européens et par le [code monétaire et financier] ou le règlement général de l'Autorité des marchés financiers, commis par les sociétés de gestion et dépositaires », lorsque le manquement est relatif à des placements collectifs ; il s'agit, en pratique, de l'ensemble des règlements et directives sur les organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM).
D'après les informations recueillies par votre rapporteur général, les « procédures » que les autorités mettront en place pourraient être une adresse courriel dédiée recueillant les informations transmises par les différentes directions de la conformité ou encore une ligne téléphonique directe à la disposition des employés des différents établissements.
B. LA MISE EN PLACE DE DISPOSITIFS DE SIGNALEMENTS AU SEIN DES ÉTABLISSEMENTS FINANCIERS
Par ailleurs, le présent article vise à obliger les établissements financiers à « [mettre] en place des procédures internes appropriées permettant à leurs personnels de signaler tout manquement mentionné à l'article L. 634-1 ». Il s'agit de l'ensemble des personnes soumises au contrôle des deux régulateurs, en particulier les prestataires de services d'investissement, les entreprises de marché, les établissements de crédit et entreprises d'assurance. Sont cependant exclues les personnes habilitées à procéder au démarchage, qui ne peuvent être sanctionnées par la commission des sanctions de l'AMF aux termes de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier.
Les « procédures internes appropriées » peuvent renvoyer, là encore, à une adresse mail générique, une personne référente au sein de l'entreprise ou encore à un formulaire pré-rempli à destination de la direction de la conformité ou, directement, des autorités de régulation. En effet, l'article L. 634-2 ne précise pas si ce signalement doit être fait à l'établissement lui-même ou à un tiers - notamment l'autorité compétente. Chaque établissement peut ainsi faire le choix de simplement donner les outils à ses agents pour informer les autorités, ou d'être lui-même informé - à charge pour lui, dans un tel cas, de transmettre les signalements aux autorités compétentes.
C. UNE PROTECTION PRÉCISÉE DES PERSONNES AUTEURS DE SIGNALEMENT OU FAISANT L'OBJET D'UN SIGNALEMENT
Le présent article créé un article L. 634-3 au sein du code monétaire et financier qui prévoit une protection des lanceurs d'alerte : ainsi, les personnes ayant signalé des « faits susceptibles de caractériser l'un ou plusieurs des manquements » précités ne pourront faire l'objet d'un licenciement, d'une sanction ou de toute mesure discriminatoire en matière de rémunération ou d'évolution professionnelle . Par rapport au droit existant rappelé ci-dessus, ces dispositions protègent également les lanceurs d'alerte ayant signalé un simple manquement à une obligation législative ou règlementaire, même s'il ne s'agit pas d'un délit ou d'un crime.
Le même article L. 634-3 prévoit la nullité de plein droit de toute décision prise en méconnaissance de ces dispositions - entraînant, par conséquence, la réintégration du salarié lanceur d'alerte ayant fait l'objet d'un licenciement.
Il prévoit également, sur le modèle de l'article L. 1132-3-3 du code du travail, qu'en cas de litige entre l'employeur et le salarié lanceur d'alerte, la charge de la preuve est renversée : il revient ainsi à l'employeur de prouver que sa décision est étrangère au signalement.
Enfin, le présent article créé un article L. 634-4 au sein du code monétaire et financier qui prévoit une protection, innovante, des personnes physiques faisant l'objet d'un signalement : ainsi, ces dernières ne pourront non plus faire l'objet d'un licenciement ou d'une mesure discriminatoire, au seul motif qu'elles font l'objet d'un signalement par un lanceur d'alerte. En toute hypothèse, cette disposition s'applique si les personnes en question ont fait l'objet d'un signalement à tort, sans doute malveillant.
*
Le présent article a été adopté par l'Assemblée nationale sans modification, sous réserve de deux amendements rédactionnels de notre collègue député Sébastien Denaja, rapporteur.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
La cohérence du dispositif de protection des lanceurs d'alerte et des procédures de signalement aux autorités est un élément déterminant de la capacité de ces dernières à identifier et à poursuivre les manquements et les délits commis par les établissements financiers . Lors du déplacement du bureau de votre commission des finances aux États-Unis en 2013, M. Carl Levin, alors sénateur, particulièrement investi dans la lutte contre les paradis fiscaux et la fraude fiscale, avait indiqué au bureau de votre commission des finances que la protection des lanceurs d'alerte était l'arme principale pour poursuivre efficacement les pratiques abusives ou délictuelles de certains établissements financiers. De même, selon la Commission européenne citée par l'étude d'impact annexée au présent article, « plus de 30 % des abus de marché ont pu être détectés au Royaume-Uni (dont la législation sur les lanceurs d'alerte est très développée 30 ( * ) ) par l'intermédiaire des lanceurs d'alerte ».
Convaincu de l'importance de ces signalements pour l'efficacité du système de surveillance financière, votre rapporteur avait d'ailleurs intégré des dispositions de protection spécifique des lanceurs d'alerte à l'article 6 de sa proposition de loi relative à la répression des infractions financières 31 ( * ) . Sur ce point, le présent article va dans le même sens, en assurant une protection aux personnes qui signalent un manquement et non seulement à ceux qui signalent un crime ou un délit, comme cela est prévu dans le droit existant.
Le présent article va plus loin, en prévoyant non seulement une protection renforcée des lanceurs d'alerte, mais encore des dispositifs de recueil des signalements au sein des autorités de contrôle, ainsi qu'au sein des établissements financiers eux-mêmes . En outre, il prévoit utilement une protection pour les personnes qui font l'objet de signalement.
Toutefois, il convient de constater que le dispositif de recueil des signalements est limité aux manquements à un nombre exhaustif de textes européens. En conséquence, votre commission des finances a adopté un amendement n° COM-235 visant à généraliser cette procédure pour l'ensemble des manquements aux dispositions législatives, réglementaires et communautaires dont l'ACPR ou l'AMF assure la surveillance . Cet élargissement permettrait notamment d'éviter de devoir modifier cette liste à chaque nouveau texte européen prévoyant une protection des lanceurs d'alerte.
Par ailleurs, s'agissant des personnes physiques qui font l'objet d'un signalement malveillant , le présent article prévoit certes une protection contre les mesures discriminatoires, mais pas la nullité de plein droit de ces mesures, contrairement aux lanceurs d'alerte. Par parallélisme et afin d'éviter un a contrario dans le texte, votre commission des finances a adopté un amendement n° COM -236 visant à prévoir la nullité de plein droit de ces mesures .
Décision de la commission : votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article ainsi modifié.
TITRE III - DU RENFORCEMENT DE LA
RÉGULATION FINANCIÈRE
ARTICLE 17 - Habilitation à transposer la
directive « MAD » (Market Abuse Directive) et le
règlement « MAR » (Market Abuse Regulation)
. Commentaire : le présent article prévoit d'habiliter le Gouvernement à transposer par ordonnances le paquet « MAD-MAR » sur la répression des abus de marché.
I. LE DROIT EXISTANT
A. LE PAQUET « MAD-MAR »
Adoptés en 2014, les textes communautaires sur les abus de marché (ou « paquet MAD-MAR ») ont pour objet d'harmoniser et de renforcer le système de répression des abus de marché à l'échelle de l'Union européenne.
Le règlement du 16 avril 2014 relatif aux abus de marché 32 ( * ) étend le champ d'application de la législation européenne en matière de surveillance des marchés : cette dernière s'appliquera désormais à tous types de transactions (y compris sur les systèmes multilatéraux de négociation ou instruments de gré à gré). Par ailleurs, il renforce le régime de sanctions administratives en cas d'abus de marché, en fixant des plafonds minimums de sanctions pécuniaires applicables à certains types d'infractions, étant entendu que les États membres restent libres de fixer des plafonds supérieurs :
- des amendes atteignant jusqu'à trois fois le gain réalisé grâce à l'abus de marché ;
- dans le cas de personnes physiques, des sanctions pécuniaires de 5 millions d'euros en cas de délit d'initié ou de divulgation illicite d'information, d'au moins 1 million d'euros en cas d'abus de marché ou de rétention d'informations privilégiées, et d'au moins 500 000 euros en cas de violation des articles 18, 19 et 20 relatifs aux obligations d'informations (liste d'initiés, etc.) ;
dans le cas de personnes morales, des amendes d'au moins 15 millions d'euros ou 15 % du chiffre d'affaires de la société en cas de délit d'initié ou de divulgation illicite d'informations, d'au moins 2,5 millions d'euros ou 2 % du chiffre d'affaires en cas de d'abus de marché ou de rétention d'informations privilégiées, et d'au moins 1 million d'euros en cas de violation des articles 18, 19 et 20 relatifs aux obligations en matière de divulgation.
Ensuite, la directive du 16 avril 2014 sur les abus de marché 33 ( * ) prévoit une définition européenne des infractions pénales relatives aux abus de marché , un ensemble de sanctions pénales afférentes, l'extension de la responsabilité aux personnes morales et l'obligation pour les États membres de former les membres des autorités de contrôle.
S'agissant des sanctions pénales, elle oblige les États membres à prévoir :
- des peines d'emprisonnement allant jusqu'à deux ans pour les personnes physiques coupables de délit d'initié (divulgation illicite d'informations privilégiées) et des peines d'emprisonnement allant jusqu'à quatre ans pour les opérations d'initiés ou les manipulations de marché ;
- des amendes pénales ou non pénales et d'autres sanctions telle que l'exclusion du bénéfice d'un avantage ou d'une aide publics, l'interdiction temporaire ou définitive d'exercer une activité commerciale, un placement sous surveillance judiciaire, une mesure judiciaire de dissolution ou la fermeture temporaire ou définitive des établissements ayant servi à commettre l'infraction.
B. LA TRANSPOSITION DU PAQUET « MAD-MAR » EN DROIT FRANÇAIS
Le Gouvernement avait sollicité du Parlement, dans le cadre du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière (DDADUE), une habilitation à transposer par ordonnance un certain nombre de textes européens en matière financière. À l'initiative de votre commission des finances, l'habilitation concernant le paquet répressif avait été supprimée, en particulier s'agissant du règlement et de la directive du 16 avril 2014 sur les abus de marché .
En effet, notre collègue Richard Yung, alors rapporteur du projet de loi, avait noté que le Gouvernement n'avait pas arrêté sa position quant aux principales options que laissaient les textes européens, à savoir : l'évolution du plafond des sanctions, l'articulation de la voie pénale et de la voie administrative, et l'incitation financière des lanceurs d'alerte. Il avait notamment souligné que la réflexion alors en cours sur le non bis in idem devait se poursuivre, sous l'égide du Parlement, avant d'envisager une réforme du système de répression des abus de marché.
Après environ une année de travaux et de débats, cette réforme a été examinée et adoptée par le Parlement dans le cadre de l'examen de la proposition de loi de nos collègues députés Dominique Baert et Dominique Lefebvre , dont l'esprit est proche de celles identiques antérieurement déposées par votre rapporteur 34 ( * ) et par notre collègue Claude Raynal 35 ( * ) . Cette réforme est en outre complétée par l'article 20 du présent projet de loi qui, outre certaines coordinations, instaure un nouveau plafond à 15 % du chiffre d'affaires des personnes morales pour les sanctions pécuniaires devant l'Autorité des marchés financiers.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
Le présent article a pour objet d'habiliter le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires à :
- la transposition de la directive précitée relative aux abus de marché ;
- la mise en conformité du droit français avec le règlement précité relatif aux abus de marché ;
- la suppression de la notion de « système multilatéral de négociation qui se soumet aux dispositions législatives et règlementaires visant à protéger les investisseurs contre les opérations d'initiés, les manipulations de cours et la diffusion de fausse information ». Il s'agit en effet d'une notion qui disparaît dans le règlement MAR, mais qui a été reprise dans le droit français au sein de plusieurs articles sans lien avec la répression des abus de marché ;
- la possibilité pour l'Autorité des marchés financiers de conclure des accords de coopération avec les autres autorités responsables de la surveillance du marché des quotas carbone ;
- l'ajout des quotas carbone à la liste des produits financiers entrant dans le champ de compétence de l'Autorité des marchés financiers et de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.
- la transposition de ces dispositions dans les territoires d'Outre-mer.
*
Cet article a été adopté par l'Assemblée nationale sans modification.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Le paquet « MAD-MAR » relatif aux abus de marché est une pièce essentielle du renforcement de la règlementation financière à l'échelle de l'Europe ; le refus initial d'habilitation à procéder par ordonnance n'était, à cet égard, nullement une marque de défiance vis-à-vis de ces textes, mais au contraire la manifestation de la volonté du Parlement de s'en saisir pleinement, compte tenu des enjeux et des options politiques possibles.
L'essentiel de ce travail de transposition a été réalisé par la combinaison de la proposition de loi précitée et de l'article 20 du présent projet de loi .
En particulier, ont déjà été assurées :
- la transposition de la directive sur les abus de marché (1° de l'article) par la proposition de loi précitée ;
- l'insertion de disposition permettant à l'AMF de conclure des accords de coopération sur la surveillance des quotas carbone (4°) , par l'article 8 de cette même proposition de loi ;
Ces habilitations peuvent donc être supprimées .
En outre, l'essentiel de la transposition du règlement sur les abus de marché (2°) a été effectué. Or, l'habilitation demandée par le Gouvernement conserve ici des termes très généraux, qui lui permettraient potentiellement de revenir sur les choix arrêtés par le Parlement dans le cadre de la proposition de loi et du présent projet de loi. En conséquence, votre rapporteur propose de restreindre le champ de cette habilitation, afin de la limiter aux quelques points dont la mise en conformité reste nécessaire , à savoir, outre des mises en cohérence au sein du code monétaire et financier, des adaptations en ce qui concerne les rachats d'actions et les recommandations d'investissement.
Enfin, les habilitations sollicitées par les 3° et 4° du présent article correspondent à des coordinations techniques au sein du code monétaire et financier, qui sont nécessaires à la cohérence de ce dernier. Il en va de même de la transposition de ces mesures dans les territoires d'Outre-mer, prévue par le 5°.
Votre commission des finances a ainsi adopté l'amendement n° COM-237.
Décision de la commission : votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article ainsi modifié.
ARTICLE 18 (Art. L. 621-14-1 du code monétaire et financier) - Extension du champ de la composition administrative de l'Autorité des marchés financiers
. Commentaire : le présent article prévoit d'ouvrir la procédure de composition administrative auprès de l'Autorité des marchés financiers aux infrastructures de marché (dépositaires centraux de titres, chambres de compensation et entreprises de marché) qui en étaient jusqu'alors exclues.
I. LE DROIT EXISTANT
La procédure de composition administrative de l'Autorité des marchés financiers (AMF) a été introduite, à l'initiative de votre commission des finances, par la loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière et figure à l'article L. 621-14-1 du code monétaire et financier .
Le dispositif proposé prévoit que le collège de l'AMF peut, en même temps qu'il notifie des griefs à une personne mise en cause, lui proposer d'entrer dans la voie d'une composition administrative. Cette proposition suspend le délai de prescription de trois ans prévu par le deuxième alinéa du I de l'article L. 621-15.
La personne mise en cause peut alors s'engager à verser une somme dont le montant maximum est équivalent à celui de la sanction pécuniaire encourue .
L'accord de transaction est soumis au collège puis, s'il est validé par celui-ci, à la commission des sanctions qui peut décider de l'homologuer . Cet accord homologué est rendu public .
Le refus d'homologation ou le non-respect de l'accord homologué par la personne mise en cause conduit à ce que la notification originelle des griefs soit transmise à la commission des sanctions, dans le cadre de la procédure normale de sanction.
Deux types d'exclusion sont prévus pour cette procédure :
- sont exclus du périmètre de la transaction les abus de marché , ainsi que le manquement d'entrave et les manquements aux obligations d'information des émetteurs ;
- sont exclues de la possibilité de transiger les infrastructures de marché , c'est-à-dire les dépositaires centraux, chambres de compensation et entreprises de marché mentionnés aux 3°, 5° et 6° du II de l'article L. 621-9.
Cependant, dans le cadre de l'examen de la proposition de loi portant réforme de la répression des abus de marché, adoptée définitivement par le Parlement le 8 juin 2016, votre commission des finances a introduit un article 5 visant à lever l'exclusion des abus de marché du champ de la composition administrative .
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
Le présent article prévoit une extension du champ de la composition administrative à l'ensemble des manquements, notamment aux manquements des infrastructures de marché et aux obligations d'information des émetteurs, à l'exclusion des abus de marché .
À cette fin, il modifie le premier alinéa de l'article L. 621-14-1, en prévoyant que l'entrée en composition administrative puisse être proposée par le collège pour tout manquement mentionné au II de l'article L. 621-15. Il prévoit toutefois, dans son 2°, que deux exceptions sont maintenues :
- l'entrave (refus de collaboration ou d'accès aux documents avec l'AMF) ;
- les abus de marché tels que définis aux articles 14 et 15 du règlement UE n° 596/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 sur les abus de marché (règlement relatif aux abus de marché).
En d'autres termes, seraient intégrés dans le champ de la composition administrative :
- les manquements des infrastructures de marché mentionnées aux 3°, 5° et 6° du II de l'article L. 621-9 (dépositaires centraux de titres, chambres de compensation et entreprises de marché) ;
- les violations aux obligations d'information en cas de franchissement de seuils (article L. 233-7 du code de commerce) ;
- les violations aux obligations de publication mensuelle du nombre total de droits de vote et d'actions (II de l'article L. 233-8 du même code) ;
- les violations aux obligations de publication du rapport financier annuel (article L. 451-1-2 du code monétaire et financier).
III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Afin de tenir compte de la suppression de l'exclusion des abus de marché de la composition administrative prévue, à l'initiative de votre rapporteur, par l'article 5 de la proposition de loi précitée, l'Assemblée nationale a adopté un amendement de notre collègue député Romain Colas, rapporteur pour avis de la commission des finances, visant à assurer la coordination des deux textes en discussion. Ainsi, aux termes de cette nouvelle rédaction, l'article L. 621-14-1 ouvrirait la composition administrative aux infrastructures de marché et aux abus de marché .
IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Dans le cadre de l'examen de la proposition de loi précitée réformant la répression des abus de marché, votre commission des finances s'est déjà prononcée en faveur d'un élargissement de la procédure de composition administrative qui a fait la preuve de son efficacité , en termes de nombre d'affaires traitées et de délais de procédure, comme le souligne l'étude d'impact annexée au présent article.
Extrait de l'étude d'impact « Plusieurs raisons militent aujourd'hui en faveur d'une extension du champ de cette composition administrative : « - le succès de cette procédure depuis 2010 : l'expérience a montré que les propositions d'entrée en voie de composition administrative ont très généralement été acceptées, puis validées par le collège et homologuées par la commission des sanctions. La composition administrative est en effet intéressante d'une part, pour les personnes concernées, car si l'accord est public, il n'y a pas d'audience publique ; d'autre part, parce qu'elle permet de ?désengorger? la commission des sanctions et la faire se prononcer en priorité sur les dossiers les plus complexes et les plus graves ; « - le raccourcissement des délais de traitement des dossiers : le délai moyen de traitement d'un dossier par la commission des sanctions est de l'ordre d'un an, soit environ le double du délai de traitement d'un dossier de composition administrative ; « - un rôle pédagogique par la prise d'engagements et leur rapide mise en oeuvre, sous le contrôle des services de l'AMF : de surcroît, la composition administrative permet une meilleure indemnisation des victimes ; une composition administrative a d'ailleurs prévu cette indemnisation en imputant les sommes versées aux victimes des manquements sur le montant total de la transaction. » Source : étude d'impact annexée au présent projet de loi |
En outre, la procédure de composition administrative a fait la preuve de sa sévérité , les pénalités financières des accords représentant des montants équivalents aux peines prononcées par la commission des sanctions sur les dernières années ; en effet, les montants exigés sont définis en fonction des amendes que la Commission des sanction aurait fixées dans un cas similaires Ainsi, en 2015, les douze accords signés ont représenté un montant de 1,32 million d'euros, sans compter l'indemnisation des préjudices.
Lors de la création de la procédure de composition administrative, les exclusions des abus de marché et des infrastructures de marché avaient été souhaitées par votre commission des finances. Notre ancien collègue Philippe Marini, alors rapporteur du projet de loi de régulation bancaire et financière, soulignait que ces exclusions devaient permettre d'éviter que ne fassent l'objet de transaction certaines atteintes graves à l'intégrité du marché .
La création de la procédure de composition administrative L'instauration d'un pouvoir de transaction, sous forme de « composition administrative », au sein de l'AMF se veut un outil de renforcement de l'efficacité du régulateur. Elle permettrait de sortir du champ de la procédure de sanction un certain nombre de dossiers qui la ralentissent indûment, surtout lorsque la nature des faits et la gravité des manquements ne sont pas de nature à justifier une procédure aussi lourde. Il apparaît ainsi préférable que l'AMF concentre ses moyens sur les affaires les plus importantes, les plus complexes et qui portent une atteinte sérieuse à l'ordre public financier, qui doivent être traitées aussi rapidement que possible compte tenu des enjeux de la place. La transaction ne favorise pas l'impunité, mais procède du constat pragmatique que, dans un environnement où les règles abondent, certains manquements peuvent relever de l'erreur ou de l'omission ou ne pas porter une atteinte grave à l'intégrité des marchés et à la protection des investisseurs. Les trois abus de marché (opération d'initiés, diffusion de fausses informations et manipulation de cours) sont donc naturellement exclus du périmètre de la transaction. Cette procédure a ainsi vocation à s'appliquer aux manquements des intermédiaires financiers à leurs obligations professionnelles ne présentant pas un caractère de particulière gravité. Source : extrait du rapport n° 703 (2009-2010) de M. Philippe Marini, fait au nom de la commission des finances, déposé le 14 septembre 2010, sur le projet de loi de régulation bancaire et financière |
Toutefois, la solution retenue par la proposition de loi précitée pour répondre aux exigences posées par le Conseil constitutionnel et la Cour européenne des droits de l'homme en matière de non bis in idem permet, en tout état de cause, d' orienter vers le juge pénal ces affaires particulièrement graves qui, jusqu'à aujourd'hui, pouvaient être traitées également par l'AMF .
Ainsi, votre rapporteur pour avis estime que l'élargissement de la composition administrative est cohérent avec la création de l'aiguillage : les restrictions que le législateur avait, à travers ces exclusions, à juste titre prévues lors de la mise en place de cette procédure, ne sont plus justifiées dans un système où l'AMF n'est, en toute hypothèse, plus compétente pour les affaires les plus graves d'atteinte à l'intégrité du marché .
Décision de la commission : votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article sans modification.
ARTICLE 19 (Art. L. 621-9 et L.
621-15 du code monétaire et financier) - Mise en cohérence de la
compétence de la commission des sanctions de l'Autorité des
marchés financiers avec la réglementation
applicable aux
offres de titres
. Commentaire : le présent article vise à élargir les pouvoirs et les compétences de l'Autorité des marchés financiers (AMF) et de sa commission des sanctions.
I. LE DROIT EXISTANT
A. UNE COMPÉTENCE LIMITÉE DE LA COMMISSION DES SANCTIONS DE L'AMF POUR LES OFFRES D'INSTRUMENTS FINANCIERS
1. Une large compétence pour les offres d'instruments financiers cotés
S'agissant des instruments cotés, aux termes des c et d du II de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier, la commission des sanctions de l'AMF est compétente pour sanctionner toute personne qui :
- s'est livrée ou a tenté de se livrer à une opération d'initié ou à une manipulation de marché ;
- a recommandé à une autre personne d'effectuer une opération d'initié ;
- s'est livrée à une divulgation illicite d'informations privilégiées ;
- s'est livrée à l'ensemble des manquements aux obligations résultant des règlements européens, des dispositions législatives ou réglementaires ou des règles professionnelles visant à protéger les investisseurs contre les opérations d'initiés, les manipulations de cours et la diffusion de fausses informations ;
- s'est livrée à tout autre manquement de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs ou au bon fonctionnement du marché .
Il peut être noté que la commission des sanctions est compétente y compris si l'opération ne constitue pas une offre au public de titres financiers au sens de l'article L. 411-1 du code monétaire et financier.
Les opérations non constitutives d'une offre au public de titres financiers En principe, une offre portant sur des titres financiers est constitutive d'une offre au public et doit, à ce titre, donner lieu à la publication d'un prospectus . Par exception, l'article L. 411-2 définit trois catégories d'opérations qui ne constituent pas une offre au public de titres financiers et sont donc exemptées de l'obligation de publication du document d'information mentionné au premier alinéa du I de l'article L. 412-1. Il s'agit : - des offres inférieures à certains seuils (montant minimal de souscription de 100 000 euros ou montant total de l'offre inférieur à 100 000 euros ou compris entre 100 000 euros et 5 millions d'euros si l'offre porte sur des titres représentant moins de 50 % du capital social) ; - des offres de titres financiers non cotés proposés dans le cadre du financement participatif , dans la limite d'un million d'euros ; - des placements privés ou réservés aux investisseurs qualifiés . Source : commission des finances du Sénat |
2. Une compétence fortement limitée pour les offres d'instruments financiers non cotés
S'agissant des instruments financiers non cotés, deux situations doivent être distinguées.
Si l'opération constitue une offre au public de titres financiers , la commission des sanctions de l'AMF n'est compétente que pour un seul type de manquement, la diffusion de fausses informations. En effet, aux termes du e du II de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier, la commission des sanctions de l'AMF est compétente pour prononcer une sanction à l'encontre de toute personne qui « s'est livrée ou a tenté de se livrer à la diffusion d'une fausse information lors d'une opération d'offre au public de titres financiers ».
Si l'opération ne constitue pas une offre au public de titres financiers, la commission des sanctions n'est pas compétente pour sanctionner les éventuels manquements commis. En particulier, elle n'est pas compétente pour les offres de titres financiers non cotés d'un montant inférieur à un million d'euros proposées dans le cadre du financement participatif.
B. L'ABSENCE DE COMPÉTENCE DE LA COMMISSION DES SANCTIONS ET DE POUVOIRS D'ENQUÊTE ET DE CONTRÔLE DE L'AMF POUR LES OFFRES AU PUBLIC DE PARTS SOCIALES OU DE CERTIFICATS MUTUALISTES
Aux termes de l'article L. 512-1 du code monétaire et financier, les banques mutualistes et coopératives peuvent procéder à une offre au public de parts sociales , qui constituent des « parts de capital social » et non des titres financiers au sens de l'article L. 211-1 du même code.
Les caractéristiques de cet instrument diffèrent fortement de celles des titres de capital : faiblement liquides, les parts sociales ont une valeur nominale fixe et peuvent faire l'objet d'une rémunération sous forme d'intérêt plafonnée par le taux moyen des obligations du secteur privé.
En complément, afin de renforcer les capitaux propres des mutuelles et des institutions de prévoyance, l'article 54 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire a créé les certificats mutualistes , dont les caractéristiques sont proches de celles des parts sociales. Parmi les certificats mutualistes, seuls les certificats relevant de l'article L. 322-26-8 du code des assurances peuvent être émis dans le cadre d'une offre au public.
Lorsqu'ils sont émis dans le cadre d'une offre au public, les parts sociales et les certificats mutualistes ne relèvent pas de la directive dite « Prospectus » 36 ( * ) mais font l'objet d'un encadrement spécifique par le règlement général de l'AMF 37 ( * ) . À titre d'exemple, l'AMF a publié le 30 juin 2015 une instruction contenant un schéma de prospectus adapté à l'offre au public des certificats mutualistes 38 ( * ) .
En dépit de la compétence de l'AMF pour réglementer ces offres au public, la commission des sanctions n'est pas compétente en cas de manquement aux obligations prévues en la matière.
Par ailleurs, les pouvoirs de contrôle et d'enquête de l'AMF prévus à l'article L. 621-9 du code monétaire et financier en cas d'offre au public sont limités aux seuls instruments financiers et ne sont donc pas applicables aux offres au public de parts sociales ou de certificats mutualistes.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
A. UNE EXTENSION DES POUVOIRS DE CONTRÔLE ET D'ENQUÊTE DE L'AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
Le I du présent article propose de modifier l'article L. 621-9 du code monétaire et financier afin d'étendre les pouvoirs de contrôle et d'enquête de l'AMF :
- aux offres au public de parts sociales mentionnées au quatrième alinéa de l'article L. 512-1 du même code ;
- aux offres au public de certificats mutualistes mentionnées premier alinéa du II de l'article L. 322-26-8 du code des assurances.
B. UNE EXTENSION DE LA COMPÉTENCE DE LA COMMISSION DES SANCTIONS
Le II du présent article propose de modifier l'article L. 621-14 afin d'étendre la compétence de la commission des sanctions de l'AMF.
En particulier, s'agissant des offres d'instruments financiers non cotés, le b) du 1° du II vise :
- en cas d'offre au public , à permettre à la commission des sanctions de réprimer les mêmes types de manquements que pour les offres d'instruments financiers cotés, et non plus la seule diffusion d'une fausse information ;
- en cas d'opération ne constituant pas une offre au public , à étendre la compétence de la commission des sanctions aux seules offres proposées dans le cadre du financement participatif.
Enfin, le c) du 1° du II propose d'étendre la compétence de la commission des sanctions aux manquements aux obligations relatives aux offres au public de parts sociales ou de certificats mutualistes . Le 2° du II procède aux coordinations nécessaires à cette évolution.
III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
À l'initiative de notre collègue Romain Colas, rapporteur pour avis de la commission des finances, l'Assemblée nationale a adopté :
- un amendement rédactionnel visant à clarifier l'alinéa élargissant la compétence de la commission des sanctions aux offres proposées dans le cadre du financement participatif ;
- un amendement de coordination visant à tenir compte de l'adoption de la proposition de loi n° 3601 réformant le système de répression des abus de marché ;
- un amendement de coordination visant à prendre en compte la nouvelle rédaction du e) du II de l'article L. 621?15 issue de l'article 6 de l'ordonnance n° 2016?520 du 28 avril 2016 relative aux bons de caisse.
IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Votre rapporteur soutient pleinement l'objectif du présent article.
En effet, au cours des cinq dernières années, la commission des sanctions de l'AMF a renoncé à toute poursuite dans quatre enquêtes, faute de base légale 39 ( * ) . Aussi, il apparaît indispensable de mettre en cohérence la compétence de la commission des sanctions de l'AMF avec la réglementation applicable aux offres de titres.
Cette évolution est d'autant plus importante que les services de l'AMF soulignent que le nombre d'offres au public irrégulières portant sur des titres financiers non cotés augmente « chaque année » 40 ( * ) .
Par ailleurs, l'entrée en vigueur des nouvelles règles de renflouement interne prévues par la directive relative au redressement des banques et à la résolution (BRRD) 41 ( * ) impose une vigilance particulière concernant l'émission de parts sociales , qui peuvent être mobilisées pour couvrir les pertes des établissements bancaires en situation de défaut de paiement.
En effet, le renflouement de la banque italienne Banca Esturia a démontré que les clients n'ont pas toujours pleinement conscience des risques associés à ces produits, qui ne sont pas couverts par la garantie des dépôts. Aussi, il apparaît indispensable d'étendre la compétence de l'AMF et de la commission des sanctions à ces instruments afin d'assurer la crédibilité des obligations d'information prévues lorsqu'ils sont offerts aux publics.
Décision de la commission : votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article sans modification.
ARTICLE 20 (Art. L. 621-14, L. 621-15, L. 621-17, L. 621-17-1-1 du code monétaire et financier) - Transposition des dispositions répressives de divers textes européens en matière financière aux dispositifs de sanction mis en oeuvre par l'Autorité des marchés financiers
. Commentaire : le présent article prévoit, dans le cadre de la transposition des dispositions répressives de différents textes européens, de renforcer le dispositif de sanction de l'Autorité des marchés financiers, notamment en permettant à cette dernière de sanctionner les personnes morales à hauteur de 15 % de leur chiffre d'affaires.
I. LE DROIT EXISTANT
Le dispositif répressif, en matière financière, s'appuie sur deux voies : la voie pénale pour les infractions définies comme telles, en particulier les abus de marché ; et la voie administrative pour les manquements aux obligations prévues par les textes législatifs et réglementaires, qui sont poursuivis par l'Autorité des marchés financiers (AMF) et sanctionnés par sa commission des sanctions. L'articulation de ces deux voies est d'ailleurs renforcée et sécurisée par la proposition de loi en cours d'examen réformant le système de répression des abus de marché définitivement adoptée par le Parlement le 8 juin dernier.
S'agissant de la voie administrative, le dispositif de sanction est essentiellement prévu par l'article L. 621-15 du code monétaire et financier . Son III dispose que les sanctions applicables sont l'avertissement, le blâme, l'interdiction temporaire ou définitive d'exercice, ainsi que des sanctions pécuniaires pouvant aller jusqu'à quinze millions d'euros (pour les personnes physiques) ou cent millions d'euros (pour les personnes morales) ou le décuple du gain réalisé. Par ailleurs, son III bis prévoit que, s'agissant des manquements aux obligations d'information des émetteurs prévues aux articles L. 233-7 et L. 233-8-II du code de commerce et L. 451-1-2 du code monétaire et financier (notamment information en cas de franchissement de seuil), la sanction pécuniaire peut atteindre 5 % du chiffre d'affaires de la société .
Plusieurs textes européens récents sont intervenus en matière financière pour renforcer ou préciser la répression administrative . Il s'agit, en particulier :
- du règlement (UE) n° 596/2014 relatif aux abus de marché (dit « MAR ») 42 ( * ) ;
- de la directive 2014/65/UE concernant les marchés d'instruments financiers (dite « MIF 2 ») 43 ( * ) ;
- de la directive 2014/91/UE) relative aux organismes de placement collectif en valeurs mobilières (dite « OPCVM 5 ») 44 ( * ) ;
- du règlement (UE) n° 1286/2014 sur les documents d'informations clés relatifs aux produits d'investissement (dit « PRIIPS ») 45 ( * ) ;
- du règlement (UE) n° 909/2014 relatif aux dépositaires centraux de titres (dits « DCT ») 46 ( * ) .
Le dispositif français est, pour l'essentiel, déjà conforme aux exigences de ces textes européens. En outre, la proposition de loi précitée a déjà procédé à diverses adaptations de notre droit afin de se conformer au règlement MAR, en particulier :
•
l'adaptation des définitions des
abus de marché
telles que prévues par le
règlement européen sur les abus de marché, en particulier
la référence à la catégorie générique
des manipulations de marché de l'article 12 du règlement
(manipulation de cours, diffusion de fausse information et manipulation
d'indice dans les définitions françaises des incriminations),
à l'incitation ou à la complicité dans le cadre d'une
opération d'initié du 2 de l'article 8 du même
règlement, ainsi qu'à la divulgation illicite d'informations
privilégiées de l'article 10 du même règlement ;
•
l'extension des instruments
financiers
entrant dans le champ de compétence de l'AMF, avec
l'ajout des quotas carbone et des contrats au comptant sur les matières
premières.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
A. L'EXTENSION AUX CONTRÔLES DU MANQUEMENT D'ENTRAVE
Le a du 2° du présent article insère, au sein des dispositions de l'article L. 621-15 relatives au manquement d'entrave, la mention des contrôles et des contrôleurs, aux côtés des enquêtes et des enquêteurs, conformément à une distinction héritée des deux anciennes institutions que l'AMF a réunies (Commission des opérations de bourse et Conseil des marchés financiers). En effet, en l'état actuel du droit, la commission des sanctions ne peut sanctionner que les entraves (refus d'accès aux documents, etc.) aux enquêtes, et non aux contrôles, pour lesquels n'est prévue que la sanction pénale de l'article L. 642-2. Or, cette dernière, disproportionnée, n'est en pratique pas utilisée.
B. DES PRÉCISIONS ET UNE UNIFICATION DU DISPOSITIF DE SANCTION POUR LES PERSONNES PHYSIQUES
Le b du 2° du I du présent article adapte le dispositif de sanction pour les personnes physiques, afin de prévoir que :
• les personnes exerçant des fonctions dirigeantes au sein des établissements financiers sont également concernées ;
• l'interdiction temporaire de négocier pour leur compte propre fait partie du panel des sanctions possibles ;
• la sanction pécuniaire maximum est harmonisée à 15 millions d'euros, quel que soit le manquement considéré, alors qu'il est aujourd'hui de 300 000 euros pour certains manquements, notamment ceux aux obligations professionnelles.
C. L'INTRODUCTION D'UN NOUVEAU PLAFOND DE SANCTION À 15 % DU CHIFFRE D'AFFAIRES POUR LES PERSONNES MORALES
Le présent article procède à une nouvelle rédaction du III bis de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier, qui prévoit le niveau de la sanction pécuniaire pour les manquements aux obligations d'information des émetteurs. Le nouveau III bis aurait ainsi pour objet de permettre à la commission des sanctions de porter la sanction pécuniaire jusqu'à 15 % du chiffre d'affaires annuel total de la personne morale sanctionnée , en cas de manquements fixés par les règlements (UE) n° 596/2014 du 16 avril 2014 sur les abus de marché, n° 909/2014 du 23 juillet 2014 concernant l'amélioration du règlement de titres dans l'Union européenne et les dépositaires centraux de titres, n° 1286/2014 du 26 novembre 2014 sur les documents d'informations clés relatifs aux produits d'investissement packagés de détail et fondés sur l'assurance et n° 600/2014 du 15 mai 2014 concernant les marchés d'instruments financiers, ainsi que de manquements de la part des sociétés de gestion et dépositaires de placement collectif et, enfin, de manquements aux obligations d'information des émetteurs.
Il convient de préciser que ce nouveau plafond de 15 % du chiffre d'affaire s'ajoute au plafond actuel exprimé en valeur absolue et à celui exprimé en multiple de l'avantage retiré , et qu'il remplace le plafond de 5 % du chiffre d'affaires actuellement prévu pour les manquements aux obligations d'information des émetteurs .
Le dernier alinéa du nouveau paragraphe III bis prévoit une définition précise du chiffre d'affaires annuel total pris en compte, qui est celui du groupe dans le cas d'une entreprise filiale d'un groupe .
D. DES PRÉCISIONS CONCERNANT LES CRITÈRES DE DÉTERMINATION DES SANCTIONS
Le d du 2° du présent article modifie le III ter de l'article L. 621-15 (issu de l'ordonnance n° 2015-1576 du 3 décembre 2015 portant transposition de la directive « Transparence »), afin de prévoir que les critères de détermination posés par ce paragraphe s'appliquent à toutes les sanctions prononcées par l'AMF ; il vise à prévoir, en outre, que la prise en compte du degré de coopération avec l'AMF ne doit pas conduire à renoncer à « la restitution de l'avantage retiré » par la personne sanctionnée.
E. UNE CLARIFICATION DES DISPOSITIONS EN MATIÈRE DE PUBLICATION DES DÉCISIONS DE SANCTION
L'article 34 du règlement sur les abus de marché prévoit que l'autorité compétente est tenue de publier toute décision de sanction. Cependant, il prévoit également la possibilité, dans un certain nombre de cas, de différer cette publication ou d'anonymiser la décision, voire de ne pas publier la décision si la stabilité des marchés financiers pourrait être compromise ou la proportionnalité des conséquences de cette publication ne pas être assurée.
Ainsi, le présent article tire les conséquences de cet article 34 du règlement européen, en modifiant l'article L. 621-14, ainsi que le V de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier .
L'article L. 621-14 prévoit actuellement que l'AMF peut, d'une part, rendre publique une déclaration précisant l'identité des personnes se rendant coupable d'un manquement aux obligations d'information des émetteurs et, d'autre part, rendre publiques les décisions d'injonction aux personnes se rendant coupables de tout manquement d'y mettre fin.
À cet égard, le 1° du I du présent article vise à :
- prévoir que la possibilité, pour l'AMF, de rendre publique une déclaration précisant l'identité des personnes se rendant coupables de manquement s'applique à l'ensemble des manquements sanctionnés par la commission des sanctions, et non aux seules obligations d'information des émetteurs comme actuellement ;
- rendre obligatoire, et non facultative, la publication des décisions d'injonction à mettre fin aux manquements, dans les conditions prévues au V de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier, modifié par ailleurs par le présent article (cf. ci-dessous).
En effet, le e du 2° du I du présent article modifie le V de l'article L. 621-15 concernant les modalités de publication des décisions de sanction. Actuellement, il est prévu que la sanction est, en principe, rendue publique, mais que, « lorsque la publication risque de perturber gravement les marchés financiers ou de causer un préjudice disproportionné aux parties en cause, la décision de la commission peut prévoir qu'elle ne sera pas publiée ». De même, il est prévu que la commission des sanctions peut reporter la publication ou anonymiser la publication, si la publication est de nature à porter un préjudice grave et disproportionné à la personne mise en cause, ou si elle est de nature à perturber gravement la stabilité du système financier.
Le présent article prévoit de modifier à la marge ces dispositions :
- il rend obligatoire la publication de la décision en matière de manquement aux obligations d'information des émetteurs .
- il prévoit que la décision reste accessible sur le site Internet de l'Autorité pendant au moins cinq ans , mais que, si elle reste accessible au-delà de cinq ans, elle l'est de façon anonymisée conformément à l'article 28 du règlement MAR.
F. L'INTRODUCTION D'UNE POSSIBILITÉ DE RELÈVEMENT DES DÉCISIONS D'INTERDICTION DÉFINITIVE D'EXERCER
Enfin, le f du 2° du présent article créé un VI au sein de l'article L. 621-15, afin de permettre à toute personne sanctionnée par une interdiction à titre définitif de l'exercice de son activité de demander à être relevée de cette sanction après l'expiration d'un délai d'au moins dix ans .
Il s'agit là de la formulation, dans la loi, d'une pratique déjà admise par la commission des sanctions depuis que le Conseil d'État a successivement obligé cette dernière a examiné les demandes des requérants en ce sens 47 ( * ) puis précisé les conditions dans lesquelles ce relèvement de sanction pouvait être appliqué 48 ( * ) .
Il convient de préciser que le relèvement de cette interdiction n'est pas automatique et restera à la discrétion de la commission des sanctions, dans les conditions déterminées par un décret en Conseil d'État.
G. L'EXTENSION DU DISPOSITIF DE SANCTION AUX CONSEILLERS EN INVESTISSEMENT FINANCIER ET AUX EXPERTS EN ÉVALUATION EXTERNE
Le 3° et le 4° du présent article procèdent par ailleurs à des coordinations au sein des articles L. 621-17 et L. 621-17-1-1 du code monétaire et financier, afin d' étendre l'application du plafond de sanction pécuniaire de 15 % du chiffre d'affaires aux conseillers en investissement financier (L. 621-17) et aux experts en évaluation externe (L. 621-17-1-1).
H. L'EXTENSION DE L'HABILITATION À TRANSPOSER PAR ORDONNANCE LE PAQUET « MIF 2 »
Enfin, le 5° du présent article modifie le premier alinéa de l'article 28 de la loi n° 2014-1662 du 30 décembre 2014 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière : cet article, qui habilite le Gouvernement à transposer par ordonnance le paquet MIF 2 précité, prévoyait en effet - à l'initiative de votre commission des finances - que cette habilitation ne concernait pas les mesures intervenant en matière répressive. Cette exclusion est supprimée par le présent article .
III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
À l'initiative de notre collège député Romain Colas, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, l'Assemblée nationale a complété les coordinations au sein des articles L. 621-17 et L. 621-17-1-1, pour prévoir la récusation d'un membre de la commission des sanctions et le caractère public des séances de cette dernière.
Par ailleurs, à l'initiative du Gouvernement 49 ( * ) , l'Assemblée nationale a adopté un amendement visant à prolonger jusqu'au 3 juillet 2017 le délai d'habilitation à ordonnance pour la transposition de « MIF 2 » « en raison des retards pris dans l'adoption des mesures d'application de ce texte par l'Autorité européenne des marchés financiers », selon l'exposé des motifs de l'amendement : en effet, l'entrée en vigueur de « MIF 2 » devrait être repoussée d'un an, au 3 juillet 2017, compte tenu des difficultés d'application de ce texte.
Elle a en outre procédé à plusieurs clarifications rédactionnelles au sein du présent article.
À l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a également adopté en séance publique une habilitation à transposer par ordonnance la directive 20 janvier 2016 sur la distribution d'assurances 50 ( * ) . Cette dernière, vise notamment à assurer le même niveau de protection du consommateur, quel que soit le canal de distribution du produit (assureurs directs et courtiers notamment) et une information claire sur le statut et la rémunération du vendeur. À cet effet, elle renforce les obligations de formation professionnelle et les devoirs de conseil applicables aux intermédiaires d'assurance.
IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Le présent article procède à de nombreuses évolutions du dispositif répressif devant l'Autorité des marchés financiers, dont certaines étaient présentes dans la proposition de loi de votre rapporteur et celle de notre collègue Claude Raynal relatives à la répression des infractions financières (création d'un plafond exprimé en pourcentage du chiffre d'affaires, et modalités de publication de la décision).
A. UN PLAFOND DE SANCTIONS EXPRIMÉ EN POURCENTAGE DU CHIFFRE D'AFFAIRES QUI DOIT ÊTRE ÉLARGI
La proposition de loi précitée relative à la répression des abus de marché procède à un relèvement des sanctions pénales en matière d'abus de marché, de manière à les aligner sur les sanctions administratives. Dans le prolongement de ces évolutions en vue d'une plus grande sévérité du dispositif répressif en matière financière, le présent article procède à un renforcement bienvenu des sanctions, notamment à travers :
- l'harmonisation à 15 millions d'euros du plafond des sanctions pour les personnes physiques . Cette harmonisation est d'autant plus nécessaire que le plafond à 300 000 euros, qui demeurait pour certains manquements des personnes physiques, n'était pas conforme au droit européen, l'article 30 du règlement n° 596/2014 sur les abus de marché imposant une sanction maximum d'au moins 500 000 euros ;
- l'insertion d'un plafond à 15 % du chiffre d'affaires de la personne morale .
Ce plafond est permis par le droit européen, qui n'y oblige toutefois pas. En fonction des textes européens, le plafond est d'ailleurs différent : fixé à 15 % du chiffre d'affaires pour les infractions définies dans le règlement MAR, il est en revanche fixé à 10 % dans le règlement n° 909/2014 relatif aux dépositaires centraux de titres, ou encore à 3 % dans le règlement n° 1286/2014 sur les documents d'informations clés relatifs aux produits d'investissement packagés de détail et fondés sur l'assurance.
Le présent article fait le choix d'un plafond unique à 15 %, prévu par le règlement européen sur les abus de marché, de manière à assurer un dispositif simple, lisible et unifié, dont l'application proportionnée reviendra à la commission des sanctions. Il reprend en cela les dispositions de la proposition de loi précitée déposée par votre rapporteur portant réforme de la répression des infractions financières.
La constitutionnalité d'un plafond de sanction administrative exprimé en pourcentage du chiffre d'affaires a déjà fait l'objet d'une décision du Conseil constitutionnel : ce dernier a en effet censuré l'article 3 du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique qui prévoyait des amendes de 10 ou 20 % du chiffre d'affaires de la personne morale. En effet, il a estimé que ce plafond était contraire au principe de proportionnalité des peines découlant de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, considérant qu' il n'y avait pas de lien entre l'infraction et le chiffre d'affaires d'une part, et que la sanction était « susceptible de revêtir un caractère manifestement hors de proportion avec la gravité de l'infraction constatée » 51 ( * ) .
En l'espèce, la constitutionnalité du plafond prévu par le présent article serait, selon le Gouvernement, garantie de deux manières. D'une part, elle résulte de l'application d'une option offerte par un texte européen , pour lequel le contrôle de constitutionnalité s'exerce de façon moins stricte. D'autre part, les obligations pour lesquelles les manquements sont susceptibles d'être ainsi sanctionnés sont définies de façon précise et limitative ; ainsi, les infractions concernées par cette sanction en pourcentage du chiffre d'affaires sont celles ayant bien un lien avec l'activité, donc le chiffre d'affaires, de la personne sanctionnée.
Toutefois, la proposition de loi précitée réformant le système de répression des abus de marché, récemment adoptée par le Parlement, avait pour objet d'aligner les sanctions applicables en matière d'abus de marché au pénal et à l'administratif. Cette harmonisation est nécessaire pour que, dans un système d'aiguillage entre les deux voies pénales et administratives, les affaires les plus graves orientées vers le pénal ne risquent pas des peines moins sévères que si elles avaient été poursuivies dans la voie administrative.
En conséquence, votre commission des finances a, à l'initiative de votre rapporteur, adopté un amendement n° COM-238 visant à prévoir que le plafond de 15 % du chiffres d'affaires s'applique également pour les personnes morales pénalement responsables d'un abus de marché . Cette introduction respecte le principe de proportionnalité des peines, dès lors que ce plafond est déjà prévu devant l'autorité administrative pour des manquements de même nature - et pour lesquels le plafond de 15 % est prévu par le règlement européen.
Dans le même sens, votre commission des finances a adopté un amendement n° COM-239 ayant pour objet d'étendre ce nouveau plafond de sanction à 15 % du chiffre d'affaires des personnes morales aux manquements poursuivis par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution .
En effet, les plafonds de sanction des deux autorités sont aujourd'hui alignés à 100 millions d'euros. Or, les affaires récentes, notamment relatives à l'assurance-vie en déshérence, ont montré que c'est bien devant la commission des sanctions de l'ACPR que ce plafond apparaît trop faible pour sanctionner de façon proportionnée certains grands établissements financiers. En outre, ce plafond serait cohérent avec le plafond, également exprimé en pourcentage du chiffre d'affaires, qui a été défini pour les manquements aux obligations prudentielles par le règlement « CRR IV » 52 ( * ) .
B. UNE HABILITATION À TRANSPOSER MIF 2 DONT L'EXTENSION EST BIENVENUE
L'habilitation à transposer par ordonnance le paquet « MIF 2 », donnée par l'article 28 de la loi n° 2014-1662 du 30 décembre 2014 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière, expire au 3 juillet 2016 , conformément à l'article 32 de cette même loi. Or, compte tenu du report d'un an annoncé par la Commission européenne sur l'entrée en vigueur du paquet « MIF 2 », report actuellement en cours d'examen par le Parlement européen et le Conseil et consécutif aux retards pris dans les mesures d'application technique, l'ordonnance de transposition ne pourra intervenir avant l'expiration de ce délai .
Compte tenu de l'importance du paquet « MIF 2 » et du fait que les principales modifications du régime répressif sont réalisées par le présent projet de loi et la proposition de loi précitée, votre rapporteur est favorable à la prolongation de l'habilitation, de même qu'à l'extension de son champ proposée par le Gouvernement dans le cadre du projet de loi initial .
Votre rapporteur approuve également l'habilitation à transposer par ordonnance la directive du 20 janvier 2016 sur la distribution d'assurance. Cette dernière vise à garantir un niveau élevé de protection des consommateurs, quel que soit le canal de distribution du produit d'assurance (assureurs directs et courtiers notamment) ainsi qu'une information claire sur le statut et la rémunération du vendeur. Elle renforce également les obligations de formation professionnelle et les devoirs de conseil applicables aux intermédiaires d'assurance. Eu égard au délai de transposition, fixé au 23 février 2018, votre rapporteur estime que le recours à l'ordonnance, même s'il n'est pas pleinement satisfaisant, peut se justifier. Votre rapporteur sera toutefois particulièrement vigilant sur les dispositions qui seront prises et le respect des obligations posées par la directive.
C. DES AMÉLIORATIONS RÉDACTIONNELLES
Par ailleurs, votre commission des finances a adopté les amendements n° s COM-240 et COM-241 visant à procéder à certaines améliorations rédactionnelles , en particulier pour coordonner la rédaction du présent article avec celle de la proposition de loi précitée sur la répression des abus de marché.
Décision de la commission : votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article ainsi modifié.
ARTICLE 21 (Art. L. 421-9-1 et L. 423-2 du code des assurances, art. L. 612-33 et L. 612-33-2 [nouveau] du code monétaire et financier, art. L. 431-2 du code de la mutualité et art. L. 951-2 du code de la mutualité) - Élargissement des pouvoirs de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution visant à faciliter le rétablissement de la situation financière et la résolution des organismes d'assurance
. Commentaire : le présent article prévoit un nouveau dispositif de transfert du portefeuille d'un organisme d'assurance en cas de défaillance de ce dernier et habilite le Gouvernement à mettre en place par ordonnance un mécanisme national de résolution des organismes d'assurance.
I. LE DROIT EXISTANT
A. L'INVALIDATION DU TRANSFERT D'OFFICE DU PORTEFEUILLE D'UN ORGANISME D'ASSURANCE PAR LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL
Aux termes de l'article L. 612-1 du code monétaire et financier, l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) « veille à la préservation de la stabilité du système financier et à la protection des clients, assurés, adhérents et bénéficiaires des personnes soumises à son contrôle ». Pour mener à bien cette mission, l'ACPR dispose notamment de pouvoirs de police administrative énumérés à l'article L. 612-33, qu'elle peut mettre en oeuvre « lorsque la solvabilité ou la liquidité d'une personne soumise [à son contrôle] ou lorsque les intérêts de ses clients, assurés, adhérents ou bénéficiaires, sont compromis ou susceptibles de l'être ».
S'agissant des organismes d'assurance, jusqu'à la décision n° 2014-449 QPC du Conseil constitutionnel, l'ACPR pouvait, en vertu du 8° de cet article, « prononcer le transfert d'office de tout ou partie du portefeuille des contrats d'assurance ou de règlements ou de bulletins d'adhésion à des contrats ou règlements des personnes mentionnées au 1°, 3°, et 5° du B du I de l'article L. 612-2 ». Saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité de ce dispositif au droit de propriété, le Conseil a relevé que « le transfert de tout ou partie du portefeuille s'opère sur décision de l'ACPR, sans que soit laissée à la personne visée la faculté, pendant une période préalable, de procéder elle-même à la cession de tout ou partie de ce portefeuille, que, dans ces conditions, le transfert d'office [...] entraîne une privation de propriété ». Il a, en conséquence, invalidé ce dispositif.
B. UNE PROCÉDURE DE RÉSOLUTION QUI NE CONCERNE PAS LES ENTREPRISES D'ASSURANCE
À l'inverse des établissements bancaires, les organismes d'assurance sont, en cas de faillite, soumis à des procédures ordinaires de liquidation .
Les banques sont, quant à elles, soumises à un régime propre, régi, au niveau national par la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires et au niveau européen par la directive européenne 2014/59/UE dite BRRD ou Bank Recovery and Resolution Directive 53 ( * ) . Ce régime comprend :
- un volet préventif, qui inclut des mesures de redressement de la situation financière des organismes bancaires et une planification des mesures de rétablissement ;
- un volet dédié à la gestion de crise, qui confère à l'autorité de résolution des pouvoirs accrus. Elle peut par exemple modifier la structure capitalistique d'un organisme, interdire certaines activités, ou encore décider de faire appel au fonds de garantie des dépôts et de résolution.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
A. LA CRÉATION D'UNE NOUVELLE PROCÉDURE DE TRANSFERT DU PORTEFEUILLE
1. Une procédure en deux temps visant à assurer le respect du droit de propriété
Le présent article procède à la restauration, dans le code monétaire et financier (CMF), des mesures de police administrative dont disposait l'ACPR pour transférer d'office tout ou une partie du portefeuille de contrats d'un organisme d'assurance faisant face à des difficultés financières à un autre organisme offrant de meilleures garanties de solvabilité . Le dispositif proposé comprend deux phases , régies par deux nouveaux alinéas intégrés à l'article L. 612-33 du CMF, visant à remédier à la censure du Conseil constitutionnel, en permettant à l'assureur de déposer de lui-même, dans un premier temps, un projet de transfert de son portefeuille de contrats.
Les personnes susceptibles de faire l'objet de cette nouvelle procédure sont les mêmes que celles mentionnées dans le dispositif censuré par le Conseil constitutionnel (mentionnées au 1°, 3° et 5° du B du I de l'article L. 612-2 du code monétaire et financier). Les circonstances dans lesquelles l'ACPR (mentionnées à l'article L. 612-33 du code monétaire et financier) peut recourir au transfert d'office demeurent également inchangées.
Le 1° du II du présent article insère ainsi un 13° à l'article L. 612-33, qui instaure une procédure permettant, dans un premier temps, à l'ACPR d' « enjoindre à une des personnes mentionnées aux 1°, 3° et 5° du B du I de l'article L. 612-2 de déposer, dans un délai qu'elle fixe et qui ne peut être inférieur à quatre mois, une demande de transfert de tout ou partie de son portefeuille de contrats d'assurance, d'opérations ou de bulletins d'adhésion à des contrats ou règlements, dans les conditions prévues aux articles L. 324-1 du code des assurances, L. 212-11 du code de la mutualité et L. 931-16 du code de la sécurité sociale ». Le prix de cession que l'organisme cédant négocie contractuellement avec l'organisme cessionnaire constituerait la « juste et préalable indemnité » qu'impose l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen en cas de limitation du droit de propriété.
2. Un nouvel article du code monétaire et financier clarifiant la procédure de transfert d'office
En cas d'échec de cette première procédure, qui assure le respect des droits des organismes visés, l'ACPR peut prononcer, selon le nouveau 13 bis , le transfert d'office du portefeuille de l'organisme en question dans les conditions prévues par un nouvel article L. 612-33-2 dans le code monétaire et financier. Celui-ci détaille la procédure de transfert d'office mentionnée au 13 bis de l'article L. 612-33. Cet article permet notamment de rassembler dans le code monétaire et financier, des dispositions aujourd'hui éparses.
Le nouvel article précise notamment que l'ACPR, lorsqu'elle met cette procédure en oeuvre, recourt aux divers fonds de garantie prévus par la loi, soit « au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages, au fonds de garantie des assurés contre la défaillance de sociétés d'assurance de personnes, au fonds de garantie contre la défaillance des mutuelles et des unions pratiquant des opérations d'assurances ou au fonds paritaire de garantie ». Ces derniers accomplissent « jusqu'à la nomination du liquidateur, les actes nécessaires à la gestion de la partie du portefeuille de contrats qui n'a pas été transférée », sachant qu'un administrateur provisoire nommé par l'ACPR peut accomplir ces missions pour le compte du fonds de garantie.
L'ACPR lance ensuite un appel d'offre en vue du transfert du portefeuille. Elle retient la ou les offres « qui lui paraissent le mieux préserver l'intérêt des assurés, souscripteurs des contrats, adhérents et bénéficiaires de prestations, membres participants et bénéficiaires de bulletins d'adhésion à un règlement ou à des contrats eu égard notamment à la solvabilité des personnes [...] candidates et aux taux de réduction des engagements qu'elles proposent ». Comme pour les transferts volontaires (art. L. 324-1 du code des assurances pour les organismes relevant de ce code), l'article proposé prévoit que la décision de transfert d'office de l'ACPR est publiée au Journal officiel et qu'elle libère l'organisme cédant de toute obligation envers les assurés. Ces éléments étaient précisés dans les dispositions relatives à chaque fonds, que supprime le présent article. En cas d'échec de la procédure de transfert d'office, l'organisme entre en procédure de résolution.
Le II précise que cette procédure entraine, comme l'exigent déjà les dispositions en vigueur régissant le recours aux divers fonds de garantie, « le retrait de tous les agréments administratifs de l'entreprise, de l'institution ou union d'institutions de prévoyance, de la mutuelle ou de l'union conformément aux dispositions de l'article L. 325-1 du code des assurances ». Afin de prévenir tout risque de censure constitutionnelle, il indique également que le transfert d'office intervient dans des conditions permettant de garantir « une juste et préalable indemnisation » . Cette précision formelle ne doit pas masquer le risque que les compensations pour l'organisme cédant soient souvent nulles en pratique, le transfert d'office faisant, dans ce nouveau dispositif, suite à l'échec d'une procédure de transfert par l'organisme lui-même . L'article précise que le transfert d'office peut en outre s'accompagner d'un transfert d'actifs.
Le présent article contient également plusieurs dispositions visant à harmoniser la procédure de transfert d'office du portefeuille avec les dispositions en vigueur relatives au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages, au fonds de garantie des assurés contre la défaillance de sociétés d'assurance de personnes, au fonds de garantie contre la défaillance des mutuelles et des unions pratiquant des opérations d'assurances ou au fonds paritaire de garantie. Ces modifications touchent de la même manière le code des assurances, le code de la mutualité et le code de la sécurité sociale. Elles permettent notamment de clarifier la procédure en renvoyant au nouveau 13 bis de l'article L. 612-33 du code monétaire et financier et au nouvel article L. 612-33-2.
B. UNE HABILITATION DU GOUVERNEMENT À METTRE EN PLACE UN MÉCANISME DE RÉSOLUTION DES ENTREPRISES D'ASSURANCE
1. Un nouveau mécanisme placé sous la responsabilité de l'ACPR
Le V du présent article habilite le Gouvernement à instituer un mécanisme national de résolution des organismes d'assurance. Un tel mécanisme, inédit en Europe dans le domaine de l'assurance, s'inspire des mesures prévues pour les banques au niveau national par la loi de séparation et de régulation des activités bancaires du 26 juillet 2013 et, au niveau européen, par la directive européenne 2014/59/UE dite BRRD ou Bank Recovery and Resolution Directive.
La résolution est un terme anglais, adopté dans le langage financier français, qui renvoie à la restructuration d'un établissement en faillite. Comme le rappelait notre collègue Richard Yung, alors rapporteur du projet de loi de régulation et de séparation des activités bancaires de 2013, « contrairement à la liquidation pure et simple, la résolution a pour objet de sauver tout ou partie des activités de l'établissement, en préservant les fonctions considérées comme économiquement ou socialement déterminantes, critiques et/ou d'importance systémique, et en limitant l'intervention du contribuable . Pour ce faire, la résolution, contrairement à la liquidation, est une procédure confiée à une autorité ad hoc ». Conformément à cette définition, et de manière comparable à ce qui existe pour le secteur bancaire, le présent article autorise le Gouvernement à désigner l'ACPR comme autorité de résolution pour le secteur de l'assurance et à déterminer les règles de gouvernance correspondantes.
2. Des mesures proches de celles en vigueur dans le secteur bancaire
Le présent article autorise le Gouvernement à créer par ordonnance un plan préventif de redressement établi par l'organisme d'assurance et un plan préventif de résolution établi par le régulateur .
Le plan de redressement vise à déterminer la capacité de l'organisme à résister à des scénarios de tension extrêmes, comme la défaillance d'une contrepartie majeure ou un manque de liquidités et à définir les options dont il dispose pour assainir sa situation.
Les plans préventifs de résolution, qui visent à protéger les droits des assurés et l'intérêt public, sont établis par le régulateur. Ils visent à planifier les mesures qui pourront être prises par le régulateur au stade de la résolution, tout en maintenant les fonctions nécessaires au fonctionnement de l'économie et en protégeant les droits des assurés, et, dans la mesure du possible sans recourir aux fonds publics.
Les plans préventifs de résolution et de
redressement
Aux termes de l'article L. 613-35 du code monétaire et financier « les plans préventifs de rétablissement individuels prévoient un large éventail de mesures de rétablissement permettant de faire face à une détérioration significative de la situation financière des personnes concernées . » L'article L. 613-38 prévoit que « Le collège de résolution [de l'ACPR] établit des plans préventifs de résolution individuels pour les personnes tenues d'élaborer un plan préventif de rétablissement individuel [...]. Ces plans prévoient les mesures de résolution susceptibles d'être prises [...] lorsque sont réunies les conditions de déclenchement d'une procédure de résolution [...]. » |
Consécutivement, le présent article habilite le Gouvernement à donner à l'ACPR le pouvoir d'enjoindre à ces organismes de supprimer les obstacles à leur résolution qui auront été identifiés dans ces plans et à définir les conditions d'entrée en résolution, sans en préciser le contenu ni les objectifs.
L'entrée en phase de résolution dans le domaine bancaire Selon l'article L. 613-49 du code monétaire et financier, l'entrée en résolution est prononcée par le collège de résolution de l'ACPR lorsque trois conditions sont remplies : « 1° Le collège de supervision, après avis du collège de résolution, ou le collège de résolution, après avis du collège de supervision, a établi que la défaillance d'une personne mentionnée au I de l'article L. 613-34 est avérée ou prévisible en application du II de l'article L. 613-48 ; 2° Il n'existe aucune perspective raisonnable que cette défaillance puisse être évitée dans un délai raisonnable autrement que par la mise en oeuvre d'une mesure de résolution ; 3° Une mesure de résolution est nécessaire au regard des objectifs de la résolution mentionnés au I de l'article L. 613-50 et une procédure de liquidation judiciaire instituée par le livre VI du code de commerce ne permettrait pas d'atteindre ces objectifs dans la même mesure. » L'article L. 613-50 comprend quatre objectifs dont doit tenir compte l'ACPR lorsqu'il met en oeuvre une résolution bancaire : 1/ assurer la continuité des fonctions critiques, 2/ éviter les effets négatifs importants sur la stabilité financière, 3/ protéger les ressources de l'État et 4/ protéger les fonds et les actifs des clients. |
L'habilitation permet en outre au Gouvernement de mettre en place un mécanisme d'« établissement-relais » chargés de recevoir les engagements d'un organisme soumis à une procédure de résolution et créés à l'initiative de l'ACPR . Dans le domaine bancaire, ces établissements, mentionnés à l'article L. 613-53 du CMF, sont entièrement détenus par une ou plusieurs personnes publiques. Leur mise en place permet notamment de liquider des actifs défaillants et dont la sauvegarde n'apparaît pas essentielle au régulateur. Dans le domaine de l'assurance, en cas de résolution, la partie la moins critique du portefeuille de l'organisme pourra être placée dans cet établissement-relais (par exemple, des assurances dommage facultatives dont l'impact est faible, comparativement à des assurances responsabilité civile professionnelle, qui devront être sauvegardées).
L'article comprend également une habilitation visant à imposer aux organismes et groupes d'assurance de prévoir une baisse ou une annulation de la rémunération variable, des indemnités ou des avantages de leurs dirigeants en cas de mise en oeuvre de mesures de résolution. Le champ de cette habilitation s'inspire également d'une mesure prévue par la loi bancaire de 2013, aujourd'hui codifiée à l'article L. 613-50-10, qui doit notamment « garantir une participation financière effective des personnes concernées [par ces dispositions] ».
Elle permet enfin d'« adapter » les différentes mesures de police administrative prévues à l'article L. 612-33 du CMF aux situations de résolution. Cette habilitation devrait permettre au Gouvernement de reprendre en les modifiant à la marge certaines mesures de police administrative afin de les rendre pertinentes dans un cadre de résolution (par exemple de réduire le délai de 4 mois laissé à l'organisme pour transférer lui-même son portefeuille prévu dans le nouveau 13° de l'article L. 612-33 avant l'enclenchement du transfert d'office).
3. Un mécanisme sans conséquence sur le passif des organismes d'assurance
Il convient de préciser que le présent article ne précise pas si l'habilitation couvre ou non la création d'un mécanisme de renflouement financier.
Selon l'étude d'impact, de telles mesures ne sont pas prévues, car susceptibles de porter atteinte aux droits des assurés ou des créanciers des organismes et d'engendrer de ce fait une censure constitutionnelle. Il apparaît par ailleurs plus opportun de les définir au niveau européen, comme cela a été fait dans le domaine bancaire.
Ainsi, le dispositif ne contiendra aucune disposition comparable à celle de la directive BRRD, permettant par exemple l'absorption des pertes par les instruments de passif autres que les dépôts couverts ( bail-in ) dans le cas où un organisme d'assurance serait effectivement défaillant.
III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
L'Assemblée nationale a adopté un amendement rédactionnel introduit en séance publique par le rapporteur pour avis de la commission des finances, M. Romain Colas.
IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
A. LA MISE EN CONFORMITÉ DE LA PROCÉDURE DE TRANSFERT D'OFFICE
Votre rapporteur estime que les points I à IV du présent article permettent de répondre au double objectif de mise en conformité de la procédure de transfert d'office avec le droit de propriété et de clarification du droit.
La nouvelle procédure de transfert de portefeuille, en deux temps, permet de concilier la protection du droit de propriété des organismes d'assurance, garantie par la Constitution, avec la sauvegarde de l'intérêt des assurés et, plus largement, du système financier. Cet équilibre s'appuie sur la préservation d'un délai raisonnable, de quatre mois, au cours duquel l'organisme visé par la procédure peut lui-même procéder au transfert du portefeuille, avant que celui-ci ne soit prononcé d'office.
Par ailleurs, le nouvel article L. 621-33-2 permet de regrouper, au sein du code monétaire et financier, des dispositions aujourd'hui éparses, contribuant ainsi à la clarté du droit applicable.
B. LA CRÉATION D'UN MÉCANISME NATIONAL DE RÉSOLUTION DES ENTREPRISES D'ASSURANCE
Si un mécanisme de résolution pour les organismes d'assurance commence à être envisagé dans certains pays, tels que les Pays-Bas ou le Royaume-Uni, et que la Commission européenne avait effectué une consultation en 2012 à ce sujet, force est de constater qu'aucun projet normatif européen n'est à l'ordre du jour . Au niveau mondial, le Financial Stability Board tient une liste des assureurs systémiques qui seront soumis à des exigences particulières à compter de 2019, dont l'établissement de plans de résolution. Axa est la seule société française concernée par ces mesures.
Votre rapporteur estime que la création d'un tel mécanisme peut être assimilée à une manière d'anticiper les normes européennes ou internationales à venir. En plus de sécuriser le marché français, il pourrait acculturer ses acteurs à ces nouveaux mécanismes, dont la mise en place apparaît inévitable et souhaitable à long-terme.
Le risque de défaut dans le secteur
assurantiel :
« Pour les assureurs, le maintien de taux bas entraîne une baisse progressive et durable du rendement des actifs. Ce phénomène est particulièrement pénalisant pour les assureurs vie qui détiennent des actifs de maturité longue et font face à une collecte qui reste dynamique. Une remontée rapide des taux d'intérêt les exposerait, en effet, à une dépréciation de la valeur de leurs actifs à taux fixe et à un risque important de décollecte qui, s'il doit les conduire à céder des actifs en moins-values latentes, pourrait également générer des pertes. Par ailleurs, la baisse continue du rendement de leurs principaux actifs, obligataires, notamment, pourrait pousser certains assureurs à se tourner vers des actifs présentant des rendements plus élevés (search for yield) mais également un risque de défaut plus important - que la compression des spreads favorisée par une demande accrue des investisseurs estompe largement ». Source : Rapport annuel de l'ACPR 2014 |
Néanmoins, votre rapporteur estime qu'il convient de rester vigilant pour que cette initiative isolée ne fasse pas peser un risque réglementaire sur les assureurs engendrant des arbitrages défavorables au maintien de certaines activités en France . Votre rapporteur attire notamment l'attention sur le fait que les organismes d'assurance exerçant en libre prestation de services en France sont soumis à la surveillance du régulateur du pays où ils sont établis, ce qui risque de créer des distorsions défavorables aux assureurs établis en France. Il estime donc qu'un tel dispositif national est indissociable d'une initiative du Gouvernement au niveau européen en la matière.
Par ailleurs, s'il ne s'oppose pas à ce que des mesures techniques et préventives, telles que l'établissement des plans de résolution ou de rétablissement, soient prises par voie d'ordonnance, votre rapporteur souhaite que les objectifs des résolutions des organismes d'assurance soient encadrés au maximum et que ceux-ci soient définis par le législateur. En ce sens, votre commission a, à l'initiative de votre rapporteur, adopté l'amendement n° COM-243, ainsi que l'amendement rédactionnel n° COM-242.
Décision de la commission : votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article ainsi modifié
ARTICLE 21 bis A (nouveau) - Habilitation à réformer le code de la mutualité
Commentaire : le présent article habilite le Gouvernement à réformer par ordonnance la gouvernance des mutuelles régies par le code de la mutualité, le statut de l'élu, la gouvernance et l'évolution des structures mutualistes.
I. LE DROIT EXISTANT
A. LA MUTUALITÉ : UNE IDENTITÉ PROPRE ET UN CHAMP D'INTERVENTION LARGE
1. Les principes mutualistes
Les mutuelles ont vu leur statut législatif défini par la Charte de la mutualité en 1898, puis en 1945 par l'ordonnance n° 45-2456 du 19 octobre 1945 portant statut de la mutualité, à laquelle elles doivent leur appellation de « mutuelles 45 », par opposition aux sociétés d'assurance mutuelles, qui relèvent du code des assurances, aux termes de son article L. 322-26-1.
Les mutuelles sont régies par le code de la mutualité, refondu en 2001 par l'ordonnance n° 2001-350 du 19 avril 2001 relative au code de la mutualité et transposant les directives 92/49/CEE et 92/96/CEE du Conseil des 18 juin et 10 novembre 1992 qui mettaient notamment leur fonctionnement en conformité avec le droit européen.
Aux termes de l'article L. 111-1 du code de la mutualité, les mutuelles sont des personnes morales de droit privé à but non lucratif . Elles mènent, notamment au moyen des cotisations versées par leurs membres, et dans l'intérêt de ces derniers et de leurs ayants droit, une action de prévoyance, de solidarité et d'entraide, dans les conditions prévues par leurs statuts , afin de contribuer au développement culturel, moral, intellectuel et physique de leurs membres et à l'amélioration de leurs conditions de vie.
2. Le champ d'intervention des mutuelles
Le code de la mutualité distingue les mutuelles pratiquant des opérations d'assurance et de capitalisation et celles pratiquant la prévention, l'action sociale et la gestion de réalisations sanitaires et sociales, respectivement régies par les livres II et III.
Conformément à l'article L. 111-1, les mutuelles du livre II peuvent avoir pour objet de réaliser les opérations d'assurance suivantes :
• couvrir les risques de dommages corporels liés à des accidents ou à la maladie ;
• contracter des engagements dont l'exécution dépend de la durée de la vie humaine, verser un capital en cas de mariage ou de naissance d'enfants, faire appel à l'épargne en vue de la capitalisation en contractant des engagements déterminés ;
• réaliser des opérations de protection juridique et d'assistance aux personnes ;
• couvrir le risque de perte de revenus lié au chômage ;
• apporter leur caution mutualiste aux engagements contractés par leurs membres participants en vue de l'acquisition, de la construction, de la location ou de l'amélioration de leur habitat ou de celui de leurs ayants droit.
Les mutuelles du livre III peuvent assurer la prévention des risques de dommages corporels liés à des accidents ou à la maladie, ainsi que la protection de l'enfance, de la famille, des personnes âgées, dépendantes ou handicapées. Elles peuvent en outre mettre en oeuvre une action sociale ou gérer des réalisations sanitaires, sociales ou culturelles.
La mutualité en chiffres La mutualité comprend 426 mutuelles santé. En 2014, la part des mutuelles relevant du livre II du code de la mutualité dans l'activité complémentaire santé en France était de 53,2 % (de 28,2 % pour les assureurs et 18,6 % pour les instituts de prévoyance). Elles géraient en outre 3,4 milliards d'euros de cotisations au titre de leur activité prévoyance (44 % épargne, 27 % décès et 29 % retraite). Les mutuelles relevant du livre III du code de la mutualité géraient 2 500 établissements de service réalisant un total de 3,3 milliards d'euros de chiffre d'affaires. Ceci comprend, au titre de leurs activités sanitaires et ambulatoires, 52 magasins d'optique, 469 centres dentaires, 386 centres d'audition, 186 établissements d'hospitalisation, 54 pharmacies, 59 centres médicaux et polyvalents. Elles géraient en outre 523 Établissements et services médico-sociaux (EHPAD, services de soins à domicile...), 207 Établissements et services pour la petite enfance et 38 « Initiatives sociales » (logements pour jeunes, logements intermédiaires pour personnes âgées autonomes ou en situation de handicap). Source : ACPR et Mutualité française. Données couvrant l'année 2014 |
B. LES SPÉCIFICITÉS DE L'ORGANISATION MUTUALISTE
Selon l'article L. 114-1 du code de la mutualité, « les membres participants d'une mutuelle sont les personnes physiques qui bénéficient des prestations de la mutuelle à laquelle elles ont adhéré et en ouvrent le droit à leurs ayants droit ». Par ailleurs, « les mutuelles peuvent admettre des membres honoraires , personnes physiques, qui versent des cotisations, des contributions ou leur font des dons sans bénéficier de leurs prestations. »
Aux termes de l'article L. 114-6 du code de la mutualité, l'assemblée générale des mutuelles est constituée des membres honoraires et des membres participants de la mutuelle.
Cette dernière se rassemble en principe au moins une fois par an pour statuer notamment sur les modifications des statuts, les activités exercées et les prestations offertes, le montant des droits d'adhésion et les taux de cotisation. Elle peut par ailleurs déléguer certains de ses pouvoirs au conseil d'administration , pour une durée maximale d'un an (article L. 114-11 du code de la mutualité).
Le conseil d'administration est élu par l'assemblée générale de la mutuelle (article L. 114-9). Ses membres, qui exercent cette fonction gratuitement, peuvent être indemnisés. Ce conseil élit le président de la mutuelle, détermine les orientations de l'organisme et veille à leur application.
II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Le présent article, introduit par le Gouvernement en séance publique, l'habilite à prendre par ordonnance, dans un délai de six mois, toute mesure relevant du domaine de la loi en vue de réformer le code de la mutualité, autour des principales thématiques suivantes : gouvernance, statut de l'élu mutualiste, évolution des structures mutualistes. Le présent article prévoit qu'un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de cinq mois à compter de la publication de l'ordonnance.
A. LA MODERNISATION DES MUTUELLES ET UNIONS RELEVANT DU CODE DE LA MUTUALITÉ : UNE PLUS GRANDE FLEXIBILITÉ ET UNE IDENTITÉ RÉAFFIRMÉE
1. La modernisation de l'organisation des mutuelles
Le présent article habilite le Gouvernement à flexibiliser le statut des mutuelles. Le Gouvernement souhaite notamment :
• permettre aux statuts des mutuelles et unions du code de la mutualité que des représentants des salariés assistent avec voix délibérative aux séances du conseil d'administration ;
• permettre la modification des statuts pour qu'ils puissent donner compétence au conseil d'administration pour adopter le règlement mutualiste et fixer les orientations générales en matière de prestations ;
• clarifier les règles de délégation de pouvoirs de l'assemblée générale vers le conseil d'administration et les règles relatives à l'établissement d'un règlement ;
• permettre la création de collèges au sein de l'assemblée générale en fonction de critères contribuant à une meilleure représentation des membres participants et membres honoraires, notamment ceux relevant de contrats collectifs ;
• élargir le statut de membre honoraire pour permettre aux représentants des salariés des entreprises souscriptrices d'un contrat collectif d'assister aux instances des mutuelles et unions ;
• simplifier les modalités de vote dans les instances mutualistes , en permettant le vote électronique et en clarifiant les règles de quorum et de majorité applicables au sein des assemblées générales ;
• permettre aux statuts de prévoir un mécanisme de cooptation d'un administrateur en cas de décès, de démission, de perte de la qualité de membre participant ou de membre honoraire ou de cessation de mandat à la suite d'une décision d'opposition à la poursuite du mandat prise par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.
L'habilitation prévoit également l'élargissement de la composition des fédérations aux organismes non mutualistes et l'attribution à ces fédérations d'une mission de formation et de prévention des risques qu'elles assurent.
Enfin, il autorise également une réforme du fonctionnement du Conseil supérieur de la mutualité ainsi que du rôle de son secrétariat en précisant son champ de compétence afin notamment de simplifier les formalités consultatives applicables aux textes spécifiques aux organismes mutualistes.
2. Une réaffirmation des principes et de l'identité mutualiste
Le présent article prévoit aussi une évolution par ordonnance des principes communs et des règles de fonctionnement des organismes mutualistes permettant :
• d'affirmer les valeurs et principes qui fondent la spécificité des mutuelles en les modernisant de façon à acter leur singularité par rapport aux autres opérateurs, qui justifie la protection de l'appellation de mutuelle ;
• de clarifier les règles de désignation de l'attributaire du boni de liquidation.
3. Une harmonisation avec le régime des assurances
L'habilitation par ordonnance permettrait l'harmonisation du régime des contrats et règlements des mutuelles avec celui applicable aux entreprises relevant du code des assurances , afin d'assurer un niveau similaire d'information et de protection du consommateur, d'éviter des distorsions de concurrence entre organismes et de renforcer la qualité et la lisibilité de la législation.
B. MODERNISATION ET EXTENSION DES ACTIVITÉS DES MUTUELLES RELEVANT DU TITRE III DU CODE DE LA MUTUALITÉ
Le présent article habilite le Gouvernement à « compléter » le régime juridique des mutuelles et unions pratiquant la prévention, l'action sociale et la gestion de réalisations sanitaires et sociales, qui relèvent du livre III du code de la mutualité.
L'habilitation prévoit un élargissement de leur champ d'intervention à des activités sportives et de pompes funèbres, alors qu'elle est aujourd'hui cantonnée aux activités de prévention d''action sociale et à la gestion de réalisations sanitaires et sociales.
Elle prévoit en outre une modification de la composition des unions mentionnées à l'article L. 111?4?3 du code de la mutualité pour y inclure les sociétés commerciales relevant de l'économie sociale et solidaire (ESS) au sens de l'article 1 er de la loi n° 2014?856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire. Aujourd'hui, ces unions peuvent être composées des institutions de prévoyance, des sociétés d'assurance mutuelle, des entreprises d'assurance à forme mutuelle ou à gestion paritaire, des associations, des coopératives et des fondations.
C. L'ÉVOLUTION DU STATUT DES ÉLUS MUTUALISTES
Le présent article habilite le Gouvernement à « améliorer la formation des élus mutualistes » . L'article L. 114-25 du code de la mutualité prévoit actuellement que « les mutuelles, unions et fédérations proposent à leurs administrateurs, lors de leur première année d'exercice, un programme de formation à la gestion ».
Il permet en outre au Gouvernement de créer un nouveau statut du mandataire mutualiste. Les mandataires sont des relais entre les sociétaires et les administrateurs (il s'agit, en pratique, des délégués régionaux et nationaux) dont le statut juridique est aujourd'hui largement régi par des dispositions réglementaires.
D. LA MISE EN PLACE D'UNE POSSIBILITÉ DE MODULATION DES COTISATIONS DES AGENTS PUBLICS EN FONCTION DE LEUR DATE D'ADHÉSION
Le présent article habilite le Gouvernement à permettre de moduler les cotisations des agents publics en fonction de la date à laquelle ils ont adhéré à la mutuelle. Aujourd'hui, aux termes de l'article L. 112-1 du code de la mutualité, « les personnes régies par le code de la mutualité ne peuvent moduler le montant des cotisations qu'en fonction du revenu ou de la durée d'appartenance à la mutuelle ou du régime de sécurité sociale d'affiliation ou du lieu de résidence ou du nombre d'ayants droit ou de l'âge des membres participants. »
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Votre rapporteur comprend la nécessité de procéder à une réforme de la mutualité . Les mutuelles souhaitent voir le cadre législatif dans lequel elles s'inscrivent évoluer. À cet égard, la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi, qui créé une assurance complémentaire santé à adhésion obligatoire et partiellement financée par l'employeur pour les salariés du secteur privé constitue un choc concurrentiel pour des mutuelles essentiellement tournées vers les contrats individuels 54 ( * ) . Les contrats collectifs ne sont que très insuffisamment pris en compte par les dispositions du code de la mutualité. De même, si la nouvelle réglementation prudentielle Solvabilité II ne remet pas en cause ce type de structure, elle implique l'adaptation à de nouveaux défis organisationnels et techniques, concernant notamment les prérogatives, la formation et le rôle de l'élu mutualiste.
Votre rapporteur est également conscient de la volonté des mutuelles de voir leur organisation singulière protégée et les principes et les valeurs et qui les fondent et les distinguent réaffirmés.
Néanmoins, il estime qu'une réforme d'une telle ampleur, qui touche directement 38 millions d'adhérents, implique que le Parlement puisse en débattre. Cette réforme, qui fait suite à l'annonce du Président de la République du 12 juin 2015 devant la Mutualité française, est loin d'être purement technique et implique des choix importants pour la vie de la Nation.
Lors du 41 e congrès de la Mutualité à Nantes le 11 juin 2015, Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et de la Santé avait d'ailleurs annoncé que le Gouvernement présenterait en 2016 un projet de loi et non une demande d'habilitation sur ce thème.
Votre rapporteur estime donc que le choix du Gouvernement de recourir à l'habilitation à légiférer par ordonnance sur un sujet aussi fondamental est inapproprié. Il propose donc de ne pas adopter cet article.
La commission a adopté l'amendement n° COM-244 supprimant cet article.
Décision de la commission : votre commission propose à la commission des lois de supprimer cet article.
ARTICLE 21 bis (nouveau) (Art. L. 612-33 et L. 631-2-1 du code monétaire et financier) - Élargissement des prérogatives du Haut conseil de stabilité financière aux organismes d'assurance et renforcement de ses pouvoirs
. Commentaire : le présent article étend les prérogatives de surveillance macroprudentielle du Haut Conseil de stabilité financière aux organismes d'assurance et renforce ses pouvoirs de contrôle en matière d'octroi de crédit et en matière d'audition et de transmission d'information.
I. LE DROIT EXISTANT
A. LE HCSF : UN ORGANISME CHARGÉ DE LA STABILITÉ FINANCIÈRE
Le Haut Conseil de stabilité financière (HCSF), créé par la loi de séparation et de régulation des activités bancaire du 26 juillet 2013 est l'autorité macroprudentielle française chargée d'« exerce[r] la surveillance du système financier dans son ensemble, dans le but d'en préserver la stabilité et la capacité à assurer une contribution soutenable à la croissance économique » (article L. 631-2-1 du code monétaire et financier).
Les missions du HCSF Pour assurer cette stabilité, le HCSF a adopté cinq objectifs intermédiaires qui guident de façon plus opérationnelle son action : - atténuer et prévenir une expansion du crédit et un effet de levier excessifs ; - limiter la dépendance excessive au financement de court terme ou un trop fort degré de transformation de risque et maintenir la liquidité sur les marchés financiers ; - limiter la concentration des expositions directes et indirectes (qu'il s'agisse d'interconnexions entre acteurs ou d'exposition d'un certain nombre d'acteurs à un facteur de risque commun) ; - limiter l'impact systémique d'incitations inappropriées afin de réduire l'aléa moral (y compris en visant un renforcement de la résilience des établissements d'importance systémique qui peut être couplé, lorsque cela est pertinent, à la mise en place de dispositifs de liquidation et de résolution ordonnées des défaillances visant à réduire la systémicité de ces institutions) ; - renforcer la résilience des infrastructures financières . |
Le HCSF est également chargé de faciliter la coopération et l'échange d'informations entre les institutions que ses membres représentent. Ces échanges constituent un élément essentiel de l'efficacité d'ensemble du cadre de surveillance et de régulation puisqu'ils permettent de limiter les angles morts de la surveillance et de mieux prendre en compte les risques liés aux interconnexions entre les différents acteurs ou secteurs et aux interactions entre les réglementations. Son action s'inscrit dans le cadre européen ; ses décisions sont prises en collaboration avec la Commission européenne , la Banque centrale européenne (BCE) , le Comité européen du risque systémique (CERS) , l' Autorité bancaire européenne (EBA) , et les autorités macroprudentielles des autres États membres de l'Union européenne. Le HCSF se réunit au minimum quatre fois par an et établit un rapport annuel remis au Parlement. Source : site internet du HCSF |
Aux termes de l'article L. 631-2 du code monétaire et financier, le HCSF est composé de huit membres :
• le ministre chargé de l'économie, président ;
• le gouverneur de la Banque de France, président de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, assisté du vice-président de cette autorité ;
• le président de l'Autorité des marchés financiers ;
• le président de l'Autorité des normes comptables ;
• trois personnalités qualifiées désignées, pour une durée de cinq ans, à raison de leurs compétences dans les domaines monétaire, financier ou économique, respectivement, par le Président de l'Assemblée nationale, le Président du Sénat et le ministre chargé de l'économie.
B. DES PRÉROGATIVES ESSENTIELLEMENT LIMITÉES À LA SPHÈRE BANCAIRE
Pour assurer sa mission, l'article L. 631-2-1 confie au HCSF différents types de pouvoirs.
1. Avis, recommandations et pouvoirs d'information du HCSF
Il dispose du pouvoir de formuler des avis ou recommandations « de nature à prévenir tout risque systémique et toute menace à la stabilité financière » et peut les rendre publics. En outre, « il peut adresser aux institutions européennes compétentes tout avis visant à recommander l'adoption des mesures nécessaires à la prévention de tout risque systémique menaçant la stabilité financière de la France ».
Au titre de l'article L. 631-2-2, il peut « entendre les représentants des établissements de crédit, des sociétés de financement, des entreprises d'investissement ».
2. Des pouvoirs contraignants principalement limités aux organismes bancaires
Parmi les dispositions contraignantes, le HCSF peut, sur proposition du gouverneur de la Banque de France :
• imposer la mise en place d'un coussin contra-cyclique . Il a vocation à minimiser les effets des cycles financiers en augmentant en période de croissance et en diminuant en temps de crise afin de modérer les cycles du crédit (art. L. 361-2-1, 4°) ;
• imposer la mise en place d'un coussin pour le risque systémique . Celui-ci a pour but d'augmenter la résilience du système bancaire en cas de crise et ainsi permettre aux établissements financiers de faire face à leurs engagements (art L. 361-2-1, 4 bis ) ;
• mobiliser les pouvoirs prévus à l'article 458 du règlement (UE) n° 575/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Ainsi, en cas d'identification de variations d'intensité du risque macroprudentiel ou systémique, le HCSF peut décider de mesures nationales plus strictes sur les exigences de fonds propres, les grands risques, la publication, le coussin de conservation, la liquidité et les pouvoirs spécifiques du superviseur en matière de risque immobilier (art. L. 361-2-1, 4 ter ) ;
• enfin, le HCSF peut fixer « des conditions d'octroi de crédit par les personnes soumises au contrôle de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, en vue de prévenir l'apparition de mouvements de hausses excessives sur le prix des actifs de toute nature ou d'un endettement excessif des agents économiques » (art. L. 361-2-1, 5°).
Ces mesures portent principalement sur les établissements bancaires et ne concernent pas les organismes d'assurance. Toutefois, comme le rappelle l'exposé sommaire de l'amendement introduisant le présent article, « l'expérience a démontré que, pour pouvoir être pleinement efficace, la politique macroprudentielle doit aussi tenir compte des acteurs systémiques non bancaires, des phénomènes de contagion pouvant se propager à l'ensemble du secteur financier, y compris via la migration des risques des banques vers d'autres secteurs ». Il n'existe, par ailleurs, aucun dispositif européen de surveillance macroprudentielle spécifique aux assurances.
L'appel du HSCF à une plus grande prudence dans le secteur des assurances vie « Le HCSF estime que l'ajustement à la baisse des rémunérations des contrats d'assurance vie intervenu en 2015 a été insuffisant au regard des circonstances macroéconomiques et financières actuelles, et en particulier des rendements prévisibles des actifs sous-jacents. Il rappelle la nécessité de poursuivre la mise en adéquation des rendements des produits d'épargne avec l'environnement financier actuel et la prudence qui doit présider à leur détermination pour garantir la solidité des acteurs ». Source : communiqué de presse du HCSF du 13 juin 2016 |
II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
A. LA MODULATION DES RÈGLES DE CONSTITUTION ET DE REPRISE DE LA PROVISION POUR PARTICIPATION AUX BÉNÉFICES POUR LES ORGANISMES D'ASSURANCE
Le présent article, adopté en commission des finances de l'Assemblée nationale sur proposition de M. Romain Colas, rapporteur pour avis, permet au HCSF, sur proposition du gouverneur de la Banque de France, président de l'ACPR, de moduler les règles de constitution et de reprise de la provision pour participation aux bénéfices techniques et financiers . La mesure s'applique pour l'ensemble ou une partie des organismes exerçant une activité d'assurance directe, de mutuelles et d'institutions de prévoyance.
Des arrêtés du ministre de l'économie et des finances encadrent strictement cette participation (85 % du solde du compte de résultat financier et 90 % du résultat technique selon l'article A. 132-11 du code des assurances), généralement versée annuellement, mais pouvant être redistribuée aux souscripteurs dans un délai de huit ans, ce qui laisse en réalité une grande latitude aux assureurs.
Les bénéfices techniques et financiers La gestion des cotisations épargnées dégage des produits dénommés bénéfices techniques et financiers. Conformément à l'article L. 331-3 du code des assurances, les entreprises d'assurance sur la vie ou de capitalisation sont obligés de faire participer les assurés à ces derniers en leur en reversant une partie. Les bénéfices techniques comprennent les « bénéfices de mortalité » (qui résultent de l'augmentation de la durée théorique de la vie à partir du moment auquel les assurés signent leur contrat et de l'échéance réelle des contrats), et les « bénéfices de gestion » (écart entre les coûts de gestion prévus et les coûts de gestion effectifs). Les bénéfices financiers prennent en compte la différence entre le taux des placements effectués par l'assureur avec les capitaux des assurés et le taux auquel il rémunère ces capitaux, ainsi que les éventuelles plus-values. |
B. LA TRANSPOSITION DES POUVOIRS DONT L'ACPR DISPOSE À L'ÉGARD DES ORGANISMES D'ASSURANCE AU NIVEAU INDIVIDUEL EN MATIÈRE MACROPRUDENTIELLE
1. Des pouvoirs importants confiés au HCSF en matière de supervision macroprudentielle des organismes d'assurance
Par ailleurs, le présent article vise à transposer (en les atténuant légèrement) une partie des mesures conservatoires individuelles dont dispose l'ACPR en matière microprudentielle en vertu de l'article L. 612-33 du CMF au domaine macroprudentiel.
L'article prévoit à cet effet que le HSCF puisse prendre à l'égard d'une partie ou de l'ensemble des organismes d'assurance (organismes exerçant une activité d'assurance directe, de réassurance, mutuelles et institutions de prévoyance) les mesures suivantes :
• limiter temporairement l'exercice de certaines opérations ou activités , y compris l'acceptation de primes ou versements ;
• suspendre ou restreindre temporairement la libre disposition de tout ou partie des actifs ;
• limiter temporairement la distribution d'un dividende aux actionnaires , d'une rémunération des certificats mutualistes ou paritaires ou d'une rémunération des parts sociales aux sociétaires.
Inspirés des mécanismes de régulation macroprudentielle bancaire, ces dispositifs visent à permettre au HCSF d'imposer aux assureurs de garder leurs fonds en réserve afin d'augmenter leur résilience , suivant le même principe que les coussins de fonds propre auxquels sont soumises les banques.
Le HCSF pourra en outre suspendre , retarder ou limiter, pour tout ou partie du portefeuille, le paiement des valeurs de rachat, la faculté d'arbitrages ou le versement d'avances sur contrat pour une durée limitée.
Cette dernière mesure, qui n'a pas d'équivalent dans le domaine bancaire, permet notamment d'offrir un outil de régulation au HCSF en cas de hausse brutale des taux . Cette dernière, si elle survenait, risquerait en effet de provoquer une forte baisse relative de la compétitivité des fonds euros, entrainant un rachat massif de la part des souscripteurs (ou à des arbitrages vers les unités de compte pour les titulaires d'assurances vie multisupports). Pour faire face à cette décollecte massive, les assureurs devraient vendre une partie conséquente de leur portefeuille (principalement obligataire), ce qui constituerait un mouvement fortement procyclique susceptible de porter atteinte à la stabilité du système financier.
Ces quatre mesures conservatoires, appliquées à l'ensemble ou à un groupe d'organismes, s'avèrent particulièrement strictes . Le dispositif proposé prévoit donc qu'elles puissent être activées sur proposition du gouverneur de la Banque de France, président de l'ACPR, après avis du collège de supervision de cette Autorité , « afin de préserver la stabilité du système financier ou de prévenir des risques qui représentent une menace grave pour la situation financière de l'ensemble de ces personne ou d'une partie significative d'entre elles ». Il est en outre prévu que le HCSF décide de ces mesures « pour une période de six mois renouvelable et après consultation du Comité consultatif de la législation et de la réglementation financières ». Enfin, il convient de rappeler que l'article dans lequel s'insèrent ces dispositions prévoit qu'elles peuvent faire l'objet d'un recours en annulation devant le Conseil d'État.
2. Une coordination avec les pouvoirs de l'ACPR
Le présent article modifie également le 7° de l'article L. 612-33 du code monétaire et financier, en vue de remplacer la faculté de l'ACPR de « suspendre ou limiter » le paiement des valeurs de rachat, la faculté d'arbitrage ou le versement d'avance sur contrat par la possibilité de le « suspendre, retarder ou limiter, pour tout ou partie de leur portefeuille », par coordination avec la formulation retenue pour le HCSF.
C. L'ÉLARGISSEMENT DES POUVOIRS MACROPRUDENTIELS DU HCSF AU SECTEUR DE L'OCTROI DE CRÉDIT
Les dispositions actuelles permettent au HCSF de fixer les conditions d'octroi de crédit en vue de prévenir l'apparition de mouvements de hausse excessive pour les personnes soumises au contrôle de l'ACPR (5° de l'actuel article L. 631-2-1 du code monétaire et financier). Le présent article étend le champ de ces pouvoirs à l'ensemble des entités soumises au contrôle de l'Autorité des marchés financiers (AMF) lorsque ces entités consentent des prêts à des agents économiques situés sur le territoire français ou destinés au financement d'actifs localisés sur le territoire français.
D. L'ÉLARGISSEMENT DES POUVOIRS DU HCSF EN MATIÈRE D'AUDITION ET DE TRANSMISSION D'INFORMATIONS
L'article L. 631-2-2 du code monétaire et financier prévoit actuellement que pour l'accomplissement de ses missions, « le Haut Conseil de stabilité financière peut entendre des représentants des établissements de crédit, des sociétés de financement, des entreprises d'investissement, des entreprises d'assurance, des mutuelles et des institutions de prévoyance ».
L'article proposé prévoit qu'il pourra en outre entendre « toute personne dont l'audition lui paraît utile », ajoutant qu'elles « peuvent, à cet effet, lui transmettre des informations couvertes par le secret professionnel ».
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
A. UNE DÉMARCHE AFFAIBLIE PAR SON CARACTÈRE ISOLÉ
S'il est important que la politique macroprudentielle s'applique à l'ensemble des acteurs susceptibles de porter atteinte à la stabilité du système financier, dont les assureurs, votre rapporteur émet certains doutes quant à la pertinence de la démarche retenue .
En effet, ce dispositif isolé ne s'appliquera qu'aux organismes établis en France, soumis au régulateur français. Les entreprises opérant en France en libre prestation de service, par exemple, ne seront pas soumises à cette surveillance accrue.
Par ailleurs, les crises systémiques entraînant inévitablement des phénomènes de contagion internationale, votre rapporteur estime qu'un tel dispositif doit s'accompagner d'une initiative forte de la France pour promouvoir la surveillance macroprudentielle du secteur des assurances au niveau européen.
B. UN CHANGEMENT DE NATURE POUR LES POUVOIRS DU HCSF, JUSTIFIANT UNE PRÉCAUTION PARTICULIÈRE
Votre rapporteur estime que la modulation des règles de constitution et de reprise de la provision pour participation aux bénéfices constitue une mesure de régulation macroprudentielle pertinente. Cette mesure vise à permettre au HCSF d'imposer aux assureurs, ou à une partie d'entre eux, un comportement plus prudent. Il pourra notamment forcer les assureurs à lisser la distribution des bénéfices sur plusieurs exercices au lieu de les distribuer annuellement, afin de renforcer leur résilience face à une forte variation des taux ou une dépréciation de leurs actifs. Dans un tel contexte, et sur un secteur fortement concurrentiel, les assureurs pourraient être tentés de distribuer rapidement leurs bénéfices techniques et financiers afin d'afficher des taux de revalorisation annuels artificiellement élevés.
Malgré les précautions procédurales prévues par le présent article, et le fait qu'elles soient conçues comme exceptionnelles, les autres mesures conservatoires proposées appellent toutefois une prudence particulière, eu égard, notamment, à leur conformité au droit de propriété . Votre rapporteur souhaite rappeler que le Conseil constitutionnel a récemment retenu ce motif pour invalider une partie de l'article L. 612-33 du code monétaire et financier portant sur le transfert d'office du portefeuille d'un organisme d'assurance 55 ( * ) , qui avait été introduite par ordonnance en 2010, tout comme l'ensemble des dispositions reprises de cet article pour être instituées au niveau macroprudentiel . Certains dispositifs, comme la suspension de la faculté de rachat anticipé ou d'arbitrage, n'ont d'ailleurs jamais été utilisés par l'ACPR au niveau individuel, ce qui nous prive de tout recul quant à leurs effets. Ainsi, si l'intérêt général commande au législateur de prévoir des mesures conservatoires visant à garantir la stabilité financière, ce dernier doit s'assurer de leur proportionnalité et de leur compatibilité avec la Constitution.
S'agissant du droit de suspendre, retarder ou limiter le paiement des valeurs de rachat des assurances vie, la question du respect du principe constitutionnel de liberté contractuelle se pose également . La plupart des contrats mentionnant expressément la possibilité de rachat, la mesure visée risque en effet de porter atteinte à l'économie des contrats en cours. Elle pourrait avoir des conséquences sérieuses sur les petits épargnants qui feraient face à un besoin de liquidités et verraient leur épargne bloquée, en contradiction avec les stipulations de leurs contrats.
Enfin, si le rapporteur du texte de la commission des finances de l'Assemblée nationale relève que ces mesures « ne constituent en rien une innovation juridique majeure, puisque [elles] peuvent déjà être prises à titre individuel [par l'ACPR]», il convient toutefois de rappeler que la possibilité, introduite par le présent article, de les prendre pour un ensemble ou un sous-ensemble d'organismes constitue un changement considérable. Votre rapporteur estime par ailleurs que ces mesures entraîneraient un changement d'envergure pour le HCSF, qui serait doté de pouvoirs conséquents, ayant par exemple un impact direct sur les titulaires de contrats d'assurances vie.
Sur proposition de votre rapporteur, votre commission a adopté un amendement n° COM-245 visant à limiter à trois mois renouvelables les nouveaux pouvoirs du HCSF et à exiger que ce dernier motive et rende publique sa décision lorsqu'il la met en oeuvre.
Décision de la commission : votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article ainsi modifié.
ARTICLE 22 (Art. L. 612-2 du code monétaire et financier) - Intégration des organes centraux des groupes bancaires coopératifs et mutualistes dans le champ de la supervision de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution
. Commentaire : le présent article prévoit d'intégrer les organes centraux des groupes bancaires coopératifs et mutualistes dans le champ de la supervision de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.
I. LE DROIT EXISTANT
Les établissements de crédit agréés en France se répartissent en deux principales catégories en fonction de leur statut : les sociétés anonymes d'une part, détenues par leurs actionnaires, à l'instar notamment de BNP Paribas et de Société générale, et les établissements coopératifs ou mutualistes, à l'instar du Crédit agricole, de BPCE et du Crédit mutuel. Les organes de tête de ces derniers (organes centraux) sont détenus par les caisses locales, elles-mêmes détenues par leurs clients-sociétaires, à l'image d'une pyramide inversée.
L'article L. 511-30 du code monétaire et financier prévoit qu'il existe trois organes centraux : Crédit Agricole S.A., l'organe central des caisses d'épargne et des banques populaires (BPCE S.A.) et la Confédération nationale du crédit mutuel. Les organes centraux peuvent chacun avoir des statuts différents : si les deux premiers sont des sociétés anonymes, le dernier est une association régie par la loi de 1901.
L'article L. 511-31 du même code confie plusieurs missions aux organes centraux des groupes mutualistes et coopératifs :
- représenter les établissements de crédit affiliés auprès de la Banque de France et de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) ;
- veiller à la cohésion de leur réseau et s'assurer du bon fonctionnement des établissements et sociétés qui leur sont affiliés. L'article précise que « à cette fin, ils prennent toutes mesures nécessaires, notamment pour garantir la liquidité et la solvabilité de chacun de ces établissements et sociétés comme de l'ensemble du réseau », y compris interdire ou limiter la distribution d'un dividende ou d'un intérêt de parts sociales ;
- exercer un contrôle administratif, technique et financier , à travers notamment des contrôles sur place auprès des filiales ;
- si la situation financière des entités le justifie et après en avoir informé l'ACPR, procéder à la fusion, à la cession ou à la dissolution des établissements qui leur sont affiliés .
Il convient de préciser qu'à côté de ces missions générales, applicables aux trois organes centraux, le législateur a précisé, lors de la fusion des Caisses d'épargne et des Banques populaires, les pouvoirs de l'organe central de BPCE. En particulier, pour ce dernier, les modalités d'exercice de sa mission de garantie de la solvabilité et de la liquidité du groupe et des établissements affiliés sont détaillées par l'article L. 512-107 du code monétaire et financier, à travers certaines prérogatives (définition des règles de gestion de la liquidité, centralisation des excédents de ressources du réseau, refinancement du réseau, etc.).
Ces missions de l'organe central sont reconnues au niveau européen, l'article 10 du règlement (UE) n° 575/2013 du 26 juin 2013 concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d'investissement (CRR IV) prévoyant une mission de garantie financière solidaire , comme contrepartie de la faculté d'exemption des règles prudentielles pour les établissements affiliés.
La mission de garantie financière d'un organe central selon le droit européen « 1. Les autorités compétentes peuvent, conformément au droit national, exempter entièrement ou partiellement de l'application des exigences prévues aux parties deux à huit un ou plusieurs établissements de crédit situés dans le même État membre et qui sont affiliés de façon permanente à un organisme central qui les surveille et qui est établi dans le même État membre, si les conditions suivantes sont remplies : « a) les engagements de l'organisme central et des établissements qui lui sont affiliés constituent des engagements solidaires ou les engagements des établissements qui lui sont affiliés sont entièrement garantis par l'organisme central ; « b) la solvabilité et la liquidité de l'organisme central et de tous les établissements affiliés sont suivies dans leur ensemble sur la base des comptes consolidés de ces établissements ; « c) la direction de l'organisme central est habilitée à donner des instructions à la direction des établissements affiliés. » Source : article 10 du règlement (UE) n° 575/2013 du 26 juin 2013 concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d'investissement (CRR IV) |
Du point de vue de la supervision, les organes centraux ne sont aujourd'hui dans le champ de la supervision de l'ACPR - dans le cadre, en tout état de cause, du mécanisme de surveillance unique sous l'égide de la Banque centrale européenne (BCE) - que dans la mesure où ils sont eux-mêmes établissements de crédit agréés . C'est le cas de Crédit agricole S.A., ainsi que de BPCE S.A. En revanche, la Confédération nationale du Crédit mutuel (CNCM), qui a le statut d'association, n'est pas un établissement de crédit.
Ainsi, en l'état du droit, la supervision des organes centraux des groupes coopératifs repose sur un certain flou juridique : s'agissant des deux organes centraux agréés en tant qu'établissements de crédit, la supervision de l'ACPR (ou de la BCE) est en principe limitée à leurs compétences d'établissements de crédit, et non à celles de leurs prérogatives prévues par l'article L. 511-31. Pour l'organe central non agréé en tant qu'établissement de crédit, la supervision de l'ACPR est aujourd'hui dépourvue de base juridique.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
Le présent article a pour objet de modifier l'article L. 612-2 du code monétaire et financier afin d'ajouter à la liste des établissements supervisés par l'ACPR « les organes centraux mentionnés à l'article L. 511-30 » .
En conséquence, les deux organes centraux aujourd'hui supervisés en tant qu'établissements de crédit (Crédit Agricole S.A. et BPCE S.A.) le seront également en tant qu'organe central ; l'organe central aujourd'hui non soumis formellement à la supervision de l'ACPR (la Confédération nationale du Crédit mutuel) le devient en tant que tel.
*
Le présent article a été adopté par l'Assemblée nationale sans modification.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Le présent article a pour objet de répondre aux demandes du superviseur européen et national, consistant en une clarification du champ de la supervision pour les organes centraux . Cette demande, qui n'a pas été formalisée dans une décision du superviseur, ressortirait, d'après les informations recueillies par votre rapporteur, d'un courrier de Danièle Nouy, présidente du conseil de supervision au sein de la Banque centrale européenne, adressé à Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics.
Il convient de préciser que l'évolution proposée par le présent article s'applique à l'ensemble des organes centraux : elle remédie à une faille de la base juridique de la supervision de l'ensemble des groupes coopératifs, quel que soit le statut de leur organe central . En effet, même pour les groupes coopératifs dont l'organe central est agréé en tant qu'établissement de crédit, le superviseur ne dispose pas aujourd'hui de base juridique permettant le contrôle de l'exercice de leurs missions spécifiques d'organe central fixées aux articles L. 511-31 et suivants.
S'agissant de l'organe central du Crédit mutuel, l'introduction de cette base juridique coïncide avec une réforme de la gouvernance, qui fait l'objet de fortes contestations internes, entre deux de ses principales fédérations, la Caisse fédérale du Crédit mutuel (appartenant au groupe « CM11-CIC » et dont fait partie l'important Crédit Mutuel Centre Est Europe) et celle de l'Ouest (Crédit mutuel Arkéa).
Toutefois, si les contestations internes et les demandes du superviseur sont concomitantes, il convient de distinguer deux choses :
- d'une part la relation entre l'organe central et le superviseur , pour laquelle une base juridique affermie était nécessaire ;
- d'autre part les modalités de fonctionnement interne du groupe coopératif et les prérogatives de l'organe central vis-à-vis de son réseau .
S'il procède aux modifications nécessaires sur le premier point, le présent article n'apporte en revanche aucune évolution sur le deuxième point, pour lequel une réforme des statuts de la Confédération a été engagée .
Dans un premier temps, l'assemblée générale de la Confédération avait voté, le 14 octobre 2015, une résolution visant à donner un statut de société coopérative à la confédération, afin de solliciter dans un deuxième temps l'agrément d'établissement de crédit. Toutefois, cette résolution a été annulée par le tribunal de grande instance de Paris, qui a estimé qu'il s'agissait d'une « modification substantielle du pacte social », exigeant en conséquence le consentement de tous les actionnaires. Le conseil d'administration de CNCM a fait appel de cette décision.
Dans un second temps, la Confédération a modifié ses statuts lors d'une assemblée générale extraordinaire le 18 mars 2016 . Tout en conservant le statut coopératif, la Confédération a procédé aux ajustements suivants :
- réduction du nombre d'administrateurs à dix-huit, dont deux administrateurs indépendants ;
- institution d'une direction générale distincte de celle des groupes régionaux ;
- instauration de limites d'âge pour les administrateurs et dirigeants ;
- précision des mécanismes de sanction ;
- précision des mécanismes de solidarité.
Cette réforme a été approuvée par le ministre par une lettre en date du 23 mars 2016 , qui a été confirmée par un avis publié au Journal officiel du 1 er avril 2016. En définitive, cette réforme est complémentaire de celle prévue par le présent article : la supervision de l'organe central est d'autant plus utile que ce dernier dispose de pouvoirs renforcés à l'égard de son réseau .
En tout état de cause, comme l'indiquait François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, dans son audition devant votre commission des finances le 30 mars dernier, la question de la réforme des statuts de l'organe central, de même que celle du pouvoir de supervision de l'ACPR et de la BCE à l'égard de celui-ci, est indépendante de la question du périmètre géographique ou institutionnel des entités incluses dans le groupe coopératif en question .
Extraits de l'audition de M. François Villeroy
de Galhau,
« Il nous faut, par ailleurs, une organisation du Crédit Mutuel qui garantisse aux yeux du superviseur le bon fonctionnement de ce groupe mutualiste quel qu'en soit le périmètre géographique. L'organe central de l'établissement a trois fonctions : la supervision des entités, la gestion de sa liquidité et ce que l'on appelle la résolution, qui implique une solidarité entre caisses locales. Il convient que le groupe Crédit Mutuel apporte sur ce point les précisions nécessaires. C'est le sens de l'approbation des statuts par le ministre des finances intervenue récemment. L'essentiel est de garder un ensemble bancaire solide, performant, au service des Français - ce qu'est le Crédit Mutuel. « Il ne revient pas au superviseur de choisir le périmètre géographique du groupe Crédit Mutuel. Cela relève éventuellement de la responsabilité du législateur. En revanche, le superviseur européen, en l'espèce la Banque centrale européenne (BCE), demande que soit mis en place un organe central efficace, quel que soit le périmètre géographique auquel il s'applique. Si, par hypothèse, celui-ci excluait la Bretagne, cette question se poserait dans les mêmes termes. C'est le sens de l'approbation des statuts. Il est faux de croire que la BCE se contenterait du statu quo alors que le superviseur national, pour quelque obscure raison, et bien que cela ne relève pas de sa responsabilité, pousserait à la centralisation » Source : compte-rendu de la commission des finances du 30 mars 2016 |
Décision de la commission : votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article sans modification.
ARTICLE 22 bis A (nouveau) (Art. L. 592-12 du code monétaire et financier) - Possibilité pour les sociétés locales d'épargne de constituer et de distribuer des réserves extralégales
. Commentaire : le présent article vise à permettre aux sociétés locales d'épargne du réseau des Caisses d'épargne de constituer des réserves extralégales et de les incorporer à leur capital social afin de procéder à une distribution de parts sociales gratuites ou au relèvement de la valeur nominale des parts.
I. LE DROIT EXISTANT
L'article 16 de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération prévoit que l'excédent d'exploitation, après imputation des réserves légales, est mis en réserve ou attribué à d'autres coopératives ou à des oeuvres d'intérêt général. L'alinéa 3 du même article permet à l'assemblée générale de la coopérative d'incorporer au capital une partie de ces sommes mises en réserve, afin soit d'augmenter la valeur nominale des parts sociales, soit de procéder à des distributions de parts sociales gratuites .
Ainsi, cette faculté de mise en réserve extralégale constitue, pour les sociétés coopératives, une manière d'assurer une rémunération des sociétaires complémentaires à l'intérêt versé au titre de la détention des parts sociales. Cette méthode de rémunération a, d'ailleurs, été utilisée par certaines banques coopératives dans la période récente marquée par des taux d'intérêt très faibles (cf. commentaire de l'article 32).
Toutefois, l'article L. 512-92 prévoit un régime spécifique pour les sociétés locales d'épargne du réseau des caisses d'épargne . En effet, ces sociétés, qui s'interposent entre le client-sociétaire et la caisse d'épargne et de prévoyance régionale, ont des prérogatives limitées : elles ne peuvent réaliser d'opérations de banque, ne sont pas immatriculées au registre du commerce.
S'agissant des réserves, elles ne sont pas soumises au dernier alinéa de l'article 1 de la loi de 1947 précitée , qui prévoit que « les excédents de la coopérative sont prioritairement mis en réserve pour assurer son développement et celui de ses membres ». De même, l'article 16 précité, qui fixe les modalités de mises en réserve et d'utilisation possibles de ces réserves, ne s'applique pas aux sociétés locales d'épargne : ces dernières ne peuvent donc pas procéder à une incorporation des réserves afin d'augmenter le capital ou de procéder à des distributions d'actions gratuites. Cette spécificité a été introduite par la loi dite « Murcef » du 11 décembre 2001 56 ( * ) , afin de les affranchir de l'obligation de constituer des réserves, dans la mesure où elles ne jouent qu'un rôle de courroie de transmission entre le sociétariat de proximité et les caisses régionales, qui assument quant à elles un rôle financier majeur au sein du réseau.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
Le présent article a été adopté en séance publique par l'Assemblée nationale, à l'initiative de notre collègue député Christophe Castaner, après un avis favorable de la commission des lois et du Gouvernement.
Il vise à modifier l'article L. 512-92 du code monétaire et financier afin de permettre aux sociétés locales d'épargne d'incorporer une partie des sommes mises en réserve à leur capital , afin d'augmenter la valeur des parts sociales ou de procéder à des distributions gratuites de parts sociales.
Toutefois, le présent article prévoit que le deuxième alinéa de l'article 16 de la loi de 1947 précitée continuerait de ne pas s'appliquer aux sociétés locales d'épargne : cet alinéa prévoit en effet que la mise en réserve légale doit être d'au moins « trois vingtièmes » du résultat aussi longtemps qu'elles n'atteignent pas le montant du capital social. S'agissant des sociétés locales d'épargne, dont le capital social est très faible car il est en pratique détenu au niveau des caisses régionales, cette disposition, si elle s'appliquait, aurait pour effet d'empêcher toute incorporation des réserves au capital.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Le présent article facilite la rémunération des parts sociales de banques coopératives. Il permet de lever l'obstacle à l'incorporation des réserves extralégales pour les sociétés locales d'épargne qui, faisant écran entre les caisses régionales d'épargne (qui consolident les résultats) et les sociétaires, n'étaient jusqu'alors pas en mesure de procéder à une incorporation des résultats pouvant donner lieu à une augmentation de la valeur nominale des parts ou à une distribution de parts sociales gratuites.
À cet égard, le présent article est cohérent avec l'article 32 du présent projet de loi, dans le sens d'un renforcement de l'attractivité du sociétariat , en mettant sur un même pied d'égalité les différents réseaux coopératifs, quelles que soient les particularités historiques des réseaux.
Décision de la commission : votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article sans modification.
ARTICLE 22 bis (nouveau) (Art. L. 322-27-1 du code des assurances) - Transformation de l'organe central Groupama SA en caisse de réassurance mutuelle agricole à compétence nationale
. Commentaire : le présent article prévoit de modifier le statut de l'organe central du réseau Groupama, aujourd'hui constitué en société anonyme, en une société d'assurance mutuelle agricole à compétence nationale
I. LE DROIT EXISTANT
A. GROUPAMA SA, ORGANE CENTRAL D'UN RÉSEAU MUTUALISTE
En vertu des articles L. 322-27-1 et L. 322-27-2 du code des assurances, les caisses d'assurances ou de réassurance mutuelle agricoles sont constituées en réseau d'entreprises indépendantes, dont la société anonyme Groupama SA est l'organe central.
Le réseau Groupama, organisé en pyramide inversée, à l'instar de l'ensemble des groupes mutualistes bancaires, est ainsi constitué de neuf caisses régionales métropolitaines, deux caisses régionales outre-mer, deux caisses régionales spécialisées et 3 600 caisses locales qui leur sont rattachées.
• La caisse locale est à la base de l'organisation territoriale du système mutualiste : elle assure les sociétaires de sa circonscription. Elle est gérée par un conseil d'administration composé de sociétaires élus en assemblée générale. Le sociétaire est un assuré qui a souscrit un contrat dans une agence de caisse régionale. Il devient alors membre de la caisse locale rattachée au secteur de cette agence et peut, à ce titre, participer chaque année à l'assemblée générale de sa caisse locale et élire les représentants au conseil d'administration. Au total, 50 000 administrateurs sont élus pour représenter les sociétaires au sein des caisses locales.
Le premier alinéa de l'article L. 322-27-1 précise que la majorité absolue des droits de vote de cette société doit être détenue conjointement, directement ou indirectement, par les sociétés ou caisses d'assurances et de réassurances mutuelles agricoles à compétence départementale ou régionale. En pratique, les caisses régionales possèdent et contrôlent Groupama SA, via deux holdings. Cette société anonyme possède elle-même de nombreuses filiales (Gan Vie, Groupama Banque...).
Source : site internet de Groupama SA
• Les caisses régionales développent leur propre activité d'assurance dommage et distribuent aussi les produits bancaires et assurantiels offerts par Groupama SA et ses filiales (assurance-vie, banque de particuliers...).
Si l'assureur de base reste la caisse locale, le réseau commercial (salariés et mandataires) est celui de la caisse régionale, qui fournit l'essentiel des services de gestion et fixe sa propre politique commerciale, dans le cadre de la stratégie établie au plan national.
• La Fédération nationale Groupama est l'association qui regroupe les caisses régionales. Elle définit et contrôle les grandes orientations du Groupe et veille à la mise en oeuvre des principes d'action mutualistes.
• Groupama SA pilote les activités opérationnelles du groupe et réassure les caisses régionales et ses filiales, conformément au troisième alinéa de l'article L. 322-27-1 du code des assurances.
La combinaison de l'obligation de détention conjointe de la majorité du capital social et des droits de vote de l'organe central par les caisses régionales avec l'obligation qu'elles ont d'être réassurées par Groupama SA garantit la solidarité économique du réseau et le transfert d'une part importante de l'activité d'assurance de dommage des caisses régionales vers l'organe central.
B. LES POUVOIRS DE L'ORGANE CENTRAL
La loi n°2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires a considérablement renforcé les pouvoirs de Groupama SA prévus au nouvel article L. 322-27-2 afin qu'il devienne l'« organe central » du réseau et puisse remplir sa mission de garant de sa cohésion et de son bon fonctionnement.
Les pouvoirs de l'organe central depuis la réforme de 2013 Groupama SA devient l'organe central du groupe chargé : - d'exercer un contrôle administratif, technique et financier sur l'organisation et la gestion des organismes du réseau ; - de fixer les orientations stratégiques du réseau. À ce titre, il émet toutes instructions utiles et veille à leur application effective ; - de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la solvabilité et le respect des engagements de chacun des organismes du réseau comme de l'ensemble du groupe. Pour permettre le bon accomplissement de ces missions et l'exercice effectif du pouvoir d'instruction qui leur est attaché, l'organe central est doté de pouvoirs dont ne disposait pas encore Groupama SA du fait de son statut de filiale. L'organe central détient ainsi un pouvoir d'approbation de la nomination des directeurs généraux des caisses. Lui est également ouverte la possibilité de sanctionner le non-respect de ses instructions ou des dispositions législatives ou réglementaires en vigueur par une caisse en en révoquant le directeur général ou l'ensemble du conseil d'administration. Source : rapport de M. Richard Yung, rapporteur du projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires au Sénat |
Ces pouvoirs ont été renforcés en raison des difficultés financières que connaissait le groupe à l'époque . Comme le rappelait votre collègue Richard Yung, alors rapporteur du projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires de 2013, « Groupama SA [étant], aux yeux l'Autorité de contrôle prudentiel (ACP), responsable de la solvabilité du groupe », il était nécessaire de procéder à une telle réforme de sa gouvernance pour qu'elle puisse imposer les mesures permettant le rétablissement du groupe . Groupama a depuis lors retrouvé sa rentabilité, avec un résultat opérationnel économique en hausse de 26 % en 2015, à 163 millions d'euros.
II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
A. LE CHANGEMENT DE STATUT DE L'ORGANE CENTRAL DE GROUPAMA : UN RENFORCEMENT DE L'IDENTITÉ MUTUALISTE DU GROUPE
Le présent, introduit par M. Castaner en commission des finances, article vise à changer le statut juridique de l'organe central du réseau, société anonyme depuis 2003, en une société d'assurance mutuelle agricole, c'est-à-dire un organisme d'assurance à but non lucratif régi par le code des assurances. La nouvelle rédaction du premier alinéa de l'article L. 322-27-1 précise à cet effet que cet organe central « est une caisse de réassurance mutuelle agricole à compétence nationale ».
Il est également prévu que son conseil d'administration comprenne, « outre les administrateurs représentant les caisses d'assurances et de réassurances mutuelles agricoles adhérentes et ceux élus par le personnel salarié, des administrateurs élus par l'assemblée générale, sur proposition du conseil d'administration. Ces derniers administrateurs ne doivent pas, au cours des cinq derniers exercices, avoir exercé de mandat d'administrateur ou de membre du conseil de surveillance au sein d'une société ou d'une caisse appartenant au groupe pour lequel l'organe central établit des comptes combinés, au sens de l'article L. 345-2, ni avoir été employé par l'une de ces sociétés ou caisses. ». L'article indique en outre « qu'un décret en conseil d'État précise les règles applicables pour le nombre et la proportion de ces administrateurs. »
L'article proposé ne modifie pas l'article L. 322-27-2 du code des assurances, de telle sorte que les pouvoirs de l'organe central vis-à-vis des caisses régionales demeurent inchangés . Il en va de même s'agissant des transferts de risque. En effet, le principe selon lequel la dénomination « sociétés ou caisses d'assurances ou de réassurances mutuelles agricoles » est réservée aux sociétés ou aux caisses qui procèdent à la cession ou à la rétrocession de risques qu'elles assurent, directement ou indirectement, auprès de l'organe central, est conservé .
Sur le plan financier, l'article proposé prévoit que « les sociétés et les caisses d'assurances et de réassurances mutuelles agricoles à compétence départementale ou régionale adhèrent à l'organe central et détiennent la majorité absolue des droits de vote à l'assemblée générale de ce dernier ».
Selon le groupe, « ce projet s'inscrit dans l'orientation prise par Groupama de réaffirmer son identité mutualiste et redonnerait à son organe central la même forme juridique et les mêmes principes de fonctionnement que ses caisses régionales, renforçant en cela la cohérence de sa gouvernance ». En outre, le projet « aurait pour effet de simplifier l'organisation du groupe sans modifier les responsabilités de l'organe central conférées par la loi de juillet 2013. Au plan financier, ce projet ne modifierait ni la solvabilité du groupe ni les engagements pris à l'égard des porteurs de ses dettes 57 ( * ) ».
Cette transformation aurait enfin pour effet d'empêcher l'introduction du groupe en bourse, envisagée avant la restructuration, ce qui est conforme avec la stratégie de remutualisation.
B. LES DISPOSITIONS TRANSITOIRES : DES EFFETS COLLATÉRAUX MAÎTRISÉS
L'article prévoit que la nouvelle caisse de réassurance mutuelle agricole à compétence nationale « résulte de la modification statutaire de la forme et de l'objet social de Groupama SA approuvée par l'assemblée générale de cette société afin de transformer cette dernière en caisse de réassurance mutuelle agricole [...] dans un délai de dix-huit mois à compter de la publication de la présente loi ». L'article L. 322-27-1 du code des assurances, dans sa version en vigueur au 1 er janvier 2016, est applicable jusqu'à la prise d'effet de la modification des statuts mentionnée au précédent alinéa.
Cette décision est opposable aux tiers, sans qu'il soit besoin d'aucune formalité et n'ouvre pas droit à un remboursement anticipé des titres financiers émis par la société Groupama SA ou à une modification de l'un quelconque des termes des conventions correspondantes. Par dérogation à l'article L. 228-65 du code de commerce, l'assemblée des obligataires n'est pas appelée à délibérer sur ces opérations.
En conséquence de ce changement de nature juridique, « les actions de Groupama SA qui, à la date de prise d'effet de la modification des statuts de cette société [...] sont détenues par des personnes morales remplissant les conditions pour être adhérentes à l'organe central [...] sont converties en certificats mutualistes émis par l'organe central » .
Dans les faits, Groupama SA est effectivement détenue à 99,95 % par les caisses régionales de réassurances mutuelles à travers « Groupama Holding 1 » et « Groupama Holding 2 ». La partie restante de son capital social (0,05 %) est détenue par les mandataires et salariés, anciens ou actuels, de Groupama SA (en direct ou par le biais des FCPE).
Pour ces derniers, qui ne remplissent pas les conditions pour être adhérents à l'organe central prévu par l'article L. 322-27-1 du code des assurances, dans sa nouvelle rédaction, les actions « sont annulées et remboursées par l'organe central dans un délai de deux mois à compter de la date de l'inscription de cette modification au registre du commerce et des sociétés. ». L'article précise que « Groupama SA adresse à ces détenteurs, avant cette date, une proposition financière d'un niveau ne pouvant être inférieur à la valeur actuelle des actions » et que la valeur de ces titre est déterminée en cas de contestation conformément au I de l'article 1843-4 du code civil.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Le présent article vise à remutualiser l'organe central de Groupama, société anonyme depuis 2003. Cette modification, demandée par l'assureur, permettrait de mettre en cohérence la nature juridique et l'organisation de l'organe central du réseau avec les caisses locales. Il s'inscrit par ailleurs dans le projet de l'entreprise, qui cherche à renforcer son ancrage mutualiste.
Il n'aurait que des conséquences pratiques limitées ; ainsi la structure du réseau et les pouvoirs de l'organe central resteraient inchangés. Les actionnaires concernés par la nécessaire annulation des actions (transformés en certificats mutualistes) constituent une part très limitée de l'actionnariat actuel. Par ailleurs, l'article prévoit des garanties à leur égard. Enfin, si cette transformation a pour effet d'empêcher définitivement toute introduction en bourse de Groupama, celle-ci avait été de toute manière abandonnée suite à la crise de 2011.
Votre rapporteur est donc favorable à cet article.
Décision de la commission : votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article sans modification.
ARTICLE 22 ter (nouveau) (Art. L. 141-4 du code monétaire et financier) - Exclusion du droit à compensation pour les créances remises en garantie à une banque centrale membre du Système européen de banques centrales
. Commentaire : le présent article prévoit d'exclure le droit à compensation pour les créances privées détenues par une banque auprès d'un particulier ou d'une entreprise et remises en garantie à une banque centrale membre du Système européen de banques centrales dans le cadre d'une opération de refinancement.
I. LE DROIT EXISTANT
Les opérations de politique monétaire menées par la Banque de France dans le cadre du système européen des banques centrales (SEBC), sous l'égide de la Banque centrale européenne (BCE), reposent essentiellement sur le canal bancaire , qu'il s'agisse des opérations dites d' open-market (aux conditions du marché) ou des facilités permanentes (prêts ou dépôts d'une durée de 24 heures).
L'opération principale de refinancement ( main refinancing operation - MRO) consiste en un prêt contre garantie à un établissement de crédit : l'établissement cède temporairement un actif, pour une durée d'une semaine, et la banque centrale lui fournit en échange des liquidités (prêts garantis par la prise en pension d'actifs). Elle se fonde sur l'article 18.1 des statuts du SEBC et de la BCE qui prévoit que, pour accomplir leurs missions, la BCE et les banques centrales nationales peuvent « effectuer des opérations de crédit avec des établissements de crédit et d'autres intervenants du marché sur la base d'une sûreté appropriée pour les prêts ». Les conditions de ces opérations de crédit sont précisées par l'orientation BCE/2011/14 de la Banque centrale européenne du 20 septembre 2011 concernant les instruments et procédures de politique monétaire de l'Eurosystème.
Parmi les créances qui peuvent être remises en garantie figurent les créances privées, constituées des créances aux entreprises ou aux particuliers . Il convient de préciser que ces créances ne sont acceptées en collatéral par la Banque centrale que si leur sécurité est garantie par une notation fiable : ainsi, pour les créances aux entreprises, il s'agit d'une notation privée ou, pour les entreprises de taille moyenne, de la notation du FIBEN ; pour les créances immobilières aux particuliers, il s'agit de la notation émise sur la créance lorsqu'elle a fait l'objet d'une titrisation.
Ces créances remises en garantie sont protégées, au bilan de la Banque centrale, en cas de liquidation judiciaire : en effet, afin de préserver le bilan de la Banque centrale et, partant, la crédibilité de son action et de la monnaie qu'elle émet, l'alinéa 2 de l'article L. 141-4 du code monétaire et financier, qui prévoit le statut et les missions de la Banque de France en matière monétaire, protège les actifs acquis ou admis en garantie au profit de la Banque de France . Ainsi, conformément à cet alinéa, les procédures de liquidation et les procédures civiles d'exécution ou leurs équivalents en droit étranger ne sont pas opposables à la banque centrale 58 ( * ) .
Toutefois, il n'existe à l'heure actuelle aucune base juridique pour protéger au bilan des banques centrales ces mêmes créances, si les débiteurs (entreprises ou particuliers) détiennent par ailleurs également une créance sous la forme d'un dépôt auprès de la banque. En effet, les articles 1289 à 1299 du code civil prévoient le principe de la compensation légale entre les créances . Ainsi, l'article 1289 dispose que « lorsque deux personnes se trouvent débitrices l'une envers l'autre, il s'opère entre elles une compensation qui éteint les deux dettes » et l'article 1290 prévoit que cette compensation « s'opère de plein droit par la seule force de la loi, même à l'insu des débiteurs ».
En application de ce droit à la compensation, une entreprise ou un particulier qui dispose, à l'égard de sa banque, à la fois d'une créance sous la forme d'un dépôt sur son compte courant et d'une dette sous la forme, par exemple, d'un crédit de trésorerie ou d'un crédit immobilier, est en principe autorisé à voir sa dette effacée à hauteur de sa créance. Cette compensation légale s'applique toutefois uniquement si les deux créances sont exigibles. Si le crédit a été remis en garantie par la banque auprès de la banque centrale, le risque lié à la faculté d'exercice de ce droit à la compensation est donc transféré à la banque centrale . Or, cela conduirait à réduire d'autant la valeur de ce collatéral remis à la banque centrale dans le cadre d'une opération de refinancement, remettant en cause le privilège de protection des actifs de la Banque centrale rappelé précédemment.
II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Le présent article, adopté par la commission des finances de l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue député Dominique Baert, a pour objet d' insérer, après le deuxième alinéa de l'article L. 141-4 du code monétaire et financier précité, un nouvel alinéa disposant qu'« aucun droit de compensation ne peut engendrer l'extinction, en tout ou partie, des créances remises en garantie à une banque centrale membre du Système européen de banques centrales ». Il est précisé que cette exclusion vaut « nonobstant toute disposition ou stipulation contraire ».
D'après l'exposé des motifs de l'amendement, il s'agit en particulier du cas des créances privées , apportées en garantie par un établissement de crédit. En cas de défaillance de cet établissement, il s'agit de protéger l'Eurosystème contre « la possibilité pour un emprunteur de déduire du montant de sa dette envers sa banque les dépôts qu'il détient auprès de celle-ci ».
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
La protection du bilan de la Banque de France et, à travers elle, du SEBC, est une priorité de la politique monétaire et de l'Union économique et monétaire . À cette fin, il est nécessaire que les garanties apportées par les établissements de crédit dans le cadre des opérations de politique monétaire soient réelles et ne puissent être réduites ou compensées en cas de défaillance de l'établissement de crédit.
S'agissant des créances privées remises en collatéral, ce principe est rappelé par l'article 104 des orientations (UE) 2015/510 de la Banque centrale européenne du 19 décembre 2014 concernant la mise en oeuvre du cadre de la politique monétaire de l'Eurosystème , qui prévoit que « les créances privées sont entièrement transférables et peuvent être mobilisées sans restriction au profit de l'Eurosystème ». Par ailleurs, d'après les éléments recueillis par votre rapporteur pour avis, ce point a fait l'objet de discussions au sein du Conseil des gouverneurs ; d'après l'exposé des motifs de l'amendement, le droit a d'ailleurs été modifié dans le même sens dans plusieurs pays, en particulier l'Italie qui partage avec la France la caractéristique d'une forte utilisation des créances privées pour le refinancement banque centrale de son secteur bancaire.
En conséquence, le présent article vise à sécuriser la valeur de la garantie dont bénéficie la banque centrale, en excluant tout droit de compensation pour les créances remises en garantie .
Comme le souligne l'exposé des motifs de l'amendement adopté, cela est particulièrement important pour la France, où ce type de créances privées est très utilisé dans les opérations de refinancement de la banque centrale (83 % des créances mobilisées et 40 % en valeur). D'après les informations recueillies par votre rapporteur, cette importance des créances privées dans le refinancement bancaire auprès de la banque centrale s'explique par la notation FIBEN qui, s'appliquant aux entreprises jusqu'à un seuil relativement bas, permet aux banques de remettre en collatéral un volume plus important de créances aux entreprises que la plupart des autres systèmes bancaires nationaux. Aussi le présent article vise-t-il d'abord à sécuriser le refinancement banque centrale de notre secteur bancaire et, ainsi, sa capacité à financer l'économie.
L'on peut toutefois s'interroger sur l'articulation de cette absence de droit à compensation avec la garantie des dépôts . En effet, dans le cas où l'établissement bancaire est défaillant, l'entreprise ou le particulier qui constate qu'il dispose à la fois d'une créance (un dépôt) et une dette (un crédit immobilier par exemple) aurait pu réaliser une compensation entre ces deux dettes, sécurisant de cette manière une partie, sinon la totalité de ses dépôts.
Cependant, il convient tout d'abord de souligner qu' il n'est pas certain que la compensation aurait pu, même dans le droit actuel, s'exercer de cette manière : en effet, la compensation légale ne peut s'exercer que si les deux dettes sont exigibles au même moment, ce qui est rarement le cas. Elles ne pourraient le devenir que si le contrat prévoit une accélération de l'exigibilité en cas de défaillance du prêteur - ce qui n'est, en pratique, pas le cas pour les crédits immobiliers et ne l'est sans doute que dans des cas exceptionnels (grandes entreprises et gros contrats) pour les crédits aux entreprises. En conséquence, le présent article procède à une sécurisation juridique générale, et non à un changement complet de paradigme .
En outre et en tout état de cause, la mise en oeuvre de cette exclusion du droit à compensation ne remet pas en cause le principe de la garantie des dépôts : les dépôts restent garantis dans la limite de 100 000 euros par déposant et par établissement, conformément aux règles européennes transcrites dans le droit national. Toutefois, en cas de défaillance de l'établissement, le particulier ou l'entreprise ne pourra pas faire valoir directement sa garantie par compensation sur son crédit, mais l'obtiendra par le biais des mécanismes de garantie des dépôts, en particulier le fonds national de garantie des dépôts.
Décision de la commission : votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article sans modification.
ARTICLE 22 quater (nouveau) (Art. L. 144-1 du code monétaire et financier) - Ouverture aux conseils régionaux de l'accès au fichier bancaire des entreprises
. Commentaire : le présent article vise à permettre aux conseils régionaux, lorsqu'ils attribuent des aides publiques aux entreprises, d'accéder à la base de données des fichiers bancaires des entreprises (FIBEN), tenue par la Banque de France, qui évalue le risque-crédit des entreprises.
I. LE DROIT EXISTANT
La Banque de France assure une cotation des entreprises, c'est-à-dire une appréciation de leur capacité à honorer leurs engagements financiers à un horizon de trois ans . Référence largement reconnue et utilisée par les banques et les assurances 59 ( * ) , la cotation Banque de France se compose d'une cote d'activité (de A à N, en fonction du chiffre d'affaires) et d'une cote de crédit (de 3++ « excellente » à 9 « compromise »). Elle est utilisée :
- pour la politique monétaire , comme outil de sélection des créances qui peuvent être apportées en garantie par les banques dans leurs opérations de refinancement auprès de l'Eurosystème ;
- pour l'application des règles prudentielles , comme outil de calcul des besoins en fonds propres des établissements de crédit détenteurs de ces créances ;
- pour l'analyse du risque de crédit des entreprises , en fournissant aux prêteurs une appréciation sur la capacité des emprunteurs à honorer les engagements qu'ils ont pris ou qu'ils s'apprêtent à prendre.
La cotation est effectuée à partir des informations contenues dans la base de données des fichiers bancaires des entreprises (FIBEN) .
Ce fichier, tenu par la Banque de France, contient des informations sur les entreprises ayant leur siège social en France 60 ( * ) : éléments descriptifs sur l'entreprise (dénomination, activité, capital etc.) et ses dirigeants et associés ; données comptables et financières ; informations relatives aux incidents de paiement et aux jugements en matière commerciale ; éléments qualitatifs issus d'entretiens avec les dirigeants. Ces données sont recueillies auprès des entreprises elles-mêmes, mais aussi auprès des établissements bancaires et des sociétés d'assurance, des greffes des tribunaux de commerce, de l'Insee.
Initialement réservé aux banques et aux institutions publiques 61 ( * ) , l'accès à FIBEN a été étendu récemment , d'abord aux intermédiaires de financement participatif en 2014 62 ( * ) , puis aux entreprises d'assurance, aux mutuelles, aux institutions de prévoyance et à certaines sociétés de gestion, par la loi « croissance et activité » du 6 août 2015 63 ( * ) . La liste des personnes auxquelles « la Banque de France peut communiquer tout ou partie des renseignements qu'elle détient sur la situation financière des entreprises » est fixée par l'article L. 144-1 du code monétaire et financier , qui constitue à la fois le fondement juridique de FIBEN et de la cotation.
Pour accéder à FIBEN, ces établissements doivent signer un contrat d'adhésion avec la Banque de France . L'article L. 144-1 précité précise en effet que celle-ci « établit au préalable les modalités de communication de ces renseignements et fixe les obligations déclaratives des entités (...) lorsqu'elles consentent des prêts, investissent dans des prêts et des titres assimilés ou effectuent des opérations d'assurance-crédit ou de caution ». Le contenu de ce contrat d'adhésion est précisé par décret 64 ( * ) . Il précise notamment à quels modules et services de la base de données FIBEN l'adhérent a accès, et fixe le prix du service à partir d'une grille tarifaire standard.
Les clauses relatives à la responsabilité de l'adhérent précisent que celui-ci ne doit en aucun cas diffuser les informations contenues dans la base de données à l'extérieur de son établissement , y compris sous forme agrégée ou statistique. Celles-ci relèvent du secret professionnel , auquel sont soumis les personnels des établissements de crédit en application de l'article L. 511-33 du code monétaire et financier.
II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Le présent article, adopté en commission des finances à l'initiative de nos collègues députés Dominique Baert et Romain Colas, rapporteur pour avis, vise à permettre aux conseils régionaux, « lorsqu'ils attribuent des aides publiques aux entreprises », d'accéder à la base de données FIBEN .
Certains de nos collègues députés s'étant interrogés sur les risques pesant sur la confidentialité des données, l'article a été complété en séance publique, à l'initiative du rapporteur pour avis, par un alinéa précisant explicitement que les conseils régionaux « concluent avec [la Banque de France] une convention qui définit notamment les conditions d'accès aux informations et de confidentialité des données transmises ».
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Sur le principe, votre rapporteur estime que la mesure proposée est une extension bienvenue de l'accès à FIBEN . Dans le cadre de leurs compétences en matière de développement économique, confirmées par l'article 2 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (loi NOTRe), il est souhaitable que les conseils régionaux puissent accéder aux données FIBEN, afin de mieux sélectionner et de suivre les entreprises auxquels ils accordent des aides publiques .
Ainsi, les « aides publiques » attribuées aux entreprises au titre de l'action économique des régions, qui pourraient donner lieu à consultation de FIBEN, peuvent être réparties en quatre catégories 65 ( * ) : les subventions ; les prêts et avances remboursables ; les prises de participation ; les garanties . Le choix de la qualification assez large d'« aides publiques » semble justifié, dans la mesure où ces différents dispositifs ont tous vocation à être mis en oeuvre après une vérification de la solidité financière des entreprises auxquels ils s'adressent.
Toutefois, eu égard au caractère sensible des données contenues dans la base FIBEN , dont certaines sont d'ailleurs des données personnelles relatives aux dirigeants des entreprises et aux entrepreneurs individuels 66 ( * ) , votre rapporteur estime qu'il conviendra d' accorder la plus grande attention à la préservation de leur confidentialité dans le cadre de leur transmission aux conseils régionaux . En droit, les agents de la fonction publique sont astreints au secret professionnel , aux termes de l'article 26 de la loi du 13 juillet 1983 67 ( * ) , tout comme le sont les personnels des établissements de crédit. Dans les faits, il conviendra de faire preuve d'une vigilance accrue , dans la mesure où l'organisation d'un conseil régional, qui est en partie politique, n'est pas assimilable à celle d'un établissement de crédit.
Pour les mêmes raisons, votre rapporteur appelle à la plus grande prudence quant à l'éventuel élargissement, à l'avenir, de l'accès à FIBEN à d'autres catégories de collectivités territoriales . En effet, si l'attribution des aides publiques à vocation économique relève en principe des régions, il existe de nombreuses exceptions prévues par la loi . Ainsi, les communes peuvent accorder des subventions, des prêts et des avances remboursables dans certains cas particuliers (zones rurales, quartiers sensibles etc.), mais aussi au titre de la clause de compétence générale. Il en va de même pour les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), et notamment les métropoles qui bénéficient de compétences élargies. Les départements n'ont plus de compétence en matière économique, mais il reste en tout état de cause possible pour toutes les collectivités d'accorder des aides publiques dans le cadre d'une convention passée avec la région. Pourraient en outre s'ajouter au nombre des « candidats potentiels » les chambres de commerce et d'industrie (CCI) et les autres chambres consulaires, ou encore des entités telles que l'établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (Epareca). Là encore, une ouverture excessive de l'accès à FIBEN pourrait faire peser un risque sur la confidentialité des données .
Enfin, si le dispositif adopté par l'Assemblée nationale paraît justifié dans son principe, votre commission a adopté un amendement n° COM-246 tendant à en renforcer la sécurité juridique :
- d'une part, il est proposé d'aligner la procédure de convention entre les conseils régionaux et la Banque de France sur la procédure de droit commun applicable aux autres adhérents à FIBEN . Il n'y a en effet pas lieu de prévoir un dispositif spécifique, dans la mesure où les autres adhérents sont également tenus de signer une convention avec la Banque de France. Aux termes de l'article 3 du décret du 30 décembre 2015 68 ( * ) , celle-ci « définit les conditions générales d'accès aux informations détenues par la Banque de France sur la situation financière des entreprises, les services proposés, leur tarification, la durée de l'engagement contractuel et ses modalités de reconduction, les responsabilités respectives des parties, les obligations des adhérents, notamment en matière de confidentialité des données qui ne peuvent être utilisées que dans le cadre des dispositions légales et réglementaires en vigueur et de l'activité d'investissement dans des prêts » ;
-
d'autre part, il est proposé de modifier la
définition de cette procédure de droit commun, en inscrivant
explicitement dans la loi que celle-ci doit garantir la confidentialité
des données consultées
. Si cette
obligation figure bien dans le décret du 30
décembre 2015 précité (cf.
supra
), ainsi que dans
tous les contrats d'adhésion actuels, il est préférable de
l'inscrire dans la loi afin de
conférer au dispositif une
sécurité juridique maximale
, conformément
à l'intention de nos collègues députés.
Décision de la commission : votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article ainsi modifié.
ARTICLE 22 quinquies (nouveau) (Art. 612-44 du code monétaire et financier) - Levée du secret professionnel des commissaires aux comptes à l'égard de la Banque centrale européenne
. Commentaire : le présent article prévoit d'obliger les commissaires aux comptes à transmettre à la Banque centrale européenne, comme aujourd'hui à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, tout manquement à leurs obligations législatives ou réglementaires ou toute situation mettant en cause la solvabilité de l'établissement qu'ils contrôlent.
I. LE DROIT EXISTANT
L'article L. 612-44 du code monétaire et financier prévoit les modalités de coopération entre l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et les commissaires aux comptes des établissements que celle-ci a la charge de superviser. En effet, les commissaires aux comptes ont un accès privilégié aux informations comptables et financières des établissements qu'ils contrôlent ; ils peuvent, à cet égard, jouer un rôle à la fois d'expert pour le superviseur, comme le prévoit le I de l'article L. 612-44, mais aussi de « lanceur d'alerte » en cas de constatation d'une violation d'une disposition législative ou réglementaire, comme le prévoit le II du même article.
Le III de l'article L. 612-44 prévoit que les commissaires aux comptes sont déliés du secret professionnel pour ces transmissions et que les informations transmises sont couvertes par ledit secret professionnel et ne peuvent être utilisées que pour l'exercice, par l'ACPR, de ses missions.
II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Le présent article a été adopté par l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue député Romain Colas, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances. Il vise à compléter les paragraphes II et III de l'article L. 612-44 du code monétaire et financier afin de prévoir, respectivement :
- que les commissaires aux comptes sont également tenus de signaler à la Banque centrale européenne, lorsque celle-ci est compétente, les faits pouvant constituer des violations des dispositions législatives et réglementaires (1°) ;
- que les commissaires sont, également dans ce cadre, déliés du secret professionnel duquel ces informations restent couvertes (2°).
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Le présent article procède à une simple coordination rendue nécessaire par le mécanisme de supervision unique (MSU) , afin de sécuriser juridiquement la possibilité pour les commissaires aux comptes de jouer leur rôle de veille et d'alerte à l'égard du superviseur, alors que la Banque centrale européenne est désormais chargée de la supervision directe des dix établissements de crédit français les plus importants.
Décision de la commission : votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article sans modification.
ARTICLE 23 (Art. L. 211-36, L. 211-36-1, L. 211-38, L. 211-38-31, L. 211-38-1, L. 440-4, L. 511-33 et L. 531-12 du code monétaire et financier) - Renforcement de la transparence et de la sécurité des opérations sur produits dérivés
. Commentaire : le présent article vise à faciliter l'accès à la compensation centrale des produits dérivés, à mettre en place un dispositif de ségrégation juridique des garanties financières pour les opérations non compensées et à permettre la déclaration des opérations sur contrats financiers aux référentiels centraux étrangers.
I. LE DROIT EXISTANT
En 2008, la crise financière a mis en évidence la nécessité de renforcer la sécurité des marchés de produits dérivés .
Les produits dérivés constituent des contrats financiers conclus entre deux parties dont la valeur est liée à l'évolution d'un sous-jacent (action, devise, matière première, etc.). Ces produits peuvent être négociés sur un marché réglementé mais aussi à titre privé, de gré à gré.
Comme le rappelle la Commission européenne, « la quasi-faillite de Bear Stearns en mars 2008, la faillite de Lehman Brothers le 15 septembre 2008 et le sauvetage d'AIG le lendemain ont révélé au grand jour les dysfonctionnements de ce marché » 69 ( * ) .
Dans ce contexte, le règlement sur les produits dérivés de gré à gré, les contreparties centrales et les référentiels centraux adopté en 2012, aussi appelé « EMIR » 70 ( * ) , vise à :
- prévenir l'accumulation de risques dans le système financier , en imposant la déclaration de l'ensemble des contrats dérivés à des centres de conservation des données appelés référentiels centraux (article 9) ;
- réduire les risques de contrepartie, en imposant la compensation centrale des contrats dérivés de gré à gré « normalisés » 71 ( * ) , ce qui doit permettre d'éviter que la faillite d'un acteur ne provoque celle d'autres participants de marché, la chambre de compensation s'interposant entre l'acheteur et le vendeur (article 4).
Les missions d'une chambre de compensation « D'une manière simplifiée, la chambre de compensation s'interpose, par le mécanisme de la novation, entre l'acheteur et le vendeur en devenant le vendeur face à l'acheteur et l'acheteur face au vendeur. Plus précisément, la chambre de compensation s'intercale entre ses adhérents compensateurs, qui sont les intermédiaires financiers devant régler et livrer les transactions négociées. Elle assume donc le risque de défaillance de l'une des contreparties en se substituant à celle-ci. Si l'adhérent compensateur ne livre pas les titres, après avoir mis en oeuvre une procédure de relance, la chambre les acquerra en lieu et place de celui-ci afin de livrer la partie non défaillante. Elle apporte la garantie réciproque au vendeur. En cas de faillite d'un adhérent compensateur, la chambre prend à sa charge l'ensemble des obligations de celui-ci. Pour gérer ce risque de contrepartie, la chambre calcule et prélève des marges auprès de l'adhérent compensateur. Celles-ci ont pour vocation de couvrir le risque de perte si l'adhérent n'est pas en mesure de livrer les titres ou de payer les sommes dues. Si ces appels de marge s'avéraient insuffisants, la chambre pourrait puiser dans un fonds de garantie préalablement constitué par les contributions financières des adhérents compensateurs. Ces deux mécanismes permettent ainsi de garantir la solidité financière de la chambre. La chambre de compensation peut également avoir une fonction de simplification du règlement livraison en calculant une position nette globale des transactions négociées sur le marché qu'elle compense. Par adhérent compensateur et par titre financier, elle dégage le solde à livrer ou à recevoir par l'adhérent. Une seule instruction de règlement livraison est émise quel que soit le nombre de transactions exécutées au cours de la journée de négociation. Les flux de règlement livraison sont donc considérablement réduits. » Source : Autorité des marchés financiers, « La supervision de la chambre de compensation », 30 avril 2013 |
Ces nouvelles règles ont été complétées en 2014 par l'adoption du règlement sur les marchés d'instruments financiers, dit « MiFIR » 72 ( * ) , qui introduit notamment une obligation de négociation sur plate-forme autorisée des contrats dérivés soumis à l'obligation de compensation centrale et jugés suffisamment liquides par l'Autorité européenne des marchés financiers (Esma).
A. LE RECOURS À LA COMPENSATION CENTRALE EST FACILITÉ PAR L'EXISTENCE D'UN MÉCANISME DE « RÉSILIATION-COMPENSATION », DONT LE CHAMP D'APPLICATION EST TOUTEFOIS LIMITÉ
Prévu à l'article L. 211-36-1 du code monétaire et financier, le mécanisme dit de « résiliation-compensation » ouvre la possibilité de prévoir contractuellement la résiliation de certaines obligations financières résultant d'opérations sur instruments financiers et la compensation des dettes et des créances afférentes à ces obligations.
Concrètement, lorsque le mécanisme de « résiliation-compensation » est déclenché (par exemple en cas de défaillance de l'une des parties), toutes les transactions couvertes sont résiliées et compensées afin d'aboutir à une obligation nette unique de paiement .
Chaque partie est ainsi assurée de maîtriser son exposition au risque de défaut de sa contrepartie , y compris en cas d'ouverture d'une procédure collective.
Aux termes de l'article L. 211-36 du code monétaire et financier, le bénéfice du mécanisme de « résiliation-compensation » est toutefois réservé aux obligations financières résultant :
- « d'opérations sur instruments financiers lorsque l'une au moins des parties à l'opération est un établissement de crédit, une société de financement, un prestataire de services d'investissement, un établissement public, une collectivité territoriale, une institution, une personne ou entité bénéficiaire des dispositions de l'article L. 531-2, une chambre de compensation, un établissement non résident ayant un statut comparable, une organisation ou organisme financier international dont la France ou l'Union européenne est membre » ;
- « de tout contrat donnant lieu à un règlement en espèces ou à une livraison d'instruments financiers lorsque toutes les parties appartiennent » à l'une des catégories précitées 73 ( * ) .
B. EN L'ABSENCE DE COMPENSATION CENTRALE, L'OBLIGATION D'ÉCHANGER DES MARGES INITIALES A NÉCESSITÉ LA MISE EN PLACE D'UN DISPOSITIF DE SÉGRÉGATION JURIDIQUE APPROPRIÉ
L'obligation de compensation centrale, qui entrera en vigueur progressivement à compter du 21 juin 2016 74 ( * ) , n'est applicable qu'aux contrats dérivés de gré à gré jugés suffisamment liquides et standardisés par l'Esma . À ce stade, seuls certains dérivés sur risque de crédit (CDS) 75 ( * ) et de taux 76 ( * ) seraient concernés.
Pour les contrats dérivés non soumis à l'obligation de compensation centrale, l'article 11 du règlement EMIR impose néanmoins certaines techniques d'atténuation des risques aux parties, en particulier l'échange de marges initiales : les contreparties centrales doivent collecter des sûretés, aussi appelées « collatéral », auprès des parties pour compenser les pertes éventuelles en cas de défaut. D'après l'AMF, l'obligation d'échange de collatéral pourrait entrer en vigueur à compter de septembre 2016 77 ( * ) .
Le paragraphe 3 de l'article 11 précise que l'échange de garanties doit être effectué « de manière rapide, exacte et avec une ségrégation appropriée », afin de protéger les marges initiales en cas de défaut du bénéficiaire.
Le paragraphe 15 renvoie néanmoins à un projet commun de norme technique de règlementation , élaboré par les autorités européennes de surveillance, le soin de préciser les dispositifs de ségrégation requis.
Il peut être noté que le droit interne prévoit déjà un mécanisme de ségrégation juridique d'application générale lorsque la garantie prend la forme de sûretés . En effet, l'article L. 211-38 du code monétaire et financier prévoit la possibilité pour les parties de prévoir, à titre de garantie des obligations financières, la « constitution de sûretés sur de tels biens ou droits » réalisables « même lorsque l'une des parties fait l'objet d'une des procédures prévues par le livre VI du code de commerce, ou d'une procédure judiciaire ou amiable équivalente sur le fondement d'un droit étranger, ou d'une procédure civile d'exécution ou de l'exercice d'un droit d'opposition ».
C. L'OBLIGATION DE DÉCLARATION AUX RÉFÉRENTIELS CENTRAUX SUPPOSE LA LEVÉE DU SECRET PROFESSIONNEL
Les institutions financières sont soumises au respect du secret professionnel en application des articles L. 440-4, L. 511-3 et L. 531-12 du code monétaire et financier. La violation du secret professionnel est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende 78 ( * ) .
Toutefois, en application de l'article 9 du règlement EMIR, tous les intervenants sont désormais tenus de s'assurer que « les éléments de tout contrat dérivé qu'elles ont conclu, ainsi que de toute modification ou cessation du contrat, sont déclarés à un référentiel central » 79 ( * ) .
Or cette obligation de déclaration implique de transmettre aux référentiels centraux certaines informations couvertes par le secret professionnel , en particulier l'identité du client.
Aussi, le paragraphe 4 de l'article 9 du règlement EMIR dispose qu'« une contrepartie ou une contrepartie centrale qui déclare les éléments d'un contrat dérivé à un référentiel central ou à l'Esma, ou une entité qui déclare ces éléments pour le compte d'une contrepartie ou d'une contrepartie centrale, n'est pas considérée comme enfreignant les éventuelles restrictions à la divulgation d'informations imposées par ledit contrat ou par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives ».
Cependant, comme le rappelle l'étude d'impact, cette dérogation au secret professionnel « ne s'applique par construction qu'aux intervenants régis par le règlement EMIR et aux référentiels centraux européens ou étrangers mais reconnus » par l'Esma 80 ( * ) .
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
A. UNE EXTENSION DU MÉCANISME DE « RÉSILIATION-COMPENSATION »
Le 1° du présent article étend le mécanisme de « résiliation-compensation » prévu à l'article L. 211-36 du code monétaire et financier à une nouvelle catégorie d'obligations financières .
Seraient désormais éligibles à ce mécanisme les obligations financières « résultant de contrats conclus entre une ou plusieurs chambres de compensation et un de leurs adhérents, entre cet adhérent et un client auquel il fournit, directement ou indirectement, un service de compensation, et entre ce client et la ou les chambres de compensation » précitées.
Le deuxième alinéa du 1° précise que le mot client désigne « si les parties en sont convenues, l'ensemble des personnes morales faisant partie d'un même périmètre de consolidation ».
Les 2° et 3° du présent article tirent les conséquences du 1°, en précisant notamment à l'article L. 211-36-1 du même code que les dettes et créances afférentes aux obligations financières précitées sont compensables « entre toutes les parties ».
B. LA MISE EN PLACE D'UN DISPOSITIF DE SÉGRÉGATION JURIDIQUE DES MARGES INITIALES
Le 4° du présent article introduit au sein du code monétaire et financier un nouvel article L. 211-38-1 visant à prévoir la ségrégation dans les comptes du bénéficiaire de l'ensemble des garanties financières constituées à titre de marge initiale en application du règlement EMIR, qu'elles prennent la forme de sûretés ou de remises en pleine propriété.
Aux termes du nouvel article, « aucun créancier du bénéficiaire autre que le constituant de garanties financières mentionnées à l'article L. 211-38 et constituées à titre de marge initiale en application de l'article 11 du règlement (UE) n° 648/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012 sur les produits dérivés de gré à gré, les contreparties centrales et les référentiels centraux » ne pourrait désormais se prévaloir « d'un droit quelconque sur les biens ou droits sur lesquels portent ces garanties, même sur le fondement du livre VI du code de commerce ou d'une procédure équivalente sur le fondement d'un droit étranger ».
C. UNE EXTENSION DES DÉROGATIONS AU SECRET PROFESSIONNEL PRÉVUES AUX FINS DE DÉCLARATION DES CONTRATS DÉRIVÉS
Les 5°, 6° et 7° du présent article visent à autoriser, lors d'opérations sur contrats financiers, les chambres de compensation, les établissements de crédit, les sociétés de financement et les entreprises d'investissement à communiquer des informations couvertes par le secret professionnel « lorsqu'une législation ou une réglementation d'un État qui n'est pas membre de l'Union européenne prévoit la déclaration de ces informations à un référentiel central ».
À la demande du Conseil d'État, il est toutefois précisé que, lorsque ces informations constituent des données à caractère personnel , les institutions financières « respectent les dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, notamment ses articles 68 et 69 », qui prévoient les conditions dans lesquelles des données à caractère personnel peuvent être transférées vers des États tiers.
III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
À l'initiative de notre collègue Romain Colas, rapporteur pour avis de la commission des finances, l'Assemblée nationale a adopté :
- quatre amendements rédactionnels ;
- un amendement « de précision rédactionnelle » visant à « ne pas attraire indirectement dans le champ de la loi du 6 janvier 1978 les informations qui seraient collectées hors Union européenne et retransmises hors Union européenne », même si « les articles 68 et 69 de ladite loi ne s'appliquent déjà que pour les données à caractère personnel dont le responsable est établi sur le territoire français et qui effectue une transmission vers un État n'appartenant pas à l'Union européenne ».
IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
A. UNE EXTENSION OPPORTUNE DU MÉCANISME DE « RÉSILIATION-COMPENSATION »
Votre rapporteur soutient l'extension du mécanisme de « résiliation-compensation » proposée au présent article, qui devrait faciliter la compensation centrale des contrats dérivés standardisé s prévue par le règlement EMIR.
Comme le rappelle l'étude d'impact, « la plupart des acteurs du marché financier n'ont pas les capacités techniques et financières d'accéder directement aux chambres de compensation et doivent le faire par l'intermédiaire d'adhérents compensateurs , le plus souvent des établissements de crédit » 81 ( * ) .
Schématiquement, l'accès indirect d'un client à la chambre de compensation via un adhérent compensateur peut prendre deux formes 82 ( * ) .
Dans le modèle dit « principal to principal », l'adhérent compensateur s'interpose entre le client et la chambre de compensation . L'opération à compenser se décompose en deux opérations symétriques, d'une part entre l'adhérent compensateur et son client, d'autre part entre la chambre de compensation et l'adhérent compensateur. Par conséquent, il n'y a pas de relation directe entre la chambre de compensation et le client.
Schéma simplifié du modèle « principal to principal »
Source : commission des finances du Sénat
À l'inverse, dans le modèle dit « agency », l'adhérent compensateur agit comme un simple intermédiaire pour le compte du client , sans devenir partie à l'opération financière. Son exposition au risque est toutefois la même que dans le modèle « principal to principal » car il assume le rôle de garant du client auprès de la chambre compensation.
Comme le rappelle l'AMF, le recours à ce modèle implique le plus souvent en France l'existence d'un contrat de commission entre l'adhérent compensateur et le client, ainsi que l'existence d'un contrat dérivé de gré à gré entre la chambre de compensation et le client.
Or, si la possibilité de recourir au mécanisme de « résiliation-compensation » ne fait aucun doute dans le cadre du modèle « principal to principal » au regard des critères fixés par l'article L. 211-36 du code monétaire et financier, la situation est plus complexe pour le modèle « agency », qui implique l'existence d'une relation trilatérale entre le client, l'adhérent et la chambre.
Comme le souligne l'étude d'impact, il est pourtant indispensable que l'adhérent compensateur « puisse compenser les sommes que peut lui devoir son client en tant qu'intermédiaire et garant avec les sommes que la chambre de compensation doit au client », compte tenu de son exposition au risque de défaut de son client.
Aussi, votre rapporteur estime opportun de permettre explicitement l'application du mécanisme de « résiliation-compensation » dans le cadre de la relation tripartite entre une ou plusieurs chambres de compensation, un adhérent compensateur et son client.
B. UNE EXTENSION INDISPENSABLE DES DÉROGATIONS AU SECRET PROFESSIONNEL PRÉVUES AUX FINS DE DÉCLARATION DES CONTRATS DÉRIVÉS
Par ailleurs, votre rapporteur soutient l'extension des dérogations au secret professionnel proposée au présent article.
En effet, la dérogation au secret professionnel prévue par le règlement EMIR aux fins de déclaration des contrats dérivés ne s'applique qu'aux intervenants régis par le règlement EMIR et aux référentiels centraux européens ou étrangers reconnus par l'Esma 83 ( * ) .
Par conséquent, comme le rappelle l'étude d'impact, « pour les opérations régies par une règlementation étrangère (par exemple parce que le client de l'institution financière est un client étranger), l'institution financière n'a d'autre choix que de masquer l'identité de son client lorsqu'elle déclare l'opération au référentiel central étranger, si ce client ne donne pas son accord préalable » 84 ( * ) .
Cet obstacle est particulièrement problématique dans la mesure où l'obligation de déclaration de l'ensemble des contrats dérivés vise précisément à permettre aux régulateurs de pouvoir identifier la localisation des risques au sein du système financier, afin de prévenir le cas échéant leur accumulation.
Aussi, votre rapporteur soutient l'aménagement proposé au présent article , qui permettra aux institutions financières de communiquer des informations couvertes par le secret professionnel lorsqu'une législation ou une réglementation d'un État non membre de l'Union européenne prévoit la déclaration de ces informations à un référentiel central.
Il convient toutefois de préciser que la transmission de données à caractère personnel sera subordonnée au respect des dispositions protectrices de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Ainsi, les données ne pourront être transmises que si l'État « assure un niveau de protection suffisant de la vie privée et des libertés et droits fondamentaux des personnes à l'égard du traitement dont ces données font l'objet ou peuvent faire l'objet » 85 ( * ) .
C. UN DISPOSITIF DE SÉGRÉGATION JURIDIQUE PERMETTANT DE PROTÉGER EFFICACEMENT LES MARGES INITIALES
S'agissant du dispositif de ségrégation juridique des marges initiales, si le code monétaire et financier prévoit déjà un mécanisme de ségrégation juridique lorsque la garantie prend la forme de sûretés, tel n'est pas le cas en cas de transfert de propriété.
En effet, comme le rappelle l'étude d'impact, « en droit français, un actif transféré en pleine propriété à un acteur de marché tombe naturellement dans le patrimoine de ce dernier et ne bénéficie d'aucune protection particulière en cas de défaut » 86 ( * ) .
Aussi, votre rapporteur soutient l'aménagement proposé au présent article, qui vise à protéger du défaut du bénéficiaire l'ensemble des marges initiales remises en application de l'article 11 du règlement EMIR.
Décision de la commission : votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article sans modification.
ARTICLE 23 bis (nouveau) (Art. 238-0 A du code général des impôts) - Avis des commission des finances du Parlement sur la liste des États et territoires non coopératifs (ETNC)
. Commentaire : le présent article prévoit que l'arrêté fixant chaque année la liste des États et territoires non coopératifs (ETNC) soit pris après avis des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances, et que les mesures de rétorsion fiscales applicables aux ETNC s'appliquent après un délai de trois mois à compter de leur inscription sur la liste, et non au début de l'année suivante.
I. LE DROIT EXISTANT
A. LA LISTE DES ÉTATS ET TERRITOIRES NON COOPÉRATIFS
Créé par l'article 22 de la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009, la notion d'État ou territoire non coopératif (ETNC) est l'un des principaux instruments de lutte contre l'évasion fiscale prévus par le droit français. L'inscription sur la liste des ETNC emporte en effet l'application de mesures fiscales de rétorsion (cf. infra ) , qui frappent les personnes établies dans ces État ou territoires ou qui réalisent des transactions avec eux.
La liste des ETNC est mise à jour au 1 er janvier de chaque année 87 ( * ) , en application des critères fixés par l'article 238-0 A du code général des impôts (CGI) :
- en sont retirés les États ou territoires qui, au 1 er janvier, ont conclu avec la France une convention d'assistance administrative « permettant d'échanger tout renseignement nécessaire à l'application de la législation fiscale des parties » , c'est-à-dire en pratique conforme aux clauses de l'article 26 du modèle de l'OCDE 88 ( * ) , ainsi que les États ou territoires auxquels la France n'avait pas proposé la conclusion d'une telle convention, mais dont le Forum mondial de l'OCDE 89 ( * ) considère qu'ils procèdent à l'échange de tout renseignement nécessaire à l'application des législations fiscales ;
- y sont ajoutés les États ou territoires ayant conclu avec la France une telle convention, mais « dont les stipulations ou la mise en oeuvre n'ont pas permis à l'administration des impôts d'obtenir les renseignements nécessaires à l'application de la législation fiscale française » , ainsi que les États ou territoires auxquels la France avait proposé la conclusion d'une telle convention avant le 1 er janvier de l'année précédente et qui n'y ont pas donné suite, et ceux auxquels la France n'avait pas proposé la conclusion d'une telle convention, mais dont le Forum mondial de l'OCDE considère qu'ils ne procèdent pas à l'échange des renseignements nécessaires.
En bref, le dispositif est conçu en deux parties, sur un modèle comparable à celui du Forum mondial de l'OCDE. Premièrement, il porte sur l'existence d'un cadre juridique permettant théoriquement l'échange de renseignements : les pays qui n'ont pas donné suite dans un délai d'un an à une proposition d'accord de la France sont inscrits sur la liste des ETNC, mais en sont retirés lorsqu'un accord est conclu. Deuxièmement, le dispositif porte sur l'application effective de cet accord , qui est vérifiée à travers le nombre et la qualité des réponses reçues par la France. Seule une coopération effective permet dès lors à ces pays de « sortir » de la liste.
Pour mémoire, la notion d'ETNC doit être distinguée de celle de « régime fiscal privilégié » , aux conséquences fiscales moindres (cf. infra ). Cette notion est prévue par l'article 238 A du code général des impôts, qui dispose que « les personnes physiques ou morales sont considérées comme soumises à un régime fiscal privilégié dans un État ou territoire étranger si elles n'y sont pas imposables ou si elles y sont imposées pour un montant de moins de 50 % de celui dont elles seraient redevables dans les conditions de droit commun en France si elles y avaient été domiciliées ou établies ».
S'agissant de la procédure, l'article 238-0 A du code général des impôts prévoit que la liste des ETNC est fixée par un arrêté des ministres chargés de l'économie et du budget, après avis du ministre des affaires étrangères . Cet arrêté indique le motif, parmi ceux énumérés ci-dessus, qui justifient l'ajout ou le retrait d'un État ou territoire.
La liste est valable à compter du 1 er janvier de l'année où est pris l'arrêté , même si celui-ci n'intervient que plus tard. L'application aux pays des mesures de rétorsion diffère toutefois selon qu'il s'agisse d'un ajout ou d'un retrait de la liste (cf. infra ).
La liste établie par l'arrêté du 8 avril 2016 au titre de l'année 2016 comporte sept États ou territoires : le Botswana, le Brunei, le Guatemala, les Îles Marshall, Nauru, Niue et Panama - l'ajout de ce dernier pays étant la seule modification par rapport à la liste établie au titre de l'année 2015. Par comparaison, la liste établie au titre de l'année 2010 comportait dix-huit ETNC.
Composition de la liste des États et territoires
non coopératifs
(article 238-0 A du code général des
impôts)
Liste 2010 |
Liste 2011 |
Liste 2012 |
Liste 2013 |
Liste 2014 |
Liste 2015 |
Liste 2016 |
|
Anguilla |
X |
X |
Retrait |
||||
Belize |
X |
X |
Retrait |
||||
Bermudes |
Ajout |
Retrait |
|||||
Botswana |
Ajout |
X |
X |
X |
X |
||
Brunei |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
Costa Rica |
X |
X |
Retrait |
||||
Dominique |
X |
X |
Retrait |
||||
Grenade |
X |
X |
Retrait |
||||
Guatemala |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
X |
Iles Cook |
X |
X |
Retrait |
||||
Iles Marshall |
X |
X |
X |
X |
X |
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Source : direction de la législation fiscale
B. LES EFFETS DISSUASIFS D'UNE INSCRIPTION SUR LA LISTE DES ETNC
L'inscription d'un État ou territoire sur la liste des ETNC emporte l'application de mesures diverses mesures de rétorsion fiscale , qui frappent les personnes établies dans ces territoires ou réalisant des transactions avec eux. Ces mesures, détaillées dans le tableau ci-dessous, ont une double vocation : d'une part, sanctionner le pays non coopératif, et d'autre part, inciter celui-ci à se mettre en conformité avec les standards mondiaux de transparence.
Aux termes du 3 de l'article 238-0 A du code général des impôts, ces mesures ne s'appliquent aux États qu'au 1 er janvier de l'année suivant celle où ils sont ajoutés à la liste . Elles cessent en revanche de s'appliquer immédiatement dès lors qu'ils sont retirés de la liste .
Mesures applicables aux États et territoires non coopératifs Pour les résidents fiscaux de France effectuant des transactions avec un ETNC : - le renforcement du régime de lutte contre la délocalisation des bénéfices . L'article 209 B du CGI article permet d'imposer en France, même lorsqu'ils ne sont pas « remontés », les bénéfices réalisés une entité établie dans un régime fiscal privilégié et contrôlée par une entreprise établie en France. Si ces bénéfices sont réalisés dans un ETNC, les retenues à la source opérées par l'ETNC ne sont en outre pas imputables sur l'impôt payé en France ; - le renforcement du régime de lutte contre la délocalisation des revenus financiers . L'article 123 bis du CGI, équivalent de l'article 209 B pour les personnes physiques, permet d'imposer en France les revenus de capitaux mobiliers provenant d'entités établies dans un régime fiscal privilégié, lorsqu'elles en détiennent plus de 10 % des droits. Si les impôts payés à la source sur ces revenus sont en théorie déductibles, une imposition minimum forfaitaire est prévue pour les revenus réalisés dans un ETNC ; - le durcissement du dispositif de lutte contre la manipulation des prix de transfert . L'article 57 du CGI permet de réintégrer au résultat imposable d'une entreprise les bénéfices artificiellement transférés à une entreprise sous sa dépendance ou son contrôle. Toutefois, la condition de dépendance ou de contrôle n'est pas exigée lorsque le transfert s'effectue avec une entreprise établie dans un ETNC ; - l'exclusion du régime mère-fille : la possibilité pour les sociétés mères de déduire de leur bénéfice imposable les dividendes reçus de leurs filiales ne s'applique pas aux produits des titres d'une société établie dans un ETNC, sauf si le contribuable apporte la preuve que ces opérations correspondent à une activité réelle (article 145 du CGI) ; - l'interdiction de déduction des charges financières (intérêts etc.), sauf si le contribuable apporte la preuve que ces opérations correspondent à une activité réelle (article 238 A du CGI) ; - l'exclusion du régime des plus-values de cession à long terme lorsque la cession porte sur des titres de sociétés établies dans un ETNC, qu'il s'agisse, pour les entreprises imposables à l'IR, des plus-values sur titres ou, pour les sociétés soumises à IS, des plus-values à long terme sur titres de participation exonérées sous réserve d'une quote-part de frais et charges ; - le renforcement de l'obligation de documentation en matière de prix de transfert (articles L. 13 AA et L. 13 AB du livre des procédures fiscales). Pour les résidents fiscaux d'un ETNC et aux revenus transitant par un ETNC : - l'application d'une retenue à la source de 75 % sur certains revenus et plus-values immobiliers versés à une personne établie dans un ETNC , de surcroît non déductible, au lieu de la retenue à la source de droit commun de 33,1/3, déductible (article 244 bis et suivants du CGI) ; - l'application d'une retenue à la source de 75 % sur les intérêts et dividendes versés à une personne établie dans un ETNC , quelle que soit la localisation du domicile fiscal du bénéficiaire, y compris si celui-ci est établi en France, et sous réserve d'une clause de sauvegarde permettant de démontrer que l'opération n'a pas un objet principalement fiscal (articles 125 A, 125-0 A et 119 bis du CGI) ; - l'application d'une retenue à la source de 75 % sur les redevances et certains revenus non salariaux versés à une personne établie dans un ETNC . Il s'agit essentiellement des droits d'auteurs et autres droits perçues par les artistes, sportifs etc. (articles 182 A bis et 182 B du CGI). Source : commission des finances |
Il convient toutefois de préciser que ces mesures s'appliquent sous réserve des stipulations des conventions fiscales, ce qui conduit parfois à en limiter la portée . Or la France est liée par une convention fiscale avec deux des sept ETNC inscrits sur la liste au titre de l'année 2016, à savoir le Panama 90 ( * ) et le Botswana 91 ( * ) . Ces deux accords prévoient par exemple des taux maximum de retenue à la source sur les intérêts (respectivement de 5 % et de 10 %), sur les dividendes (de 5 % à 15 %, et de 5 % à 12 %) et sur les redevances (de 5 % et de 10 %), ce qui fait échec à l'application de la retenue à la source de 75 % applicable aux ETNC. L'inscription sur la liste n'en demeure pas moins dissuasive, ne serait-ce, par exemple, que par l'exclusion du régime des sociétés-mères.
Il en va de même pour les directives européennes, qui ont également une valeur supra-législative , ainsi que pour les accords signés par l'Union européenne avec des pays tiers visant à étendre ces directives 92 ( * ) . Il n'est certes pas impossible, théoriquement, d'inscrire un État membre de l'Union européenne sur la liste des ETNC 93 ( * ) . Toutefois, les dispositions de plusieurs directives, notamment la directive « mères-filles 94 ( * ) » et la directive « intérêts et redevances 95 ( * ) », ainsi que plus généralement le principe de libre circulation des capitaux 96 ( * ) , auraient pour effet d'interdire l'application de plusieurs mesures de rétorsion prévues pour les ETNC.
II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Le présent article, adopté à l'initiative de notre collègue député Romain Colas, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, avec l'avis favorable du Gouvernement, prévoit d'abord que l'arrêté fixant chaque année la liste ETNC soit pris après l'avis des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances . Cet avis simple, qui ne lierait pas le Gouvernement, viendrait donc s'ajouter à celui donné par le ministre des affaires étrangères.
D'après notre collègue député Romain Colas, cet amendement, « un peu sur le modèle de la procédure applicable aux décrets d'avances 97 ( * ) , (...) permettra aux parlementaires d'interroger le Gouvernement sur les raisons pour lesquelles il prend ce type de décision. Cela favorisera également la vigilance citoyenne ».
L'amendement initial prévoyait également que les mesures de rétorsion fiscales applicables aux ETNC prennent effet immédiatement à compter de leur inscription sur la liste, et non au début de l'année suivante comme c'est actuellement le cas - alors qu'un retrait de la liste des ETNC est en revanche d'effet immédiat. À l'initiative du Gouvernement, le dispositif adopté prévoit finalement que les mesures fiscales applicables aux ETNC s'appliquent après un délai de trois mois à compter de leur inscription sur la liste , le ministre des finances et des comptes publics, Michel Sapin, ayant observé qu'« une application immédiate priverait la France de la possibilité d'exercer une pression sur l'État non coopératif ».
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
A. LE LÉGISLATEUR ASSOCIÉ À L'ÉLABORATION DE LA LISTE DES ETNC
Parce qu'elle cible un nombre restreint de pays et qu'elle emporte des mesures de rétorsion puissantes, la liste des ETNC constitue un instrument efficace de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales. En témoigne le retrait de dix des dix-huit États et territoires qui figuraient sur la première liste, celle de 2010, à la suite des engagements pris et des efforts accomplis.
Toutefois, la mise en oeuvre de ce dispositif n'est pas exempte de faiblesses et d'erreurs d'appréciation, dont l'affaire des Panama Papers est à la fois l'exemple le plus récent et le plus évocateur . Pour mémoire, ce sont plus de 11 millions de fichiers qui ont été révélés par le Consortium international des journalistes d'investigation (ICIJ), portant sur près de 214 000 trusts et sociétés offshore enregistrées par le cabinet panaméen Mossack Fonseca entre 1977 et 2015, bien souvent pour des contribuables cherchant à dissimuler leur patrimoine et leurs revenus. Or le Panama avait été retiré de la liste des ETNC en 2012 , après la signature d'un accord d'échange d'informations 98 ( * ) .
Le Parlement avait pourtant alerté le Gouvernement à ce sujet : en 2011, sur proposition de sa commission des finances, le Sénat avait rejeté le projet de loi approuvant cet accord . Notre collègue Nicole Bricq, rapporteure, signalait qu' « en l'absence de règles panaméennes portant notamment sur la comptabilité des sociétés offshore qui sont immatriculées au Panama sans y réaliser d'activité, il apparaît impossible à cet État, en dépit de sa volonté de coopérer, de transmettre aux autorités françaises des renseignements dont il ne dispose pas lui-même. (...) L'approbation du présent projet de loi emporterait en effet de lourdes conséquences. Elle conduirait à la radiation de la République panaméenne de la liste française des États et territoires non coopératifs (ETNC) créée le 12 février 2010 et mise à jour annuellement 99 ( * ) ».
Dans le communiqué de presse annonçant la réinscription du Panama sur la liste, le 8 avril 2016, le ministre des finances et des comptes publics, Michel Sapin, et le secrétaire d'État chargé du budget, Christian Eckert, ne disaient pas autre chose : « cet État ne transmet toujours pas à la France les renseignements nécessaires à l'application de sa législation, notamment l'identité des bénéficiaires effectifs et la substance (comptes de résultat, effectifs) de sociétés immatriculées au Panama ». La contribution qu'aurait pu apporter le Parlement à l'élaboration de la liste apparaît, en cette affaire, évidente .
Or, aujourd'hui, l'information du Parlement sur les critères qui conduisent à l'ajout ou au retrait d'un pays sur la liste est très limitée 100 ( * ) . Les raisons permettant de juger de la bonne ou de la mauvaise coopération d'un État sont d'autant plus difficiles à apprécier que les informations contenues dans le « jaune » annexé au projet de loi de finances de chaque année portant sur le réseau conventionnel de la France en matière d'échanges de renseignements sont très succinctes 101 ( * ) . Surtout, ce « jaune » n'a pas été publié pour l'année 2015, ni à ce jour pour l'année 2016 102 ( * ) .
Fondamentalement, la question qui se pose est celle de la marge d'appréciation laissée par la loi au Gouvernement pour l'ajout ou le retrait d'un pays de la liste des ETNC, c'est-à-dire la question de sa compétence liée . Lors de son audition par la commission des finances le 4 mai 2016, Édouard Marcus, sous-directeur de la prospective et des relations internationales à la direction de la législation fiscale (DLF), a déclaré que « Les conditions de détermination de la liste sont objectives . Elles sont prévues à l'article 238-0 A du code général des impôts. En substance, il y a trois façons pour un État de se retrouver inscrit sur la liste. Premièrement, y figurent les États inscrits sur la liste grise établie par l'OCDE après le sommet du G 20 de 2009. Aujourd'hui, la plupart des États qui figuraient sur cette liste en sont sortis, après avoir fait les efforts nécessaires. Deuxièmement, y sont inscrits les États auxquels la France demande de négocier un accord d'échange de renseignements et qui n'y donnent pas suite après un certain délai. Ils en sont toutefois retirés si un accord est conclu ultérieurement. Troisièmement, nous examinons l'effectivité de l'accord : il ne suffit pas de le signer, encore faut-il que l'administration fiscale française reçoive effectivement les informations demandées. Les États inscrits sur la liste des ETNC à ce titre ne peuvent en sortir qu'après avoir pris les mesures adéquates. Ces critères précis aboutissent donc à une compétence liée du Gouvernement, sans faculté d'arbitrage fondée sur d'autres dimensions ».
L'analyse de votre rapporteur est toutefois plus nuancée : si l'inscription en raison de l'absence d'un accord d'échange de renseignements et le retrait une fois un tel accord signé constituent en effet des critères objectifs, l'appréciation quant au fait que « les stipulations ou la mise en oeuvre [d'un tel accord] n'ont pas permis à l'administration des impôts d'obtenir les renseignements nécessaires à l'application de la législation fiscale française » est bien plus subjective , et laisse par conséquent une marge de manoeuvre importante à l'administration et au Gouvernement.
D'ailleurs, si l'élaboration de la liste des ETNC était exclusivement une compétence liée, on pourrait s'étonner de l'heureuse coïncidence que constitue la décision du Gouvernement de réinscrire le Panama sur la liste, par l'arrêté du 8 avril 2016, soit... cinq jours après les révélations des Panama Papers .
C'est donc précisément pour pallier ces limites et éviter qu'un État ne soit retiré trop hâtivement de la liste - ou a contrario maintenu à tort - que le dispositif proposé aura toute son utilité. Il permettra le cas échéant à la représentation nationale d'entendre les personnes compétentes, et de se faire communiquer les informations pertinentes. Par ailleurs, le présent dispositif propose que l'inscription sur la liste des ETNC produise ses effets au bout de trois mois : ce délai apparaît constituer un bon compromis , qui laisse la possibilité au pays concerné de se mettre en conformité, sans pour autant ouvrir une période d' « impunité » pouvant durer presque un an.
Si votre rapporteur approuve donc pleinement l'esprit de cette nouvelle procédure, il a proposé toutefois à votre commission, qui les a adoptés, deux amendements n° s COM-247 et COM-248 tendant à en préciser les modalités . Il s'agit de prévoir :
- premièrement, que la liste des ETNC soit mise à jour au moins une fois par an . En effet, le sous-amendement du Gouvernement précité a supprimé la référence à une mise à jour « au 1 er janvier de chaque année », ce qui peut certes permettre des mises à jour bienvenues en cours d'année, mais ouvre aussi la voie à des mises à jour plus rares, voire trop rares - et privant par là-même les commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat des nouvelles prérogatives que lui confère le présent article ;
- deuxièmement, que « la commission des finances de chaque assemblée fait connaître son avis dans un délai d'un mois à compter de la notification qui lui a été faite du projet d'arrêté. La signature de l'arrêté ne peut intervenir qu'après réception des avis de ces commissions ou, à défaut, après l'expiration du délai susmentionné ». Cette disposition, inspirée de celle prévue par la LOLF pour les décrets d'avance, vise à éviter que le Gouvernement soit empêché de prendre l'arrêté dans l'hypothèse où les commissions des finances ne rendraient pas d'avis.
B. QUEL AVENIR POUR LA LISTE DES ETNC ?
Le présent dispositif est proposé dans un contexte où la liste des ETNC est amenée à évoluer, pour deux raisons non exclusives.
En premier lieu se pose la question de l'intégration du critère de l'échange automatique d'informations au nombre des éléments permettant d'apprécier la qualité de la coopération fiscale avec un État ou un territoire. Avec l'entrée en vigueur de la directive 2014/107/UE du Conseil du 9 décembre 2014 précitée, qui adapte elle-même le standard élaboré par l'OCDE, l'échange automatique est en passe de devenir la norme de la coopération fiscale internationale - et ceci largement grâce à l'action de la France et de l'Union européenne. Lors de son audition du 4 mai 2016, Édouard Marcus, sous-directeur de la prospective et des relations internationales à la direction de la législation fiscale (DLF), a confirmé que l'ajout de ce critère était envisageable : « Existe-t-il un quatrième critère lié à l'échange automatique d'informations ? Pas pour le moment. (...) L'échange automatique devrait constituer le standard de coopération fiscale à partir de 2017 ou 2018 selon les cas. À cette échéance, la question se posera très directement de l'inclusion de cette dimension dans les critères de la liste des ETNC 103 ( * ) ».
Si tel devait être le cas, il conviendrait toutefois de procéder avec prudence . Au 3 juin 2016, en effet, 82 juridictions avaient effectivement signé l'accord multilatéral du 29 octobre 2014 reprenant le standard de l'OCDE 104 ( * ) , avec application en 2017 ou 2018. Parmi eux, l'intégralité des pays membres de l'UE et les cinq pays tiers européens, mais seulement deux des sept ETNC de l'année 2016 (Niue et les Îles Marshall). Il faut y ajouter les États-Unis, au titre de la loi « FATCA 105 ( * ) ». C'est encore trop peu, et donc trop tôt : la liste des ETNC a vocation à demeurer un instrument de dernier recours, en ne visant que les pays les moins coopératifs, et au prix d'une forte contraction des flux financiers avec ces derniers.
En second lieu se pose la question de l'articulation de la liste française des ETNC avec la future « liste noire » européenne . En l'état, cette liste commune relève de la proposition de directive 106 ( * ) faite par la Commission européenne le 28 janvier 2016 relative au « reporting pays par pays », et concerne donc les entreprises multinationales 107 ( * ) . Toutefois, l'extension de ses effets aux mesures concernant les particuliers est également évoquée, et plus encore depuis l'affaire des Panama Papers , comme l'a confirmé Pierre Moscovici, commissaire européen aux affaires économiques et financières, à la fiscalité et à l'Union douanière, lors de son audition par notre commission et la commission des affaires européennes le 8 juin 2016 : « Nous travaillons d'ores et déjà à des critères pour établir une liste noire européenne. J'espère que nous parviendrons à une première liste d'ici cet été, avec l'objectif d'un accord début 2017 ; elle comprendra la fiscalité des particuliers, aura vocation à remplacer les listes nationales ».
À cet égard, et sous toutes réserves, votre rapporteur estime que la liste noire européenne n'a pas vocation à se substituer à la liste française des ETNC, mais que les deux listes doivent rester complémentaires . S'il convient de saluer l'intention de lutter plus vigoureusement contre la fraude et l'évasion fiscales par l'instauration d'un instrument européen partagé, cette liste commune pourrait in fine se révéler plus « faible » que la liste française :
- soit parce qu'elle contiendrait moins d'États , dans l'hypothèse où en seraient par principe exclus les États membres de l'UE et les territoires associés, ou en raison de l'opposition de tel ou tel État membre à inscrire l'un de ses partenaires privilégiés ;
- soit parce qu'elle entraînerait des mesures de rétorsion plus faibles , par exemple au nom de la libre circulation des capitaux, ou afin de préserver tel ou tel régime fiscal particulier. Aucune précision n'a toutefois été donnée à ce jour. On rappellera seulement qu'il existe déjà une « liste européenne », présentée le 17 juin 2015 par Pierre Moscovici et composée des trente juridictions « les moins coopératives » d'après une synthèse de plusieurs listes nationales, mais que celle-ci n'entraîne aucun effet juridique. Tant que l'Union européenne n'aura pas, dans un domaine soumis à la règle de l'unanimité, démontré sa capacité à prendre des mesures effectives contre les juridictions non coopératives, la liste des ETNC conservera toute sa pertinence.
En outre, la simple substitution de la liste européenne par la liste française reviendrait à priver le Parlement de la possibilité ouverte par le présent article.
Décision de la commission : votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article ainsi modifié.
ARTICLE 23 ter (nouveau) (Art. 287 et 1695 du code général des impôts) - Autoliquidation de la TVA
. Commentaire : le présent article vise à étendre le champ des personnes pouvant bénéficier de l'autoliquidation de la TVA à l'importation tout en limitant cette possibilité aux opérateurs présentant un degré de fiabilité suffisant.
I. LE DROIT EXISTANT
A. LE PRINCIPE DU DÉCAISSEMENT DE LA TVA AU MOMENT DU DÉDOUANEMENT
Aux termes du 1 du I de l'article 291 du code général des impôts, les importations de biens meubles corporels sont, par principe, soumises à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) .
Le 2 du I de l'article 291 précité définit l'importation comme l'entrée en France d'un bien en provenance d'un État n'appartenant pas à l'Union européenne ou d'un territoire d'un autre État membre de l'Union européenne (îles anglo-normandes, par exemple). On parlera ainsi « d'acquisitions intracommunautaires » pour les importations de marchandises issues d'un autre État membre de l'Union européenne.
L'article 1695 du code général des impôts prévoit que la taxe sur la valeur ajoutée est perçue, à l'importation, comme en matière de douane. Sa perception relève, par conséquent, de la compétence de la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI).
L'importateur est en principe tenu de procéder à un décaissement au moment du dédouanement pour régler la TVA à l'administration douanière avant d'en obtenir la restitution par l'administration fiscale .
B. UN MÉCANISME CONTRAIGNANT NUISANT À LA COMPÉTITIVITÉ DES PORTS ET DES AÉROPORTS FRANÇAIS
Le régime « traditionnel » de l'acquittement de la TVA lors du passage à la frontière est apparu à la fois contraignant et coûteux pour les entreprises .
En effet, les assujettis sont tenus de supporter le coût du portage de la taxe entre le moment où ils la payent et le moment où ils exercent leur droit à récupération ou à remboursement .
À cette contrainte de trésorerie s'ajoute en outre une contrainte administrative dans la mesure où les opérateurs sont tenus d'effectuer deux démarches : l'une, pour le paiement de la taxe, et l'autre, pour en obtenir le remboursement ou la restitution.
Si des aménagements prévoyant la possibilité pour les opérateurs d'exercer leur droit à déduction de la taxe avant de l'avoir effectivement acquittée auprès de la DGDDI ont été mis en place, ceux-ci se sont avérés insuffisants pour compenser le différentiel de compétitivité fiscale avec d'autres États membres.
En effet, l'article 211 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de la taxe sur la valeur ajoutée (dite « directive TVA ») prévoit la possibilité pour les États membres de mettre en place un mécanisme permettant aux entreprises importatrices de déclarer et d'acquitter mensuellement la différence entre la TVA collectée sur leurs ventes et la TVA payée sur leurs achats (autoliquidation) , ou de conserver le régime « traditionnel ».
Jusqu'en 2015, la France a maintenu ce système ce qui s'est traduit par un détournement du trafic au profit des États voisins de l'Union européenne comme le Pays-Bas ou la Belgique, qui disposaient d'un régime d'autoliquidation de la TVA .
Dans son rapport public annuel de 2014, la Cour des comptes relevait ainsi la perte d'attractivité de la France au profit des Pays-Bas et de la Belgique. Elle notait en outre que « les marchandises ayant pour destination finale la France sont importées majoritairement via d'autres pays » tout en rappelant que cette perte d'attractivité « tient aussi, selon la perception des représentants des entreprises et de l'agence française des investissements internationaux, à l'absence d'un dispositif d'autoliquidation de la TVA à l'importation (TVAI) analogue à celui pratiqué aux Pays-Bas et en Belgique ».
C. LA MISE EN PLACE D'UN DISPOSITIF ENCADRÉ D'AUTOLIQUIDATION DE LA TVA À L'IMPORTATION PAR LA LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2014
Afin de remédier à cette situation, un mécanisme d'autoliquidation à l'importation de la TVA a été mis en place par l'article 52 de la loi de finances rectificative pour 2014 108 ( * ) .
Depuis le 1 er janvier 2015, conformément aux dispositions de l'article 1695 du code général des impôts, les entreprises importatrices ont la possibilité, sur option , de déclarer et de déduire simultanément le montant de la taxe due via la déclaration mensuelle sur la TVA collectée (déclaration CA3).
Afin de limiter les risques de fraude, cette possibilité a cependant été limitée aux entreprises assujetties à la TVA établies sur le territoire de l'Union européenne, ou leur représentant lorsqu'elles ne sont pas établies sur le territoire de l'Union européenne, disposant d'un agrément à la procédure simplifiée de dédouanement avec domiciliation unique (PDU). Cette procédure de dédouanement permet aux entreprises qui en bénéficient d'effectuer auprès d'un bureau de douane unique (bureau de domiciliation unique) l'ensemble de leurs formalités déclaratives et comptables de paiement au titre d'opérations réalisées sur l'ensemble du territoire.
Si la limitation du champ des opérateurs pouvant autoliquider la TVA à l'importation aux seules entreprises disposant d'un agrément à la PDU permet de sécuriser le dispositif, les critères devant être remplis pour y prétendre sont apparus excessivement contraignants, en particulier pour les petites et moyennes entreprises (audit douanier de trois mois, obligation de disposer de deux points de dédouanement, etc.).
Article 1695 du code général des impôts I. - La taxe sur la valeur ajoutée est perçue, à l'importation, comme en matière de douane. La taxe sur la valeur ajoutée exigible lors de la mise à la consommation des produits pétroliers visés au 1° du 1 de l'article 298 est perçue par la direction générale des douanes et droits indirects. Pour les transports qui sont désignés par décret (1), la perception est opérée lors du passage en douane et selon les règles, garanties et sanctions prévues en matière douanière. La taxe sur la valeur ajoutée due lors de la sortie de l'un des régimes mentionnés aux 1°, a du 2° et 7° du I de l'article 277 A ou lors du retrait de l'autorisation d'ouverture du régime fiscal suspensif mentionné au a du 2° du même I est perçue comme en matière de douane. II. - Par dérogation aux premier et dernier alinéas du I, les personnes assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée établies sur le territoire de l'Union européenne et redevables de la taxe pour des opérations d'importation réalisées en France peuvent, sur option, porter le montant de la taxe constatée par l'administration des douanes sur la déclaration mentionnée à l'article 287, lorsqu'elles sont titulaires d'un agrément à la procédure simplifiée de dédouanement avec domiciliation unique instituée en application de l'article 76 du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire et des paragraphes 2 et 3 de l'article 253 du règlement (CEE) n° 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d'application du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil établissant le code des douanes communautaire. Les personnes assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée non établies sur le territoire de l'Union européenne et redevables de la taxe pour des opérations d'importation réalisées en France peuvent bénéficier de l'option mentionnée au premier alinéa du présent II lorsque le représentant en douane, au sens de l'article 5 du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, précité, auquel elles ont recours pour effectuer ces opérations a obtenu, pour leur compte, l'agrément à la procédure simplifiée de dédouanement avec domiciliation unique. L'option prévue aux deux premiers alinéas du présent II prend effet le premier jour du mois suivant celui de la demande et prend fin le 31 décembre de la troisième année suivante. Elle est renouvelable par tacite reconduction, par période de trois années civiles, sauf dénonciation formulée au moins deux mois avant l'expiration de chaque période. |
D. LA GÉNÉRALISATION DE L'AUTOLIQUIDATION DE LA TVA PAR LA PROPOSITION DE LOI POUR L'ÉCONOMIE BLEUE
Introduit par un amendement de notre collègue député Arnaud Leroy, rapporteur, avec l'avis défavorable du Gouvernement , l'article 27 de la proposition de loi pour l'économie bleue , présentée par nos collègues députés Bruno Le Roux, Arnaud Leroy et Jean-Paul Chanteguet et plusieurs de leurs collègues et définitivement adoptée par le Sénat le 7 juin dernier, prévoit la généralisation de l'autoliquidation de la TVA à « l'ensemble des personnes, physiques ou morales » réalisant des opérations d'importation .
II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Le présent article est issu d'un amendement déposé par le Gouvernement et adopté avec l'avis favorable de la commission des finances.
Il prévoit tout d'abord la possibilité pour les opérateurs de bénéficier de l'autoliquidation à l'importation fasse l'objet d' une autorisation délivrée par l'administration et non plus d'une option.
Il vise en outre à mieux encadrer l'élargissement prévu par l'article 27 de la proposition de loi pour l'économie bleue .
Pour les opérateurs établis au sein de l'Union européenne , cette autorisation pourra être accordée sur demande aux opérateurs économiques agréés (cf. encadré infra ) ou aux opérateurs remplissant cumulativement les quatre critères suivants :
- avoir effectué au moins quatre importations au sein du territoire de l'Union européenne au cours des douze mois précédant la demande. Les opérateurs n'auront pas besoin de fournir de justificatifs, la douane se chargeant de vérifier ce critère directement ;
- disposer d'un système de gestion des écritures douanières et fiscales permettant le suivi des opérations d'importation . Cette condition est considérée comme remplie dès lors que le demandeur atteste de cette gestion sur le formulaire de demande ;
- justifier d'une absence d'infractions graves ou répétées aux dispositions douanières et fiscales. Aucun justificatif ne sera demandé , la charge de vérification reposant sur les services douaniers ;
- justifier d'une solvabilité financière . Cette condition est considérée comme remplie dès lors que le demandeur présente une situation financière lui permettant de s'acquitter de ses engagements au cours des douze derniers mois précédant la demande. Ce critère sera examiné directement par les services douaniers .
Les opérateurs non établis sur le territoire de l'Union européenne pourront également autoliquider la TVA dès lors qu'ils dédouanent par l'intermédiaire d'un représentant en douane titulaire d'une autorisation d'opérateur économique agréé .
Le présent article prévoit que l'autorisation soit valable à compter du premier jour du mois suivant la décision et jusqu'au 31 décembre de la troisième année suivante. Elle est renouvelée par tacite reconduction tous les trois ans.
La référence à la procédure de dédouanement avec domiciliation unique (PDU), qui ne peut plus être accordée depuis l'entrée en vigueur du nouveau code des douanes de l'Union au 1 er mai 2016, est en outre supprimée . Toutefois, le II du présent article met en place un dispositif transitoire permettant aux opérateurs bénéficiant de la PDU et qui autoliquident la TVA de continuer à le faire , sans que cette possibilité puisse faire l'objet d'une reconduction tacite .
Le statut d'opérateur économique agréé (OEA) Prévu à la section 4 du chapitre 2 du titre premier du règlement (UE) n° 952/2013 du Parlement européen et du Conseil du 9 octobre 2013 établissant le code des douanes de l'Union, le statut d'opérateur économique agréé permet aux opérateurs de bénéficier « d'un traitement plus favorable que les autres opérateurs économiques en matière de contrôles douaniers ». Deux types d'autorisation peuvent être délivrés par les autorités douanières nationales : a) le statut d'OEA « simplifications douanières », qui permet au titulaire de bénéficier de certaines simplifications, peut être obtenu, sur demande, par les sociétés qui répondent aux exigences suivantes : - absence de condamnations pour infraction pénale grave liée à l'activité du demandeur ou des personnes chargées du dédouanement et de la logistique ; - antécédents satisfaisants en matière de respect des exigences douanières ; - accessibilité aux écritures douanières et de transport répondant aux exigences de l'administration des douanes ; - une solvabilité financière assurée au cours des 3 dernières années. b) le statut de l'OEA « sécurité/sûreté », qui permet au titulaire de bénéficier de certaines facilités en matière de sécurité et de sûreté, peut être délivré, sur demande, aux opérateurs qui satisfont, en plus de celles requises pour l'OEA « simplifications douanières », aux exigences spécifiques suivantes : - respect de normes strictes en matière de protection contre les intrusions des bâtiments et des zones logistiques ; - engagement de l'opérateur à « fiabiliser » ses partenaires afin de mieux sécuriser la chaîne logistique internationale ; - dans le respect des dispositions légales de chaque État membre, contrôle des antécédents d'employés appelés à occuper des postes sensibles au plan de la sécurité ; - existence d'un programme de sensibilisation des collaborateurs à la sécurité. Dès que la demande est jugée recevable par la direction générale des douanes et droits indirects, un service régional d'audit (SRA) est désigné. Seuls sont audités les sites où il existe une activité douanière. L'audit douanier est basé sur l'examen de l'organisation interne de l'entreprise et des processus utilisés. Les auditeurs évaluent en particulier la qualité de la formalisation des procédures et les contrôles internes mis en place pour en assurer le respect. Un nouvel audit a lieu au moins tous les trois ans. Source : DGDDI |
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
A. UNE ACTUALISATION NÉCESSAIRE
Le nouveau code des douanes de l'Union entré en vigueur au 1 er mai 2016, prévoit le remplacement de la PDU par la « procédure de dédouanement centralisé national » (DCN) . Cette nouvelle procédure permet aux opérateurs de centraliser leurs déclarations auprès d'un bureau de douane (dit « bureau de déclaration ») et de présenter physiquement les marchandises auprès d'autres bureaux de douane (dits « bureaux de présentation »). Le DCN pose donc le principe de la dissociation des flux documentaires et des flux physiques des marchandises.
Le dispositif inscrit à l'article 27 de la proposition de loi pour l'économie bleue maintenait la condition de la PDU pour les représentants en douane. L'actualisation prévue par le a) du 2° du I était par conséquent nécessaire .
B. UN ENCADREMENT PERMETTANT DE LIMITER LE RISQUE DE FRAUDE
Si le dispositif prévu par la loi de finances rectificative pour 2014 a permis, en 2015, à 476 entreprises, dont un tiers de PME, de bénéficier de l'autoliquidation, pour un montant de TVA s'élevant à 1,6 milliard d'euros, un élargissement du champ des opérateurs éligibles apparaissait souhaitable.
Pour autant, le dispositif prévu par l'article 27 de la proposition de loi pour l'économie bleue apparaissait excessivement large en ce qu'il généralisait l'autoliquidation à l'ensemble des opérateurs, favorisant ainsi un risque de fraude proche du « carrousel ».
Sans remettre en cause le principe d'un élargissement du recours à l'autoliquidation, le présent article encadre le champ des personnes qui pourront bénéficier de l'autoliquidation à l'importation en le limitant aux opérateurs présentant un degré suffisant de fiabilité .
Selon les informations recueillies par votre rapporteur, la procédure prévue ne devrait pas se traduire par une charge administrative trop lourde pour les TPE et les PME dans la mesure où il leur suffira de certifier remplir les quatre critères rappelés supra , les éventuelles vérifications étant réalisées ensuite par l'administration 109 ( * ) .
Par ailleurs, le dispositif transitoire prévu par le présent article permettra aux entreprises bénéficiant de la PDU et autoliquidant la TVA de voir cette possibilité reconduite de manière automatique .
Le présent article allant dans le sens des positions prises par votre commission des finances lors de l'examen des projets de loi de finances rectificative pour 2014 et de loi de finances pour 2016, votre rapporteur vous propose d'adopter cet article sans modification.
Décision de la commission : votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article sans modification.
TITRE IV - DE LA PROTECTION ET
DES DROITS DES CONSOMMATEURS EN MATIÈRE FINANCIÈRE
ARTICLE 25 A (nouveau) (Art. L. 112-6 du code
monétaire et financier)
- Seuil
dérogatoire au paiement en espèces
. Commentaire : le présent article prévoit d'introduire un régime dérogatoire au seuil des règlements en espèce autorisés
I. LE DROIT EXISTANT
L'article L. 112-6 du code monétaire et financier fixe le cadre légal entourant le paiement en espèces ou au moyen de monnaie électronique .
Le I de l'article renvoie à un décret le soin de fixer le montant maximal pouvant donner lieu à un règlement par ces deux moyens. Le seuil prévu varie en fonction du domicile fiscal du débiteur et de la finalité professionnelle ou non de l'opération. Sur le fondement de cet article, le décret du 24 juin 2015 relatif à l'interdiction du paiement en espèces de certaines créances 110 ( * ) est intervenu pour abaisser le seuil de 3 000 euros à 1 000 euros lorsque le débiteur a son domicile fiscal sur le territoire de la République française ou agit pour les besoins d'une activité professionnelle. Ces dispositions sont entrées en vigueur le 1 er septembre 2015 et sont codifiées à l'article D. 112-3 du code monétaire et financier. La diminution du seuil a été motivée afin de renforcer la lutte contre la fraude conduite par l'administration fiscale et les services de Tracfin.
Le II de l'article L. 112-6 prévoit un cadre plus restrictif pour les dépenses des services concédés 111 ( * ) : au-delà de la somme de 450 euros, elles doivent être payées par virement.
Le III prévoit trois exceptions pour lesquelles les dispositions des I et II ne sont pas applicables :
- les paiements réalisés par des personnes qui sont incapables de s'obliger par chèque ou par un autre moyen de paiement, ainsi que par celles qui n'ont pas de compte de dépôt ;
- les paiements effectués entre personnes physiques n'agissant pas pour des besoins professionnels ;
- les paiements des dépenses de l'État et des autres personnes publiques.
II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Le présent article a été adopté à l'initiative de nos collègues députés Christophe Caresche et Pascal Cherki . L'amendement initial proposait d'insérer après le II de l'article L. 112-6 du code monétaire et financier un II bis prévoyant un seuil dérogatoire fixé à 3 000 euros pour le paiement en espèces ou au moyen de monnaie électronique des opérations afférentes au prêt sur gage .
En vertu de l'article L. 514-1 du code monétaire et financier, les caisses de crédit municipal ont « notamment pour mission de combattre l'usure par l'octroi de prêts sur gages corporels dont elles ont le monopole » . De fait, le dispositif dérogatoire introduit par le présent article ne concerne que les caisses de crédit municipal .
Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale, avec l'accord du Gouvernement et de la commission des affaires économiques , résulte d'un sous-amendement introduit à l'initiative de notre collègue députée Chaynesse Khirouni, renvoyant à un décret le soin de fixer le nouveau seuil dérogatoire .
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Votre rapporteur prend note des motivations ayant présidé à l'adoption du présent article. Selon ses auteurs, il convient de prendre en compte la situation particulière de difficulté financière des personnes faisant appel aux prêts sur gage, de sorte qu'elles ne peuvent souvent plus utiliser leurs comptes bancaires et ont besoin de liquidités.
L'abaissement du seuil intervenu au 1 er septembre 2015 a conduit à une diminution d'un tiers du nombre de prêts sur gages accordés par le crédit municipal de Paris. Dans la mesure où les besoins n'ont pas diminué entretemps, votre rapporteur comprend que cette diminution a été compensée par l'augmentation du recours à des solutions alternatives , qui ne bénéficient pas du même cadre que le prêt sur gage des crédits municipaux. Or votre rapporteur souligne que les raisons ayant présidé à l'abaissement du seuil par le décret du 24 juin 2015 étaient motivées à des fins de lutte contre la fraude et le blanchiment d'argent. À cet égard, les crédits municipaux sont régis par le code monétaire et financier et placés sous le contrôle de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), de sorte que les risques portés par l'introduction d'un dispositif dérogatoire apparaissent maitrisés . Votre rapporteur relève ainsi la modification intervenue par rapport au dispositif initialement proposé, le présent article renvoyant désormais à un décret le soin de fixer le seuil. Outre l'unification opérée par rapport au dispositif déjà prévu pour le plafond de droit commun, cette disposition facilite une éventuelle modification du plafond en cas de nécessité .
Votre rapporteur relève de plus que le III de l'article L. 112-6 du code monétaire et financier prévoit que les dispositions prévues aux I et II ne s'appliquent pas aux paiements réalisés par des personnes qui sont incapables de s'obliger par chèque ou par un autre moyen de paiement, ainsi que par celles qui n'ont pas de compte de dépôt. Le présent article entend de fait prendre en compte cette dérogation pour les cas où ces personnes sont en situation créditrice.
Décision de la commission : votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article sans modification.
ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 25 A (Art. L. 112-6 du code monétaire et financier) - Plafond de versement en espèces pour le cautionnement judiciaire
. Commentaire : le présent article additionnel prévoit d'introduire un seuil des versements en espèce autorisés pour le cautionnement judiciaire
I. LE DROIT EXISTANT
L'article L. 112-6 du code monétaire et financier fixe le cadre légal entourant le paiement en espèces ou au moyen de monnaie électronique .
Le I de l'article renvoie à un décret le soin de fixer le montant maximal pouvant donner lieu à un règlement par ces deux moyens. Le seuil prévu varie en fonction du domicile fiscal du débiteur et de la finalité professionnelle ou non de l'opération. Sur le fondement de cet article, le décret du 24 juin 2015 relatif à l'interdiction du paiement en espèces de certaines créances 112 ( * ) est intervenu pour abaisser le seuil de 3 000 euros à 1 000 euros lorsque le débiteur a son domicile fiscal sur le territoire de la République française ou agit pour les besoins d'une activité professionnelle. Ces dispositions sont entrées en vigueur le 1 er septembre 2015 et sont codifiées à l'article D. 112-3 du code monétaire et financier. La diminution du seuil a été motivée afin de renforcer la lutte contre la fraude conduite par l'administration fiscale et les services de Tracfin.
Le II de l'article L. 112-6 prévoit un cadre plus restrictif pour les dépenses des services concédés 113 ( * ) : au-delà de la somme de 450 euros, elles doivent être payées par virement.
Le III prévoit trois exceptions pour lesquelles les dispositions des I et II ne sont pas applicables :
- les paiements réalisés par des personnes qui sont incapables de s'obliger par chèque ou par un autre moyen de paiement, ainsi que par celles qui n'ont pas de compte de dépôt ;
- les paiements effectués entre personnes physiques n'agissant pas pour des besoins professionnels ;
- les paiements des dépenses de l'État et des autres personnes publiques.
En vertu de l' article 1680 du code général des impôts, les impôts et les recettes recouvrées par un titre exécutoire mentionné à l'article L. 252 A du livre des procédures fiscales au profit de l'État, des collectivités locales ou des établissements publics dotés d'un comptable public sont payables en espèces, dans la limite de 300 euros .
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Dans l'état actuel du droit, le cautionnement judiciaire mentionné au 11° de l'article 138 du code de procédure pénale n'entre ni dans le champ des opérations dont les modalités de paiement en espèces sont encadrées par l'article L. 112-6 du code monétaire et financier ni dans celui de l'article 1680 du code général des impôts .
Le présent article prévoit d'introduire un nouvel alinéa à l'article L. 112-6 du code monétaire et financier afin de fixer une limite au paiement en espèces ou au moyen de monnaie électronique pour le versement du cautionnement mentionné au 11° de l'article 138 du code de procédure pénale . Afin de permettre une adaptation souple du dispositif, il est proposé que le montant du seuil soit fixé par décret .
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Votre rapporteur souligne les objectifs de lutte contre la fraude visés par les dispositions de l'article L. 112-6 du code monétaire et financier. Compte tenu des situations particulières motivant le contrôle judiciaire , votre rapporteur considère que les dispositions limitant le versement en espèces ou au moyen de monnaie électronique doivent s'appliquer au versement du cautionnement judiciaire .
La commission des finances a adopté l'amendement n° COM-249 portant article additionnel.
Décision de la commission : votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article additionnel.
ARTICLE 25 (Art. L. 131-59 du code monétaire et financier) - Réduction de la validité des chèques de 12 à 6 mois
. Commentaire : le présent article prévoit de réduire le délai de validité des chèques de douze mois à six mois.
I. LE DROIT EXISTANT
En vertu du deuxième alinéa de l'article L. 131-59 du code monétaire et financier (CMF), « l'action du porteur du chèque contre le tiré se prescrit par un an à partir de l'expiration du délai de présentation ». L'article 131-2 du CMF précise que le tiré est celui qui doit payer la somme déterminée par le chèque .
L'article L. 131-32 du même code précise la notion de délai de présentation : « Le chèque émis et payable dans la France métropolitaine doit être présenté au paiement dans le délai de huit jours. Le chèque émis hors de la France métropolitaine doit être présenté dans un délai, soit de vingt jours, soit de soixante-dix jours, selon que le lieu de l'émission se trouve situé en Europe 114 ( * ) ou hors d'Europe ». Le délai de présentation court à compter de la date d'émission portée sur le chèque .
Délais de présentation applicables
Source : commission des finances du Sénat
Durée de validité des chèques
Chèque émis et payable en France métropolitaine |
Chèque émis en Europe et payable en France métropolitaine |
Chèque émis hors d'Europe et payable en France métropolitaine |
12 mois et 8 jours |
12 mois et 20 jours |
12 mois et 70 jours |
Source : commission des finances du Sénat
L'article L. 131-32 du CMF précise que « le tiré doit payer même après expiration du délai de présentation ». Douze mois après le délai de présentation, seul le chèque émis est prescrit et non la créance . Ce délai de prescription de l'action du porteur du chèque sur le tiré est analysé comme la durée de validité du chèque.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
Le I du présent article vise à modifier le deuxième alinéa de l'article L. 131-59 du code monétaire et financier. Le délai de prescription de l'action du porteur du chèque contre le tiré, c'est-à-dire celui qui doit payer, serait ramené à six mois à partir de l'expiration du délai de présentation, contre un an en vertu des dispositions actuelles .
Le II du présent article prévoit que la modification du délai de prescription ne serait applicable que pour les chèques émis à compter de la date de publication de la loi.
III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
À l'initiative de notre collègue Dominique Potier, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, a été introduit un amendement modifiant les modalités d'entrée en vigueur du présent article, afin que les chèques émis antérieurement à l'adoption de la mesure ne se voient pas appliquer un délai de prescription plus court que celui en vigueur au moment de leur émission.
En conséquence, l'Assemblée nationale a adopté un amendement prévoyant que la réduction du délai de prescription du chèque entre en vigueur au 1 er juillet 2017 pour les seuls chèques émis à compter de cette date. Pour ceux émis de façon antérieure, le délai de prescription demeurerait d'un an.
IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
A. LA FORTE UTILISATION DU CHÈQUE, UNE SPÉCIFICITÉ FRANÇAISE
Selon les statistiques de la Banque centrale européenne pour 2014, le chèque constitue le quatrième moyen de paiement scriptural au sein de l'Union européenne. Il représente 7 % des volumes de transactions, contre 43 % pour la carte bancaire, 26 % pour le virement et 24 % pour le prélèvement. Surtout, la part du chèque dans les transactions met en évidence une grande hétérogénéité entre États membres , dans la mesure où il ne représente que 0,2 % des transactions en Allemagne, contre 13 % en France 115 ( * ) .
De fait, la France se distingue au sein de l'Union européenne par un usage particulièrement répandu du chèque : 68,5 % des chèques émis dans l'Union européenne le sont en France, contre 17,8 % au Royaume-Uni et 6,4 % en Italie. En termes de montants, 32,6 % du montant total des chèques échangés le sont en France, contre 23,1 % au Royaume-Uni et 14,3 % en Italie. La part du chèque dans les transactions hors espèces ne dépasse 10 % que dans trois États membres : Malte (25 %), la France, et Chypre (13 %). De façon générale, le chèque demeure en France un moyen de paiement répandu, ancré dans les habitudes pour des transactions spécifiques, d'un montant plus faible que dans les autres pays européens.
Toutefois, selon la cartographie 2014 des moyens de paiement scripturaux de la Banque de France 116 ( * ) , l'utilisation du chèque en France poursuit une baisse régulière depuis 2000. Ce recul s'est accéléré en 2013 (- 19 % en montant), en raison de l'obligation introduite par l'article 10 de la loi du 28 mars 2011 117 ( * ) d'assurer par virement les paiements au-dessus de 3 000 euros effectués ou reçus par un notaire pour le compte de parties à un acte reçu en la forme authentique et donnant lieu à publicité foncière (article L. 112-6-1 du CMF). En 2014, la baisse a retrouvé la tendance observée depuis 2000, avec un recul de 5 % en volume et de 8 % en montant. Parallèlement, l'utilisation des moyens de paiement électroniques, principalement la carte bancaire, continue de se développer.
Malgré ce repli, l'utilisation du chèque reste forte et concentrée sur certains paiements en raison de sa simplicité d'usage, de sa gratuité et de sa capacité à effectuer des paiements fractionnés. Selon une étude produite pour le Comité consultatif du secteur financier en 2011, les chèques sont notamment utilisés par deux types d'agents économiques :
- les familles, pour des opérations de paiement ciblées 118 ( * ) ;
- les très petites entreprises, ainsi que les petites et moyennes entreprises, dans leurs relations avec leurs clients et fournisseurs.
B. LE DOUBLE OBJECTIF DE LA MESURE
Malgré cette utilisation répandue, le chèque présente des inconvénients identifiés de longue date, ainsi qu'une inadéquation aux nouveaux besoins résultant de l'essor des échanges en ligne :
- un circuit d'encaissement peu fluide , car il peut être perdu par le bénéficiaire ;
- une gestion complexe de trésorerie , dans la mesure où la date d'encaissement est incertaine ;
- un risque d'impayés pour les commerçants , conduisant nombre d'entre eux à le refuser ;
- une traçabilité des transactions moins assurée que pour les paiements électroniques ;
- des coûts de traitement pour les commerçants et les banques . Dans un rapport publié en 2012 119 ( * ) , le Comité consultatif du secteur financier estimait ce coût à 2,5 milliards d'euros chaque année pour les banques.
Dans ces conditions, la mesure , telle que présentée dans l'étude d'impact, poursuit un double objectif :
- encourager l'utilisation des autres moyens de paiement ;
- diminuer l'incertitude liée au délai d'encaissement du chèque .
Elle s'inscrit plus largement dans la Stratégie nationale sur les moyens de paiement publiée par le Gouvernement le 15 octobre 2015. La réduction de la durée de validité du chèque résulte des recommandations formulées dans le cadre des consultations conduites en amont.
C. UNE MESURE QUI S'ACCOMPAGNE DU DÉVELOPPEMENT D'AUTRES MOYENS DE PAIEMENT
Votre rapporteur estime que la mesure proposée participe d'un objectif louable de réduction de l'incertitude liée au délai d'encaissement du chèque, source de coûts de trésorerie pour les entreprises et les ménages. Votre rapporteur souligne en ce sens que les avantages du chèque , telles sa simplicité d'usage, sa gratuité 120 ( * ) et sa capacité à effectuer des paiements fractionnés, ont été préservés , dans la mesure où n'ont pas été retenues d'autres mesures, comme l'introduction de restrictions d'usage à court terme ou une tarification. Au Royaume-Uni, où la part du chèque est également significative, il n'existe pas de durée de validité officielle mais, en pratique, la plupart des établissements refusent les chèques datant de plus de six mois.
En outre, la mesure proposée s'accompagne de dispositifs parallèles visant à développer des moyens de paiement alternatifs pour les opérations qui concentrent le recours au chèque , tant pour les ménages que pour les entreprises :
- pour les ménages, les moyens de paiement alternatifs (virement, prélèvement) seront développés dans les cantines scolaires, les hôpitaux et les crèches. Des dispositifs analogues ont déjà été mis en oeuvre pour les factures émises par les collectivités locales, les amendes et timbres électroniques ;
- pour les entreprises, l'adhésion à un organisme de gestion agréé devra comporter l'engagement d'accepter les règlements par chèque et par carte bancaire, et non plus uniquement par chèque.
De surcroit, votre rapporteur relève que la modification apportée par l'Assemblée nationale afin de décaler l'entrée en vigueur du nouveau délai de prescription aux seuls chèques émis à compter du 1 er juillet 2017 , en précisant les modalités de transition et en évitant une application rétroactive aux chèques émis avant cette date, garantit une sécurité juridique aux utilisateurs comme aux professionnels .
Décision de la commission : votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article sans modification.
ARTICLE 25 bis B (nouveau) (Art. L. 141-4 du code monétaire et financier) - Élargissement de la compétence de l'observatoire de la sécurité des cartes de paiement (OSCP)
. Commentaire : le présent article vise à élargir la compétence de l'actuel observatoire de la sécurité des cartes de paiement (OSCP) à l'ensemble des moyens de paiement scripturaux, et d'adapter son nom et sa composition en conséquence.
I. LE DROIT EXISTANT
Créé par l'article 39 de la loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne, l'observatoire de la sécurité des cartes de paiement (OSCP) est une instance de veille, de concertation et d'échange d'informations qui vise à assurer le bon fonctionnement des systèmes de paiement par carte. Ceux-ci regroupent notamment les systèmes de cartes bancaires, mais aussi les systèmes de cartes privatives, de cartes mono-enseigne, ou encore de porte-monnaie électroniques.
L'article 141-4 du code monétaire et financier prévoit que l'OSCP « assure, en particulier, le suivi des mesures de sécurisation entreprises par les émetteurs et les commerçants, l'établissement de statistiques de la fraude et une veille technologique en matière de cartes de paiement, avec pour objet de proposer des moyens de lutter contre les atteintes d'ordre technologique à la sécurité des cartes de paiement ».
La loi prévoit que l'OSCP regroupe « des parlementaires, des représentants des administrations concernées, des émetteurs de cartes de paiement et des associations de commerçants et de consommateurs ». La liste de ses quarante-deux membres est fixée par décret en Conseil d'État 121 ( * ) . Pour mémoire, les administrations concernées sont celles en charge de la défense, de l'économie, de la justice, de l'intérieur, de la consommation et de l'industrie. Sont également membres de l'OSCP le gouverneur de la Banque de France et le secrétaire général de l'autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), ou leurs représentants.
Le secrétariat de l'OSCP est assuré par la Banque de France.
L'OCSP a notamment joué un rôle dans la conception et la mise en oeuvre de stratégies de lutte contre la fraude . À titre d'exemple, le rapport annuel 2014 porte sur la sécurisation des paiements par cartes sur Internet au moyen de dispositifs d'authentification renforcée, et sur les perspectives ouvertes en matière de sécurité par les nouvelles techniques biométriques.
II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Le présent article a été adopté à l'initiative de notre collègue député Dominique Potier, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques, avec l'avis favorable du Gouvernement.
Il vise à élargir la compétence de l'OSCP à l'ensemble des moyens de paiement scripturaux définis par le code monétaire et financier 122 ( * ) .
Sa composition serait adaptée en conséquence : il regrouperait dès lors « des parlementaires, des représentants des administrations concernées, des émetteurs de moyens de paiement, des opérateurs de systèmes de paiement, des associations de commerçants, des associations d'entreprises et des associations de consommateurs ».
Plusieurs modifications rédactionnelles de l'article 141-4 du code monétaire et financier précité seraient en outre effectuées, et la nouvelle instance aurait notamment pour mission de proposer des moyens de lutter contre toutes les atteintes à la sécurité des moyens de paiement , et non plus contre les seules atteintes « d'ordre technologique » comme actuellement.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
L'élargissement du champ de compétence et du mandat de l'OSCP s'inscrit dans le contexte du développement rapide des nouveaux moyens de paiement, notamment sur Internet ou sur smartphone : nouveaux services de paiement comme PayPal , PayLib ou Apple Pay , qui sera lancé en France en juillet 2016 ; développement des paiements par SMS ou par Facebook ; nouvelles technologies telles que le paiement sans contact NFC ( Near Fied Communication ) et la biométrie etc. Ces innovations sont autant de nouvelles possibilités de fraude, qu'il est nécessaire d'anticiper . On rappellera par exemple que le modèle économique des acteurs des nouvelles technologies financières, les Fintech , repose bien souvent sur l'analyse des données des utilisateurs, et notamment de leurs données personnelles et de leurs données d'achat, qui présentent des risques spécifiques.
Le cadre technique et réglementaire des moyens de paiement connaît par ailleurs une évolution importante , avec la mise en place de l'espace unique de paiement en euros, dit système « SEPA » ( Single Euro Payments Area ) 123 ( * ) et la transposition à venir de la seconde directive sur les services de paiement 124 ( * ) , dite « DSP 2 » (cf. article 27 du présent projet de loi).
L'élargissement du mandat de l'OSCP s'inscrit dans la stratégie sur les moyens de paiement présentée le 15 octobre 2015 par Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. D'après ce document, les premiers travaux de la nouvelle instance, qui pourrait s'appeler Comité national des paiements scripturaux (CNPS), pourraient porter sur les quatre points suivants : « i) l'harmonisation des méthodes de collecte des statistiques en matière de fraude ; ii) des réflexions sur les modalités de mise en oeuvre de l'authentification renforcée pour les moyens de paiement autres que la carte ; iii) une veille technologique sur les portefeuilles électroniques, les services d'agrégation de comptes ou de prestation de services de paiement tiers, les paiements mobiles et l'utilisation de techniques biométriques lors des opérations de paiement ; iv) la coopération entre les acteurs lors de suspicions de fraude ».
Décision de la commission : votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article sans modification.
ARTICLE 25 bis (nouveau) (Art. L. 731-1, L. 732-1, L. 732-3 et L. 732-4 du code de la consommation) - Modifications de la procédure de surendettement
. Commentaire : le présent article prévoit de modifier la procédure de surendettement des particuliers, afin de supprimer la phase de conciliation en cas d'absence de bien immobilier et de prévoir qu'au terme d'un certain délai l'absence de réponse des créanciers dans le cadre de cette conciliation vaut accord au plan conventionnel de redressement.
I. LE DROIT EXISTANT
Depuis la loi n° 89-1010 du 31 décembre 1989 relative à la prévention et au règlement des difficultés liées au surendettement des particuliers et des familles dite loi Neiertz, le code de la consommation prévoit une procédure de traitement du surendettement, qui passe par une commission administrative dont le secrétariat est assuré par la Banque de France .
Comme l'illustre le schéma ci-dessous, aux termes des articles L. 331-6 et suivants du code de la consommation (L. 724-1 et suivants à compter du 1 er juillet 2016 125 ( * ) ), un dossier de surendettement, une fois déclaré recevable par la commission départementale de surendettement, peut :
- faire l'objet de mesures de redressement , qui sont soit négociées à l'amiable entre le débiteur et ses créanciers dans le cadre d'une phase de conciliation, ce qui est la solution « normale » d'un dépôt de dossier lorsque toutes les dettes peuvent être remboursées, soit recommandées au juge ou imposées par la commission de surendettement lorsque la conciliation échoue ou que toutes les dettes ne peuvent de toute façon pas être remboursées au regard du reste à vivre du débiteur ;
- être orienté directement vers une « procédure de rétablissement personnel » , c'est-à-dire un effacement des dettes, lorsque la situation est irrémédiablement compromise au sens de l'actuel article L. 330-1 du code de la consommation et qu'un rééchelonnement ou un aménagement des dettes ne permettrait pas d'éponger le passif.
Schéma de la procédure de surendettement
en vigueur à compter du 1
er
juillet 2016
Source : commission des finances du Sénat
L'ensemble des mesures de redressement, qu'elles soient mises en oeuvre dans le cadre du plan conventionnel ou dans celui des mesures imposées ou recommandées au juge par la commission, peuvent s'étaler sur huit années maximum. Cette durée, fixée à dix ans jusqu'à la loi du 1 er juillet 2010, est réduite à sept ans à compter du 1 er juillet 2016 , conformément à l'article 43 de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation.
Si les grands principes et objectifs de cette procédure n'ont pas évolué depuis 1989, ses modalités ont fait l'objet de nombreuses adaptations, qui ont progressivement conduit à réduire le nombre de dossiers faisant l'objet d'un plan de redressement et à créer une voie alternative d'effacement des créances dans le cadre d'une procédure de rétablissement personnel, avec ou sans liquidation judiciaire. Ainsi, alors que la procédure de rétablissement personnel a été créée en 2005 comme une alternative exceptionnelle en cas d'absence d'actifs, elle a représenté près de 39 % des solutions mises en oeuvre pour les dossiers de surendettement déclarés recevables depuis avril 2011 126 ( * ) .
II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Le présent article a été adopté par l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue député Dominique Potier, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques.
Il vise tout d'abord, dans son 1° et son 2°, à rétablir, à l'article L. 731-1 et dans l'intitulé du chapitre 1 er du titre III du livre VII du code de la consommation dans sa rédaction issue de l'ordonnance précitée, la notion de « montant des remboursements » en lieu et place de celle de « capacité de remboursement ». En effet, la notion de « capacité de remboursement », plus subjective, représenterait selon l'auteur de l'amendement une « source de confusion pour l'ensemble des acteurs de la lutte contre le surendettement ».
Par ailleurs, le 3° du présent article vise à modifier l'article L. 732-1 du même code dans sa rédaction issue de cette même ordonnance, afin de prévoir que la commission de surendettement ne s'efforce de concilier les parties en vue de la conclusion d'un plan conventionnel de redressement que si le débiteur est propriétaire d'un bien immobilier : ainsi, les débiteurs non propriétaires seraient directement orientés vers des mesures imposées par la commission (effacement des intérêts, rééchelonnement, voire effacement partiel de créances, etc.).
Par cohérence, le 5° du présent article abroge l'article L. 732-4, qui correspond à l'actuel II de l'article L. 331-6 du code de la consommation, et qui prévoit que « lorsque la situation du débiteur, sans qu'elle soit irrémédiablement compromise au sens du troisième alinéa de l'article L. 330-1, ne permet pas de prévoir le remboursement de la totalité de ses dettes et que la mission de conciliation de la commission paraît de ce fait manifestement vouée à l'échec, la commission peut » imposer ou recommander des mesures au juge. Ce II, qui a été inséré par l'article 68 de la loi de séparation et de régulation des activités bancaires du 26 juillet 2013, n'est en effet plus nécessaire dès lors que les dossiers de surendettement sans bien immobilier pourront être immédiatement orientés vers des mesures imposées ou même une procédure de rétablissement personnel.
En outre, le 4° du présent article prévoit de modifier l'article L. 732-3, afin de donner aux créanciers un délai pour refuser la proposition de plan conventionnel de redressement, à l'expiration duquel leur accord est réputé acquis , suivant le principe du silence valant acceptation. En effet, il apparaît que l'échec des missions de conciliation s'explique dans 60 % des cas par l'absence de réponse des créanciers.
Le 6° du présent article procède à une coordination au sein de l'article L. 733-1 du code de la consommation.
Enfin, le II du présent article prévoit que cet article entre en vigueur le 1 er janvier 2018 , à l'exception des dispositions rédactionnelles des 1° et 2° qui entrent en vigueur en même temps que le reste de la présente loi.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Le présent article prolonge des évolutions régulières de la procédure de surendettement des particuliers vers une simplification et un raccourcissement de la procédure au bénéfice des débiteurs : il permet à ces derniers, dès lors qu'ils ne présentent pas de bien immobilier, de ne pas faire l'objet de phase de conciliation. Il convient de préciser que seuls 14 % des dossiers de surendettement présentent des dettes immobilières au premier trimestre 2016 : plus de 85 % des débiteurs surendettés seront donc potentiellement concernés.
Ainsi, la phase de conciliation en vue de l'élaboration d'un plan conventionnel de redressement, qui était à l'origine la voie unique de la procédure de surendettement, deviendrait une exception , uniquement pratiquée lorsque le débiteur présente à la fois des ressources lui permettant d'éponger ses dettes et un bien immobilier.
Schéma de la procédure de surendettement
telle que modifiée par le présent article
Source : commission des finances du Sénat
Il est vrai que cette évolution simplifie et accélère le traitement de la situation du débiteur surendetté. D'après les informations recueillies par votre rapporteur, 55 % des missions de conciliation se soldent par un échec , soit en raison d'une absence de réponse des créanciers (60 % des cas, les petits créanciers comme les opérateurs téléphoniques ou énergétiques n'étant pas nécessairement très réactifs), soit en raison d'un refus (40 % des cas). Le Gouvernement chiffre d'ailleurs le gain budgétaire de cette évolution à 7 millions d'euros , en termes de moindre versement à la Banque de France pour sa mission de gestion du surendettement.
En outre, cette évolution n'implique pas une augmentation des effacements de créances : en effet, les mesures imposées ou recommandées par la commission de surendettement pour les débiteurs solvables comprennent des aménagements de dettes (rééchelonnements ou effacements d'intérêts), sans effacement de capital. En outre, les créanciers ont, en tout état de cause, la possibilité d'exercer des recours contre les mesures prises par la commission de surendettement.
Toutefois, la suppression de la phase de conciliation pour les débiteurs surendettés sans bien immobilier fait de la phase de conciliation et du plan conventionnel de redressement une voie d'exception : dans la majorité des cas et bien qu'un remboursement total des créances fût possible, les créanciers ne seront pas mis en mesure de se mettre d'accord avec le débiteur sur un plan de redressement .
Cette atteinte aux procédures qui doivent présider au règlement des litiges en matière de droit à la propriété est d'autant plus problématique qu'elle s'accompagne d'une évolution parallèle, prévue par l'article 18 sexies du projet de loi pour une justice du XXI e siècle , actuellement en cours d'examen au Parlement. En effet, au terme de cet article, les mesures imposées par la commission de surendettement n'auront plus besoin d'être homologuées par le juge - quand bien même elles peuvent comporter un effacement de créances. Ainsi, la combinaison du présent article et de cet article 18 sexies a pour effet de prévoir que des débiteurs solvables, dès lors qu'ils ne sont pas propriétaires immobiliers, pourront voir leurs créances aménagées sans que l'avis des créanciers ait été sollicité ni que le juge se soit prononcé .
En outre, cette évolution semble poser un problème d'égalité de traitement entre les débiteurs en fonction de leur situation immobilière, sans que cette différence repose directement sur leur capacité à rembourser.
Enfin, ces dispositions interviennent alors que d'autres réformes de la procédure de surendettement sont en cours et n'ont pas encore produit leurs effets . Outre la suppression de l'homologation par le juge précitée, il convient de souligner que la réduction de 8 ans à 7 ans de la durée maximale des mesures de surendettement, prévue par la loi précitée relative à la consommation de 2014, n'entre en vigueur qu'au 1 er juillet 2016. Or, les effets précis de cette évolution, qui aura pour conséquence de réduire les cas où le débiteur peut rembourser toutes ses dettes et donc, d'orienter vers des mesures imposées ou recommandées et vers des procédures de rétablissement personnel davantage de débiteurs, ne sont pas encore connus.
En conséquence, votre commission vous propose d'adopter un amendement n °COM-250 qui revient sur la suppression de la phase de conciliation pour les débiteurs non propriétaires . En revanche, cet amendement conserve deux évolutions prévues par le présent article :
- la correction rédactionnelle de 1° et 2° du présent article ;
- l'introduction d'un délai au sein de la phase de conciliation au terme duquel, en l'absence de réponse, l'accord des créanciers est réputé acquis. Cette évolution permet en effet de simplifier et d'accélérer les procédures en évitant qu'elles ne soient inutilement bloquées ou retardées par des créanciers peu réactifs.
Source : commission des finances du Sénat
Décision de la commission : votre commission émet un avis favorable à l'adoption de cet article ainsi modifié.
ARTICLE 26 - Habilitation pour la transposition de la directive sur la comparabilité des frais liés aux comptes de paiement, le changement de compte de paiement et l'accès à un compte de paiement assorti de prestations de base
. Commentaire : le présent article habilite le Gouvernement à transposer par ordonnance la directive sur la comparabilité des frais liés aux comptes de paiement, le changement de compte de paiement et l'accès à un compte de paiement assorti de prestations de base.
I. LE DROIT EXISTANT
La directive 2014/92/UE du 23 juillet 2014 du Parlement européen et du Conseil sur la comparabilité des frais liés aux comptes de paiement, le changement de compte de paiement et l'accès à un compte de paiement assorti de prestation de base (dite « PAD ») institue un encadrement harmonisé au niveau européen en matière d'accès et d'utilisation de comptes de paiement par les consommateurs . Elle couvre trois domaines complémentaires :
- la transparence et la comparabilité des frais bancaires payés par les consommateurs pour leurs comptes de paiement dans l'Union européenne ;
- les services de changement de compte de paiement fournis par les prestataires aux consommateurs ;
- le droit des consommateurs résidant légalement dans l'Union européenne d'ouvrir et d'utiliser un compte de paiement assorti de prestations de base dans l'Union européenne , quels que soient leur nationalité et leur État membre de résidence.
La directive « PAD » vise principalement à harmoniser les règles entre États membres , dans un domaine jusqu'ici peu couvert par le droit de l'Union européenne. Le dispositif européen était principalement constitué de la directive de 2007 sur les services de paiement 127 ( * ) et d'une recommandation de la Commission européenne de 2011 sur l'accès abordable à des comptes bancaires de base pour tous 128 ( * ) . La directive de 2007 a défini des exigences de base en matière de transparence des frais facturés par les prestataires de services de paiement pour les services proposés dans le cadre de comptes de paiement. Cependant, tant son champ limité à la transparence des frais bancaires, ne permettant pas la comparaison des différentes offres, que les marges de manoeuvre laissées aux États membres dans l'application des mesures préconisées, ont entrainé une hétérogénéité entre États membres.
La directive « PAD » va plus loin et son article 29 fixe au 18 septembre 2016 le délai limite de transposition par les États membres , à l'exception de certaines mesures nécessitant l'entrée en vigueur d'actes délégués.
A. LA TRANSPARENCE DES FRAIS BANCAIRES
Afin de garantir les conditions de développement du marché intérieur, l'Union européenne a pris des mesures dans le secteur des services financiers de détail ayant déjà contribué à développer l'activité transfrontière des prestataires de services de paiement, à améliorer les possibilités de choix des consommateurs et à accroitre la qualité et la transparence des offres.
En particulier, la directive 2007/64/CE du Parlement européen et du Conseil a défini des exigences de base en matière de transparence des frais facturés par les prestataires de services de paiement pour les services proposés dans le cadre de comptes de paiement. Cette initiative a instauré des règles uniformes en matière de prestation de services de paiement et d'informations à fournir . Les règles introduites par cette directive concernent la transparence des frais bancaires, mais ne permettent pas au consommateur de comparer les différentes offres bancaires .
La directive « PAD » renforce le dispositif applicable en matière de transparence des frais bancaires , afin d'harmoniser les pratiques entre États membres. Elle prévoit l'établissement par chacun des États d'une liste des services les plus représentatifs associés à un compte de paiement (article 3), pour lesquels chaque établissement de paiement doit fournir, dans un document clair et compréhensible, des informations tarifaires précises (article 4). Les établissements de paiement doivent chaque année transmettre à leurs clients, à titre gratuit, un relevé des frais encourus (article 5). Un site internet comparateur indépendant , présentant les frais associés aux services représentatifs fournis par les différents établissements de paiement, doit être accessible pour les consommateurs dans chaque État membre (article 7). En outre, l'Agence bancaire européenne doit élaborer des projets de normes techniques, afin de déterminer une terminologie unifiée pour les services représentatifs dans l'ensemble des États membres, afin de les soumettre à la Commission pour être adoptés sous forme d'actes délégués.
B. LE CHANGEMENT DE COMPTE
Des mesures d'autorégulation en matière de mobilité bancaire ont été adoptées en 2008 dans le cadre de la Fédération bancaire européenne (EBIC, European banking industry committee) 129 ( * ) . En particulier, il était prévu qu'une information claire sur la procédure de mobilité bancaire devait être fournie au consommateur, que les responsabilités de l'établissement de départ et d'arrivée devaient être précisées et encadrées par des délais, et que les éventuels frais devaient être mentionnés en amont. Toutefois, ces mesures n'ont été que diversement mises en oeuvre dans les États membres .
Les articles 9 à 14 de la directive « PAD » visent à résoudre ces difficultés en allégeant les formalités à la charge du consommateur, en définissant des obligations précises pour les établissements d'arrivée et de départ et en encadrant les délais et les coûts de la procédure . La directive permet notamment aux consommateurs de procéder à un transfert du compte avec toutes les opérations qui lui sont associées au sein du même pays. Pour les mobilités bancaires vers l'étranger, la directive prévoit que les banques doivent accompagner le consommateur dans cette démarche, notamment pour le transfert des fonds et la clôture effective de l'ancien compte.
C. LE DROIT AU COMPTE AU SEIN DE L'UNION EUROPÉENNE
La directive « PAD » introduit un droit à l'ouverture d'un compte de paiement à fonctionnalités de base pour tous les consommateurs européens, sans considération de nationalité ou de situation financière . Les mesures concernent deux sujets complémentaires :
- d'une part, le droit à l'ouverture d'un compte de paiement de base pour tous au sein de son pays de nationalité ;
- d'autre part, l'extension de ce droit au sein de tous les États membres de l'Union européenne , sans condition de résidence. Toutefois, un État peut réserver ce droit au résident européen démontrant un « intérêt effectif ».
L'objectif du dispositif est de permettre à tout consommateur résidant légalement sur le territoire de l'Union européenne d'ouvrir et d'utiliser un compte de paiement afin de disposer de services de base dans n'importe quel pays de l'Union européenne .
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
Le présent article habilite le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi :
- nécessaires à la transposition de la directive 2014/92/UE ;
- permettant de rendre applicables ces dispositions en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna, ainsi qu'à Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon.
Un délai de quatre mois est prévu pour la publication de l'ordonnance . Un projet de ratification doit ensuite être déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l'ordonnance.
III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
À l'initiative de notre collègue Romain Colas, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances de l'Assemblée nationale, deux amendements rédactionnels ont été adoptés par l'Assemblée nationale.
À son initiative également, un amendement modifiant l'article L. 221-6 du code monétaire et financier a été introduit. En vertu de l'article L. 221-16 du code monétaire et financier, un seul livret d'épargne populaire (LEP) peut être ouvert par contribuable répondant à des critères de revenus 130 ( * ) , le conjoint dudit contribuable appartenant au même foyer fiscal pouvant cependant en ouvrir un. La mesure adoptée par l'Assemblée nationale vise à ouvrir également le bénéfice du LEP à chacun des partenaires d'un pacte civil de solidarité. La diminution des ressources qui en résulte pour l'État est compensée par la création d'une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. De même, la diminution des recettes entrainées pour les organismes de sécurité sociale sont compensées par la majoration de ces mêmes droits. Le Gouvernement n'a pas levé le gage.
À l'initiative du Gouvernement, un amendement introduit au présent article un I bis a été adopté . Le I bis habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance , dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure permettant d'encadrer les conditions dans lesquelles la souscription d'un contrat de crédit immobilier par un consommateur ainsi que le niveau de son taux d'intérêt peuvent être associés à l'ouverture d'un compte de dépôt et à la domiciliation de ses revenus . Un projet de ratification doit ensuite être déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l'ordonnance. Selon le Gouvernement, cette demande d'habilitation participe du renforcement de la mobilité bancaire dans la mesure où les clauses d'ouverture de compte et de domiciliation des revenus, associées à la souscription d'un contrat de crédit immobilier contribueraient à en limiter l'effectivité. Préalablement à l'adaptation du droit en vigueur, le Gouvernement entend s'appuyer sur le comité consultatif du secteur financier.
IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Le Gouvernement considère que la directive 2014/92/UE est pour partie d'ores et déjà transposée dans le droit français et que, pour certaines dispositions, les adaptations requises relèvent uniquement du domaine du règlement.
A. LA TRANSPARENCE DES FRAIS BANCAIRES
En matière de renforcement de la transparence des frais associés aux comptes de dépôt et de paiement, le code monétaire et financier comporte déjà, dans sa partie législative, des dispositions relatives à l'information et à la transparence tarifaires (articles L. 312-1-1 et L. 314-7 du CMF) permettant de satisfaire à l'essentiel des exigences de la directive.
- l'article L. 312-1-1 précise les obligations d'information qui incombent aux établissements de crédit sur les conditions générales et tarifaires qu'ils appliquent pour la gestion d'un compte de dépôt ;
- l'article L. 312-1-5 , introduit par l'article 66 de la loi du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires 131 ( * ) , oblige les banques, depuis le 1 er janvier 2016, à informer préalablement ses clients du prélèvement de certains frais bancaires , au moins quatorze jours avant de les prélever ;
- l'article L. 314-7 prévoit que les informations fournies par les établissements bancaires aux consommateurs sur les services de paiement sont gratuites . De plus, en vertu de cet article, les établissements bancaires doivent transmettre à leurs clients un relevé annuel détaillé des frais perçus au titre de la gestion de leur compte de dépôt. Les banques doivent de surcroit utiliser dans leurs brochures d'information tarifaire des dénominations communes pour une cinquantaine de frais et services, depuis le 1 er avril 2014 pour les brochures en ligne, et depuis le 1 er juillet 2014 pour les brochures papier.
Les mesures complémentaires relatives au document d'information tarifaire normalisé au niveau de l'Union européenne ne pourront être adoptées qu'une fois les termes et formats des informations tarifaires précisés par des actes délégués adoptés à l'issue du délai de transposition de la directive. Comme le relève l'étude d'impact, les adaptations devraient normalement relever de la partie réglementaire du code monétaire et financier.
Par ailleurs, les mesures introduites par la directive pour encadrer l'activité des sites comparateurs de frais bancaires avaient été anticipées par la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation 132 ( * ) . En particulier, l'article L. 111-5 du code de la consommation relatif aux sites comparateurs, introduit par la loi du 17 mars 2014, ainsi que la mise en place, effective depuis le 1 er février 2016, d'un comparateur public géré par le Comité consultatif du secteur financier et le Ministère de l'économie et des comptes publics 133 ( * ) , assurent la conformité de notre droit aux dispositions de la directive.
B. LA MOBILITÉ BANCAIRE
Les dispositions relatives à la mobilité bancaire ont été inscrites dans la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques 134 ( * ) .
Déjà, la loi du 17 mars 2014 avait introduit l'article L. 312-1-7 dans le CMF, posant le principe de la gratuité du service d'aide à la mobilité proposé par l'établissement d'arrivée , ainsi que de la gratuité de la clôture de tout compte de dépôt ou compte sur livret par l'établissement de départ. L'article définit également les droits et obligations des établissements de départ et d'arrivée ainsi que du consommateur.
Par la suite, l'article 43 de la loi du 6 août 2015 a modifié cet article L. 312-1-7 afin d'assurer la transposition effective des dispositions prévues par la directive « PAD », s'agissant notamment d es délais applicables aux différentes opérations . De plus, il a précisé les modalités de la mobilité bancaire et du transfert des prélèvements et virements récurrents du compte d'origine . Les mesures d'application prévues par cet article ont été prises par un décret en Conseil d'État publié le 29 janvier 2016 135 ( * ) .
Toutefois, l'article 43 de la loi du 6 août 2015 prévoit que ses dispositions n'entrent en vigueur que dix-huit mois après la promulgation de la loi, à savoir le 6 février 2017 . Par conséquent, la transposition des mesures prévues par la directive en matière de mobilité bancaire ne sera pas effective avant l'expiration du délai.
S'agissant de l'habilitation sollicitée pour encadrer les conditions dans lesquelles la souscription d'un contrat de crédit immobilier par un consommateur peut être associée à l'ouverture d'un compte de dépôt et à la domiciliation de ses revenus, votre rapporteur rappelle que les clauses abusives et offres groupées sont déjà encadrées par l'article L. 312-1-2 du code monétaire et financier , qui prévoit deux types d'interdictions :
- d'une part, pour la vente ou l'offre de vente de produits ou de prestations de services groupés, sauf lorsque leur achat séparé reste possible ou lorsqu'ils sont indissociables ;
- d'autre part, pour la vente ou l'offre de produits ou de prestations de services ouvrant le droit à une prime financière ou en nature, dont la valeur serait supérieur à un certain seuil.
Article L. 312-1-2 code monétaire et financier I.-1. Est interdite la vente ou offre de vente de produits ou de prestations de services groupés sauf lorsque les produits ou prestations de services inclus dans l'offre groupée peuvent être achetés individuellement ou lorsqu'ils sont indissociables. 2. Est interdite toute vente ou offre de vente de produits ou de prestations de services faite au client et donnant droit à titre gratuit, immédiatement ou à terme, à une prime financière ou en nature de produits, biens ou services dont la valeur serait supérieure à un seuil fixé, en fonction du type de produit ou de service offert à la clientèle, par un règlement pris par arrêté du ministre chargé de l'économie, pris après avis du comité consultatif institué à l'article L. 614-1. Ces dispositions s'appliquent également aux services de paiement mentionnés au II de l'article L. 314-1. |
Dans ces conditions, votre rapporteur considère que soumettre la souscription d'un contrat de crédit immobilier à l'ouverture d'un compte de dépôt et à la domiciliation des revenus rend plus difficile la mobilité bancaire. Encadrer les conditions dans lesquelles la souscription d'un contrat de crédit immobilier par un consommateur ainsi que le niveau de son taux d'intérêt peuvent être associés à l'ouverture d'un compte de dépôt et à la domiciliation de ses revenus s'inscrit donc dans l'objectif de renforcer la mobilité bancaire. Votre rapporteur souligne toutefois la nécessité de conduire une consultation préalable au sein du comité consultatif du secteur financier.
C. L'ACCÈS À UN COMPTE DE PAIEMENT ASSORTI DE PRESTATIONS DE BASE
De fait, le Gouvernement estime que les besoins de transposition se concentrent sur les dispositions de la directive relatives à l'accès non discriminatoire à un compte de paiement offrant des services bancaires de base à un coût raisonnable, garanti à tout consommateur résidant légalement sur le territoire de l'Union européenne . L'article L. 312-1 du CMF, introduit par la loi du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit 136 ( * ) , consacre déjà un droit au compte avec un accès aux services bancaires de base, mais il est réservé aux résidents sur le territoire national et aux ressortissants français en dehors du territoire national.
De fait, la transposition des dispositions introduites par la directive nécessite deux aménagements de notre législation :
- d'une part, il s'agit d'étendre le droit au compte à tout résident sur le territoire européen . À la différence du droit au compte tel qu'existant dans notre droit national, qui s'applique aux personnes physiques comme aux personnes morales, le dispositif introduit par la directive ne concerne que les personnes physiques. Le Gouvernement entend appliquer la réserve, autorisée par la directive, que ledit résident démontre un « intérêt effectif » à l'ouverture du compte bancaire ;
- d'autre part, il s'agit de transposer l'article 19 de la directive , qui prévoit que l'établissement de crédit ne peut résilier unilatéralement une convention donnant un droit à un compte assorti des prestations de base que lorsque certaines conditions sont remplies , par exemple lorsque le consommateur a délibérément utilisé son compte à des fins illégales, ou qu'il n'a réalisé aucune opération pendant plus de vingt-quatre mois, ou encore qu'il ne réside plus légalement dans l'Union européenne. Dans sa rédaction actuelle, l'article L. 312-1 ne prévoit pas de motifs spécifiques qui devraient être respectés par l'établissement bancaire pour pouvoir procéder à une résiliation unilatérale .
Votre rapporteur considère que l'interprétation du Gouvernement pour le besoin de mesures de transpositions apparait cohérent tant avec les objectifs de la directive « PAD » qu'avec les mesures déjà prises précédemment. Il relève que l'intervention d'une règle européenne en ce domaine entend principalement harmoniser à un haut niveau les règles en vigueur entre États membres.
Afin d'éviter tout risque d'utilisation à des fins de fraude ou de blanchiment que pourrait entrainer l'extension du droit au compte à tout résident sur le territoire européen, votre rapporteur juge opportun d'appliquer la réserve , permise par la directive, de conditionner ce droit à l'existence d'un « intérêt effectif » du résident à l'ouverture du compte de paiement.
Toutefois, votre rapporteur s'étonne que le Gouvernement sollicite une habilitation alors même que la directive a été votée il y a deux ans et que seul un faible nombre de dispositions restent à transposer . Sollicités par votre rapporteur, les services de la direction générale du Trésor ont toutefois justifié cette demande d'habilitation par la nécessité de prolonger les consultations en amont auprès de la Banque de France et des professionnels afin de ne pas modifier l'équilibre du dispositif existant en matière de droit au compte. Le droit au compte français ayant en grande partie influencé les dispositions contenues dans la directive « PAD », votre rapporteur comprend que le Gouvernement entende procéder à des adaptations à la marge , en prenant en considération les besoins des acteurs institutionnels et professionnels.
D. L'EXTENSION DU BÉNÉFICE DU LIVRET D'ÉPARGNE POPULAIRE À CHACUN DES PARTENAIRES D'UN PACTE CIVIL DE SOLIDARITÉ
Votre rapporteur considère que la modification apportée par l'Assemblée nationale visant à aligner les conditions d'ouverture d'un livret d'épargne populaire pour les partenaires d'un pacte civil de solidarité (PACS) sur le droit en vigueur pour les conjoints mariés s'inscrit dans la continuité des adaptations législatives rendues nécessaires par l'introduction du PACS .
Décision de la commission : votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article sans modification.
ARTICLE 26 bis (nouveau) (Art. L. 561-22 du code monétaire et financier) - Régime d'irresponsabilité des établissements de crédit en cas de signalement par Tracfin
. Commentaire : le présent article vise à introduire un régime d'irresponsabilité au bénéfice des établissements de crédit en cas de signalement par Tracfin.
I. LE DROIT EXISTANT
Mise en place en 1990 et initialement rattachée à la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI), la cellule de renseignement financier (CRF) nationale Tracfin , prévue à l'article L. 561-23 du code monétaire et financier, est devenue en 2006 un service à compétence nationale relevant directement du ministre de l'économie et des finances.
Depuis 2007, Tracfin fait également partie des services spécialisés de renseignement 137 ( * ) formant le premier cercle de la communauté du renseignement.
Aux termes des articles L. 561-23 et R. 561-33 du code monétaire et financier, ce service est principalement chargé de recueillir, traiter et diffuser le renseignement relatif aux faits susceptibles de relever du blanchiment du produit d'une infraction punie d'une peine privative de liberté supérieure à un an ou du financement du terrorisme.
À cette fin, Tracfin est notamment destinataire des déclarations de soupçon 138 ( * ) transmises par les professionnels assujettis aux obligations de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme en application de l'article L. 561-2 du code monétaire et financier.
L'article 32 de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale, a toutefois permis à Tracfin de signaler aux personnes soumises au dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme les situations générales et individuelles présentant des risques élevés .
Cet aménagement permet à Tracfin d'attirer l'attention des professionnels déclarants sur certains risques identifiés , dans un cadre juridique protecteur de la confidentialité des informations transmises.
II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Le présent article, introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement, complète l'article L. 561-22 du code monétaire par un VI afin de prévoir, en cas de signalement, que l'établissement bancaire soit exonéré de sa responsabilité civile et professionnelle, ainsi que de sa responsabilité pénale, pour un certain nombre d'infractions en lien avec le fonctionnement du compte :
- financement d'une entreprise terroriste ;
- direction d'un groupement ayant pour objet le trafic de stupéfiants ;
- production ou fabrication de stupéfiants ;
- importation ou exportation de stupéfiants ;
- transport, détention, offre, cession, acquisition ou emploi de stupéfiants ;
- blanchiment de fonds provenant du trafic de stupéfiants ;
- cession ou offre illicites de stupéfiants à une personne en vue de sa consommation personnelle ;
- recel ;
- blanchiment.
Aux termes du troisième alinéa du présent article, le bénéfice du régime d'irresponsabilité est toutefois subordonné à l'absence de concertation frauduleuse avec le propriétaire des sommes ou l'auteur de l'opération et à la mise en oeuvre de bonne foi des obligations de vigilance et de déclaration.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Votre rapporteur se félicite de l'introduction du présent article, qui reprend en grande partie un aménagement proposé par votre commission lors de l'examen du projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale.
En effet, le dispositif actuel ne tient pas compte de la possibilité que la désignation, par Tracfin, de personnes qui présentent un risque élevé de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme conduise à la fermeture de leurs comptes , ce qui pourrait les alerter de l'attention dont ils font l'objet de la part des services de renseignement et nuire aux objectifs de la lutte contre le terrorisme.
Aussi, le dispositif proposé au présent article permet opportunément de sécuriser les établissements de crédit en cas de signalement. Si le risque semble limité s'agissant d'infractions intentionnelles, il peut être noté qu'une partie de la doctrine s'interroge sur le fondement de la mise en examen de dirigeants de banques dans certaines affaires 139 ( * ) , ce qui pourrait expliquer les inquiétudes exprimées par les établissements. Des régimes d'irresponsabilité analogues sont d'ailleurs déjà prévus à l'article L. 561-22 du code monétaire et financier, par exemple en cas d'ouverture d'un compte sur désignation de la Banque de France.
Toutefois, le présent article ne va pas jusqu'à permettre à Tracfin d'interdire aux banques de fermer de leur propre initiative les comptes des personnes signalées, comme le proposait également votre commission. Ainsi, l'établissement de crédit restera libre de fermer de sa propre initiative le compte de la personne signalée. Or, la volonté pour la banque de fermer le compte de son client peut être motivée non seulement par la possibilité de voir sa responsabilité mise en jeu mais également par un risque de réputation, comme l'a par exemple mis en évidence l'affaire dite « BarrakaCity » 140 ( * ) . Aussi, votre rapporteur estime qu'en contrepartie du régime d'irresponsabilité dont ils bénéficient, les établissements auraient pu être contraints a minima de demander l'avis de Tracfin avant de fermer de leur propre initiative le compte d'une personne signalée.
Il peut également être regretté que l'aménagement proposé ne permette pas d'harmoniser ce nouveau régime avec les régimes d'irresponsabilité analogues prévus à l'article L. 561-22 du code monétaire et financier en cas :
- de réalisation d'une opération après envoi d'une déclaration de soupçon ou après exercice par Tracfin de son droit d'opposition ;
- d'ouverture d'un compte sur désignation de la Banque de France.
Enfin, le champ du régime d'irresponsabilité proposé au présent article manque de cohérence . S'agissant des délits liés aux stupéfiants et du délit de financement du terrorisme, la tentative est également incluse, lorsqu'elle est punissable, dans le périmètre du régime d'irresponsabilité, par référence à l'article 222-40 du code pénal et au troisième alinéa de l'article 421-5 du même code. À l'inverse, la tentative du délit de blanchiment, prévue à l'article L. 324-6 du code pénal, n'est pas incluse dans le champ du régime prévu au présent article.
En dépit de ces lacunes, le présent article constitue indéniablement un progrès par rapport au dispositif actuellement en vigueur et un point d'équilibre satisfaisant tant pour les banques que pour Tracfin.
Décision de la commission : votre commission émet un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification.
ARTICLE 27 - Habilitation à transposer la directive (UE) 2015/2366 du 25 novembre 2015 concernant les services de paiement dans le marché intérieur
. Commentaire : le présent article vise à habiliter le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance les dispositions législatives nécessaires à la transposition de la directive 2015/2366/UE du 25 novembre 2015 concernant les services de paiement dans le marché intérieur, dite directive DSP 2.
I. LE DROIT EXISTANT
A. LA « DSP 1 » : LA CRÉATION D'UN VÉRITABLE MARCHÉ INTÉRIEUR DES SERVICES DE PAIEMENT
La directive 2007/64/CE du 13 novembre 2007 sur les services de paiement 141 ( * ) , dite directive DSP 1, a marqué la première grande étape de l'unification du marché intérieur en matière de services de paiement , qui étaient auparavant fragmentés en autant de marchés et de cadre juridiques que l'Union européenne compte d'États membres.
Transposée en France par l'ordonnance du 15 juillet 2009 142 ( * ) et codifiée notamment au titre II du livre V du code monétaire et financier relatif aux prestataires de services de paiement, la DSP 1 a permis des avancées très importantes : unification du droit applicable, mise en place des conditions de concurrence équitable, facilitation de l'offre de services transfrontaliers, protection des consommateurs, transparence, sécurité, etc.
Les « prestataires de services de paiement » (PSP) se répartissent en trois catégories principales :
- les établissements de paiement , qui fournissent exclusivement des services de paiement (c'est-à-dire les opérations telles que les virements, prélèvements, versements, retraits etc.) ;
- les établissements de monnaie électronique , qui émettent et gèrent de la monnaie électronique et fournissent des services de paiement ;
- les établissements de crédit , soit les banques traditionnelles, qui peuvent ou outre effectuer des opérations de banque.
La DSP 1 prévoit que, pour exercer leur activité, les prestataires de services de paiement doivent obtenir un agrément du régulateur, en France l'autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) , qui vérifie que l'entreprise présente les garanties nécessaires. Les prestataires de services de paiement sont soumis à des règles précises et contraignantes : règles prudentielles et comptables, obligations de vigilance en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, obligations en matière d'identification, de remboursement etc.
La DSP 1 s'inscrit dans le cadre plus large de l'unification du marché intérieur en matière de services financiers, au côté notamment de l'espace unique de paiement en euros, dit système « SEPA » ( Single Euro Payments Area ) 143 ( * ) .
B. LA « DSP 2 » : ACCOMPAGNER LA MUTATION NUMÉRIQUE DES SERVICES DE PAIEMENT
Si la DSP 1 a permis une intégration croissante du marché intérieur des services de paiement, une nouvelle étape a été jugée nécessaire par le législateur européen , pour plusieurs raisons. Il s'agit, d'abord, de préciser et d'adapter certaines dispositions, notamment en matière de sécurité, de protection des consommateurs, de normalisation, d'interopérabilité. Il s'agit ensuite de faciliter davantage la prestation de services transfrontaliers. Il s'agit enfin, et surtout, de prendre en compte les nouveaux acteurs et les nouveaux services de paiement, apparus dans le contexte de la transition numérique , notamment les paiements électroniques par mobile.
La directive 2015/2366/UE du 25 novembre 2015 concernant les services de paiement dans le marché intérieur 144 ( * ) , dite directive DSP 2 , vise donc à faire évoluer le cadre existant. Les changements les plus substantiels sont les suivants :
1. la création de deux nouveaux services de paiement et la mise à jour des exemptions , dont la formulation ambiguë donnait parfois lieu à des interprétations divergentes entre États membres, comme par exemple pour la « facturation opérateur » (cf. infra ). Les deux nouveaux services sont :
- les services d'initiation de paiement , consistant à initier un ordre de paiement à la demande d'un utilisateur à partir d'un compte de paiement détenu auprès d'un autre PSP (par exemple une banque). C'est par exemple le cas de Stripe , une start up aujourd'hui valorisée près de 5 milliards de dollars, qui propose une vaste gamme de services de paiement intégrés sur les sites des e-commerçants ;
- les services d'information sur les comptes , constituant à fournir des informations consolidées sur un ou plusieurs comptes détenus par un utilisateur, y compris auprès de PSP différents. C'est par exemple le cas des applications Bankin' ou Linxo , des agrégateurs de comptes multi-banques, qui proposent en outre des statistiques, des alertes, des outils de gestion du budget etc., et auraient chacun d'ores et déjà près d'un million de clients.
Les prestataires offrant ces nouveaux services de paiement seraient soumis à des obligations allégées par rapport aux autres PSP , dans la mesure où ils n'encourent pas les risques liés à la détention de fonds pour le compte des utilisateurs. Cela justifie notamment des règles prudentielles moins exigeantes. Ils seraient néanmoins tenus de souscrire une assurance de responsabilité civile professionnelle au titre des services proposés. Afin de garantir la concurrence dans le secteur, l'article 36 de la DSP 2 créé aussi un droit d'accès « objectif, non discriminatoire et proportionné » aux comptes tenus par un autre PSP .
2. l'adaptation du régime applicable aux établissements de paiement : renforcement des conditions d'agrément (qui pourraient inclure une description des procédures de sécurité, d'accès aux données, de continuité de l'activité etc.) ; information du régulateur avant tout opération d'acquisition ou de cession significative (seuils de 20 %, 30 % et 50 % du capital ou des droits de vote) ; généralisation de l'obligation de protéger les fonds des utilisateurs par un cantonnement ou une couverture etc. ;
3. la procédure de « passeport » pour les activités transfrontalières et le renforcement des prérogatives de l'État membre d'accueil . En vertu du droit d'établissement ou de la liberté de prestation de services, un PSP peut offrir des services de paiement dans un État membre autre que son État d'origine, ce dernier restant compétent pour accorder son agrément. Dans ce cas, la DSP 2 prévoit un échange d'informations entre les deux États , encadré par des délais précis, où l'État membre d'origine doit tenir compte de toute information pertinente communiquée par l'État membre d'accueil, notamment de préoccupations en matière de blanchiment ou de financement du terrorisme. Une coopération entre les deux États membres est également prévue en matière de contrôles et de surveillance , l'État membre d'accueil pouvant en outre demander aux PSP un rapport périodique sur les activités exercées sur son territoire, et la désignation d'un point de contact central. Enfin, l'autorité bancaire européenne (ABE) est chargée de la mise en place d'un registre européen des établissements de paiement , alimenté par les autorités nationales, dont la consultation est ouverte et gratuite ;
4. la sécurité et la protection des consommateurs : obligation pour les États membres et les PSP de mettre en place des procédures de réclamation, règles spécifiques pour les paiements dont le montant n'est pas connu à l'avance, authentification « forte » du client lors d'un accès en ligne à son compte ou d'un ordre de paiement électronique etc.
L'article 115 de la directive prévoit que « les États membres adoptent et publient avant le 13 janvier 2018 les dispositions nécessaires » à sa transposition, et qu'« ils appliquent ces dispositions à compter du 13 janvier 2018 ».
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
Le présent article vise à habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnance, dans un délai de dix-huit mois à compter de la publication de la loi, les dispositions législatives nécessaires à la transposition de la directive 2015/2366/UE du 25 novembre 2015 concernant les services de paiement dans le marché intérieur.
L'habilitation permettrait également au Gouvernement de rendre ces mesures applicables, le cas échéant avec les adaptations nécessaires, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Conformément à l'article 38 de la Constitution, un projet de loi de ratification devra être déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l'ordonnance.
*
L'Assemblée nationale a adopté trois amendements rédactionnels à cet article.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Près de dix ans après l'entrée en vigueur de la première directive sur les services de paiement, la nécessité d'adapter le cadre juridique existant, notamment pour tenir compte des nouveaux services numériques, fait l'objet d'un consensus entre tous les États membres.
Compte tenu du caractère extrêmement technique de la plupart des dispositions concernées, votre rapporteur estime qu'une transposition par ordonnance est pleinement justifiée . À titre indicatif, on rappellera que la DSP 2 représente 92 pages au journal officiel de l'Union européenne (JOUE), contre seulement 36 pages pour la DSP 1.
Une transposition par ordonnance apparaît d'autant plus justifiée que la marge de manoeuvre du législateur national est relativement limitée , puisque la DSP 2 prévoit une « harmonisation totale ». L'article 107 dispose que « dans la mesure où la présente directive contient des dispositions harmonisées, les États membres ne peuvent maintenir en vigueur ni introduire des dispositions différentes de celles contenues dans la présente directive ».
Le délai de dix-huit mois prévu par le présent article , bienvenu en raison de la technicité de la matière, est cohérent avec la date d'entrée en application des dispositions de la DSP 2, le 13 janvier 2018 . Les mesures qui seraient éventuellement transposées avant cette date n'aurait en tout état de cause pas d'effet juridique.
Cette règle n'est toutefois pas absolue. Par exemple, l'article 41 du projet de loi pour une République numérique, actuellement en discussion, vise à transposer l'une des exclusions visées à l'article 3 de la DSP 2, à savoir les paiements par « facturation opérateur » , c'est-à-dire les paiements par SMS ou par appel vocal directement imputés sur la facture téléphonique de l'utilisateur. Ces services pourraient être proposés par les opérateurs de communications électroniques, sans que ces derniers aient le statut de « prestataires de services de paiement », pourvu que les paiements et dons demeurent dans la limite de 50 euros par opération et de 300 euros par mois et par utilisateur. Dans la mesure, d'une part, où ces opérations ne relèvent pas à proprement parler des dispositions de la directive mais précisément de ses exceptions , et d'autre part, où elles sont d'ores et déjà pratiquées par une quinzaine d'États membres, il n'apparaît ni nécessaire ni opportun d'attendre le 13 janvier 2018 pour les autoriser : si la DSP 2 n'a pas vocation à leur être applicable une fois en vigueur, elle ne leur est a fortiori pas applicable avant cette date 145 ( * ) . Ceci a conduit notre collègue Philippe Dallier, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, à proposer un amendement prévoyant l'entrée en vigueur immédiate de cette exclusion, afin notamment de permettre aux campagnes de dons par SMS au profit des associations caritatives de débuter rapidement. Cet amendement a été adopté avec l'avis favorable du Gouvernement et de la commission des lois.
Sur le fond, les innovations de la DSP 2 pourraient amener à des changements importants au sein du marché des services de paiement . Les agrégateurs de comptes et autres applications mobiles qui proposent à leurs clients des outils performants et ergonomiques de suivi et de gestion de leur budget, voire d'initiation des ordres de paiement, se voient reconnus comme des acteurs à part entière de ce marché. Ces nouveaux acteurs seront soumis à un cadre réglementaire spécifique et moins contraignant, et bénéficieront d'un droit d'accès aux données des banques . Des start up innovantes, ou des acteurs établis du numérique, forts de savoir-faire en matière d'analyse de données, pourraient acquérir une place significative au sein de ce marché, au côté - sinon à la place - des acteurs bancaires traditionnels . Dès lors se pose la question de l'équilibre pertinent entre :
- d'une part, des règles suffisamment souples pour ces nouveaux acteurs, afin d'encourager l'innovation et la concurrence , étant entendu que ces acteurs ne détiennent pas directement les fonds de leurs clients et n'encourent donc pas les mêmes risques prudentiels. Par exemple, la DSP 2 prévoit que les nouveaux acteurs doivent avoir un accès « objectif, non discriminatoire et proportionné » aux informations liés aux comptes ouverts auprès des banques (cf. supra ), de sorte qu'ils « [soient] en mesure de fournir [leurs] services de manière efficace et sans se heurter à des obstacles 146 ( * ) » : cela pourrait impliquer que les agrégateurs de comptes et les services d'initiation de paiement puissent, comme aujourd'hui, accéder aux mêmes données que les clients eux-mêmes, en temps réel, avec les mêmes identifiants de sécurité (avec l'accord du client) mais sans « authentification forte » qui demanderait une autorisation explicite du client à chaque actualisation des informations ;
- d'autre part, des règles suffisamment exigeantes pour maintenir une concurrence loyale entre tous les prestataires de services de paiement, et assurer la sécurité des transactions, la protection des consommateurs, la fiabilité des données, la stabilité du système financier etc. Plusieurs points devront donc être tranchés ; par exemple, faut-il que l'accès aux données des banques donne obligatoirement lieu à un contrat avec les nouveaux services de paiement (alors qu'aujourd'hui il s'agit d'un accès de facto ) ? Quel est le partage des responsabilités entre les intervenants lors d'une opération ? Etc.
Le juste équilibre entre ces deux exigences ne pourra être déterminé qu'avec la pratique. C'est tout le sens la clause de réexamen prévue par l'article 108 de la DSP 2 , en vertu de laquelle la Commission européenne soumet, au plus tard le 13 janvier 2021, un rapport sur l'application et l'impact de celle-ci, le cas échéant assorti de propositions législatives en vue d'une « DSP 3 ». Il est tout à fait possible, ceci dit, que des modifications soient nécessaires avant cette date, compte tenu de l'évolution rapide des nouvelles technologies financières, les « fintech 147 ( * ) ».
Par exemple, votre rapporteur avait, dans le cadre de l'examen du projet de renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme 148 ( * ) , proposé un amendement tendant à conférer explicitement le statut de prestataire de services de paiement aux plateformes d'échange de monnaies virtuelles de type bitcoin 149 ( * ) , dont l'utilisation à des fins de blanchiment est aujourd'hui bien documentée. Cette modification aurait pour conséquence d'assujettir ces acteurs à l'obligation de déclaration de soupçon à Tracfin.
Afin de donner toute sa portée à une telle obligation, il est toutefois nécessaire de donner une définition précise aux monnaies virtuelles , ce qui pourrait prochainement amener le législateur européen à se prononcer.
Décision de la commission : votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article sans modification.
ARTICLE 27 bis (nouveau) (Art. L. 511-7 du code de la consommation, art. L. 361-1 et L. 361-2 du code monétaire et financier) - Sanctions administratives en matière de commissions d'interchange pour les opérations de paiement liées à une carte
. Commentaire : le présent article prévoit de fixer les amendes administratives pour les manquements au règlement n° 2015/751 du 29 avril 2015 relatif aux commissions d'interchange pour les opérations de paiement liées à une carte.
I. LE DROIT EXISTANT
Les commissions d'interchange sont des frais convenus de manière multilatérale entre le prestataire de services de paiement du consommateur et celui du commerçant . Le plus souvent, ces commissions sont payées par la banque du détaillant à celle du consommateur, dans le cadre du système quadripartite de paiement par carte (consommateur - banque du consommateur - banque du détaillant - détaillant). Le détaillant paie à sa banque une commission qui couvre à la fois cette commission d'interchange et les frais de service et de mise à disposition du terminal ; la commission d'interchange représente souvent environ 70 % de la commission de service payée par le commerçant.
Ces commissions d'interchange présentaient deux principaux enjeux aux yeux de la Commission européenne. Tout d'abord, non harmonisées au niveau européen, elles représentaient une « entrave à l'intégration du marché des paiements de l'UE et à l'innovation au sein de celui-ci » 150 ( * ) . En outre, comme elle l'avait déjà montré à l'occasion d'un contentieux qui l'avait opposée à Mastercard en 2007, la Commission européenne estime, du point de vue de la protection des consommateurs et de la liberté d'entreprendre, que ces commissions « gonflent le coût de l'acceptation des cartes par les détaillants sans générer de gains d'efficacité prouvée » 151 ( * ) .
En conséquence, le législateur européen a adopté un règlement n° 2015/751 du 29 avril 2015 relatif aux commissions d'interchange pour les opérations de paiement liées à une carte , qui vise essentiellement à définir un plafond européen pour les commissions d'interchange . Deux plafonds ont ainsi été définis par le règlement européen :
- un plafond à 0,2 % pour les cartes de paiement (article 2) ;
- un plafond à 0,3 % pour les cartes de crédit (article 3).
Si, comme cela est généralement le cas est en France, les cartes sont à la fois de paiement et de crédit, le plafond applicable est celui des cartes de paiement, soit 0,2 %.
À cet égard, le règlement, d'application directe, laisse toutefois aux États membres une marge d'appréciation pour prévoir une application transitoire jusqu'en 2020 : le décret du 7 décembre 2015 a ainsi fixé à 0,23 % le plafond pour les commissions d'interchange jusqu'au 9 décembre 2016 152 ( * ) .
II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Le présent article a été adopté par l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue député Romain Colas, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances. Il vise essentiellement à prévoir, conformément à l'article 14 du règlement européen précité, le montant des sanctions administratives pour manquement aux dispositions du règlement et confier à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) la responsabilité de surveiller et de sanctionner ces manquements .
Ainsi, le II du présent article crée deux nouveaux articles au sein du code monétaire et financier au sein d'un nouveau titre VI du livre III consacré aux sanctions administratives en matière de prestation de paiement .
Tout d'abord, l'article L. 361-1 vise à prévoir le quantum des sanctions , soit :
- 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale, s'agissant des plafonds de commissions d'interchange, des tarifications différenciées pour les marques de paiement, de l'information sur les cartes acceptées par les détaillants et des informations de paiement délivrées par le détaillant.
- 75 000 euros pour une personne physique et 375 000 euros pour une personne morale s'agissant des manquements relatifs à la politique générale des opérateurs de paiement (interdiction des restrictions territoriales pour les licences autorisant l'émission de cartes de paiement, séparation des schémas de carte de paiement et des entités de paiement, cobadgeage, interdiction de terminaux exclusifs, interdiction des règles empêchant les détaillant d'orienter le consommateur librement vers son instrument de paiement préféré).
Ensuite, le nouvel article L. 361-2 du code monétaire et financier charge la DGCCRF de prononcer les amendes administratives ainsi fixées . Par coordination, le I du présent article insère les manquements au règlement européen précité à la liste de ceux sanctionnés par la DGCCRF fixée par l'article L. 511-7 du code de la consommation.
Enfin, le III du présent article modifie l'article L. 631-1 du code monétaire et financier qui fixe les modalités de coopération entre la Banque de France, l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, l'Autorité des marchés financiers et la DGCCRF. Il ajoute un alinéa prévoyant que la DGCCRF peut, selon les modalités prévues par une convention, recourir à la Banque de France et à l'ACPR pour mener les expertises nécessaires au contrôle du respect du règlement européen précité.
Par ailleurs, il convient de souligner que le présent article a également pour objet, au 1° du I, de procéder à la correction d'une erreur de recodification du code de la consommation : il insère ainsi à la liste des manquements sanctionnés par la DGCCRF l'article 9 du règlement (UE) n° 260/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 14 mars 2012 modifié, établissant des exigences techniques et commerciales pour les virements et les prélèvements en euros et modifiant le règlement (CE) n° 924/2009, s'agissant de l'accessibilité des paiements (virements transfrontaliers).
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Votre commission des finances se félicite de l'entrée en vigueur du règlement européen du 29 avril 2015, qui devrait progressivement permettre de réduire le coût et les contraintes d'accès des commerçants détaillants à certains terminaux de paiement.
Conformément au règlement européen, le présent article vise à charger la DGCCRF du contrôle et de la sanction pour non-respect de ces dispositions . Toutefois, compte tenu des informations dont peuvent disposer, dans le cadre de leurs activités de supervision, la Banque de France et l'ACPR, une coopération renforcée telle que proposée par le présent article semble utile.
Votre commission a adopté un amendement rédactionnel n° COM-251.
Décision de la commission : votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article ainsi modifié.
ARTICLE 28 (Art. L. 533-12-1 [nouveau] et L. 532-18 du code monétaire et financier) - Interdiction de la publicité par voie électronique pour les instruments financiers hautement spéculatifs et risqués
. Commentaire : le présent article vise à interdire aux prestataires de services d'investissement la publicité par voie électronique pour certains contrats financiers.
I. LE DROIT EXISTANT
Comme le rappelle l'étude d'impact, l'Autorité des marchés financiers (AMF) constate depuis « plusieurs années » une « forte hausse des plaintes d'épargnants ayant investi sur des plateformes internet » proposant des produits hautement spéculatifs et risqués 153 ( * ) .
Il s'agit principalement de trois types de produits :
- les contrats financiers pour différences (CFD) et les options binaires , qui permettent de parier à la hausse ou à la baisse sur l'évolution de tout type de sous-jacents (ex : actions, devise, matière première, obligations) ;
- les contrats de change à échéance indéterminée 154 ( * ) , qui permettent d'intervenir directement sur le marché des changes, communément appelé Forex, pour parier sur l'évolution des devises.
Des produits hautement risqués : l'exemple des CFD à effet de levier Un CFD constitue un instrument financier à terme par lequel un investisseur « acquiert le droit de percevoir l'écart entre le prix du sous-jacent à la date de conclusion du contrat et le prix à la date d'exercice » 155 ( * ) . À l'inverse, une option binaire génère, selon la réalisation d'une condition à sa date d'expiration 156 ( * ) , soit un gain prédéterminé (ex : 80 % de la mise), soit la perte totale de l'investissement. Le recours à un CFD implique généralement un fort effet de levier permettant d'amplifier les perspectives de gains et de pertes. En effet, l'investisseur n'est pas tenu, pour ouvrir une position, d'immobiliser la valeur totale du contrat. De ce fait, la perte peut être supérieure au montant de l'apport financier initial, appelé dépôt de marge . À titre d'exemple, plutôt que d'acheter 1 000 actions d'une société dont le cours est de 100 euros, ce qui immobiliserait 100 000 euros, un CFD avec un effet de levier de « 20 fois » permet d'obtenir la même exposition, pour un investissement initial de seulement 5 000 euros. Si le cours de l'action de la société augmente de 2 %, l'investisseur gagne 2 000 euros hors frais et commissions à la date d'exercice, soit un rendement brut de 40 %. En revanche, une baisse du cours de seulement 5 % lui fait perdre la totalité de sa mise initiale. Source : commission des finances du Sénat |
A. DES PRODUITS FINANCIERS COMPLEXES QUI RELÈVENT DE LA CATÉGORIE DES INSTRUMENTS FINANCIERS
L'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et l'AMF ont été amenés à prendre position sur la qualification juridique de certains des produits précités, afin de tracer la limite entre les instruments de change au comptant et les instruments dérivés.
Cette distinction est importante dans la mesure où seuls les instruments dérivés constituent des instruments financiers , qualification qui emporte l'application de dispositions protectrices pour l'épargnant, notamment en matière de démarchage et de conseil en investissement.
Dans leur position commune de 2011, l'AMF et l'ACPR ont ainsi indiqué que constituent des instruments financiers au sens de l'article L. 211-1 du code monétaire et financier non seulement les CFD mais également « les contrats de change à échéance indéterminée dès lors qu'ils prévoient ou donnent effectivement lieu à un report tacite des positions », qui doivent donc être distingués des opérations de change au comptant 157 ( * ) . La Commission européenne a depuis confirmé cette interprétation 158 ( * ) .
En conséquence, la réglementation de l'ensemble de ces contrats relève des services d'investissement, et non des opérations de banque.
B. UNE ÉVALUATION OBLIGATOIRE DE L'ADÉQUATION ET DU CARACTÈRE APPROPRIÉ DU PRODUIT FINANCIER PROPOSÉ OU DEMANDÉ PAR LE CLIENT
S'agissant des services d'investissement, l'article L. 533-13 du code monétaire et financier impose aux prestataires de services d'investissement (PSI) de vérifier l'adéquation et le caractère approprié du service ou du produit proposé ou demandé par le client afin de limiter l'exposition des clients non-professionnels aux instruments financiers inadaptés à leur profil .
S'agissant de ces produits complexes, quatre principaux services d'investissement sont susceptibles d'être offerts par les PSI 159 ( * ) :
- exécution d'ordres pour le compte de tiers ;
- réception et transmission d'ordres pour le compte de tiers ;
- conseil en investissement ;
- gestion de portefeuille pour le compte de tiers.
Dans ce cadre, le II de l'article L. 533-13 impose aux PSI de demander à « leurs clients, notamment leurs clients potentiels, des informations sur leurs connaissances et leur expérience en matière d'investissement, pour être en mesure de déterminer si le service ou le produit proposés aux clients ou demandés par ceux-ci leur conviennent. » Concrètement, pour remplir cette obligation de connaître son client, le PSI doit recourir à un questionnaire .
Lorsque le client ne communique par les informations demandées ou que le PSI estime que l'instrument financier n'est pas adapté à son profil, le PSI est tenu de mettre en garde son client préalablement à la fourniture du service.
Le régime applicable est toutefois plus strict lorsqu'il s'agit d'un service de conseil en investissement ou de gestion de portefeuille 160 ( * ) : en l'absence des informations requises, le PSI doit alors s'abstenir de leur recommander des instruments financiers ou de leur fournir le service de gestion de portefeuille.
À l'inverse, le régime plus souple prévu 161 ( * ) pour les instruments non complexes n'est pas applicable à ces catégories de produits 162 ( * ) .
C. UNE INTERDICTION DU DÉMARCHAGE POUR LES INSTRUMENTS FINANCIERS LES PLUS RISQUÉS
Au-delà de l'évaluation obligatoire de l'adéquation et du caractère approprié du produit financier, l'objectif de protection des épargnants a également conduit à limiter les instruments financiers pouvant faire l'objet de démarchage .
Aux termes de l'article L. 341-1 du code monétaire et financier, constitue un acte de démarchage « toute prise de contact non sollicitée, par quelque moyen que ce soit » en vue de la réalisation d'une opération sur un instrument financier ou de la fourniture d'un service d'investissement.
Les produits ne pouvant pas faire l'objet de démarchage sont définis à l'article L. 341-10 du même code. Il s'agit principalement des produits :
- dont le risque maximum n'est pas connu au moment de la souscription ou pour lesquels le risque de perte est supérieur au montant de l'apport financier initial ;
- des instruments financiers qui ne sont pas admis aux négociations sur les marchés réglementés ou sur les marchés étrangers reconnus 163 ( * ) .
En conséquence, les instruments financiers hautement spéculatifs et risqués précités ne peuvent, en principe, faire l'objet de démarchage , soit parce que le risque encouru est inconnu ou supérieur à l'apport initial (ex : CFD), soit parce qu'ils sont le plus souvent 164 ( * ) négociés de gré à gré (ex : options binaires).
Toutefois, la diffusion d'une simple information publicitaire ne relève pas du démarchage 165 ( * ) , en application du 11° de l'article L. 341-2 du code monétaire et financier.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
A. UNE INTERDICTION DE LA PUBLICITÉ PAR VOIE ÉLECTRONIQUE POUR CERTAINS CONTRATS FINANCIERS
Le I du présent article propose d'introduire un nouvel article L. 533-12-1 au sein du code monétaire et financier visant à interdire aux PSI d'adresser, « directement ou indirectement, par voie électronique, des communications à caractère promotionnel à des clients non-professionnels, notamment des clients potentiels, relatives à la fourniture de services d'investissement » portant sur certains contrats financiers.
Il s'agit des contrats qui ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé ou un système multilatéral de négociation et qui présentent l'une des caractéristiques suivantes :
- « le risque maximum n'est pas connu au moment de la souscription » ;
- « le risque de perte est supérieur au montant de l'apport financier initial » ;
- « le risque de perte rapporté aux avantages éventuels correspondants n'est pas raisonnablement compréhensible au regard de la nature particulière du contrat financier proposé ».
Les catégories de contrats entrant dans le périmètre de cette interdiction seraient déterminées par le règlement général de l'AMF.
B. UNE EXCEPTION POUR LES SITES INTERNET DES PRESTATAIRES DE SERVICES D'INVESTISSEMENT COMMERCIALISANT CES CONTRATS
Le dernier alinéa du I du présent article précise toutefois que cette interdiction n'est pas applicable aux informations « mises en ligne sur leur site internet par les prestataires de services d'investissement commercialisant » les contrats financiers précités.
C. L'ASSIMILATION DES PRESTATAIRES EUROPÉENS AGRÉÉS À DES PRESTATAIRES DE SERVICES D'INVESTISSEMENT
Le II du présent article introduit à l'article L. 533 12-1 une référence au deuxième alinéa de l'article L. 532-18 afin, pour son application, d'assimiler à des PSI les prestataires étrangers agréés situés dans l'Espace économique européen qui bénéficient d'un passeport européen pour fournir les services d'investissement en libre prestation de services.
III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
À l'initiative de notre collègue Romain Colas, rapporteur pour avis de la commission des finances, l'Assemblée nationale a adopté deux amendements de précision rédactionnelle.
IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
A. UNE ÉVOLUTION LÉGITIME POUR PROTÉGER LE GRAND PUBLIC DU RISQUE DE PERTE LIÉ À CES PRODUITS
1. Des produits trop risqués pour les investisseurs particuliers
Le dispositif proposé au présent article vise à protéger les investisseurs particuliers du risque de perte lié à des instruments financiers inadaptés à leur profil.
Depuis 2011, l'AMF a constaté un fort accroissement du nombre de plaintes liées à ces instruments financiers auprès de ses services, qui a été multiplié par vingt-cinq en cinq ans :
Évolution du nombre de plaintes relatives aux contrats de change à échéance indéterminée et aux options binaires reçues par l'AMF
(en nombre de plaintes)
Source : commission des finances du Sénat (d'après les données de l'AMF)
Ces plaintes sont directement liées au caractère hautement spéculatif et risqué de ces produits, qui ne sont pas adaptés aux investisseurs non professionnels , comme en témoignent les conclusions de l'étude menée en 2014 par l'AMF sur les résultats obtenus par les investisseurs particuliers sur le trading de CFD et de Forex en France 166 ( * ) .
Sur une période d'observation de quatre ans et pour un échantillon de 14 799 clients actifs, l'AMF a ainsi constaté que :
- 89 % des clients sont perdants ;
- le résultat moyen négatif est de 10 887 euros ;
- le résultat total négatif s'élève à 161 millions d'euros ;
- il n'existe aucun effet d'apprentissage : plus un client réalise de transactions, plus sa perte est élevée.
Ces résultats sont d'autant plus probants que l'étude porte uniquement sur des clients ayant investi par l'intermédiaire de prestataires régulés : les résultats ne sont donc pas biaisés par les acteurs exerçant frauduleusement sur ce marché.
En prenant en compte les pertes liées aux sites illégaux de trading en ligne et les escroqueries par faux ordres de virement, le Parquet de Paris estime que le montant total des pertes s'élève à 4,5 milliards d'euros en France 167 ( * ) .
2. Une démocratisation préoccupante liée à l'essor de la publicité sur internet
La nécessité de protéger le grand public de ce type d'investissement s'explique également par la démocratisation de l'accès à ces produits, directement liée à internet.
D'après un sondage réalisé en novembre 2015 par l'institut CSA pour le compte de l'AMF, parmi les Français 168 ( * ) :
- 6 % déclarent avoir investi sur les offres de trading sur internet pour « spéculer sur les marchés financiers » comme le Forex ou les options binaires ;
- 28 % ont déjà été « en contact ou démarchés » par des sociétés proposant ces placements ;
- 62 % ont déjà « entendu parler » de ces placements.
Comme le rappelle l'AMF, cette démocratisation s'explique essentiellement par l'existence d'une pression publicitaire forte sur internet, accompagnée de messages déséquilibrés n'offrant pas aux investisseurs particuliers une compréhension suffisante du risque associé à ces produits 169 ( * ) .
Le développement de ce phénomène est également favorisé par le contexte actuel de taux bas , qui peut inciter certains ménages à investir sur des placements alternatifs promettant des rendements supérieurs aux principaux produits d'épargne.
Exemples de publicités en ligne
déséquilibrées
Source : commission des finances du Sénat (d'après la présentation de l'AMF)
3. Un aménagement utile pour protéger le grand public
Dans ce contexte, votre rapporteur soutient pleinement l'aménagement proposé au présent article, qui vise à interdire aux PSI la publicité par voie électronique pour les produits dont le risque de perte :
- est supérieur à l'investissement initial ;
- n'est pas connu au moment de la souscription ;
- n'est pas raisonnablement compréhensible, une fois rapporté aux avantages éventuels correspondants.
Les deux premières caractéristiques reprennent les catégories de produits pour lesquelles le démarchage est interdit, en application de l'article L. 341-10 du code monétaire et financier.
La troisième caractéristique vise à cibler les produits qui peuvent sembler simple en apparence mais qui présentent en réalité un couple rendement / risque difficilement compréhensible pour l'épargnant non avisé. Cette troisième caractéristique est indispensable pour inclure dans le périmètre du dispositif les options binaires , pour lesquelles le risque maximum de perte est généralement connu au moment de la souscription et n'est pas supérieur à l'investissement initial.
L'interdiction de la publicité par voie électronique permettra de cibler la propagande diffusée sur internet, mais également à la télévision et à la radio . En effet, l'article 1 er de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique définit la communication au public par voie électronique comme « toute mise à disposition du public ou de catégories de public, par un procédé de communication électronique, de signes, de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature qui n'ont pas le caractère d'une correspondance privée ».
Votre rapporteur se félicite que le dispositif vise également la publicité indirecte, ce qui permettra de limiter les contournements . S'agissant des produits du tabac, une rédaction analogue prévue à l'article L. 3511-3 du code de la santé publique avait ainsi permis à la Cour de cassation de retenir une définition large de la publicité, entendue comme « tout acte, quelle qu'en soit la finalité, ayant pour effet de rappeler les produits du tabac ou leur marque » 170 ( * ) .
Votre rapporteur tient également à souligner que le dispositif est proportionné dans la mesure où :
- il reviendra à l'AMF de déterminer le périmètre exact des produits ciblés, ce qui devrait donner lieu à une large consultation des acteurs de marché ;
- les sites internet des prestataires ne sont pas concernés par l'interdiction.
Enfin, il peut être noté que la France n'est pas le seul pays ayant fait le choix d'interdire la publicité pour ces placements . Ainsi, la Russie a récemment adopté une loi dite « Forex », sur le fondement de laquelle la Banque centrale a interdit aux prestataires étrangers la publicité pour certains instruments financiers tels que les CFD et les options binaires 171 ( * ) .
B. UNE EFFICACITÉ LIMITÉE AUX PRESTATAIRES RÉGULÉS PAR L'AMF
Si l'aménagement proposé au présent article est bienvenu, son efficacité sera toutefois limitée .
En effet, la commission des sanctions de l'AMF ne sera compétente que pour sanctionner la méconnaissance de l'interdiction de la publicité par les prestataires agréés en France ou y intervenant en libre établissement, en application des articles L. 621-15 et L. 621-9 du code monétaire et financier.
Aussi, le dispositif introduit au présent article est susceptible de faire l'objet d'un triple contournement .
Premièrement, la commission des sanctions de l'AMF n'est pas compétente à l'égard des prestataires étrangers intervenant en libre prestation de service (LPS) dans le cadre du passeport européen . Or ces prestataires, le plus souvent « régulés » à Chypre, jouent un rôle important sur ce marché. Ainsi, plus de 150 établissements chypriotes interviendraient en LPS sur le territoire français 172 ( * ) . Pour ces prestataires étrangers, les pouvoirs de l'AMF se limitent à la mise en oeuvre de mesures d'injonction, y compris judiciaires 173 ( * ) , prévues à l'article L. 621-14 du code monétaire et financier.
Deuxièmement, le dispositif introduit au présent article ne sera pas efficace à l'encontre des sites internet illégaux , pour lesquels aucun prestataire de service d'investissement autorisé ne peut être identifié. Il s'agit le plus souvent d'escroqueries, principalement organisées depuis Israël 174 ( * ) , dont l'unique objectif est de détourner l'argent des investisseurs. L'AMF publie néanmoins régulièrement sur son internet et sur les réseaux sociaux la liste des sites illégaux recensés par ses services. Par ailleurs, ces prestataires peuvent être sanctionnés pénalement, en application de l'article L. 573-1 du code monétaire et financier 175 ( * ) . Ce cadre répressif n'est toutefois pas suffisamment dissuasif pour ces intervenants, qui opèrent depuis l'étranger.
Troisièmement, les autres acteurs impliqués dans les campagnes publicitaires en ligne (agences, régies publicitaires, etc.) ne sont pas concernés par l'interdiction introduite par le présent article, dans la mesure où ils ne constituent pas des « interlocuteurs habituels et naturels de l'AMF » 176 ( * ) .
Il peut toutefois être noté que l'Assemblée nationale a introduit plusieurs articles additionnels , à l'initiative de notre collègue Romain Colas, rapporteur pour avis de la commission des finances, visant à compléter le dispositif proposé au présent article afin d'en renforcer l'efficacité.
C. UN PREMIER PAS VERS UNE INTERDICTION DE LA COMMERCIALISATION EN 2018 ?
S'agissant de l'articulation du présent article avec le droit de l'Union européenne, il peut être noté que le dispositif d'interdiction de la publicité se situe hors du champ d'application de la directive relative aux marchés d'instruments financiers , aussi appelée « MIF » 177 ( * ) .
Comme l'ont indiqué les services de la Commission européenne, cette directive « ne recouvre pas, sauf exceptions expresses, la phase située en `amont' de la fourniture de services qui couvre les communications à caractère promotionnel ou les actes préparatoires à la fourniture d'un service ou la vente d'un instrument financier » 178 ( * ) . Par conséquent, les États membres sont ainsi libres de « prendre des mesures nationales restrictives sur les médias et/ou les méthodes qui peuvent être utilisées pour commercialiser des instruments financiers » 179 ( * ) .
Ces règles ont toutefois été considérablement modifiées en 2014 par la directive dite « MIF 2 » 180 ( * ) et le règlement dit « MIFIR » 181 ( * ) , dont la plupart des dispositions sont entrées en vigueur depuis le 3 juillet 2014 mais ne seront applicables qu'à compter du 3 janvier 2018.
En matière d'information des clients , le paragraphe 12 de l'article 24 de la directive prévoit ainsi un mécanisme permettant aux États membres, dans des « cas exceptionnels », d'imposer des « exigences supplémentaires » qui doivent toutefois être « objectivement justifiées et proportionnées afin de répondre à des risques spécifiques pesant sur la protection des investisseurs ». En l'espèce, votre rapporteur estime que l'ensemble de ces conditions sont remplies , compte tenu de la forte progression du nombre de plaintes et de l'étude menée par l'AMF auprès des investisseurs, qui a permis d'objectiver le constat du caractère inadéquat de ces produits pour le grand public. Comme le rappelle l'étude d'impact, la mesure envisagée au présent article devra toutefois être notifiée à la Commission européenne 182 ( * ) .
En complément, l'article 42 du règlement MIFIR prévoit désormais un dispositif permettant aux autorités nationales compétentes de restreindre ou d'interdire :
- la commercialisation, la distribution ou la vente de certains instruments financiers ;
- un type d'activité ou de pratique financière.
La légalité de ces mesures est toutefois conditionnée au respect de plusieurs conditions :
- l'instrument financier « pose d'importants problèmes » de protection des investisseurs » ;
- les exigences européennes ne suffisent pas à écarter ce risque , et « le problème ne serait pas davantage résolu par une amélioration de la surveillance ou de la mise en oeuvre des exigences actuelles » ;
- les mesures sont proportionnées et n'ont pas d'effet discriminatoire .
Ce mécanisme n'est pas encore entré en application , la liste des dispositions applicables immédiatement à compter de l'entrée en vigueur du règlement MIFIR ne mentionnant pas l'article 42 183 ( * ) .
Les États membres ont toutefois été privés de leur compétence en la matière , en application du deuxième paragraphe de l'article 2 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), excluant ainsi une mise en oeuvre par anticipation.
Aussi, l'interdiction de ces produits hautement spéculatifs et risqués ne pourra être envisagée qu'à compter du 3 janvier 2018 , date à laquelle l'article 42 entrera en application.
D. LA NÉCESSITÉ D'ÉTENDRE LA PORTÉE DE L'INTERDICTION AUX INSTRUMENTS COTÉS, AFIN DE LIMITER LES CONTOURNEMENTS
Votre rapporteur suggère d'étendre l'interdiction de la publicité aux instruments financiers cotés (amendement n° COM-252).
En effet, certains marchés réglementés proposent d'ores et déjà les instruments hautement spéculatifs et risqués visés au présent article. À titre d'exemple, des options binaires sont désormais négociées sur le Chicago board options exchange (CBOE).
Or, le fait pour un instrument d'être coté emporte l'exclusion du dispositif proposé au présent article, induisant ainsi une possibilité de contournement. Un prestataire pourrait en toute légalité faire de la publicité pour son service de conseil en investissement sur options binaires cotées afin d'attirer des clients potentiels sur son site internet, où il sera alors totalement libre de promouvoir les produits non cotés particulièrement problématiques, en application du sixième alinéa du présent article.
L'aménagement proposé serait par ailleurs cohérent avec le régime d'encadrement du démarchage en vigueur : en application de l'article L. 341-10 du code monétaire et financier , les produits dont le risque maximum n'est pas connu au moment de la souscription ou pour lesquels le risque de perte est supérieur au montant de l'apport financier initial ne peuvent faire l'objet de démarchage, qu'ils soient cotés ou non.
E. COORDINATION
Enfin, votre rapporteur propose un amendement de coordination n° COM-267 visant à tenir compte du projet d'ordonnance portant transposition de la directive dite « MIF 2 ».
Décision de la commission : votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article ainsi modifié.
ARTICLE 28 bis A (nouveau) (Art. L. 541-9 du code monétaire et financier) - Extension aux conseillers en investissements financiers de l'interdiction de la publicité par voie électronique pour les instruments financiers hautement spéculatifs et risqués
. Commentaire : le présent article vise à étendre aux conseillers en investissements financiers l'interdiction de la publicité par voie électronique pour les instruments financiers hautement spéculatifs et risqués.
I. LE DROIT EXISTANT
Aux termes de l'article L. 541-1 du code monétaire et financier, les conseillers en investissements financiers (CIF) sont les personnes exerçant à titre de profession habituelle les activités suivantes :
- le conseil en investissement , défini comme « le fait de fournir des recommandations personnalisées à un tiers (...) concernant une ou plusieurs transactions portant sur des instruments financiers » 184 ( * ) ;
- le conseil portant sur la fourniture de services d'investissement ;
- le conseil portant sur la réalisation d'opérations sur biens divers .
Les CIF sont soumis au contrôle de l'Autorité des marchés financiers (AMF) et sont tenus d'adhérer à une association de CIF agréée 185 ( * ) .
L'article L. 541-1-1 du code monétaire et financier impose par ailleurs aux CIF de s'immatriculer sur un registre unique géré par l'Organisme pour le registre des intermédiaires en assurance (ORIAS).
II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
L'article 28 du présent projet de loi vise à interdire aux prestataires de services d'investissement (PSI) la publicité par voie électronique pour certains contrats financiers hautement spéculatifs et risqués 186 ( * ) .
Le présent article, introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue Romain Colas, rapporteur pour avis de la commission des finances, propose d'étendre cette interdiction aux CIF.
À cette fin, il introduit à l'article L. 541-9 du code monétaire et financier, qui assimile les CIF aux PSI pour l'application de certaines dispositions, une référence à l'article L. 533-12-1 créé par l'article 28 du présent projet de loi.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Votre rapporteur soutient l'aménagement proposé au présent article.
Comme l'indique l'AMF 187 ( * ) , quatre principaux services d'investissement sont susceptibles d'être offerts par les PSI proposant les produits hautement risqués et spéculatifs précités :
- exécution d'ordres pour le compte de tiers ;
- réception et transmission d'ordres pour le compte de tiers ;
- conseil en investissement ;
- gestion de portefeuille pour le compte de tiers.
Or, le service de conseil en investissement peut être offert non seulement par les PSI mais également par les CIF , comme indiqué précédemment.
Aussi, il est nécessaire d'étendre aux CIF l'interdiction de la publicité , afin de préserver l'efficacité du dispositif introduit à l'article 28 du présent projet de loi.
Votre commission a toutefois adopté un amendement de coordination n° COM-268 visant à tenir compte du projet d'ordonnance portant transposition de la directive dite « MIF 2 ». L'aménagement proposé au présent article serait ainsi introduit au sein d'un nouvel article du code monétaire et financier.
Décision de la commission : votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article ainsi modifié.
ARTICLE 28 bis B (nouveau) (Art. L. 573-8-1 [nouveau], L. 573-8-2 [nouveau] et L. 573-8-3 [nouveau] du code monétaire et financier) - Interdiction de la publicité pour les prestataires proposant illégalement les instruments financiers hautement spéculatifs et risqués
. Commentaire : le présent article vise à interdire la publicité en faveur des prestataires proposant frauduleusement les instruments financiers hautement spéculatifs et risqués.
I. LE DROIT EXISTANT
Aux termes de l'article L. 531-1 du code monétaire et financier, les prestataires de services d'investissement (PSI) sont les entreprises d'investissement et les établissements de crédit ayant reçu un agrément pour fournir des services d'investissement au sens de l'article L. 321-1 188 ( * ) .
En application de l'article L. 612-21 du code monétaire et financier, ces PSI figurent dans le registre des agents financiers, aussi appelé « Regafi » , établi et publié sur son site internet par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).
Il existe néanmoins une deuxième catégorie d'établissements autorisés à fournir les services d'investissement précités sans obligation d'agrément, en application de l'article L. 531-2 du même code. Ces établissements ne figurent pas dans la liste tenue et publiée par l'ACPR.
Aux termes de l'article L. 531-2, cette catégorie comprend :
- l'État, la Caisse de la dette publique et la Caisse d'amortissement de la dette sociale ;
- la Banque de France ;
- l'Institut d'émission des départements d'outre-mer et l'Institut d'émission d'outre-mer ;
- les entreprises d'assurance et de réassurance ;
- certains organismes de placement collectif et institutions de retraites professionnelles ;
- les personnes qui ne fournissent des services d'investissement qu'aux personnes morales qui les contrôlent, à celles que ces dernières contrôlent, ainsi qu'à celles qu'elles contrôlent elles-mêmes et l'Institut d'émission d'outre-mer ;
- les entreprises dont les activités de services d'investissement se limitent à la gestion d'un système d'épargne salariale ;
- les personnes qui fournissent les services de conseil en investissement ou de réception et de transmission d'ordres pour le compte de tiers, de manière accessoire et dans le cadre d'une activité professionnelle non financière ou d'une activité d'expert-comptable ;
- les conseillers en investissements participatifs ;
- les personnes qui ne fournissent aucun autre service d'investissement que la négociation pour compte propre, à moins qu'elles ne soient teneurs de marché ou qu'elles ne négocient pour compte propre de façon organisée, fréquente et systématique en dehors d'un marché réglementé ou d'un système multilatéral de négociation, en fournissant un service accessible à des tiers afin d'entrer en négociation avec eux ;
- les personnes négociant des instruments financiers pour compte propre ou fournissant des services d'investissement concernant des contrats à terme sur marchandises ou autres contrats à terme précisés par décret, aux clients de leur activité principale, à condition que ces prestations soient accessoires à leur activité principale et qu'elle ne consiste pas en la fourniture de services d'investissement, en la réalisation d'opérations de banque ou la fourniture de services de paiement ;
- les conseillers en investissements financiers ;
- les personnes dont l'activité principale consiste à négocier pour compte propre des marchandises ou des instruments dérivés sur marchandise ;
- les entreprises dont les services d'investissement consistent exclusivement à négocier pour compte propre sur des marchés d'instruments financiers à terme, ou sur des marchés au comptant aux seules fins de couvrir des positions sur des marchés dérivés, ou qui négocient ou assurent la formation des prix pour le compte d'autres membres de ces marchés, et qui sont couvertes par la garantie d'un adhérent d'une chambre de compensation.
II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Le présent article, introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue Romain Colas, rapporteur pour avis de la commission des finances, propose d'interdire toute publicité en faveur d'un prestataire proposant illégalement les instruments financiers hautement spéculatifs et risqués visés à l'article 28 du présent projet de loi.
À cette fin, le deuxième alinéa propose de créer un article L. 573-8-1 au sein du code monétaire et financier interdisant « toute publicité, diffusée par quelque moyen que ce soit, en faveur d'une personne qui fournit les services d'investissement mentionnés à l'article L. 533?12?1 et qui ne figure pas dans la liste prévue à l'article L. 612?21 » 189 ( * ) .
Le troisième alinéa précise que « le président de l'Autorité des marchés financiers peut saisir le président du tribunal de grande instance de Paris aux fins de voir ordonnée, en la forme des référés , toute mesure permettant la cessation de toute publicité interdite ».
Enfin, le quatrième alinéa propose de sanctionner pénalement les infractions à l'interdiction d'une amende de 100 000 euros .
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
A. UN OBJECTIF LOUABLE
Votre rapporteur soutient l'objectif de l'aménagement proposé au présent article.
En effet, de nombreux prestataires proposent illégalement les instruments financiers hautement spéculatifs et risqués visés à l'article 28 dans le cadre de véritables escroqueries .
À ce titre, il convient de rappeler que la fourniture illégale de services d'investissement est déjà sanctionnée pénalement . Aux termes du I de l'article L. 573-1, « est puni de trois ans d'emprisonnement et de 375 000 euros d'amende le fait, pour toute personne physique, de fournir des services d'investissement à des tiers à titre de profession habituelle sans y avoir été autorisée dans les conditions prévues à l'article L. 532 1 ou sans figurer au nombre des personnes mentionnées à l'article L. 531-2 ».
Toutefois, ce cadre répressif n'est pas suffisamment dissuasif pour ces intervenants, qui opèrent depuis l'étranger.
Aussi, afin prémunir efficacement le grand public de ces prestataires frauduleux, il est opportun de cibler les diffuseurs des publicités faisant la promotion des prestataires proposant frauduleusement les instruments financiers hautement spéculatifs et risqués visés à l'article 28.
B. UN ARTICLE DEVENU SUPERFÉTATOIRE
Compte tenu des modifications proposées par votre rapporteur à l'article 28 bis , le présent article devient toutefois superfétatoire.
Dans un souci de simplification, la DGCCRF sera désormais compétente pour sanctionner l'ensemble des acteurs - y compris les diffuseurs - intervenants dans le processus conduisant à la diffusion de la publicité interdite d'un annonceur.
Un seul cas, a priori marginal, ne sera plus punissable : il s'agit de la situation où l'annonceur est un prestataire frauduleux qui propose les instruments spéculatifs définis à l'article 28 mais fait de la publicité pour d'autres produits.
Votre commission a donc adopté un amendement de suppression du présent article n° COM-253.
Décision de la commission : votre commission propose à la commission des lois de supprimer cet article.
ARTICLE 28 bis C (nouveau) (Art. L. 621-13-5 [nouveau] du code monétaire et financier) - Simplification de la procédure de blocage des sites internet des prestataires de services d'investissement illégaux
. Commentaire : le présent article vise à simplifier la procédure de blocage des sites internet des prestataires de services d'investissement illégaux.
I. LE DROIT EXISTANT
Aux termes de l'article L. 531-1 du code monétaire et financier, les prestataires de services d'investissement doivent avoir reçu un agrément de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) ou de l'Autorité des marchés financiers (AMF) pour fournir des services d'investissement, sauf à figurer parmi la liste des personnes mentionnées à l'article L. 531-2 ou à exercer dans le cadre des dispositions relatives au libre établissement et à la libre prestation de services prévues aux articles L. 532?16 à L. 532?22 190 ( * ) .
En application de l'article L. 621-14 du même code, l'AMF peut, en cas de manquement, faire usage de son pouvoir d'injonction et demander en justice qu'il soit ordonné à la personne responsable de mettre fin à l'irrégularité ou d'en supprimer les effets.
Contrairement à l'Autorité de régulation des jeux en ligne (Arjel), l'AMF ne dispose toutefois d'aucune procédure spécifique lui permettant de demander à l'autorité judiciaire le blocage du site internet du prestataire illégal.
Lorsqu'un prestataire propose illégalement des services d'investissement par l'intermédiaire d'un site internet, l'AMF agit donc sur le fondement du dispositif général prévu à l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique.
Le 8 du I de l'article 6 précité prévoit en effet que l'autorité judiciaire peut prescrire en référé ou sur requête, à un hébergeur ou, à défaut, à un fournisseur d'accès à internet , toutes mesures « propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d'un service de communication au public en ligne ».
Concrètement, l'AMF peut donc saisir en référé le président du tribunal de grande instance de Paris, après avoir fait usage de son pouvoir d'injonction , conformément à l'article L. 621-14 précité. Par un jugement du 22 septembre 2014, le tribunal de grande instance de Paris a ainsi accédé à la demande de l'AMF de bloquer l'accès à deux sites internet faisant la promotion d'instruments financiers proposés par des sociétés ne disposant pas de l'agrément prévu par la loi 191 ( * ) .
II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Le présent article, introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue député Romain Colas, rapporteur pour avis de la commission des finances, propose de mettre en place une procédure spécifique permettant de faciliter le blocage des sites internet des prestataires de services d'investissement illégaux. À cette fin, il propose d'insérer un article L. 621-13-5 au sein du code monétaire et financier.
La procédure prévue comporte plusieurs étapes :
- le président de l'AMF adresse tout d'abord aux opérateurs offrant illégalement des services d'investissement en ligne une mise en demeure les enjoignant de respecter l'interdiction de fourniture illégale de services d'investissement et les invitant à présenter leurs observations dans un délai de huit jours (alinéa 2) ;
- en parallèle, le président de l'AMF doit également adresser aux hébergeurs une copie de la mise en demeure , ces derniers étant également invités à présenter leurs observations sous huit jours (alinéa 3) ;
- à l'issue du délai de huit jours, en cas d'inexécution des injonctions, le président de l'AMF peut saisir le président du tribunal de grande instance de Paris aux fins d'ordonner, en la forme des référés, l'arrêt de l'accès à ce service aux fournisseurs d'accès à internet (alinéa 4) ;
- il peut également saisir le tribunal de grande instance de Paris aux mêmes fins si l'offre demeure accessible via un nouvel hébergeur sans avoir à procéder à de nouvelles injonctions de même nature (alinéa 5).
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Votre rapporteur se félicite de l'aménagement proposé au présent article, qui permettra à l'AMF de bénéficier de la procédure simplifiée introduite par votre commission des finances au bénéfice de l'Arjel dans le cadre de l'examen du projet de loi pour une République numérique.
Cette procédure simplifiée permettra notamment à l'AMF de ne pas être soumise à l'obligation d'assigner les hébergeurs devant le tribunal de grande instance de Paris en cas d'inexécution de l'opérateur du site illicite.
Il s'agit en effet d'une procédure coûteuse et inefficace , comme en témoigne l'expérience de l'Arjel en la matière.
L'assignation des hébergeurs, une
procédure vaine et coûteuse :
Lorsqu'un hébergeur est assigné par l'Arjel, deux solutions sont envisageables : - soit l'hébergeur réagit positivement à l'assignation : l'opérateur, qui en est informé, souscrit alors un nouveau contrat d'hébergement avec un autre prestataire, et le site reste accessible ; - soit l'hébergeur, souvent localisé à l'étranger, ignore l'assignation de l'Arjel : c'est le cas le plus fréquent puisque, depuis la loi de 2010, sur une centaine d'hébergeurs qui ont été assignés devant le tribunal de grande instance de Paris, seuls quatre se sont présentés à l'audience. Dans l'un et l'autre cas, la procédure est donc vaine. En outre, la procédure est coûteuse, en particulier lorsque l'hébergeur est situé à l'étranger : l'assignation doit être traduite dans la langue de l'hébergeur, acheminée parfois par voie diplomatique ; il en va de même de l'éventuelle ordonnance prononçant le blocage du site, qui doit non seulement être traduite et transmise par huissier, mais peut se révéler difficile à exécuter auprès de certaines juridictions. Source : avis n° 524 (2015-2016) de M. Philippe Dallier, fait au nom de la commission des finances et déposé le 5 avril 2016 sur le projet de loi pour une République numérique |
Les hébergeurs resteront toutefois informés du caractère illicite du site internet qu'ils hébergent dans la mesure où une copie de la mise en demeure leur sera adressée.
Par ailleurs, en application du dernier alinéa du présent article, l'AMF n'aura pas à recommencer la procédure de mise en demeure si un premier hébergeur exécute l'injonction mais que le site internet demeure accessible par le biais d'un nouvel hébergeur.
Cette procédure simplifiée sera particulièrement utile dans le cadre de la lutte contre les prestataires illégaux proposant les instruments financiers hautement spéculatifs et risqués définis à l'article 28 du présent projet de loi.
En effet, comme le rappelle l'AMF, « le nombre de sites Forex irréguliers a connu une croissante très forte depuis 2010, date à laquelle l'AMF a publié ses premières listes `noires' recensant les prestataires intervenant de façon irrégulière en France », passant de 4 à 380 actuellement 192 ( * ) .
Décision de la commission : votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article sans modification.
ARTICLE 28 bis (nouveau) (Art.
222-16-1 [nouveau] du code de la consommation) - Élargissement du champ
de l'interdiction des publicités
en faveur des produits
financiers
. Commentaire : le présent article vise à introduire dans le code de la consommation une interdiction générale de la publicité par voie électronique pour certains contrats financiers.
I. LE DROIT EXISTANT
A. LES PRATIQUES COMMERCIALES DÉLOYALES FONT L'OBJET D'UNE INTERDICTION GÉNÉRALE
Les communications à caractère promotionnel concernant les services d'investissement sont soumises au principe général d'interdiction des pratiques commerciales déloyales posé à l'article L. 120-1 du code de la consommation.
Le II de l'article 120-1 précise que constituent notamment des pratiques commerciales déloyales les pratiques commerciales trompeuses définies aux articles L. 121-1 et L. 121-1-1 et les pratiques commerciales agressives définies aux articles L. 122-11 et L. 122-11-1 du même code.
B. DES DISPOSITIONS PARTICULIÈRES S'APPLIQUENT AUX CONTRATS CONCLUS À DISTANCE PORTANT SUR DES SERVICES FINANCIERS
Par ailleurs, les contrats conclus à distance portant sur des services financiers sont soumis à des dispositions particulières prévues aux articles L. 121-26 et suivants du code de la consommation.
En effet, le deuxième alinéa de l'article L. 121-26 précise que ces dispositions sont applicables aux services mentionnés aux livres Ier à III et au titre V du livre V du code monétaire et financier, ce qui inclut les services d'investissement listés à l'article L. 321-1 du code monétaire et financier susceptibles d'être offerts par les prestataires de services d'investissement (PSI) visés par l'interdiction introduite par l'article 28 du présent projet de loi.
Ces dispositions prévoient par exemple des obligations particulières d'information et de communication (articles L. 121-27 et L. 121-28) ou encore un droit de rétractation spécifique (article L. 121-29).
Le contrôle du respect de l'ensemble de ces dispositions est assuré par les agents de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) , en application de l'article L. 141-1 du code de la consommation.
II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Le présent article, introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue Romain Colas, rapporteur pour avis de la commission des finances, vise à créer un nouvel article L. 121-31-1 au sein du code de la consommation afin d'interdire « la propagande et la publicité, directe ou indirecte, adressées par voie électronique à des clients susceptibles d'être non professionnels, notamment des clients potentiels, relatives à la fourniture des services d'investissement définis à l'article L. 533-12-1 du code monétaire et financier ».
Il s'agit donc de transposer dans le code de la consommation l'interdiction introduite par l'article 28 du présent projet de loi , qui ne vise que les prestataires de services d'investissement 193 ( * ) .
Au stade de la séance publique, l'Assemblée nationale, à l'initiative de notre collègue Romain Colas, rapporteur pour avis de la commission des finances, a adopté :
- un amendement introduisant une sanction pénale : tout annonceur qui diffuse ou fait diffuser une publicité interdite « serait désormais puni d'une amende de 100 000 euros » ;
- un amendement de coordination visant à prendre en compte les nouvelles références du code de la consommation, qui entreront en vigueur au 1 er juillet 2016 ;
- un amendement rédactionnel .
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
A. LA NÉCESSITÉ DE RESPONSABILISER L'ENSEMBLE DES ACTEURS DU MARCHÉ DE LA PUBLICITÉ POUR LIMITER LE RISQUE DE REPORT VERS LES SITES ILLÉGAUX
L'aménagement proposé à l'article 28 du présent projet de loi vise à interdire aux PSI la publicité par voie électronique pour certains instruments financiers hautement spéculatifs et risqués.
Toutefois, son efficacité est limitée, dans la mesure où :
- la commission des sanctions de l'AMF n'est pas compétente à l'égard des prestataires étrangers intervenant en libre prestation de service (LPS) dans le cadre du passeport européen, généralement depuis Chypre ;
- le dispositif n'est de fait pas applicable aux prestataires illégaux , qui opèrent depuis l'étranger.
Aussi, le dispositif proposé à l'article 28, s'il n'était pas complété, pourrait paradoxalement se traduire par un report vers les sites internet des prestataires illégaux , au détriment des prestataires régulés par l'AMF exerçant depuis la France.
Pour garantir son efficacité, il apparaît donc indispensable de responsabiliser l'ensemble des acteurs du marché de la publicité , dont les relations sont encadrées par les articles 20 à 23 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, qui ont récemment été modernisés afin de tenir compte de l'émergence de la publicité en ligne 194 ( * ) .
En principe, trois principaux acteurs interviennent dans l'achat d'un espace publicitaire :
- l'annonceur , qui commande la publicité pour promouvoir son activité et achète à cette fin des espaces publicitaires ;
- l'agence de publicité , qui est chargée de la conception de la publicité et peut également assurer le rôle de mandataire pour le compte de l'annonceur auprès du vendeur d'espace publicitaire ;
- le vendeur d'espace publicitaire , en qualité de support ou de régie.
Comme indiqué dans l'objet de l'amendement adopté au stade de la commission, l'objectif du présent article est ainsi « d'élargir le champ des intermédiaires susceptibles d'être concernés par l'interdiction , comme par exemple les régies publicitaires », afin d'éviter tout phénomène de report vers les prestataires frauduleux.
Aussi, « la DGCCRF sera compétente pour rechercher et faire cesser les manquements constatés, on complément de l'action de l'AMF , compétente envers les prestataires de services d'investissement » 195 ( * ) .
B. UN DISPOSITIF INADAPTÉ COMPTE TENU DES MODIFICATIONS ADOPTÉES EN SÉANCE PUBLIQUE
Toutefois, l'amendement n° 1401, adopté en séance publique à l'initiative de notre collègue Romain Colas afin de « permettra à la DGCCRF de justifier d'une compétence pour sanctionner ces comportements illégaux et mettre fin aux pratiques interdites qui pourront être constatées », complète le dispositif initial en introduisant une amende dont serait punissable « tout annonceur qui diffuse ou fait diffuser une publicité interdite ».
Ainsi, seuls les annonceurs seraient finalement susceptibles d'être sanctionnés, et non les agences et les régies publicitaires. L'efficacité d'un tel dispositif serait vraisemblablement très limitée. En effet, les annonceurs n'entrant pas dans le champ de l'article 28, c'est-à-dire les prestataires frauduleux, opèrent généralement depuis l'étranger et pourront donc difficilement être sanctionnés.
Cet amendement semble résulter d'une confusion sur le terme « d'annonceur ». En effet, l'objet de l'amendement n° 1278 du rapporteur pour avis de la commission des finances indique qu'il sera « aisé pour l'annonceur de vérifier que l'entité pour laquelle il se propose de diffuser de la publicité se situe dans la légalité ». Or, en droit de la consommation, l'annonceur désigne celui qui commande la publicité pour promouvoir son activité, et non le vendeur d'espace publicitaire.
Aussi, afin de préserver l'efficacité du dispositif initial, votre rapporteur propose de le modifier pour indiquer que l'interdiction s'applique non seulement aux annonceurs mais également aux agences de publicité, aux diffuseurs ainsi qu'aux vendeurs et acheteurs d'espaces publicitaires .
Votre rapporteur suggère également de supprimer la référence à la propagande , redondante par rapport à l'interdiction de la publicité.
La sanction pénale serait par ailleurs remplacée par une sanction administrative , le montant maximum de l'amende restant inchangé .
Il doit toutefois être précisé que ce dispositif ne pourra vraisemblablement pas s'appliquer à certains acteurs de la publicité sur internet tels que Google , dont l'activité s'exerce dans le cadre d'un régime particulièrement protecteur.
À la suite d'une question préjudicielle posée par la Cour de cassation, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a été amenée à se prononcer sur la qualification juridique de l'activité publicitaire de Google 196 ( * ) , qui repose sur un système appelé Adsense permettant l'affichage d'annonces à côté des résultats naturels du moteur de recherche. Le texte des annonces et les liens sont fournis par les annonceurs et stockés à leur demande par Google.
Dans sa décision, la CJUE a jugé que l'activité publicitaire de Google pouvait être assimilée à une activité d'hébergement et bénéficier à ce titre de l'exonération de responsabilité prévue par l'article 14 de la directive 2000/31 sur le commerce électronique 197 ( * ) et transposée à l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique 198 ( * ) .
À titre de rappel, cette exonération s'applique lorsque :
- il y a fourniture d'un service consistant à stocker des informations fournies par un destinataire du service, à la demande de celui-ci ;
- le prestataire n'a pas effectivement connaissance de la nature illégale des informations , ou d'éléments qui rendraient cette illégalité apparente, et agit promptement pour retirer les informations dès qu'il en prend connaissance.
Aussi, votre rapporteur propose de préciser que la sanction administrative est applicable aux vendeurs d'espace publicitaire « sans préjudice des dispositions prévues à l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique », afin de sécuriser le dispositif sur le plan juridique.
C. L'ARTICULATION DES COMPÉTENCES DE L'AMF ET DE LA DGCCRF POURRAIT ÊTRE PRÉCISÉE
Enfin, dans un souci d'efficacité administrative et afin de prévenir tout cumul de sanctions , votre rapporteur propose de préciser que la DGCCRF n'est pas compétente pour sanctionner les prestataires de services d'investissement mentionnées à l'article L. 533-12-8 du code monétaire et financier et les conseillers en investissements financiers mentionnés à l'article L. 541-9-1 du même code.
Ainsi, seule la commission des sanctions de l'AMF sera compétente pour sanctionner la violation par ces acteurs de l'interdiction de publicité par voie électronique pour les instruments financiers hautement spéculatifs et risqués mentionnés à l'article L. 533-12-1 du code monétaire et financier.
Votre commission a, en conséquence, adopté l'amendement n° COM-254.
Décision de la commission : votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article ainsi modifié.
ARTICLE 28 ter (nouveau) (Art. L. 222-16-2 [nouveau] du code de la consommation) - Interdiction du parrainage en faveur des produits financiers risqués
. Commentaire : le présent article prévoit d'interdire les opérations de parrainage visant à promouvoir les instruments financiers hautement spéculatifs et risqués.
I. LE DROIT EXISTANT
L'article 28 du présent projet de loi propose d'interdire aux prestataires de services d'investissement la publicité par voie électronique pour certains instruments financiers hautement spéculatifs et risqués 199 ( * ) .
Toutefois, la publicité ne constitue qu'un des outils mobilisables par une entreprise dans le cadre de sa stratégie commerciale .
Elle se distingue notamment du parrainage et du mécénat , définis par l'arrêté du 6 janvier 1989 relatif à la terminologie économique et financière.
Aux termes de cet arrêté, relève du parrainage tout « soutien matériel apporté à une manifestation, à une personne, à un produit ou à une organisation en vue d'en retirer un bénéfice direct ». Ainsi, les opérations de parrainage sont « destinées à promouvoir l'image du parrain et comportent l'indication de son nom ou de sa marque ».
À l'inverse, relève du mécénat tout « soutien matériel apporté, sans contrepartie directe de la part du bénéficiaire, à une oeuvre ou à une personne pour l'exercice d'activités présentant un intérêt général ».
Sur le plan fiscal, la distinction entre les opérations de parrainage et de mécénat est particulièrement importante dans la mesure où elle emporte par exemple dans le second cas l'éligibilité à la réduction d'impôt en faveur des oeuvres et organismes visés à l'article 238 bis du code général des impôts.
II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Le présent article, introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue Romain Colas, rapporteur pour avis de la commission des finances, vise à interdire « toute opération de parrainage » lorsqu'elle a « pour objet ou pour effet la propagande ou la publicité, directe ou indirecte, en faveur des services d'investissement définis à l'article L. 533-12-1 du code monétaire et financier » .
Au stade de la séance publique, l'Assemblée nationale, à l'initiative de notre collègue Romain Colas, a toutefois adopté un amendement de coordination visant à prendre en compte les nouvelles références du code de la consommation, qui entreront en vigueur au 1 er juillet 2016.
En application de l'article 222-18 du code de la consommation, les dispositions introduites au présent article seraient ainsi d'ordre public .
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
A. UN AMÉNAGEMENT INDISPENSABLE POUR PROTÉGER EFFICACEMENT LE GRAND PUBLIC DES INSTRUMENTS FINANCIERS PARTICULIÈREMENT RISQUÉS
L'interdiction introduite au présent article répond légitimement à la volonté de viser l'ensemble de la stratégie commerciale des entreprises proposant les instruments financiers hautement spéculatifs et risqués définis à l'article 28 du présent projet de loi.
En effet, comme le souligne l'Autorité des marchés financiers (AMF) 200 ( * ) , des partenariats ont été signés entre certaines plateformes d'options binaires ou de Forex et cinq clubs de football de Ligue 1 201 ( * ) .
Il est particulièrement notable que parmi les cinq sponsors officiels de clubs majeurs figurent trois sociétés sanctionnées par le régulateur chypriote 202 ( * ) , qui n'est pourtant pas réputé pour sa fermeté 203 ( * ) .
Exemples de partenariats
Source : commission des finances du Sénat
Aussi, votre rapporteur soutient pleinement l'aménagement proposé au présent article, qui contribuera à protéger le grand public du risque de perte lié à ces produits.
Il peut être noté que le dispositif proposé est directement inspiré du régime protecteur prévu pour le tabac 204 ( * ) , qui interdit non seulement la publicité mais également le parrainage.
B. UNE INTERDICTION QUI POURRAIT ÊTRE ÉTENDUE AU MÉCÉNAT, AFIN DE LIMITER LES RISQUES DE CONTOURNEMENT
Afin de limiter les risques de contournement, votre rapporteur suggère toutefois d'étendre l'interdiction au mécénat .
En effet, le mécénat est désormais pleinement intégré dans la stratégie commerciale des entreprises, dont il contribue à favoriser l'image institutionnelle.
Par ailleurs, les frontières entre parrainage et mécénat sont particulièrement poreuses dans la mesure où 205 ( * ) :
- une contrepartie d'image est parfaitement admise (logo, sigle, etc.), à l'exclusion de tout message publicitaire ;
- une contrepartie non disproportionnée est admise : ainsi, sur le plan fiscal, la qualification de mécénat n'est pas remise en cause s'il existe une « disproportion marquée » entre les sommes données et la valorisation de la prestation rendue par l'organisme.
S'agissant du tabac, ces considérations ont ainsi conduit récemment à inclure le mécénat dans le champ de l'interdiction prévue à l'article 3512-4 du code de la santé publique 206 ( * ) .
C. UNE INTERDICTION QUI POURRAIT ÊTRE SANCTIONNÉE D'UNE AMENDE
Afin de garantir l'efficacité du dispositif proposé, il apparaît par ailleurs indispensable de l'assortir d'une sanction.
Comme pour l'interdiction de la publicité introduite à l'article 28 bis du présent projet de loi, votre rapporteur propose que tout manquement aux dispositions prévues au présent article soit sanctionné d'une amende de 100 000 euros.
Cette sanction permettra ainsi à la DGCCRF de justifier d'une compétence pour sanctionner ces comportements illégaux et mettre fin aux pratiques interdites qui pourront être constatées.
D. UNE APPLICATION DIFFÉRÉE AUX CONTRATS EN COURS
L'introduction d'une telle interdiction pose nécessairement la question de son application aux contrats conclus antérieurement à son entrée en vigueur , ceux-ci pouvant courir sur plusieurs années.
Afin de préserver l'efficacité du dispositif, le rapporteur pour avis de la commission des finances de l'Assemblée nationale considère que l'interdiction devrait s'appliquer immédiatement aux contrats en cours, la disposition étant d'ordre public 207 ( * ) .
Toutefois, la Cour de cassation considère que « le principe est celui de la survie de la loi ancienne à l'égard des effets des contrats en cours, quand bien même la loi serait d'ordre public, en l'absence de disposition contraire expresse » 208 ( * ) ou de « motifs impérieux d'intérêt général » 209 ( * ) .
Aussi, votre rapporteur propose d'appliquer expressément l'interdiction aux contrats en cours, tout en précisant que leur exécution pourra se poursuivre jusqu'au 30 juin 2017 , afin de prendre en compte l'impératif de sécurité juridique.
Votre commission a adopté l'amendement n° COM-255.
Décision de la commission : votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article ainsi modifié.
ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 28 ter (Art. 28 de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation, art. 242 septies du code général des impôts et art. L. 122-22 [nouveau] du code de la consommation) - Renforcement des obligations de transparence applicables au démarchage et à la publicité en faveur de certains investissements ouvrant droit à réduction d'impôt
. Commentaire : le présent article additionnel prévoit de renforcer les obligations de transparence applicables au démarchage et à la publicité en faveur de certains investissements bénéficiant d'un avantage fiscal.
I. LE DROIT EXISTANT
A. L'ENCADREMENT DE LA PUBLICITÉ RELATIVE À L'INVESTISSEMENT IMMOBILIER LOCATIF
L'encadrement de la publicité relative à l'investissement immobilier locatif repose sur l'article 28 de la loi n° 2010-737 du 1 er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation, adopté à l'initiative de notre collègue Philippe Dallier.
Aux termes de cet article, toute opération d'acquisition de logement destiné à la location et susceptible de bénéficier d'un avantage fiscal doit comporter « une mention indiquant que le non-respect des engagements de location entraîne la perte du bénéfice des incitations fiscales ».
Par ailleurs, cette mention doit figurer « dans une taille de caractères au moins aussi importante que celle utilisée pour indiquer toute autre information relative aux caractéristiques de l'investissement et s'inscrire dans le corps principal du texte publicitaire ».
Ce dispositif est inspiré de l'encadrement de la publicité relative aux opérations de prêt viager hypothécaire, et plus particulièrement des dispositions prévues à l'article L. 314-3 du code de la consommation.
Son périmètre d'application est limité aux dispositifs suivants :
- réduction d'impôt dite « Pinel » en faveur de l'investissement locatif intermédiaire, prévue à l'article 199 novovicies du code général des impôts ;
- réduction d'impôt dite « Censi-Bouvard » en faveur de l'acquisition de logements destinés à la location meublée exercée à titre non professionnel, prévue à l'article 199 sexvicies du code général des impôts ;
- réduction d'impôt dite « Malraux » au titre des dépenses de restauration immobilière dans les secteurs sauvegardés, les quartiers anciens dégradés et les zones protégées, prévue à l'article 199 tervicies du code général des impôts ;
- réduction d'impôt au titre des investissements locatifs dans un logement neuf réalisés outre-mer , prévue au b du 2 de l'article 199 undecies A du code général des impôts ;
- réduction d'impôt au titre des investissements dans le domaine du logement social réalisés outre-mer, prévue à l'article 199 undecies C du code général des impôts.
B. L'ENCADREMENT DES RELATIONS ENTRE LES INTERMÉDIAIRES EN DÉFISCALISATION OUTRE-MER ET LES INVESTISSEURS FISCAUX
Pour les investissements outre-mer , le 6° de l'article 242 septies du code général des impôts impose aux intermédiaires en défiscalisation de signer une charte de déontologie qui encadre leurs relations avec les investisseurs fiscaux.
Toute entreprise dont l'activité professionnelle consiste à obtenir pour autrui les avantages fiscaux prévus aux articles 199 undecies A, 199 undecies B, 199 undecies C, 217 undecies, 217 duodecies, 244 quater W ou 244 quater X entre dans le champ du dispositif .
La charte de déontologie précitée est annexée au décret n° 2015-149 du 10 février 2015 relatif aux obligations déclaratives et à la mise en concurrence des intermédiaires en défiscalisation outre-mer.
Son IV impose notamment aux monteurs en défiscalisation outre-mer de fournir aux investisseurs fiscaux :
- « une présentation claire et exhaustive des opérations fiscales proposées , notamment sur la nature de l'investissement, sa localisation, l'identité de l'exploitant et, le cas échéant, les termes de l'agrément fiscal obtenu » ;
- « une information claire sur les risques inhérents à leur participation, sur les obligations fiscales , notamment déclaratives, liées à l'opération d'investissement et conditionnant le bénéfice de l'avantage fiscal et sur les sanctions pénales auxquelles ils s'exposent en cas de fraude » ;
- « les éléments ainsi que l'assistance nécessaire leur permettant de calculer le montant de l'avantage fiscal auquel ouvre droit leur participation à l'opération d'investissement, compte tenu, le cas échéant, des règles de plafonnement ».
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
Comme le rappelait notre collègue Philippe Dallier en 2009 lors du débat sur le projet de loi portant réforme du crédit à la consommation, « nombre de nos concitoyens ont été piégés par des offres alléchantes (...) mettant en avant les avantages de tels dispositifs » sans que les investisseurs soient nécessairement informés des risques associés , par exemple lorsqu'ils ne parviennent pas à respecter les obligations de location 210 ( * ) .
La situation est d'autant plus préoccupante que le contexte actuel de taux bas peut inciter certains ménages à se reporter sur des produits qui bénéficient d'une réduction d'impôt et sont susceptibles, à ce titre, d'offrir des rendements supérieurs aux produits d'épargne classiques.
Aussi, le présent article additionnel (amendement n° COM-256) vise à renforcer la portée des obligations d'information existantes applicables au démarchage et à la publicité en faveur de certains investissements bénéficiant d'un avantage fiscal.
S'agissant de l'investissement immobilier locatif, il insère au sein du code de la consommation le dispositif figurant actuellement à l'article 28 de la loi n° 2010-737 du 1 er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation et en renforce la portée en :
- précisant que la publicité permet raisonnablement de comprendre les risques afférents à l'investissement ;
- sanctionnant tout manquement d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 100 000 euros.
Son champ d'application est toutefois modifié afin :
- de tenir compte de l'extinction de la réduction d'impôt prévue au b du 2 de l'article 199 undecies A ;
- d'exclure le dispositif applicable au logement social outre-mer , pour lequel le risque d'une mauvaise information de l'investisseur semble plus faible compte tenu du rôle joué par les bailleurs sociaux.
S'agissant de l'investissement outre-mer, le présent article lève une ambiguïté concernant la charte de déontologie applicable aux intermédiaires en défiscalisation.
En effet, le 6° de l'article 242 septies du code général des impôts oblige à signer la charte, sans préciser explicitement la nécessité d'en respecter les dispositions .
Conformément à l'intention du législateur , la doctrine fiscale indique néanmoins que « l'absence de respect des dispositions prévues dans la charte de déontologie visée au 6° de l'article 242 septies du CGI peut à ce titre constituer un motif justifiant l'application de l'amende prévue à l'article 1740-00 AB du CGI » 211 ( * ) .
Afin de sécuriser cette interprétation , le présent article additionnel précise explicitement la nécessité non seulement de signer la charte de déontologie mais également d'en respecter les dispositions.
Décision de la commission : votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article additionnel.
ARTICLE 29 (Art. L. 221-27 du code monétaire et financier) - Création d'une option solidaire pour le livret de développement durable
. Commentaire : le présent article prévoit d'introduire une option de financement de l'économie sociale et solidaire pour le livret de développement durable
I. LE DROIT EXISTANT
A. LA LOI DU 31 JUILLET 2014 212 ( * ) PRÉCISE LE PÉRIMÈTRE DE L'ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE
L'article 1 er de la loi du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire (ESS) a étendu le champ de ce secteur . Outre les quatre formes juridiques traditionnelles 213 ( * ) , l'économie sociale et solidaire désigne désormais « un mode d'entreprendre et de développement économique adapté à tous les domaines de l'activité humaine auquel adhèrent des personnes morales de droit privé » qui remplissent trois conditions cumulatives :
- un but poursuivi autre que le seul partage des bénéfices ;
- une gouvernance démocratique et participative , prévoyant l'information et la participation des salariés, dont l'expression n'est pas seulement liée à l'apport en capital ou au montant de la contribution financière ;
- une gestion assurant que les bénéfices sont majoritairement consacrés à l'objectif de maintien ou de développement de l'entreprise et que les réserves obligatoires constituées ne peuvent être distribuées.
La loi englobe dans le périmètre de l'ESS les initiatives d'entreprenariat social qui ont renouvelé les formes juridiques anciennes. Désormais, les sociétés commerciales qui ne relèvent pas d'un des quatre statuts historiques peuvent faire état de leur qualité d'entreprises de l'ESS. La qualité d'entreprise de l'ESS doit être mentionnée par l'entreprise lors de son immatriculation au registre du commerce. Elle permet à la société de bénéficier des droits afférents à la qualité d'entreprise de l'ESS 214 ( * ) .
Article 1 er de la loi n° 214-856 relative à l'économie sociale et solidaire I. - L'économie sociale et solidaire est un mode d'entreprendre et de développement économique adapté à tous les domaines de l'activité humaine auquel adhèrent des personnes morales de droit privé qui remplissent les conditions cumulatives suivantes : 1° Un but poursuivi autre que le seul partage des bénéfices ; 2° Une gouvernance démocratique, définie et organisée par les statuts, prévoyant l'information et la participation, dont l'expression n'est pas seulement liée à leur apport en capital ou au montant de leur contribution financière, des associés, des salariés et des parties prenantes aux réalisations de l'entreprise ; 3° Une gestion conforme aux principes suivants : a) Les bénéfices sont majoritairement consacrés à l'objectif de maintien ou de développement de l'activité de l'entreprise ; b) Les réserves obligatoires constituées, impartageables, ne peuvent pas être distribuées. Les statuts peuvent autoriser l'assemblée générale à incorporer au capital des sommes prélevées sur les réserves constituées au titre de la présente loi et à relever en conséquence la valeur des parts sociales ou à procéder à des distributions de parts gratuites. La première incorporation ne peut porter que sur la moitié, au plus, des réserves disponibles existant à la clôture de l'exercice précédant la réunion de l'assemblée générale extraordinaire ayant à se prononcer sur l'incorporation. Les incorporations ultérieures ne peuvent porter que sur la moitié, au plus, de l'accroissement desdites réserves enregistré depuis la précédente incorporation. En cas de liquidation ou, le cas échéant, en cas de dissolution, l'ensemble du boni de liquidation est dévolu soit à une autre entreprise de l'économie sociale et solidaire au sens du présent article, soit dans les conditions prévues par les dispositions législatives et réglementaires spéciales qui régissent la catégorie de personne morale de droit privé faisant l'objet de la liquidation ou de la dissolution. II. - L'économie sociale et solidaire est composée des activités de production, de transformation, de distribution, d'échange et de consommation de biens ou de services mises en oeuvre : 1° Par les personnes morales de droit privé constituées sous la forme de coopératives, de mutuelles ou d'unions relevant du code de la mutualité ou de sociétés d'assurance mutuelles relevant du code des assurances, de fondations ou d'associations régies par la loi du 1 er juillet 1901 relative au contrat d'association ou, le cas échéant, par le code civil local applicable aux départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle ; 2° Par les sociétés commerciales qui, aux termes de leurs statuts, remplissent les conditions suivantes : a) Elles respectent les conditions fixées au I du présent article ; b) Elles recherchent une utilité sociale au sens de l'article 2 de la présente loi ; |
c) Elles appliquent les principes de gestion suivants : - le prélèvement d'une fraction définie par arrêté du ministre chargé de l'économie sociale et solidaire et au moins égale à 20 % des bénéfices de l'exercice, affecté à la constitution d'une réserve statutaire obligatoire, dite « fonds de développement », tant que le montant total des diverses réserves n'atteint pas une fraction, définie par arrêté du ministre chargé de l'économie sociale et solidaire, du montant du capital social. Cette fraction ne peut excéder le montant du capital social. Les bénéfices sont diminués, le cas échéant, des pertes antérieures ; - le prélèvement d'une fraction définie par arrêté du ministre chargé de l'économie sociale et solidaire et au moins égale à 50 % des bénéfices de l'exercice, affecté au report bénéficiaire ainsi qu'aux réserves obligatoires. Les bénéfices sont diminués, le cas échéant, des pertes antérieures ; - l'interdiction pour la société d'amortir le capital et de procéder à une réduction du capital non motivée par des pertes, sauf lorsque cette opération assure la continuité de son activité, dans des conditions prévues par décret. Le rachat de ses actions ou parts sociales est subordonné au respect des exigences applicables aux sociétés commerciales, dont celles prévues à l'article L. 225-209-2 du code de commerce. III. - Peuvent faire publiquement état de leur qualité d'entreprise de l'économie sociale et solidaire et bénéficier des droits qui s'y attachent les personnes morales de droit privé qui répondent aux conditions mentionnées au présent article et qui, s'agissant des sociétés commerciales, sont immatriculées, sous réserve de la conformité de leurs statuts, au registre du commerce et des sociétés avec la mention de la qualité d'entreprise de l'économie sociale et solidaire. IV. - Un décret précise les conditions d'application du présent article, et notamment les règles applicables aux statuts des sociétés mentionnées au 2° du II. |
B. LA LOI PRÉVOIT DÉJÀ DES FLÉCHAGES DE L'ÉPARGNE VERS LE FINANCEMENT DE L'ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE
La loi du 19 février 2001 sur l'épargne salariale 215 ( * ) a imposé à toutes les entreprises ayant mis en place un plan d'épargne retraite collectif ( PERCO ) de proposer un fonds solidaire parmi l'ensemble des fonds sélectionnés. Appelé fonds commun de placement d'entreprises solidaires (FCPES), ce fond fonctionne comme un fonds classique auquel est ajoutée une plus-value solidaire distribuée à des entreprises solidaires.
L a loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008 216 ( * ) a étendu cette obligation au plan d'épargne entreprise ( PEE ). Depuis le 1 er janvier 2010, tous les salariés disposant d'un PEE se voient proposer d'investir une partie de leur épargne dans des entreprises solidaires.
C. LE LDD, UN DES TROIS LIVRETS D'ÉPARGNE RÉGLEMENTÉE
L'épargne réglementée regroupe l e livret A, le livret de développement durable (LDD) et le livret d'épargne populaire . Depuis la généralisation du livret A en 2009, tous les établissements bancaires peuvent proposer ces produits d'épargne. Ils se caractérisent par une disponibilité permanente, une garantie de l'État et une rémunération non imposable 217 ( * ) et non soumise aux prélèvements sociaux . Leur taux d'intérêt est fixé en application de dispositions réglementaires 218 ( * ) , et l'utilisation des sommes collectée est encadrée :
- une partie des sommes collectées est centralisée au fonds d'épargne de la Caisse des dépôts et consignations afin d'assumer sa mission de financement du logement social et de la politique de la ville 219 ( * ) . Défini selon des modalités complexes, le taux de centralisation était d'environ 60 % pour le livret A et le LDD au 31 décembre 2014. À cette date, l'encours des dépôts centralisés était de 243,5 milliards d'euros, dont 216,1 milliards d'euros pour le livret A et le LDD ;
- les sommes collectées sur les livrets A et LDD mais conservées par les établissements de crédit collecteurs doivent être consacrées au financement des petites et moyennes entreprises selon un ratio réglementaire d'emploi d'au moins 80 % . De plus, depuis la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008, une partie de ces ressources doit aussi être allouée au financement des travaux d'économie d'énergie dans les bâtiments anciens , selon un ratio d'emploi de 10 %.
L'observatoire de l'épargne réglementée souligne que les banques respectent leurs obligations d'emplois des fonds non centralisés du LDD : en 2014, chaque établissement de crédit respecte le ratio réglementaire d'emploi d'au moins 80 % de ces ressources dans des crédits octroyés aux PME, avec une moyenne de 200 % 220 ( * ) . Le respect du ratio d'emploi des fonds en faveur du financement des travaux d'économie d'énergie dans les bâtiments anciens est plus complexe à appréhender, dans la mesure où les établissements de crédit ne différencient pas leur offre de crédit destinée à l'habitat ancien en fonction de l'objet des travaux. Le montant des encours non centralisés au titre des livrets A et des LDD atteignait 150 milliards d'euros fin 2014.
Le LDD a été introduit par la loi du 8 juillet 1983 221 ( * ) sous l'appellation de compte pour le développement industriel (Codevi). Il a pris son nom actuel le 1 er janvier 2007, tout en conservant les mêmes caractéristiques. Avant la généralisation du livret A en 2009, il s'en distinguait par sa présence dans toutes les banques . Son plafond a été doublé en octobre 2012, mais il demeure inférieur à celui du livret A (12 000 euros, contre 22 950 euros 222 ( * ) ). Il représente 2,3 % de l'épargne financière en France, avec un encours de 100,7 milliards d'euros sur 24,9 millions de livrets fin 2015. L'encours moyen est de 4 100 euros, même si cette moyenne occulte une accentuation de la concentration des sommes collectées sur les livrets les plus fortement dotés ces dernières années.
La part de l'épargne réglementée dans l'ensemble de l'épargne financière des ménages français a diminué depuis 2004, passant de 19,4 % à 16,2 % en 2015, recul accompagné de l'augmentation corrélative des encours sur les contrats d'assurance-vie. La diminution des taux d'intérêt applicables aux livrets A et LDD constitue un élément d'explication. Alors qu'il était de 3 % en août 2000, et même de 4 % en août 2008, le taux d'intérêt poursuit un mouvement à la baisse depuis, pour atteindre 0,75 % depuis le 1 er août 2015.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
Le dispositif proposé s'inscrit dans le prolongement du discours du Président de la République du 12 janvier 2016 à l'occasion du lancement du bicentenaire de la Caisse des dépôts et consignations 223 ( * ) .
Le présent article prévoit d'insérer un quatrième alinéa à l'article L. 221-27 du code monétaire et financier. Aux termes de cet ajout, les établissements distributeurs de livrets de développement durable proposeraient chaque année à leurs clients détenteurs d'un livret d'en affecter une partie sous forme de don soit à une personne morale relevant du champ de l'économie sociale et solidaire , au sens de l'article 1 er de la loi du 31 juillet 2014 sur l'économie sociale et solidaire 224 ( * ) , soit à un organisme de financement ou à un établissement de crédit assimilé aux entreprises solidaires d'utilité sociale , au sens de l'article 2 de cette même loi.
Un décret interviendra pour préciser les modalités de la sélection des bénéficiaires. Selon les informations transmises, il est envisagé que les établissements bancaires proposent à leurs clients une liste comportant un nombre suffisamment important d'acteurs de l'ESS, le client désignant ensuite le bénéficiaire de son choix parmi cette liste préétablie.
Par rapport au dispositif en vigueur pour les livrets de partage 225 ( * ) , le dispositif proposé pour le LDD se distingue sur deux points :
- le présent article ne limite pas le champ du don aux seuls intérêts produits chaque année par les sommes déposées sur le LDD, mais peut concerner également le capital versé sur le livret ;
- le champ des destinataires potentiels des dons est plus large : il recouvre l'ensemble des personnes morales relevant de l'article 1 er de la loi du 31 juillet 2014, ainsi que les organismes de financement et établissements de crédit assimilés aux entreprises solidaires d'utilité sociale.
III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
À l'initiative de notre collègue député Romain Colas, rapporteur au nom de la commission des finances de l'Assemblée nationale, un amendement visant à ajouter le qualificatif « solidaire » à la dénomination du LDD a été adopté. Cet amendement procède en ce sens à l'actualisation des différents codes mentionnant le LDD.
À sa même initiative, deux autres amendements ont été adoptés par l'Assemblée nationale :
- le premier introduit un 2° au I du présent article, qui étend le dispositif initial aux livrets A, selon les mêmes modalités que pour le LDD ;
- le second introduit un 3° au I du présent article, afin d' ajouter une troisième voie d'utilisation des ressources collectées par les établissements distribuant le livret A ou le LDD et non centralisées par la Caisse des dépôts et consignations, au profit du financement des structures de l'ESS visées au I du présent article. Cet amendement étend donc la logique initiale du dispositif proposé, fondée sur le don, à l'investissement . Il est prévu que cette disposition entre en vigueur à compter de la mise en oeuvre de l'identification statistique des acteurs de l'ESS faite par l'INSEE conformément à l'article 12 de la loi du 31 juillet 2014 relative à l'ESS.
IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
A. LE FINANCEMENT DE L'ESS EST DÉJÀ ASSURÉ PAR PLUSIEURS DISPOSITIFS
De façon préalable, votre rapporteur tient à rappeler que des soutiens publics au financement de l'ESS ont déjà été mis en oeuvre . Deux nouveaux dispositifs, financés, gérés ou soutenus par Bpifrance, ont été créés fin 2014 :
- le fonds d'innovation sociale (FISO), doté d'une capacité de financement de 40 millions d'euros ;
- le prêt aux entreprises solidaires (PESS), d'une durée de cinq ans, avec une année de différé d'amortissement en capital, et pour des montants allant jusqu'à 100 000 euros ;
En outre, une action du programme d'investissements d'avenir est consacrée au financement de l'économie sociale et solidaire . Gérée par la Caisse des dépôts et consignations pour le compte de l'État, elle est dotée de 100 millions d'euros et permet de renforcer les fonds propres et quasi fonds propres des entreprises du secteur, dans une logique de cofinancement public-privé.
Votre rapporteur insiste également sur l'existence d'un marché de la finance solidaire dynamique et concurrentiel . Des produits d'épargne spécifiques ont ainsi été développés , à l'instar du livret Épargne autrement de la MAIF. En 2014, un contrat d'assurance vie « génération » a été introduit ; il prévoit une part d'investissement dans les PME-ETI, le logement social ou l'ESS. Selon les informations communiquées à votre rapporteur, le décret définissant les actifs de l'ESS pouvant être introduits dans ces contrats devrait très prochainement être publié . Parallèlement, les établissements bancaires ont également mis en place des moyens de paiement orientés vers le financement de l'ESS, notamment une carte bancaire prévoyant un « arrondi solidaire ». En 2014, les placements solidaires concernaient plus d'un million d'épargnants, pour un encours de 6,84 milliards d'euros, en hausse de 13,6 % sur un an 226 ( * ) .
B. LE PÉRIMÈTRE DE L'ESS DEMEURE INCERTAIN ET LE MODÈLE DE L'ÉPARGNE RÉGLEMENTÉE EST FRAGILISÉ
Alors que les taux d'intérêt demeurent à des niveaux exceptionnellement bas en raison de la politique monétaire accommodante conduite notamment au sein de la zone euro, l'épargne réglementée se trouve fragilisée . Les taux d'intérêt applicables , fixés par voie réglementaire, ont été adaptés à la baisse, mais restent élevés dans le contexte macroéconomique . De fait, votre rapporteur souligne que le modèle de l'épargne réglementée , devant permettre de collecter des ressources pour financer des priorités de politique publique, est placé sous tension.
Dans ces conditions, v otre rapporteur estime qu'ajouter une troisième obligation d'emploi des sommes collectées sur les livrets A et les LDD et non centralisées à la Caisse des dépôts et consignations n'est pas souhaitable pour deux raisons :
- d'une part, le périmètre de l'ESS n'est pas stabilisé à ce stade, l'INSEE devant encore procéder à l'identification statistique des nouveaux acteurs de l'ESS telle que définie par la loi du 31 juillet 2004. Assurer le respect de l'obligation d'emploi proposée serait par conséquent très complexe , tant du point de vue des établissements de crédits que des pouvoirs publics chargés de contrôler le ratio d'utilisation ;
- d'autre part, votre rapporteur nuance l'effectivité d'un tel fléchage des fonds collectés. L'idée selon laquelle une obligation d'emploi garantit de meilleures conditions de financement aux acteurs désignés revient à considérer un lien direct dans l'appariement entre offre et demande de crédits réalisé par les établissements bancaires. De surcroit, les sources de financement issues de l'épargne réglementée se révèlent bien souvent plus onéreuses que les ressources directement accessibles sur les marchés.
C. UN DISPOSITIF À L'EFFICACITÉ ET AUX MODALITÉS INCERTAINES, MAIS QUI ASSURE UNE CERTAINE VISIBILITÉ À L'ESS
Votre rapporteur souligne le manque de précision du dispositif proposé, le présent article renvoyant à un décret le soin de préciser les modalités de l'affectation , notamment s'agissant de la sélection des bénéficiaires par le client. En l'état, une certaine complexité et des coûts induits sont à craindre, tandis que l'effet réel de la mesure sur le financement de l'ESS apparait très incertain à ce stade . En effet, il est difficile d'estimer la proportion d'épargnants détenteurs d'un LDD qui décideraient d'utiliser l'option solidaire.
Étant donné la grande incertitude qui entoure l'effet réel du dispositif proposé ainsi que le périmètre de l'ESS auquel il s'adresse, votre rapporteur ne comprend pas l'extension aux livrets A introduite par l'Assemblée nationale. La prudence doit conduire à limiter l'introduction de l'option solidaire aux seuls LDD .
De plus, votre rapporteur insiste pour que le dispositif assure une certaine souplesse dans la mise en oeuvre par les établissements de crédit , tant pour les modalités de sélection des acteurs de l'ESS qu'ils proposeraient à leur client de soutenir, que pour les modalités de promotion de l'option solidaire. Dans cette perspective, votre rapporteur ne soutient pas la modification introduite par l'Assemblée nationale visant à actualiser la dénomination du LDD en « LDD solidaire ». Cette évolution entrainera des coûts importants pour procéder à la modification des brochures commerciales et supports d'information. Votre rapporteur rappelle à cet effet les termes de l'étude d'impact du projet de loi, selon laquelle « il n'est pas envisagé d'imposer des modifications dans la dénomination ou la documentation commerciale du LDD qui seraient susceptibles d'avoir des coûts beaucoup plus importants » .
Dans ces conditions, l'option solidaire du LDD permettra d' accroitre la visibilité de l'ESS et des produits d'épargne spécifiques qui existent pour assurer son financement. Votre rapporteur considère qu' un cadre souple conférant des marges de manoeuvre aux banques dans la mise en oeuvre du dispositif laisserait place à une stratégie commerciale de chaque établissement selon sa volonté de développer parallèlement les produits d'épargne solidaire, pour lesquels l'option solidaire du LDD constituerait un produit d'appel. Pour toutes ces raisons, votre rapporteur considère qu'il convient de revenir au dispositif initialement proposé par le Gouvernement , à savoir l'introduction d'une option solidaire pour le LDD.
Plus généralement, votre rapporteur estime que les dons relèvent d'une décision individuelle , selon des modalités et en direction des organismes de son choix, sans que l'intermédiaire des établissements bancaires soit nécessaire. Votre rapporteur souligne que ce dispositif ne doit donc pas être conçu comme un moyen de compenser une baisse des subventions publiques versées aux acteurs de l'ESS.
Votre commission a adopté l'amendement n° COM-257 revenant à la rédaction initiale de l'article 29 présentée par le Gouvernement.
Décision de la commission : votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article ainsi modifié.
ARTICLE 29 bis (nouveau) (Art. L. 112-10 du code des assurances) - Extension de la faculté de renonciation en cas de multi-assurance aux assurances associées aux moyens de paiement
. Commentaire : le présent article prévoit que les contrats d'assurance associés aux moyens de paiement souscrits en complément d'un bien ou d'un service puissent faire l'objet d'une renonciation de la part de l'assuré dans un délai de quatorze jours calendaires.
I. LE DROIT EXISTANT
La souscription d'un contrat d'assurance visant à protéger les moyens de paiement en cas de perte ou de vol est parfois prévue en complément des offres bancaires. Selon l'UFC Que Choisir, son coût annuel s'élevait, en 2010, à plus de 25 euros.
Néanmoins, depuis 2009 227 ( * ) , l'article L. 133-19 du code monétaire et financier protège déjà les utilisateurs de moyens de paiements contre l'utilisation frauduleuse et le vol de leur carte (moyennant dans ce dernier cas le paiement d'une franchise de 150 euros). Par ailleurs l'article L. 133-20 du même code dispose qu'« après avoir informé son prestataire ou l'entité désignée par celui-ci, [...] le payeur ne supporte aucune conséquence financière résultant de l'utilisation de cet instrument de paiement ».
Certains sinistres, ne bénéficiant pas de garanties légales aussi favorables, sont généralement pris en compte par les assurances moyens de paiement (vol de chéquier, d'espèces, de clés, de papiers d'identité).
II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Le présent article, adopté en commission des finances sur proposition de MM. Yves Jégo, Charles de Courson et Philippe Vigier vise à faire entrer les contrats d'assurance moyens de paiement dans le champ de l'article L. 112-10 du code des assurances, qui prévoit un délai de renonciation et une obligation d'information du client en cas de souscription en complément d'un autre bien ou service.
Aux termes de cet article, introduit par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation « l'assuré qui souscrit à des fins non professionnelles un contrat d'assurance constituant un complément d'un bien ou d'un service vendu par un fournisseur, s'il justifie d'une garantie antérieure pour l'un des risques couverts par ce nouveau contrat, peut renoncer à ce nouveau contrat, sans frais ni pénalités, tant qu'il n'a pas été intégralement exécuté ou que l'assuré n'a fait intervenir aucune garantie, et dans la limite d'un délai de quatorze jours calendaires à compter de la conclusion du nouveau contrat ».
Cet article prévoit en outre que l'assureur remet à l'assuré, avant la conclusion d'un contrat d'assurance, un document l'invitant à vérifier s'il n'est pas déjà bénéficiaire d'une garantie couvrant l'un des risques couverts par le nouveau contrat et l'informant de la faculté de renonciation.
La formule retenue par le présent article, qui concerne « les moyens de paiement et tout autre bien inclus dans une offre initialement dédiée aux moyens de paiement » permet d'inclure les assurances couvrant également d'autres risques (perte de certains effets personnels, comme les clés, les frais de réfection des papiers d'identité), fréquemment inclus dans les formules commerciales.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Votre rapporteur estime que le présent article permet d'améliorer l'information des assurés et d'éviter les phénomènes de double assurance, inutilement couteux pour les clients. Il relève également que cette réforme s'inscrit dans la continuité des avancées de 2009 , qui ont accru les protections légales liées à la perte, au vol ou à l'utilisation illégale des moyens de paiement.
Décision de la commission : votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article sans modification.
ARTICLE 29 ter (nouveau) (Art. L. 313-22 du code monétaire et financier) - Prohibition de la facturation de l'information annuelle des cautions
. Commentaire : le présent article prévoit d'introduire la gratuité de l'information annuelle transmise à la caution d'un prêt par l'établissement de crédit.
I. LE DROIT EXISTANT
L'article L. 313-22 du code monétaire et financier encadre les règles relatives à l'information des cautions d'un prêt consenti à une entreprise .
Son premier alinéa dispose que les établissements de crédit qui accordent un prêt à une entreprise sous la condition d'un cautionnement par une personne physique ou morale sont tenus , avant le 31 mars de chaque année, de faire connaitre à la caution le montant du principal et des intérêts , commissions et frais accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution .
Son second alinéa précise qu' en cas de défaut d'accomplissement de cette formalité, l'établissement de crédit encourt la déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information.
II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Le présent article a été adopté par la commission des finances de l'Assemblée nationale à l'initiative de nos collègues Charles de Courson et Joël Giraud et sur un avis de sagesse du rapporteur Romain Colas .
Il prévoit d'insérer au terme du premier alinéa de l'article L. 312-22 du code monétaire et financier un alinéa en vertu duquel l'information annuelle que l'établissement de crédit doit transmettre à la caution d'un prêt consenti à une entreprise ne peut pas être facturée au bénéficiaire de l'information .
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Votre rapporteur relève que l'obligation légale d'information de la personne s'étant portée caution d'un prêt à une entreprise donne souvent lieu à une facturation de la part des établissements de crédit. Variable, la facturation dépasse souvent 50 euros chaque année, ce qui peut conduire à une somme certaine sur la durée entière d'un prêt.
Dans ces conditions, dès lors qu'il s'agit d'une obligation légale et non d'un service optionnel proposé par la banque, votre rapporteur considère que la gratuité doit être garantie et que le dispositif proposé est particulièrement bienvenu. Il vous propose donc d'adopter le présent article.
Décision de la commission : votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article sans modification.
ARTICLE 29 quater (nouveau) (Art. L. 141-7 du code des assurances) - Rôle de l'assemblée générale dans une association ayant souscrit un contrat d'assurance de groupe sur la vie ou de capitalisation
Commentaire : cet article rend obligatoire l'autorisation de l'assemblée générale de l'association pour tout changement substantiel du contrat d'assurance de groupe dont elle est souscriptrice.
I. LE DROIT EXISTANT
A. LE RÔLE DES ASSOCIATIONS SOUSCRIPTRICES
Distincts des contrats mis en place dans le cadre de l'entreprise qui obéissent à un régime spécifique, les contrats d'assurance dits de groupe peuvent être souscrits par l'intermédiaire d' « associations d'épargnants », également appelées « associations souscriptrices » (ils peuvent également l'être par les promoteurs des contrats eux-mêmes, ou par des courtiers). En pratique, elles gèrent principalement des contrats d'assurance vie. Ces dernières se sont multipliées dans les années 1970, car elles bénéficiaient d'une exonération de taxe, supprimée en 1989, qui subsistait pourtant pour les contrats individuels.
Nombre de ces associations sont ouvertement partenaires d'un assureur particulier (AGIPI est partenaire d'AXA, AMPHITEA d'AG2R LA MONDIALE, etc.), tandis que d'autres peuvent proposer des contrats émanant d'acteurs sans liens les uns avec les autres.
L'objet des associations souscriptrices ; l'exemple d'AMPHITEA AMPHITÉA, association de dialogue des assurés des sociétés membres d'AG2R LA MONDIALE définies comme étant les sociétés du périmètre de combinaison de la Sgam AG2R LA MONDIALE, a pour objet : - de conclure en faveur de ses membres adhérents tous contrats d'assurance groupe auprès des entreprises d'assurances autorisées et toutes conventions utiles auprès des organismes de prévoyance ou de retraite, d'adapter à leur profit ces contrats et conventions, et de permettre aux membres de participer à la gestion des risques qui les concernent conformément à la législation en vigueur ; |
- de les informer sur toutes les questions concernant la protection sociale et l'assurance de la personne, à titre individuel et collectif, et d'engager à ces effets toute action d'information, de formation et de communication avec ses membres, et en dehors d'eux pour accueillir de nouveaux membres ; - de développer entre ses membres un esprit de solidarité conforme à la tradition mutualiste ; - de prendre toutes participations et toutes initiatives présentant une utilité directe, indirecte ou complémentaire pour son activité. Elle est aussi force de propositions concernant les produits et services susceptibles d'être distribués par les assureurs avec lesquels elle a conclu des conventions. Source : article 2 des statuts d'AMPHITEA, visibles en libre consultation sur le site internet d'AG2R LA MONDIALE |
B. L'ENCADREMENT DES ASSOCIATIONS SOUSCRIPTRICES
1. L'encadrement législatif : des exigences de participation des membres et d'indépendance des dirigeants
Suite à des cas d'abus de la part de ces associations (baisse des taux minimums garantis, conseils d'administration des associations proches des assureurs), la loi n° 2005-1564 du 15 décembre 2005 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'assurance a, à l'initiative de notre collègue Philippe Marini, alors rapporteur, accru leur indépendance par rapport aux entreprises d'assurance, afin d'éviter des conflits d'intérêts préjudiciables à la protection des épargnants.
Elle a, pour cette raison, institué un article L. 141-7 au code des assurances selon lequel « le conseil d'administration des associations souscriptrices de contrats d'assurance de groupe sur la vie ou de capitalisation dont le lien qui unit l'adhérent au souscripteur ne rend pas obligatoire l'adhésion au contrat est composé, pour plus de la moitié, de membres ne détenant ou n'ayant détenu au cours des deux années précédant leur désignation aucun intérêt ni aucun mandat dans l'organisme d'assurance signataire du contrat d'assurance de groupe, et ne recevant ou n'ayant reçu au cours de la même période aucune rétribution de la part de ce même organisme. »
L'indépendance impliquant également une représentation effective des membres de l'association ou du groupe souscrivant le contrat, cet article précise en outre que « les adhérents à ces contrats sont membres de droit de l'association souscriptrice ; ils disposent d'un droit de vote à l'assemblée générale et peuvent proposer une résolution à l'assemblée générale . Un décret en Conseil d'État précise, pour ces associations, les droits des adhérents lors des assemblées générales. »
2. L'encadrement réglementaire : la protection du rôle de l'assemblée générale
Le décret n° 2006-976 du 1 er août 2006 relatif aux associations souscriptrices de contrats d'assurance de groupe sur la vie, pris en application de la loi du 15 décembre 2005 précitée précise les conditions dans lesquelles ces associations doivent être organisées, et répondent à ce même objectif d'indépendance et de transparence vis-à-vis des membres. Il encadre, à ce titre, très précisément, le rôle de l'assemblée générale.
Ainsi, aux termes de l'article R. 141-4 du code des assurances, « l'assemblée générale est convoquée par le président du conseil d'administration, au moins une fois par an ». Selon l'article R. 141-6 du même code, elle « a seule qualité pour autoriser la signature d'avenants aux contrats d'assurance de groupe souscrits par l'association ». Pour éviter le risque de blocage, « elle peut toutefois déléguer au conseil d'administration, par une ou plusieurs résolutions et pour une durée qui ne peut excéder dix-huit mois, le pouvoir de signer un ou plusieurs avenants dans des matières que la résolution définit . Le conseil d'administration exerce ce pouvoir dans la limite de la délégation donnée par l'assemblée générale, et en cas de signature d'un ou plusieurs avenants il en fait rapport à la plus proche assemblée. »
3. L'encadrement par la jurisprudence
La jurisprudence encadre également l'activité des associations souscriptrices. La Cour de cassation a ainsi reconnu en 2011 le caractère fictif d'une association « transparente » dans un cas où les adhérents n'avaient eu que des relations directes avec l'assureur, requalifiant ainsi les contrats collectifs en contrats individuels 228 ( * ) . En 2010, le Tribunal de grande instance de Paris a condamné une société d'assurance et une association à revenir sur une baisse de taux minimum garanti (TMG) qui avait été adressée par courrier simple aux adhérents, celui-ci constituant, selon la juridiction, un « élément substantiel déterminant la souscription de l'adhérent » 229 ( * ) .
L'action de groupe de la CLCV contre l'AGIPI L'association CLCV a lancé en 2014 une action de groupe contre l'AGIPI et son assureur AXA sur le contrat d'assurance vie CLER en vue du rétablissement du taux garanti de 4,5 % pour les adhésions antérieures au 1 er juin 1995, date de changement de ce taux 230 ( * ) . Elle est notamment motivée par des motifs ayant trait à l'information des adhérents lors de leur adhésion au contrat. Cette dernière a fait l'objet d'une « présentation aux adhérents » et d'une approbation le 23 mars 1998 en assemblée générale. |
II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Le présent article a été adopté en séance publique à l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue député Razzy Hammadi.
Il prévoit d'inscrire au deuxième alinéa de l'article L. 141-7 du code des assurances le fait que « l'assemblée générale a seule qualité pour autoriser la modification d'éléments substantiels du contrat d'assurance de groupe souscrit par l'association ».
Cette modification a notamment pour effet de rendre illégal l'article R. 141-6 du code des assurances précité, puisque la signature d'un avenant impliquant une modification substantielle ne peut, selon cette formulation, en aucun cas faire l'objet d'une délégation de pouvoir de l'assemblée générale au conseil d'administration.
L'amendement initial prévoyait en outre que les membres de l'association ne pourraient, lors des assemblées générales, être porteurs de plus de dix mandats. Le Gouvernement a supprimé cette condition par voie de sous-amendement, indiquant qu'elle relevait du pouvoir réglementaire et risquerait de bloquer les associations en pratique, en raison des règles de quorum qui y sont instituées. La formulation initiale de cet article visait les éléments « essentiels » des contrats, qui a été remplacée, par voie de sous-amendement également, par « substantiels ».
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Votre rapporteur partage les objectifs des auteurs de cet article, d'amélioration de la transparence et du fonctionnement des associations d'épargnants.
Néanmoins, inscrire dans la loi le principe selon lequel les éléments substantiels des contrats collectifs d'assurance doivent systématiquement faire l'objet d'une autorisation de l'assemblée générale apparaît excessif .
Tout d'abord, les ambiguïtés du mot « substantiel » pourraient être à la source d'un contentieux important . Il n'est d'ailleurs pas certain que tous les changements « substantiels » d'un contrat collectif d'assurance justifient que l'ensemble des épargnants se prononcent directement en assemblée générale à leur sujet. En effet, si une telle implication des adhérents apparaît justifiée pour un changement des taux minimums garantis d'une assurance vie, elle semble moins pertinente pour un ajustement des supports financiers (par exemple, la substitution d'un OPCVM à un autre), qui n'en restent pas moins des éléments substantiels du contrat.
Par ailleurs, ces changements pourraient créer de nombreuses difficultés pour les associations souscriptrices . Ils induisent des coûts supplémentaires (convocation, tenue de l'assemblée générale) et pourraient réduire la réactivité de ces associations, favorisant ainsi les courtiers et les assureurs commercialisant des contrats individuels, ce qui n'est sans doute pas l'objectif poursuivi.
Enfin, en plus de l'article L. 114-11 du code des assurances qui accroit les exigences d'indépendance des conseils d'administration vis-à-vis des groupes d'assurance, la partie réglementaire de ce code encadre d'ores et déjà strictement les pouvoirs de délégation . Ainsi, l'assemblée générale ne peut déléguer au conseil d'administration le pouvoir de signer des avenants aux contrats que pour une durée limitée à dix-huit mois et dans un périmètre bien défini (article R. 141-6 du code des assurances). Le présent article apparait donc non seulement difficile à mettre en oeuvre mais également superflu.
Votre rapporteur reconnaît que des mesures pourraient utilement être prises pour améliorer le fonctionnement de ces associations, telles qu'un accroissement des exigences de précision des délégations de pouvoirs, souvent trop larges aujourd'hui, ou une réduction de leur durée de validité à un an. Néanmoins, il estime que c'est au pouvoir réglementaire qu'il incombe de traiter ces questions et qu'un alourdissement de la loi dans ce domaine doit être évité.
Votre commission a adopté l'amendement de suppression du présent article n° COM-258.
Décision de la commission : votre commission propose à la commission des lois de supprimer cet article.
TITRE V - DE L'AMÉLIORATION DE LA SITUATION FINANCIÈRE DES ENTREPRISES AGRICOLES ET DU FINANCEMENT DES ENTREPRISES
CHAPITRE II - Mesures relatives
à l'amélioration du financement des entreprises
ARTICLE 32 (Art. L. 512-1 et L. 512-105 du code
monétaire et financier) - Rémunération des parts sociales
des coopératives
. Commentaire : le présent article prévoit de porter le plafond de rémunération des parts sociales de coopératives à la moyenne des trois dernières années du taux de rendement des obligations des sociétés privées majoré de deux points. Il vise également à renforcer les obligations qui pèsent sur les banques coopératives en termes d'information des souscripteurs de ces parts sociales.
I. LE DROIT EXISTANT
A. UN TAUX D'INTÉRÊT PLAFONNÉ POUR FAVORISER LE RÉINVESTISSEMENT DES BÉNÉFICES
Le régime des entreprises coopératives, fixé par la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération, prévoit que l'intérêt servi au capital des coopératives, qui s'assimile au dividende d'une action de société anonyme, est plafonné . Ce plafonnement s'explique par la philosophie qui anime la société coopérative, fondée sur le réinvestissement des bénéfices dans l'outil de production et non sur la rémunération financière des apporteurs de capitaux.
Le plafond posé par l'article 14 de cette même loi a évolué en plusieurs étapes : fixé à 6 % par an par la loi de 1947 à 1983, il a été porté à 8,5 % par an en 1983, dans un contexte de forte inflation. Depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 92-643 du 13 juillet 1992 relative à la modernisation des entreprises coopératives, ce taux, désormais évolutif, est égal au taux moyen des obligations du secteur privé (TMO), publié par le ministre de l'économie. L'étude d'impact annexée au présent projet de loi indique que ce taux est calculé par la Banque de France selon la formule suivante : indice obligataire TEC10 231 ( * ) + 0,25 %. Le TMO, qui a atteint un plus bas historique au premier semestre 2015 avec moins de 1 %, s'établissait encore à environ 4,65 % au deuxième semestre 2007 , avant l'éclatement de la crise financière.
Taux moyen de rendement des obligations des sociétés privées depuis 2012
Période |
Taux moyen de rendement des obligations (TMO) |
2 ème semestre 2015 |
1,19 % |
1 er semestre 2015 |
0,96 % |
2 ème semestre 2014 |
1,5 % |
1 er semestre 2014 |
2,28 % |
2 ème semestre 2013 |
2,62 % |
1 er semestre 2013 |
2,3 % |
2 ème semestre 2012 |
2,41 % |
1 er semestre 2012 |
3,15 % |
Source : direction générale du Trésor
B. DES OBLIGATIONS D'INFORMATION MINIMALES
En tant que titres de capital, les parts sociales ne sont pas soumises à la réglementation des titres financiers et, en particulier, des titres de créance concernant la commercialisation . Ainsi, alors que la commercialisation des titres obligataires aux particuliers doit s'accompagner d'une information minimale sur les risques encourus, la commercialisation de titres de capital n'est en elle-même pas encadrée.
Toutefois, préalablement à toute offre au public, l'émission de parts sociales doit être accompagnée d'un prospectus visé par l'Autorité des marchés financiers (AMF) dans les conditions fixées par les articles 212-1 et suivants du règlement général de l'AMF. De plus, les communications à caractère promotionnels qui accompagnent cette émission doivent également être communiquées à l'AMF préalablement à leur diffusion (articles 212-28 et suivants du règlement général de l'AMF).
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
Le présent article a d'abord pour objet de modifier l'article 14 de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération, afin de modifier la règle de plafonnement du taux d'intérêt servi aux parts sociales de coopératives . Ce taux serait « au plus égal à la moyenne, sur les trois années civiles précédant la date de l'assemblée générale, du taux moyen de rendement des obligations des sociétés privées, majorée de deux points » . Le présent article reprend en ce sens les dispositions de la proposition de loi relative à la rémunération du capital des sociétés coopératives de notre collègue député Joël Giraud, adoptée par l'Assemblée nationale le 10 mars 2016.
Par rapport au plafonnement actuel, le relèvement comporte donc deux volets :
- d'une part, un lissage du TMO pris en compte sur les trois années précédentes , afin d'éviter les variations liées à sa volatilité ;
- d'autre part, une majoration de deux points , permettant de donner aux sociétés coopératives une « marge de rémunération » dans un contexte de taux très bas.
Par ailleurs, le présent article modifie l'article L. 512-1 du code monétaire et financier, afin d'ajouter deux nouveaux alinéas relatifs aux obligations d'information en matière de commercialisation des parts sociales de banques coopératives . Il convient de souligner que, si la modification de la règle de plafonnement du taux d'intérêt des parts sociales concerne toutes les sociétés coopératives quel que soit leur secteur d'activité, l'introduction d'obligation d'information au moment de la commercialisation ne s'applique qu'aux sociétés coopératives du secteur bancaire .
Ainsi, l'alinéa 4 du présent article prévoit que les informations relatives aux parts sociales, y compris à caractère publicitaire, « présentent un contenu exact, clair et non trompeur ». Par ailleurs, il prévoit que les banques coopératives et mutualistes doivent, avant la souscription, donner aux souscripteurs des « informations leur permettant raisonnablement de comprendre la nature des parts sociales proposées ainsi que les risques et inconvénients y afférents ».
En outre, l'alinéa 5 du présent article prévoit que les banques mutualistes et coopératives ont l'obligation, non seulement d'informer les souscripteurs, mais de s'informer des connaissances et de l'expérience en matière financière des souscripteurs, ainsi que de leur situation financière et de leurs objectifs de souscription . Il est toutefois prévu que l'accomplissement de ces diligences doit tenir compte « des caractéristiques des parts sociales et des montants de souscription envisagés » . Enfin, le présent article prévoit que la banque doit mettre en garde le souscripteur si ce dernier ne communique pas l'ensemble des informations demandées.
Enfin, le III du présent article procède à une coordination au sein de l'article L. 512-105 du code monétaire et financier.
*
Le présent article a été adopté par l'Assemblée nationale sans modification.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
A. UN RELÈVEMENT DU PLAFONNEMENT QUI REDONNE UNE MARGE DE RÉMUNÉRATION AUX PARTS SOCIALES DE COOPÉRATIVES
Les sociétés coopératives, en particulier bancaires, souffrent depuis plusieurs mois d'une baisse de l'attractivité relative de leurs titres de capital . En application de la règle actuelle de plafonnement, l'intérêt servi aux parts sociales a été, pour toutes les banques coopératives, de 1,89 % en 2014 et de 1,075 % en 2015. Or, la fiscalité applicable étant identique à celle des dividendes au regard de l'impôt sur le revenu notamment, ce rendement peut aujourd'hui être moins attractif que le placement dans un livret réglementé, présentant pourtant moins de risques 232 ( * ) .
Dans ce contexte, les banques mutualistes et coopératives ont fait l'objet, en 2015, de nombreux articles de presse spécialisée tendant à décourager les particulier d'investir dans ces parts sociales.
Compte tenu de ces évolutions, les modifications introduites par le présent article en matière de plafonnement sont bienvenues : elles lissent la référence au TMO, afin d'éviter une trop importante volatilité dans un contexte de taux bas, et elles donnent, par la majoration de deux points, une nouvelle marge de rémunération des sociétaires des banques coopératives et mutualistes. Cette attractivité est en effet nécessaire pour permettre à ces établissements de répondre aux exigences de renforcement des fonds propres posées par les régulateurs.
Si cette règle avait été appliquée en 2015, le taux d'intérêt plafond serait passé de 1,075 % à 3,8 %.
B. DES OBLIGATIONS D'INFORMATION UTILES, QUI POURRAIENT ÊTRE COMPLÉTÉES
De façon cohérente avec le relèvement du rendement des parts sociales, le présent article vise à préciser les informations qui doivent être délivrées aux souscripteurs au moment de la commercialisation de ces parts sociales .
En effet, ces parts sociales présentent deux principaux risques.
Le premier risque est celui de la perte en capital . Si ce risque est inhérent à leur nature de titre de capital, sa réalisation est devenue plus crédible depuis l'entrée en vigueur des règles relatives à la résolution des établissements de crédit et, en particulier, aux règles du renflouement interne ( bail-in ) . À cet égard, les exemples récents des résolutions de banques coopératives italiennes, dans lesquels des particuliers ont perdu une part importante de leur épargne placée en parts sociales, ont illustré les conséquences pratiques de l'application du bail-in 233 ( * ) .
Le second risque est un risque d'illiquidité : en effet, la cession des parts sociales de coopératives est soumise, en application de l'article 11 de la loi de 1947 précitée, « à l'approbation, soit de l'assemblée générale, soit des administrateurs ou gérants, dans les conditions fixées par les statuts ». En pratique, même si les modalités de cette approbation évoluent en fonction de la politique commerciale de la banque, une cession immédiate n'est jamais possible : généralement, le détenteur de parts sociales doit informer son établissement de sa volonté de céder en amont de l'assemblée générale annuelle, et la cession peut n'être réalisée que plusieurs mois plus tard. Certains établissements informent même les souscripteurs, par prudence, que la cession peut durer jusqu'à cinq ans.
En conséquence, il semble opportun de prévoir des obligations d'information spécifiques pour les parts sociales des banques coopératives, afin qu'à la nouvelle attractivité de ce placement corresponde une protection accrue des épargnants . Dans ce cadre, le présent article reprend en grande partie les obligations d'information et de renseignement qui existe en matière de commercialisation d'instruments financiers (article L 533-13 du code monétaire et financier) et de certificats mutualistes (article L 326-22-8 du code des assurances).
Comme pour les certificats mutualistes, il prévoit que l'obligation de se renseigner sur la situation financière et les connaissances en matière financière des souscripteurs doit être proportionnée au montant des parts sociales dont la souscription est envisagée : en effet, ces diligences, inutiles pour la souscription de quelques parts sociales à l'ouverture d'un compte courant, sont en revanche nécessaires en cas de souscription dans le cadre d'une stratégie de placement financier. Il reviendra à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, dans le cadre de la supervision de la commercialisation et de sa mission de protection des épargnants, de s'assurer que ces diligences ont été effectuées correctement, en fonction du profil des souscripteurs. Retrouvant le potentiel d'attractivité d'un placement financier avec l'augmentation du plafond de sa rémunération, la part sociale de coopérative doit en effet faire l'objet des informations et mises en garde qui accompagne la commercialisation de tout autre instrument financier.
Décision de la commission : votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article sans modification.
ARTICLE 33 - Habilitation pour la réforme du régime prudentiel des activités de retraite professionnelle supplémentaire et modernisation de certains dispositifs de retraite supplémentaire à adhésion individuelle
. Commentaire : le présent article habilite le Gouvernement à créer une nouvelle catégorie d'organismes ayant pour objet la gestion des régimes de retraite professionnelle supplémentaire, et soumis à un régime prudentiel moins contraignant que celui des organismes d'assurance. Il habilite également le Gouvernement à moderniser le régime des plans d'épargne retraite populaire, des retraites supplémentaires par points et à modifier le statut des institutions de retraite professionnelle collective afin de favoriser la commercialisation des plans d'épargne retraite collective en libre prestation de service.
I. LE DROIT EXISTANT
A. LE RÉGIME PRUDENTIEL DES RETRAITES PROFESSIONNELLES SUPPLÉMENTAIRES
1. La diversité des contrats de retraite professionnelle supplémentaire
La retraite professionnelle supplémentaire correspond aux contrats de retraite assurantielle d'entreprise par capitalisation ayant pour objectif la constitution de rentes viagères . Ces contrats sont souscrits par l'employeur pour le compte de ses salariés. Il existe de nombreux systèmes d'épargne retraite par capitalisation collectifs suivant ce principe :
- contrats à cotisations définies (dits article 83 du code général des impôts) ;
- retraites chapeau (article 39 du CGI) ;
- plans d'épargne retraite en entreprise (PERE) ;
- contrats « Madelin » pour les travailleurs non-salariés et les agriculteurs ;
- plans d'épargne pour la retraite collective (PERCO).
Paysage des produits d'épargne en vue de la retraite
Source : étude d'impact
2. Un régime prudentiel contraignant
À l'exception des PERCO, gérés par des sociétés de gestion 234 ( * ) , ces régimes de retraite supplémentaire collectifs sont tous gérés par les organismes soumis aux exigences prudentielles de la directive « Solvabilité II 235 ( * ) » (qu'ils soient régis au niveau national par le code des assurances, le code de la mutualité pour les mutuelles ou le code de la sécurité sociale pour les institutions de prévoyance) qui est entrée en vigueur le 1 er janvier 2016.
Le pilier I de Solvabilité II regroupe les exigences quantitatives, c'est-à-dire les règles de valorisation des actifs et des passifs, ainsi que les exigences de capital et leur mode de calcul . L'application de ce régime prudentiel, fondé sur un horizon de risque à un an, au secteur des retraites professionnelles supplémentaires entraîne une limitation des capacités d'investissement de ces acteurs dans des actifs de diversification de long terme, pourtant plus adaptés au profil des activités de retraite.
La directive européenne 2003/41/CE du 3 juin 2003 dite « IORP » 236 ( * ) permet néanmoins aux États membres de soumettre ces institutions ad hoc à un régime prudentiel propre, moins strict sur le profil long terme que les assurances. Ainsi , tous les États membres, sauf la France, ont choisi de soustraire les activités de retraite supplémentaire à l'application du régime prudentiel général des assurances lorsqu'ils ont transposé cette directive.
En France, l'application de Solvabilité II à ces régimes pourrait empêcher les assureurs de générer des rendements attractifs et nuire au financement de l'économie, les incitant à se reporter sur des actifs sûrs et peu rentables, tels que les obligations d'État. Par ailleurs, la différence réglementaire ainsi engendrée pourrait créer une distorsion avantageant les organismes des États membres exerçant en France en libre prestation de service avec des exigences réglementaires moindres.
B. LES MODALITÉS DE SORTIE EN CAPITAL POUR LES PERP
Voir le commentaire de l'article 33 bis , infra.
C. LA COMMERCIALISATION DES PERCO EN LIBRE PRESTATION DE SERVICE : UNE POSSIBILITÉ SOUS-EXPLOITÉE FAUTE D'UN CADRE JURIDIQUE ADAPTÉ
L'article 8 de l'ordonnance n° 2006-344 du 23 mars 2006 relative aux retraites professionnelles supplémentaires, permet aux sociétés de gestion d'offrir leur PERCO sous forme d'institution de retraite professionnelle collective, ce qui, conformément à la directive IORP, leur permet de les proposer en libre prestation de service (LPS) dans d'autres États membres.
La possibilité de proposer ces PERCO en libre prestation de service, conformément à la directive IORP et au cadre juridique prévu par l'article 8 de l'ordonnance de 2006, devait permettre aux entreprises présentes dans plusieurs États membres d'offrir un seul produit à l'ensemble de leurs salariés européens.
Le cadre fixé par l'ordonnance de 2006 apparait toutefois trop peu opérationnel et reste inutilisé. Selon la DG Trésor, l'ensemble des gestionnaires de ces produits indique que le cadre juridique de ces institutions (aujourd'hui des établissements teneurs de compte, dépendant du cadre bancaire) apparaît inadapté à leur objet.
D. LES DIFFICULTÉS LIÉES AU RÉGIME DE RETRAITE SUPPLÉMENTAIRE PAR POINTS
Les régimes de retraite supplémentaire par points permettent l'acquisition d'une rente viagère différée. Gérés par des organismes propres (comme la Préfon, la Caisse nationale de prévoyance des fonctionnaires ou la Complémentaire retraite mutualiste) et non les employeurs, ils n'entrent pas dans le champ des retraites professionnelles et de la directive IORP et sont donc soumis à Solvabilité II .
Dans ces régimes, les cotisations versées par les assurés sont converties en points affectés individuellement. Ces points ouvrent droit à pension et sont revalorisés chaque année selon la performance des supports financiers, de telle sorte que l'assuré assume le risque de marché. Ils représentent aujourd'hui 25 milliards d'euros s'agissant des entités régies par le code des assurances . Selon l'étude d'impact, ces régimes connaissent toutefois des problèmes de rentabilité liés à la période actuelle de taux bas et souffrent d'un manque de transparence.
S'agissant des taux bas, l'étude d'impact relève ainsi que ces régimes « sont contraints par des règles nationales de couverture des engagements particulièrement sensibles à des variations des taux d'intérêt qui s'ajoutent aux règles prudentielles issues de Solvabilité II applicables au niveau de l'organisme. En effet, leurs actifs sont évalués au coût historique (ils n'intègrent pas les plus-values latentes), tandis que leurs passifs sont actualisés au taux moyen des emprunts d'État et deviennent donc de plus en plus lourds à mesure que les taux diminuent, ce contexte difficile ayant conduit plusieurs régimes à décider d'abandonner un système par points ou de quasiment interrompre leur commercialisation ».
La transparence doit également être renforcée , « afin de permettre aux assurés de pleinement comprendre la nature des garanties souscrites (en particulier la possibilité ou non de voir, dans certaines conditions dégradées, la valeur de leurs droits baisser et selon quelles conditions) et d'être mieux à même d'apprécier la solidité financière du régime auquel ils ont adhéré en vue de la préparation de leur retraite ». Enfin, ces régimes étant gérés à la fois par des entreprises d'assurance, des mutuelles régies par le code de la mutualité et des institutions de prévoyance régies par le code de la sécurité sociale, ils font aujourd'hui l'objet de règles non harmonisées.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
A. LA CRÉATION D'UNE NOUVELLE CATÉGORIE D'ORGANISMES AYANT POUR OBJET LA GESTION DES RETRAITES SUPPLÉMENTAIRES ET SOUMISE À UN RÉGIME PRUDENTIEL PROPRE
Les 1° et 2° du présent article visent à habiliter le Gouvernement à créer une nouvelle catégorie d'organismes, distincte des entreprises d'assurance, des mutuelles ou union et des institutions de prévoyance « ayant pour objet l'exercice de l'activité de retraite professionnelle supplémentaire » et à leur créer un régime prudentiel propre « en conformité avec le cadre prévu par la directive 2003/41/CE (IORP) ».
Cette nouvelle catégorie d'organismes pourrait gérer l'ensemble des contrats de retraite professionnelle supplémentaire, à l'exception des PERCO, gérés par les sociétés de gestion, des PERP et des systèmes de retraite par points, qui ne constituent pas des contrats de retraite professionnelle supplémentaire au sens de la directive IORP. Selon l'étude d'impact, les engagements de retraite supplémentaire aujourd'hui gérés par les assureurs et susceptibles de l'être, à l'avenir, par ces fonds, s'élèvent à 130 milliards d'euros, et pourraient ainsi être redirigés vers des actifs de diversification de long terme. Les effets seraient positifs pour le financement de l'économie et le rendement de ces régimes.
Selon les informations de votre rapporteur et celles fournies dans l'étude d'impact, ce régime prudentiel se rapprocherait, s'agissant des exigences quantitatives, de Solvabilité I, et conserverait les mêmes exigences de gouvernance et de reporting que celles issues de Solvabilité II. Tout en desserrant les contraintes d'investissement à long terme, en se fondant sur un horizon de risques à 10 ans, ce nouveau régime prudentiel serait donc garant de la protection des assurés. Le 3° habilite le Gouvernement à étendre à ces fonds le contrôle de l'ACPR « en les soumettant aux autres dispositions du code monétaire et financier applicables aux assurances [pouvoirs de contrôle, de police administrative, de sanction]». Ces fonds, agréés par l'ACPR, seront en outre soumis à des stress tests visant à déterminer leur résilience.
Le 4° permet le « transfert de portefeuille couvrant des engagements de retraite professionnelle supplémentaire » des organismes d'assurance, mutuelles, institutions de prévoyance vers ces fonds , permettant ainsi de leur appliquer ce nouveau régime prudentiel. Ce dernier devrait s'opérer suivant la procédure classique de transfert de portefeuille, prévue aux articles L. 324-1 du code des assurances, L. 212-11 du code de la mutualité et L. 931-16 du code de la sécurité sociale suivant la nature juridique de l'organisme cédant. Cette procédure, garante des droits des créanciers, implique notamment l'information de ces derniers par la publication d'un avis au Journal officiel et l'approbation du transfert par l'ACPR.
Le 5° vise à permettre à ces mêmes organismes de modifier leur objet dès lors qu'ils ne couvrent que des engagements de retraite professionnelle supplémentaire . Le nombre des institutions concernées par une telle possibilité est estimé par la DG Trésor entre 5 et 10 (essentiellement des institutions prévoyance rattachés à des banques).
La directive Solvabilité II (article 308 ter ) laisse aux assureurs la possibilité de gérer des régimes de retraite professionnelle en leur appliquant le régime prudentiel antérieur jusqu'en 2019. Les organismes concernés décideront donc probablement de recourir à la possibilité de transfert ou de changement d'objet d'ici à cette date.
B. LA MODERNISATION DES INSTITUTIONS DE RETRAITE PROFESSIONNELLE COLLECTIVE AFIN DE FAVORISER LA COMMERCIALISATION DES PERCO EN LIBRE PRESTATION DE SERVICES
Le 6° permet de modifier l'article 8 de l'ordonnance n° 2006-344 du 23 mars 2006 relative aux retraites professionnelles « afin de moderniser celles applicables aux institutions de retraite professionnelle collective ainsi qu'aux personnes morales administrant ces institutions et de préciser les modalités de leur agrément et d'exercice de leur activité ». Le Gouvernement souhaite, par ce biais, favoriser la commercialisation de PERCO en libre prestation de services.
L'article 8 comprend en outre des renvois à des articles abrogés (par exemple, à l'article L. 443-1-2 du code du travail) ce qui justifie sa modernisation.
C. L'ÉLARGISSEMENT DES POSSIBILITÉS DE RACHAT ANTICIPÉ DES PERP
Voir article 33 bis, infra.
D. LA RÉFORME DU RÉGIME DE RETRAITE SUPPLÉMENTAIRE PAR POINTS
Le 9° habilite le Gouvernement à modifier « les règles applicables aux régimes de retraite supplémentaire en points gérés par des entreprises d'assurance, des mutuelles ou unions régies par le livre II du code de la mutualité, des institutions de prévoyance ou unions régies par le titre III du livre IX du code de la sécurité sociale en matière d'information des affiliés et en matière de conversion et d'évolution de la valeur de service de l'unité de rente. »
Cette habilitation vise à adapter ces régimes à Solvabilité II et au contexte de taux bas ainsi qu'à accroître leur transparence et à harmoniser leur fonctionnement, aujourd'hui différent selon la nature juridique de l'organisme (ainsi, le régime Préfon dépend du code des assurances et le régime COREM du code de la mutualité) alors que ces produits se présentent comme similaires. Les possibilités de faire évoluer les droits à la baisse ne sont pas les mêmes selon le statut de l'organisme gestionnaire et ne sont pas toujours bien précisées dans les contrats. La réforme visera donc à imposer des exigences accrues de transparence et de lisibilité des garanties pour les assurés, en imposant notamment l'accord collectif des parties en cas de baisse de la valeur de la rente.
III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
À l'initiative du rapporteur de la commission des lois, Sébastien Denaja, et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a supprimé l'habilitation du Gouvernement à élargir les modalités de sortie en capital des PERP, et introduit un article 33 bis , qui modifie directement le code des assurances à cet effet.
IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Votre rapporteur partage l'objectif du Gouvernement, qui vise à assouplir le régime prudentiel des retraites professionnelles supplémentaires, afin d'améliorer leur rendement et de favoriser leur contribution au financement de l'économie. Si le régime prudentiel prévu par Solvabilité II apparaît effectivement trop strict, il semble néanmoins souhaitable de garantir une protection suffisante des assurés, au moins égale à celle de Solvabilité I. Votre rapporteur regrette néanmoins que le Parlement n'ait pas été davantage associé à cette réforme.
Décision de la commission : votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article sans modification.
ARTICLE 33 bis (nouveau) (Art. L. 144-2 et L. 132-23 du code des assurances) - Sortie en capital des plans d'épargne retraite populaire aux faibles encours
Commentaire : cet article introduit à l'article L. 144-2 du code des assurances une nouvelle possibilité de sortie en capital pour les plans d'épargne retraite populaire dont la valeur de transfert est inférieure à 2 000 euros sous réserve qu'aucun versement de cotisation n'ait été réalisé au cours des quatre années précédant le rachat et que l'adhésion au contrat soit intervenue au moins quatre années révolues avant la demande de rachat lorsque le contrat prévoit des versements réguliers.
I. LE DROIT EXISTANT
Le PERP, créé en 2003, est le seul produit d'épargne individuel dédié à la retraite . Il vise à assurer au souscripteur des revenus complémentaires au moment du départ en retraite et ne peut donc, en principe, être débloqué pendant la phase de constitution . L'épargne accumulée est rétrocédée sous la forme d'une rente viagère à partir de l'âge légal de départ en retraite du souscripteur. Selon le code des assurances, des possibilités de sortie en capital sont toutefois possibles (articles L. 132-23 et L. 144-2 du code des assurances) :
- au moment du départ en retraite, plafonnée à 20 % du montant total ;
- en cas d'acquisition d'une résidence principale après le départ en retraite ;
- en cas d'événements graves (décès du conjoint, invalidité, expiration des droits aux allocations chômage, liquidation judiciaire, surendettement).
L'article A. 160-2 permet également aux assureurs de racheter, à leur initiative, ces contrats si la rente servie est inférieure à 40 euros.
De nombreux titulaires de « mini-PERP » (entre 1 500 et 2 000 euros) ne remplissant pas ces conditions souhaitent toutefois les débloquer . Comme l'indique l'étude d'impact, la Direction générale du Trésor reçoit un nombre élevé de demandes de particuliers à ce sujet, faisant face à des difficultés financières et n'ayant pas ou peu d'épargne de précaution.
II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Le présent article a été introduit en séance publique à l'Assemblée nationale à l'initiative du rapporteur Sébastien Denaja. Il remplace une ordonnance initialement inclue par le Gouvernement dans l'article 33 visant à élargir les possibilités de rachat anticipé des PERP.
Il p rocède à la modification de l'article L. 144-2 pour permettre le rachat des PERP lorsque les conditions suivantes sont remplies :
- la valeur de transfert du contrat est inférieure à 2 000 euros ;
- pour les contrats ne prévoyant pas de versements réguliers, aucun versement de cotisation n'a été réalisé au cours des quatre années précédant le rachat ; pour les contrats prévoyant des versements réguliers, l'adhésion au contrat est intervenue au moins quatre années révolues avant la demande de rachat ;
- le revenu de son foyer fiscal de l'année précédant celle du rachat est inférieur à la somme, majorée le cas échéant au titre des demi-parts supplémentaires retenues pour le calcul de l'impôt sur le revenu afférent audit revenu, prévue au II de l'article 1417 du code général des impôts 237 ( * ) .
Le présent article modifie également à la marge les cas dans lesquels les contrats d'assurance de groupe en cas de vie dont les prestations sont liées à la cessation d'activité professionnelle (retraites professionnelles supplémentaires) doivent prévoir une faculté de rachat en cas. L'article L. 132-23 prévoit que cette faculté doit être possible en cas d' « expiration des droits de l'assuré aux allocations chômage prévues par le code du travail en cas de licenciement ». Il est ainsi envisagé de remplacer « prévues par le code du travail en cas de licenciement » par « accordées consécutivement à une perte involontaire d'emploi », ce qui en augmenterait substantiellement le champ (aux fins de contrats à durée déterminée, notamment).
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Votre rapporteur attire l'attention sur le fait que certains des titulaires de ces « mini-PERP » n'auraient vraisemblablement pas dû en souscrire un au regard de leur situation financière. Par ailleurs, comme le relève l'étude d'impact « cette nouvelle faculté de rachat aurait un effet positif sur le pouvoir d'achat des ménages concernés ».
Votre rapporteur pense que cette modification permet de répondre à une forte demande des titulaires de PERP à faible encours, sans remettre en cause leur principe général. Néanmoins, il estime que la condition de ressource n'est pas justifiée. Elle complexifie à l'excès le dispositif sans constituer, par elle-même, un motif d'intérêt général justifiant une atteinte aux contrats en cours.
En ce sens, votre commission a, à l'initiative de votre rapporteur, adopté un amendement n° COM-259 supprimant cette condition de ressources.
Décision de la commission : votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article ainsi modifié.
ARTICLE 34 (Art. L. 211-4 et L.
214-160 du code monétaire et financier) - Habilitation pour la
modernisation du financement
par dette des entreprises
Commentaire : le présent article prévoit d'habiliter le Gouvernement à prendre diverses mesures d'ordre législatif par ordonnance tendant à moderniser les règles encadrant le financement par dette des entreprises.
I. LE DROIT EXISTANT
A. LA PROTECTION DES PORTEURS D'OBLIGATIONS
Le régime actuel de protection des porteurs d'obligations est principalement prévu aux articles L. 228-46 et suivants du code de commerce. Il continue toutefois de reposer en partie sur certains textes non codifiés tels que le décret-loi de 1935 sur la protection des obligataires et la loi de 1934 relative à la compétence en matière de remboursement des titres et de paiement des coupons.
En application de l'article L. 228-46 du code de commerce, les porteurs d'obligations issues d'une même émission sont regroupés pour la défense de leurs intérêts communs au sein d'une masse dotée de la personnalité morale 238 ( * ) .
Cette masse est toutefois représentée par un ou plusieurs mandataires, élus par l'assemblée générale des obligataires .
B. LE RÉGIME DE L'AGENT DES SÛRETÉS
Pour prémunir les créanciers du défaut du débiteur, des sûretés peuvent être octroyées par l'entreprise .
À cette fin, comme le rappelle notre ancien collègue Henri de Richemont, « les usages bancaires internationaux consistent à confier à une entité spécifique - l'agent des sûretés - le soin de prendre, de gérer le cas échéant et de réaliser les sûretés au profit de l'ensemble des créanciers ».
Depuis la loi du 19 février 2007 instituant la fiducie, adoptée à l'initiative de notre ancien collègue Philippe Marini 239 ( * ) , la constitution, la gestion et réalisation des sûretés réelles pour le compte de plusieurs créanciers sont régies par l'article L. 2328-1 du code civil.
Aux termes de cet article, « toute sûreté réelle peut être constituée, inscrite, gérée et réalisée pour le compte des créanciers de l'obligation garantie par une personne qu'ils désignent à cette fin dans l'acte qui constate cette obligation ».
En pratique, les créditeurs désignent un « agent des suretés » , qui devient l'interlocuteur des créanciers vis-à-vis de l'emprunteur, est chargé d'administrer les sûretés et exerce certaines formalités et actions en son nom pour le compte des créanciers.
C. LES FONDS D'INVESTISSMENT ET LE FINANCEMENT DES ENTREPRISES
1. Les avances en compte courant
Les avances en compte courant d'associés permettent à une entreprise d'emprunter les sommes nécessaires à l'un de ses associés ou à son dirigeant sans procéder à une augmentation de capital, cette dernière pouvant se révéler plus coûteuse.
Ces avances en compte courant peuvent figurer à l'actif de certains fonds d'investissement professionnels. Comme le rappelle l'Autorité des marchés financiers (AMF), ces fonds n'étant pas ouverts aux investisseurs non professionnels, ils « ont la particularité d'avoir des règles d'investissement allégées et donc d'avoir moins de contrainte à respecter dans leur gestion » 240 ( * ) .
Ainsi, l'article L. 214-160 du code monétaire et financier prévoit pour les fonds professionnels de capital investissement (FPCI) un plafond d'avances en compte courant à hauteur de 15 % de l'actif . Ces avances ne peuvent toutefois concerner que des entreprises dans lesquelles le fonds détient déjà une participation.
S'agissant des sociétés de libre partenariat 241 ( * ) , l'article L. 214-162-7 du code monétaire et financier laisse une large place à la liberté contractuelle .
En effet, les statuts de la société de libre partenariat peuvent définir des règles d'investissement et d'engagement par dérogation au cadre applicable aux fonds d'investissement à vocation générale, étant précisé que l'actif peut comprendre « des avances en compte courant consenties, pour la durée de l'investissement réalisé, à des sociétés dans lesquelles la société de libre partenariat détient une participation ».
2. L'acquisition de créances non échues par les fonds d'investissement
En complément, certains fonds d'investissement peuvent acquérir des créances non échues 242 ( * ) , alors même que le rachat de créances est assimilé à une opération de crédit, en principe réservée aux établissements de crédit et aux sociétés de financement en application de l'article L. 511-5 du code monétaire et financier.
En effet, comme le rappelle l'étude d'impact, « la plupart des fonds d'investissements alternatifs (FIA) bénéficient déjà, en droit français, d'une exemption à l'application de l'article L. 511-5 du code monétaire et financier » 243 ( * ) .
3. L'octroi de prêts aux entreprises
L'article 27 de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015 a autorisé certains fonds d'investissement alternatifs 244 ( * ) à octroyer des prêts à des entreprises dans deux cas :
- lorsqu'ils ont reçu le label dit « ELTIF » , dans les conditions fixées par le règlement (UE) n° 2015/760 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2015 relatif aux fonds européens d'investissement à long terme.
- « dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État ».
Les fonds européens d'investissement à long terme (ELTIF) Les ELTIF doivent apporter des financements de longue durée à divers projets d'infrastructure, à des sociétés non cotées ou à des petites et moyennes entreprises (PME) cotées, qui émettent des instruments de capitaux propres ou de dette. Sont autorisés à utiliser la dénomination « ELTIF » les fonds d'investissement alternatifs (FIA) gérés par des gestionnaires de fonds agréés conformément à la directive 2011/61/UE sur les gestionnaires de fonds d'investissement alternatifs (directive dite « AIFM ») et respectant les conditions du règlement ELTIF. Ils doivent notamment respecter un quota d'investissement minimum de 70 % en : - instruments de fonds propres et quasi fonds propres (actions non cotées, actions cotées de PME-ETI - avec une limite de capitalisation de 500 millions d'euros), prêts participatifs et subordonnés, obligations convertibles...) ; |
- instruments de dettes ou prêts peu ou pas liquides ; - actifs physiques détenus en direct en particulier dans le domaine des infrastructures. Source : commission des finances du Sénat |
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
Le présent article propose d'habiliter le Gouvernement à prendre, dans un délai de dix mois , certaines mesures relevant du domaine de la loi afin de moderniser le financement en dette des entreprises.
Il s'agit tout d'abord des mesures visant à « favoriser le développement des émissions obligataires », notamment en « simplifiant et modernisant les dispositions relatives à ces émissions et à la représentation des porteurs d'obligations, ainsi qu'en abrogeant les dispositions devenues caduques et en mettant le droit français en conformité avec le droit européen » (alinéa 2).
Le Gouvernement serait par ailleurs habilité à clarifier et moderniser le régime applicable aux agents des sûretés (alinéas 3 à 8) en :
- « permettant aux créanciers de constituer les sûretés et garanties dont ils bénéficient au nom d'un agent des sûretés qu'ils désignent, qui sera titulaire desdites sûretés et garanties, qu'il tiendra séparées de son patrimoine propre et dont il percevra le produit de la réalisation ou de l'exercice » ;
- « définissant les conditions dans lesquelles l'agent des sûretés peut, dans la limite des pouvoirs qui lui ont été conférés par les créanciers de l'obligation garantie, intenter une action pour défendre leurs intérêts, y compris en justice, et procéder à la déclaration des créances garanties en cas de procédure collective » ;
- « précisant les effets de l'ouverture, à l'égard de l'agent des sûretés, d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ou d'une procédure de rétablissement professionnel sur les sûretés et garanties dont celui-ci est titulaire en cette qualité et sur le produit de leur réalisation ou exercice » ;
- « permettant la désignation d'un agent des sûretés provisoire, ou le remplacement de l'agent des sûretés, lorsque ce dernier manquera à ses devoirs ou mettra en péril les intérêts qui lui sont confiés, ou encore fera l'objet d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ou d'une procédure de rétablissement professionnel » ;
- « adaptant toutes dispositions de nature législative permettant d'assurer la mise en oeuvre et de tirer les conséquences des modifications ainsi apportées ».
S'agissant principalement des fonds d'investissement, le Gouvernement serait également habilité à prendre par voie d'ordonnance plusieurs dispositions visant à accroître leur contribution au financement de l'économie (alinéas 9 à 12). Il s'agit plus précisément de mesures :
- tendant à « préciser les conditions dans lesquelles l'actif d'un fonds professionnel de capital investissement ou d'une société de libre partenariat peut comprendre des avances en compte courant » ;
- tendant à adapter les dispositions du code monétaire et financier pour définir notamment les « modalités et conditions » dans lesquelles certains fonds professionnels « peuvent octroyer des prêts à des entreprises » ;
- tendant à adapter les dispositions du code monétaire et financier relatives aux organismes de placement collectifs, et à leurs dépositaires et gestionnaires « dans l'objectif de renforcer leur capacité à assurer le financement et le refinancement d'investissements, de projets ou de risques, y compris les dispositions relatives aux modalités d'acquisition et de cession de créances non échues, de moderniser leur fonctionnement, et de renforcer la protection des investisseurs » ;
- tendant à « préciser les conditions dans lesquelles des investisseurs du secteur financier, quel que soit le droit qui leur est applicable, peuvent acquérir, par dérogation aux règles mentionnées à l'article L. 511-5 du code monétaire et financier, des créances à caractère professionnel non échues auprès d'établissements de crédit et de sociétés de financement ».
Enfin, le Gouvernement serait habilité à rendre applicables outre-mer ces dispositions, avec les adaptations nécessaires.
III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Au stade de la commission, l'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative de notre collègue Romain Colas, rapporteur pour avis de la commission des finances, un amendement tendant à remplacer l'habilitation à légiférer par ordonnance concernant les avances en compte courant par des modifications directes du code monétaire et financier.
L'aménagement proposé à l'article L. 214-160 du code monétaire et financier permet d'élargir la possibilité pour certains fonds d'infrastructures de réaliser des avances en compte courant .
Ainsi, l'actif d'un fonds professionnel de capital-investissement ou d'une société de libre partenariat pourra comprendre des avances en compte courant dès lors que les conditions suivantes seront vérifiées :
- l'objet principal du fonds est de financer directement ou indirectement des actifs d'infrastructure ;
- le fonds est labellisé « ELTIF » ;
- les titres émis par la société bénéficiaire de l'avance en compte courant d'associé ne sont pas cotés .
La seule limite réside dans le fait que ces avances en compte courant ne seront retenues dans le calcul du quota d'investissement en titres non cotés 245 ( * ) qu'à proportion de 30 % du total de l'actif au maximum .
Au stade de la séance publique, un second amendement a été adopté par l'Assemblée nationale, à l'initiative du Gouvernement.
L'aménagement proposé vise à compléter l'article L. 211?4 du code monétaire et financier afin d'étendre le régime des intermédiaires inscrits aux investisseurs étrangers acquérant des parts ou actions d'organismes de placement collectif.
À titre de rappel, ce régime permet de recourir aux services d'intermédiaires pour l'ouverture d'un compte-titre en France, qui est obligatoire en cas de souscription de parts ou actions d'organismes de placement collectifs de droit français.
L'obligation d'inscription dans un compte-titres En application de l'article L. 211-3 du code monétaire et financier, les titres financiers émis en territoire français et soumis à la législation française doivent être inscrits dans un compte-titres tenu soit par l'émetteur, soit par l'un des intermédiaires mentionnés aux 2° à 7° de l'article L. 542-1 (ex : établissement de crédit ou entreprise d'investissement agréés). Toutefois, l'article L. 211-4 du code monétaire et financier prévoit que le compte-titres peut être ouvert par dérogation : - au nom d'un fonds commun de placement, d'un fonds de placement immobilier, d'un fonds professionnel de placement immobilier ou d'un fonds commun de titrisation, la désignation du fonds pouvant être valablement substituée à celle de tous les copropriétaires ; - au nom d'un intermédiaire inscrit agissant pour le compte du propriétaire des titres financiers. Source : commission des finances du Sénat |
L'intermédiaire sera néanmoins tenu, au moment de l'ouverture de son compte-titre, de déclarer sa qualité d'intermédiaire détenant des titres pour le compte d'autrui.
Un décret précisera les modalités et conditions d'application du dispositif.
IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
A. UN ALIGNEMENT OPPORTUN DU CADRE APPLICABLE À LA REPRÉSENTATION OBLIGATAIRE ET AUX AGENTS DE SÛRETÉS SUR LES STANDARDS INTERNATIONAUX
1. La nécessaire modernisation du cadre applicable à la représentation obligataire
Le régime en vigueur de représentation des porteurs d'obligations reste fondé sur les principes issus du décret-loi de 1935, conçu après la crise de 1929. Le marché obligataire a depuis beaucoup évolué, les investisseurs institutionnels y occupant aujourd'hui une place particulièrement importante .
Or, sur les marchés financiers internationaux, ces investisseurs porteurs d'obligations peuvent désormais organiser contractuellement leurs relations avec l'entreprise , plutôt que de se soumettre à un régime général unique.
Aussi, « force est de constater qu'un certain nombre d'émetteurs français fréquents ont ainsi recours à des droits étrangers pour leurs emprunts obligataires », comme le rappelle l'étude d'impact 246 ( * ) .
Afin de remédier à cette difficulté, la présente habilitation permettra au Gouvernement de moduler le cadre applicable à la représentation obligataire en fonction du public visé ( investisseurs institutionnels ou particuliers) . La distinction reposerait sur un seuil relatif à la valeur nominale unitaire des titres fixé par décret à un niveau permettant d'exclure les investisseurs de détail.
En fonction de la nature de l'émission, deux régimes différents pourraient ainsi s'appliquer : la représentation regroupée en « masse » des obligataires pour les particuliers ou l'organisation contractuelle des relations pour les institutionnels.
Votre rapporteur soutient cette solution intermédiaire qui permettra opportunément de tenir compte du rôle joué par les investisseurs institutionnels sur ce marché, sans pour autant renoncer à maintenir un haut niveau de protection pour les particuliers.
Il sera toutefois particulièrement attentif au niveau du seuil , qui devrait être voisin de 100 000 euros d'après les informations transmises.
2. L'indispensable évolution du cadre applicable aux agents de sûretés
Comme le rappelle l'étude d'impact, le régime applicable aux agents de sûretés introduit en 2007 présente « plusieurs lacunes importantes à cause desquelles les praticiens ne l'utilisent pas et recourent plutôt à des dispositifs étrangers » 247 ( * ) . Il s'agit notamment de :
- l'impossibilité de gérer des sûretés personnelles ;
- l'impossibilité pour l'agent, seul, de réaliser judiciairement les sûretés ;
- l'incertitude sur le fait que les actifs demeurent séparés du patrimoine propre de l'agent en cas de réalisation des sûretés ;
- l'incertitude sur les conditions de remplacement de l'agent.
Les modifications envisagées par le Gouvernement, essentiellement techniques, permettront ainsi de lever les freins à l'utilisation de ce régime , dans un contexte marqué par le développement des obligations sécurisées.
B. LA NÉCESSITÉ D'ENCADRER AU NIVEAU LÉGISLATIF LA POSSIBILITÉ POUR LES FONDS DE PRÊTER AUX ENTREPRISES
1. Les avances en compte courant
S'agissant des mesures applicables au fonds d'investissement, votre rapporteur prend acte du remplacement de l'habilitation prévue à l'alinéa 9 du projet de loi concernant les avances en compte courant par des aménagements directs du code monétaire et financier.
Le dispositif adopté contribuera à préserver la compétitivité des fonds ELTIF français en tenant compte du fait que les fonds d'infrastructure ont généralement un recours important aux instruments de dette d'actionnaire .
Par ailleurs, l'extension du régime de l'intermédiaire inscrit permettra de lever un frein aux investissements étrangers dans les organismes de placement collectif français.
2. L'acquisition de créances non échues par les fonds d'investissement
S'agissant des créances non échues, l'ordonnance devrait utilement permettre de sécuriser leur acquisition , le périmètre exact du monopole bancaire faisant l'objet de débats.
L'étude d'impact précise que les règles auxquelles seraient soumises les cessions seront précisées et évoque par exemple des contraintes de rétention pour le cédant.
Si votre rapporteur ne conteste pas l'utilité d'encourager le refinancement d'investissements, le manque de précision de l'étude d'impact, compte tenu du caractère particulièrement large de l'habilitation, peut être regretté .
3. L'octroi de prêts aux entreprises
Enfin, votre rapporteur prend acte de l'habilitation prévue au 4° du présent article, qui permettra d'adapter les dispositions du code monétaire et financier pour permettre à certains fonds professionnels d'accorder des prêts aux entreprises.
Pour le Gouvernement, il s'agit uniquement de tirer les conséquences au niveau législatif de la possibilité introduite par l'article 27 de la loi de finances rectificative pour 2015 d'autoriser certains fonds professionnels et organismes de titrisation à octroyer des prêts dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État.
Si cette évolution constitue une opportunité supplémentaire de financement de l'économi e, il semble toutefois très discutable , compte tenu des enjeux pour la stabilité financière et la protection des épargnants, de laisser entièrement au pouvoir réglementaire le soin de déterminer les conditions dans lesquelles les fonds peuvent prêter hors du cadre européen ELTIF prévu à cet effet.
Aussi, votre rapporteur propose de fixer dans la loi les grands principes auxquels seront soumis les fonds souhaitant octroyer des prêts :
- ces prêts ne pourront être accordés qu'à des entreprises non financières (ou à des holdings investissant dans des entreprises non financières) ;
- la durée de vie des prêts accordés devra être inférieure à celle du fonds ;
- les rachats de parts ou actions et le recours à l'effet de levier seront limités.
Ces conditions, qui reprennent les principales propositions de l'AMF élaborées à la suite de la consultation publique menée du 24 octobre au 4 décembre 2015, visent à tenir compte du caractère peu liquide des prêts et du fait que les fonds ne sont pas soumis aux exigences prudentielles applicables aux banques.
Au-delà de ces « garde-fous » indispensables, votre rapporteur sera particulièrement attentif au caractère adéquat des obligations d'analyse et de mesure des risques qui seront imposées aux fonds, compte tenu du caractère très spécifique de l'activité d'octroi de prêts.
La commission a adopté l'amendement n° COM-260 modifiant le présent article.
Décision de la commission : votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article ainsi modifié.
ARTICLE 34 bis (nouveau) (Art. L. 225-95-1 du code de commerce, art. L. 214-162-1, L. 214-162-2, L. 214-162-3 et L. 214-162-8 du code monétaire et financier) - Actualisation du régime de la société de libre partenariat
Commentaire : cet article apporte des ajustements aux règles applicables aux sociétés de libre partenariat. Il aligne leur fonctionnement sur celui des SICAV, précise les modalités de leur gouvernance et apporte des améliorations techniques et rédactionnelles à la partie du code monétaire et financier relative à ces sociétés.
I. LE DROIT EXISTANT
La société de libre partenariat a été créée par l'article 145 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques. Aux termes de l'article L. 214-162-1 du code monétaire et financier, ce véhicule d'investissement prend la forme d'une société en commandite simple tout en ayant le statut de fonds d'investissement alternatif au sens de la directive 2011/61/UE sur les gestionnaires de fonds d'investissement alternatifs (directive AIFM) statut réservé aux investisseurs professionnels 248 ( * ) . Il s'agit ainsi d'une société de personnes, de nature commerciale, composée de deux groupes d'associés :
- les commandités, commerçants, personnellement et solidairement responsables de tout le passif social ;
- les commanditaires, qui ne sont pas commerçants et ne sont responsables des dettes sociales que dans la limite de leurs apports. Leur statut est similaire à celui des associés d'une société à responsabilité limitée (SARL). Ils ont un droit d'information mais ne peuvent accomplir aucun acte de gestion externe même avec un mandat.
Ce nouveau type de fonds d'investissement devait être l'équivalent des limited partnerships anglo-saxons, qui réunissent plusieurs associés, certains dont la responsabilité est pleine à l'égard des obligations de la structure et d'autres dont la responsabilité est limitée à leurs apports. Ce dispositif comprend de nombreuses dérogations au droit commun des sociétés en commandite simple.
Ainsi, par dérogation au principe d'unicité du patrimoine, une société de libre partenariat peut comporter un ou plusieurs compartiments si ses statuts le prévoient et, sauf stipulation contraire de ses statuts, les actifs d'un compartiment déterminé ne répondent en conséquence que des dettes, engagements et obligations qui concernent ce compartiment (article L. 214-162-9 du code monétaire et financier).
Surtout, ces sociétés disposent d'une grande liberté contractuelle et d'une très grande liberté dans la fixation de leurs statuts (politique d'investissement, modalités d'émission et de libération des parts et titres, périodicité minimale et modalités d'établissement de la valeur liquidative, conditions d'allocation du boni de liquidation, durée des exercices comptables, etc.)
II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Le présent article a été introduit à l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue député Christophe Castaner, avec l'avis favorable du Gouvernement.
A. L'ALIGNEMENT DU FONCTIONNEMENT DU STATUT DE LA SOCIÉTÉ DE LIBRE PARTENARIAT SUR CELUI DES SICAV
La société de libre partenariat (SLP) entre dans la catégorie des fonds professionnels spécialisés, qui ne sont pas agréés par l'Autorité des marchés financiers (mais simplement déclarés à cette dernière) qui peut également prendre la forme de fonds commun de placement (FCP) ou de SICAV.
Le présent article permet un alignement du fonctionnement des sociétés de libre partenariat avec celui des SICAV en précisant l'ensemble des dispositifs du droit de sociétés en nom collectif et des sociétés en commandite simple qui ne s'appliquent pas aux SLP . Il permet notamment :
- d'étendre l'inapplication de tout l'article L. 221-3 du code de commerce, notamment son deuxième alinéa, selon lequel « si une personne morale est gérant, ses dirigeants sont soumis aux mêmes conditions et obligations et encourent les mêmes responsabilités civile et pénale que s'ils étaient gérants en leur nom propre » aux sociétés de libre partenariat ;
- de déroger à l'obligation d'établir des comptes consolidés dans la mesure où la société de libre partenariat est un organisme de placement collectif et fonctionne en tant que tel ;
- d'harmoniser la définition du capital avec celle applicable à la SICAV , définie au dernier alinéa de l'article L. 214-24-29 du code de commerce comme étant le montant « égal à tout moment à la valeur de l'actif net de la société, déduction faite des sommes distribuables ». Dans un souci de cohérence, il est en effet nécessaire d'appliquer une définition identique pour tous les fonds professionnels spécialisés, qu'ils soient constitués sous forme de SICAV ou de société de libre partenariat. En ce sens le présent article intègre la référence au dernier alinéa de l'article L. 214-24-29 et écarte l'application des articles L. 231-1 à L. 231-8 (relatifs à la notion de capital variable) et de l'article L. 214-162-1 du code monétaire et financier.
B. LE RENFORCEMENT DE LA GOUVERNANCE DES SOCIÉTÉS DE LIBRE PARTENARIAT
Le présent article permet que les statuts des sociétés de libre partenariat puissent autoriser la prise de décisions, non plus à l'unanimité des associés, comme l'implique la rédaction actuelle de l'article L. 214-162-8, mais par « une partie des associés ». Cette modification vise à écarter certaines catégories d'associés, comme par exemple les porteurs de parts de « carried interest 249 ( * ) », lors de certains votes afin de prévenir le risque de conflit d'intérêts.
En outre, il écarte expressément l'application des dispositions de l'article L. 221-12 du code de commerce aux sociétés de libre partenariat. Ce dernier, qui encadre les conditions de révocation du gérant en imposant une règle d'unanimité des associés est difficile à mettre en place en pratique et n'apparaît pas adapté aux sociétés de libre partenariat, qui doivent être flexibles. Il précise au III de l'article L. 214-262-1 du code monétaire et financier que les conditions de révocation des gérants sont définies dans les statuts tout comme l'est déjà leur désignation
C. LA PRÉCISION DES TEXTES APPLICABLES AUX SOCIÉTÉS DE LIBRE PARTENARIAT
Afin de lever toute ambiguïté, le présent article précise l'article L. 214-162-8 du code monétaire et financier qui permet aux sociétés de libre partenariat d'insérer dans les statuts « des clauses prévoyant la suspension des droits non-pécuniaire des associés ». De même, il précise, à l'article L. 214-262-8, que « la prorogation de la société est définie dans les conditions prévues par ses statuts ».
Par ailleurs, l'article L. 225-95-1 du code de commerce prévoit qu'un certain nombre de sociétés et fonds ne sont pas pris en compte dans la limitation des mandats de dirigeants de sociétés anonymes, théoriquement limités à cinq mandats d'administrateur, de membre du conseil de surveillance ou de directeur général d'une société anonymes (selon les articles L. 225-21, L. 225-77 et L. 225-94-1 du code de commerce). Le présent article ajoute les sociétés de libre partenariat à cette liste, ce qui, encore une fois, est cohérent, non seulement avec les règles en vigueur pour les autres dispositifs comparables, mais également avec la volonté initiale du législateur, d'en faire un outil flexible.
Le présent article procède également à des améliorations rédactionnelles des dispositions applicables aux sociétés de libre partenariat.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Le régime des sociétés de partenariat a permis de combler un véritable manque dans la gamme des fonds d'investissement français, qui détournait d'importants investisseurs institutionnels ou de business angels étrangers vers des véhicules gérés et régulés à l'étranger.
Toutefois, après les premiers mois d'entrée en application de ce nouveau véhicule, les sociétés de libre partenariat n'ont pas totalement connu le succès escompté. Ainsi, en début d'année 2016, seulement quatre véhicules de ce type avaient été déclarés à l'Autorité des marchés financiers. 250 ( * )
Votre rapporteur estime que le présent article apporte une réponse aux éventuels obstacles auxquels le développement de cet outil est confronté. Il permet de sécuriser le dispositif, en levant les ambiguïtés de la rédaction initiale du code monétaire et financier et d'en augmenter la modularité, ce qui est conforme à son esprit.
Décision de la commission : votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article sans modification.
ARTICLE 34 ter (nouveau) - Habilitation à prendre par ordonnance les mesures législatives nécessaires à un encadrement juridique de la technologie « blockchain »
Commentaire : le présent article vise à habiliter le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance les dispositions législatives nécessaires pour donner une valeur juridique aux opérations sur les titres non cotés réalisées par un recours à la « blockchain », une technologie informatique de validation décentralisée issue de la monnaie virtuelle bitcoin , et récemment autorisée pour l'émission de minibons.
I. LE DROIT EXISTANT
A. LA BLOCKCHAIN : L'AUTHENTIFICATION SANS L'INTERMÉDIATION ?
La blockchain est une technologie informatique d'authentification décentralisée des opérations, sans l'intervention d'un tiers de confiance central . Pour simplifier, il s'agit d'un grand registre de transactions public et accessible sur Internet, qui utilise un protocole de pair-à-pair ( peer to peer ) pour valider toute opération réalisée entre deux personnes. En pratique, les nouvelles opérations sont regroupées sous formes de « blocs » ; les « blocs » sont ensuite envoyés dans leur intégralité à tous les utilisateurs du réseau, les « mineurs » - des serveurs informatiques détenus par des particuliers et des entreprises -, qui authentifient ces « blocs » grâce à la résolution d'une énigme mathématique. Une fois le « bloc » de transactions authentifié, il rejoint la chaîne des blocs déjà validés, la « blockchain » .
L'authentification repose sur une énigme différente et aléatoire pour chaque mineur, et est répliquée des dizaines de milliers de fois partout dans le monde, ce qui assure la fiabilité du système et l'inaltérabilité du registre .
L'application « historique » de la blockchain est le bitcoin , une monnaie virtuelle décentralisée et anonyme , qui permet d'effectuer des achats ou des transactions sans passer par un intermédiaire bancaire. Le succès du bitcoin repose sur un système de rémunération des « mineurs », en bitcoins , au titre des opérations d'authentification qu'ils effectuent - ce qui a conduit certaines personnes à investir dans des serveurs très puissants, dans ce seul but. Le bitcoin est toutefois très volatile, porteur de risques en matière de blanchiment, et vulnérable face aux attaques 251 ( * ) .
Le bitcoin , cependant, n'est que l'une des nombreuses applications possibles : la blockchain pourrait ainsi être utilisées par les intermédiaires financiers dans leur ensemble (banques, assurances, bourses, chambres de compensation, intermédiaires etc.) pour réduire les coûts de transaction , et notamment les coûts liés aux infrastructures informatiques. Aujourd'hui, chaque acteur financier dispose en effet de son propre système informatique central, qui doit communiquer avec chacun des autres systèmes impliqués dans la chaîne de transaction, avec à chaque étape un protocole d'authentification coûteux et différent du précédent. Les coûts liés aux systèmes informatiques, y compris la rémunération des techniciens, peuvent représenter la moitié des coûts de fonctionnement d'une grande banque. La banque Santander estime ainsi que le recours à la blockchain pourrait permettre aux banques d'économiser entre 15 et 20 milliards de dollars par an d'ici 2022 , en matière de paiements internationaux, de trading et de conformité 252 ( * ) .
Depuis un an, les grands acteurs financiers ont lancé plusieurs projets d'envergure en vue d'adapter la blockchain à une utilisation commerciale . Une quarantaine de grandes banques (BNP Paribas, Société Générale, JP Morgan, Goldman Sachs, Barclays etc.) ont ainsi investi près de 200 milliards de dollars dans la start up new-yorkaise R3, créée en 2014. Le 1 er juin 2016, Santander a lancé, en partenariat avec Apple Pay , un service de paiements internationaux (en dollars et en euros) utilisant la blockchain .
Dans un premier temps, c'est en matière de titres non cotés que les applications potentielles apparaissent les plus prometteuses . En effet, alors même que les titres non cotés sont dématérialisés depuis 1983, la tenue du registre des mouvements de titres est encore effectuée, la plupart du temps, sous format papier 253 ( * ) . Le recours à la blockchain pourrait dès lors permettre de moderniser et de fiabiliser la tenue de ces registres papier , mais aussi d'automatiser certaines opérations liées aux titres (versement de dividendes ou de coupons, opération sur capital etc.), et surtout de faciliter les échanges ultérieurs de ces titres non cotés, avec une grande fluidité, sous la forme d'un véritable marché secondaire .
Par exemple, en avril 2016, BNP Paribas Securities Services et la plateforme de financement participatif SmartAngels ont annoncé le lancement du service e-certificates : les titres non cotés émis par des sociétés lors d'une levée de fonds sur SmartAngels seront désormais comptabilisés automatiquement sur un registre de type blockchain , de manière sécurisée et standardisée. Surtout, les investisseurs pourront désormais revendre leurs actions ou en racheter d'autres sur la plateforme , qui devient une sorte de marché d'occasion des titres non cotés. Un projet similaire est en ce moment mené par Euronext .
B. LES « MINIBONS » : UN POINT DE DÉPART POUR CONSTRUIRE LE CADRE JURIDIQUE DE LA BLOCKCHAIN ?
Si le recours à la blockchain semble aujourd'hui possible sur le plan technique, il est à ce jour contraint sur le plan juridique . Bien sûr, en tant que simple technologie informatique, la blockchain peut être utilisée par les acteurs financiers, mais elle n'a pas de valeur juridique et oblige donc à maintenir la procédure légale d'authentification, en « doublon » coûteux de l'authentification permise par la blockchain .
Par exemple, s'agissant des titres non cotés, le fait générateur du transfert de propriété est l'inscription sur le registre : l'article L. 211-3 du code de commerce dispose que « les titres financiers, émis en territoire français et soumis à la législation française, sont inscrits dans un compte-titres ». L'utilisation d'un registre de type blockchain comme compte-titres nécessite donc une modification législative.
Dans ce contexte, l'ordonnance n° 2016-520 du 28 avril 2016 relative aux bons de caisse a représenté une première étape importante . Ce texte a rénové le régime applicable aux bons de caisse 254 ( * ) , et surtout créé une catégorie spécifique de bons de caisses, les « minibons », réservés au secteur du financement participatif . Ceux-ci pourront faire l'objet d'une intermédiation sur une plateforme disposant du statut de conseiller en investissements participatifs (CIP) ou de prestataire de services d'investissement (PSI) 255 ( * ) .
À cette occasion, un nouvel article L. 223-12 a été créé au sein du code monétaire et financier (CMF), qui dispose que « l'émission et la cession de minibons peuvent également être inscrites dans un dispositif d'enregistrement électronique partagé permettant l'authentification de ces opérations, dans des conditions, notamment de sécurité, définies par décret en Conseil d'État ». En d'autres termes, les opérations d'émission et de cession de minibons peuvent légalement être enregistrées via une blockchain , laquelle se voit à cette occasion attribuer une définition en droit français - « un dispositif d'enregistrement électronique partagé » .
Ces dispositions entreront en vigueur le 1 er octobre 2016. Elles demeurent pour l'instant limitées aux minibons.
II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Le présent article, issu d'un amendement du Gouvernement adopté avec l'avis favorable de la commission des finances, vise à habiliter le Gouvernement prendre par voie d'ordonnance les mesures législatives nécessaires pour donner un cadre juridique aux opérations sur les titres non cotés effectuées au moyen d'une technologie de type blockchain .
Plus précisément, l'habilitation porte sur les mesures nécessaires pour « adapter le droit applicable aux titres financiers et aux valeurs mobilières afin de permettre la représentation et la transmission, au moyen d'un dispositif d'enregistrement électronique partagé , des titres financiers qui ne sont pas admis aux opérations d'un dépositaire central ni livrés dans un système de règlement et de livraison d'instruments financiers », c'est-à-dire des actions et obligations non cotées, ainsi que des parts de fonds 256 ( * ) . Le champ de l'habilitation s'étend également aux mesures tendant à « aménager et modifier toutes dispositions de nature législative favorisant la mise en oeuvre et tirant les conséquences des modifications apportées en application » du premier point.
Le délai donné au Gouvernement pour prendre les mesures était initialement de dix-huit mois. Ce délai a été ramené à douze mois par un sous-amendement adopté à l'initiative de notre collègue députée Laure de la Raudière . Enfin, conformément à l'article 38 de la Constitution, le présent article prévoit qu'un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de six mois à compter de la publication de l'ordonnance.
L'amendement du Gouvernement a été adopté en séance publique après le retrait de trois amendements déposés par nos collègues députés Laure de la Raudière et Christophe Carèsche, qui visaient :
- d'une part, à conférer le caractère d'actes authentiques , avec tous les effets juridiques afférents, à toutes les opérations de règlement et de livraison d'instruments financiers effectués au moyen d'une technologie de type blockchain ;
- d'autre part, à autoriser l'émission de titres non cotés et leur transmission ultérieure par leur inscription dans une blockchain , sur décision de l'émetteur.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
La blockchain est une technologie prometteuse, dont les possibles applications s'étendent bien au-delà du seul bitcoin . C'est d'ailleurs ce qu'avaient souligné dès 2014 notre ancien collègue Philippe Marini et notre collègue François Marc 257 ( * ) : « plus encore qu'une "monnaie", le bitcoin est une technologie, un protocole de validation des transactions entièrement décentralisé, « auditable » par tous et très sécurisé. (...) Or, s'il est possible de valider des transactions par cette méthode, pourquoi ne pas s'en servir pour valider autre chose ? Par exemple, des mots de passe, des titres d'identités, des diplômes et autres certificats, ou même des votes électroniques. La fraude sur l'authenticité de nombreux documents ou procédures pourrait s'en trouver considérablement réduite ».
À cet égard, l'authentification des titres financiers constitue l'un des enjeux les plus importants pour les prochaines années, où la France pourrait prendre une avance décisive . Par exemple, les projets menés par Euronext en matière de blockchain représentent une opportunité pour la place de Paris tout entière dans le contexte d'une concurrence accrue avec les autres bourses européennes. Or la conservation et la circulation des instruments financiers après leur émission figure précisément parmi les domaines « historiques » d'excellence de la place de Paris.
Dès lors, la mise en place rapide d'un cadre juridique adapté et sécurisé doit être une priorité , comme l'ont bien saisi nos collègues députés Laure de la Raudière et Christophe Carèsche. Le délai de douze mois apparaît d'autant plus justifié qu'un avantage décisif sera probablement acquis par les premiers pays à se doter d'un tel corpus juridique.
Votre rapporteur estime donc qu'il est, en l'espèce, légitime de procéder par ordonnance, compte tenu de la grande complexité du sujet , sur le plan technique comme juridique. D'après les informations communiquées à votre rapporteur, il est envisagé de constituer un groupe de travail composé de juristes spécialistes du droit financier et de techniciens spécialistes de la blockchain afin d'appuyer la direction générale du Trésor dans l'élaboration du cadre juridique.
Si le champ de l'habilitation du présent article apparaît pertinent, celui-ci appelle tout de même trois remarques de votre rapporteur :
- premièrement, il est en effet opportun de procéder par étapes, c'est-à-dire d'étendre l'approche adoptée pour les minibons aux titres non cotés, avant d'aller plus loin . Ces premières expériences doivent faire la preuve de leur utilité et de leur sécurité avant que la blockchain puisse se voir reconnaître une valeur légale dans d'autres opérations plus sensibles - que ce soit en matière financière (titres cotés, opérations sur devises etc.) ou peut-être à l'avenir pour d'autres opérations (diplômes, cadastres, votes...) ;
- deuxièmement, s'agissant plus spécifiquement des titres non cotés, la possibilité de les inscrire dans une blockchain gérée par une plateforme Internet devrait conduire à l'émergence d'un véritable marché secondaire, plus liquide et donc plus volatil , ce qui représente un changement important pour les propriétaires de titres habituellement peu liquides, tels que les parts d'une PME. Les gestionnaires des blockchains se retrouveront donc de facto dans la position d'un opérateur de marchés financiers, sans être pour autant soumis à la réglementation applicable aux titres cotés . Le législateur français et européen devra donc rester extrêmement vigilant, et le cas échéant prendre toutes les mesures de régulation qui s'imposent. A contrario , le transfert sur la blockchain d'opérations aujourd'hui effectuées sous forme papier constitue une possibilité de contrôle supplémentaire ;
- troisièmement, le passage de la blockchain de l'univers dérégulé, anonyme et pour ainsi dire libertarien du bitcoin à l'univers très régulé des marchés financiers pourrait impliquer un changement de la nature même de cette technologie . Le registre des bitcoins est un registre public et ouvert à tous ; à l'inverse, les projets menés par les grandes banques (cf. supra ) tendent plutôt à la mise en place de « blockchains privées », qui reposeraient certes sur un mécanisme d'authentification décentralisée des opérations, mais aussi sur une sélection à l'entrée des membres chargés de cette authentification . En substance, il s'agirait d'une version améliorée de la base de données distribuée, et les « mineurs » seraient les établissements financiers et les intermédiaires financiers eux-mêmes. Si une telle évolution devait se confirmer, le cadre juridique devrait en tenir compte , notamment en termes de responsabilité.
Pour ces trois raisons, le champ de la présente habilitation n'est qu' une première étape dans la construction d'un « droit de la blockchain » , que votre rapporteur appelle de ses voeux.
Décision de la commission : votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article sans modification.
ARTICLE 34 quater (nouveau) (Art. L. 214-61, L. 532-29, L. 511-45, L. 543-1, L. 214-119, L. 214-120, L. 543-1, L. 214-12, L. 214-24-45, L. 621-13-4, L. 532-10, L. 621-13-1, L. 214-24, L. 214-7-3, L. 214-24-32, L. 214-157 et L. 214-160 du code monétaire et financier) - Modifications des dispositions issues de l'ordonnance du 25 juillet 2013 modifiant le cadre juridique de la gestion d'actifs
Commentaire : cet article procède à des rectifications d'erreurs matérielles et comble des vides juridiques engendrés par l'ordonnance du 25 juillet 2013 modifiant le cadre juridique de la gestion d'actifs. Il modifie également à la marge la procédure de démission d'une société de gestion de portefeuille et de retrait d'agrément et ouvre la possibilité pour certains fonds de prévoir dans leurs statuts des clauses d'agrément ou des clauses d'inaliénabilité.
I. LE DROIT EXISTANT
A. LES ERREURS MATÉRIELLES ET LES VIDES JURIDIQUES ENGENDRÉS PAR LA TRANSPOSITION DE LA DIRECTIVE « AIFM »
La directive 2011/61/UE sur les gestionnaires de fonds d'investissement alternatifs (directive AIFM) vise à créer un cadre harmonisé pour les gestionnaires de fonds alternatifs dits « FIA 258 ( * ) » en Europe tout en renforçant la protection des investisseurs et des épargnants.
L'ordonnance n° 2013-676 du 25 juillet 2013 modifiant le cadre juridique de la gestion d'actifs a transposé cette directive, qui a impliqué d'importants changements dans le code monétaire et financier. Le présent article vise notamment à réparer des erreurs matérielles et combler des vides juridiques engendrés par cette transposition.
1. Le régime des sociétés de gestion de SCPI placées sous un régime extinctif
Avant la transposition de la directive AIFM, une société civile de placement immobilier (SCPI) pouvait être gérée par une société de gestion ad hoc , c'est-à-dire une société de gestion non agréée par l'Autorité des marchés financiers (AMF). Depuis l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 25 juillet 2013, l'article L. 214-98 du code monétaire et financier prévoit que la gérance des SCPI est assurée par une société de gestion mentionnée à l'article L. 532-9 du code monétaire et financier, c'est-à-dire une société de gestion de portefeuille agréée. Le III de l'article 33 de l'ordonnance prévoit néanmoins des dispositions transitoires pour certains types de sociétés, ne réalisant pas d'investissements supplémentaires (qui sont donc en gestion extinctive) : après la date d'entrée en vigueur de l'ordonnance, ils pourront continuer à gérer de tels fonds sans demander leur agrément en qualité de société de gestion de portefeuille.
Les sociétés de gestion de SCPI non agréées ne sont pas tenues de se transformer en sociétés de gestion de portefeuille agréées. Toutefois, le régime applicable aux sociétés de gestion ad hoc a été abrogé dans le cadre de la transposition de la directive, de telle sorte qu'elles demeurent obligées de demander un agrément à l'AMF.
2. La suppression par l'ordonnance de 2013 de l'obligation pour tout OPCI d'être géré par une société de gestion de portefeuille
L'ancien article L. 214-119, alinéa 1 er du code monétaire et financier prévoyait expressément l'obligation pour les organismes de placement collectif dans l'immobilier (OPCI) d'être gérés par une société de gestion de portefeuille. La gestion des OPCI est assurée par une société de gestion de portefeuille mentionnée à l'article L. 532-9 et désignée dans les statuts ou le règlement de l'OPCI.
Depuis l'ordonnance de 2013, cette règle n'apparait plus expressément pour la gestion d'une Société à Prépondérance Immobilière à Capital Variable (SPPICAV) alors même qu'elles ne peuvent pas être autogérées.
3. L'obligation pour les fonds alternatifs de pays tiers commercialisés en dehors de l'UE et gérés par une société de gestion française d'avoir un dépositaire unique régi par la directive AIFM
L'article L. 532-29 du code monétaire et financier ne transpose pas littéralement l'article 34 de la directive AIFM qui fixe les conditions applicables aux gestionnaires établis dans l'Union européenne qui gèrent des FIA de pays tiers non commercialisés dans les États-membres. De ce fait, les professionnels interprètent cet article comme imposant la désignation d'un dépositaire 259 ( * ) établi soit en France, soit dans l'État d'origine du FIA, auquel s'appliquent toutes les dispositions de la réglementation AIFM relatives aux dépositaires, alors même que le FIA ne sera pas commercialisé dans l'Union.
Cette sur-transposition est pénalisante pour les acteurs et ne trouve pas de justification. Le considérant 61 de la directive AIFM explique d'ailleurs le régime d'exemption de l'article 34 en précisant « qu'il convient d'autoriser les gestionnaires agréés établis dans l'Union à gérer des FIA de pays tiers sans commercialisation dans l'Union, sans leur imposer les strictes exigences relatives aux dépositaires ni les exigences relatives au rapport annuel visées dans la présente directive, puisque ces exigences ont été introduites pour protéger les investisseurs de l'Union ».
4. L'obligation de publication d'information des sociétés de gestion de portefeuille
L'article L. 511-45 du code monétaire et financier, qui a été introduit par l'ordonnance du 20 février 2014 260 ( * ) transposant la directive dite CRD IV 261 ( * ) , dispose que « les établissements de crédit et les sociétés de financement, compagnies financières holding et compagnies financières holding mixtes, et entreprises d'investissement publient une fois par an, en annexe à leurs comptes annuels ou, le cas échéant, à leurs comptes annuels consolidés ou dans leur rapport de gestion, des informations sur leurs implantations et leurs activités, incluses dans le périmètre de consolidation défini aux articles L. 233-16 et suivants du code de commerce, dans chaque État ou territoire. »
Dans la mesure où les sociétés de gestion de portefeuille sont, selon l'article L. 532-9 du code monétaire et financier, des entreprises d'investissement, cette disposition a vocation à s'appliquer à elles alors que la disposition de la directive CRD IV ne les inclut pas dans son champ d'application.
5. L'absence de pouvoir de contrôle de l'AMF sur les gestionnaires des fonds européens EUVECA et EUSEF
Les fonds de capital-risque européens (« EUVECA ») et les fonds d'entrepreneuriat social européens (« EUSEF ») sont des fonds régis par des règlements européens 262 ( * ) et soumis à un régime autonome et ne relèvent pas du régime de la directive « AIFM ».
L'AMF peut sanctionner les gestionnaires d'EUVECA et EUSEF en cas de non-respect des règlements européens qui régissent ces fonds, en application de l'article L. 621-15 aux termes duquel peut être sanctionnée par l'AMF « toute autre personne au titre de manquements aux obligations résultant des règlements européens entrant dans le champ de compétence de l'AMF ».
En revanche, le code monétaire et financier ne prévoit pas la possibilité pour l'AMF d'exercer son pouvoir de contrôle et d'enquête sur les gestionnaires des EUVECA et des EUSEF.
B. LES DISPOSITIONS DU CODE MONÉTAIRE ET FINANCIER DEVENUES INUTILES
1. Le délai de transformation des SCPI en OPCI
L'article L. 214-119 du code monétaire et financier oblige les SCPI à tenir une assemblée générale extraordinaire des associés afin qu'elle se prononce sur la question relative à la possibilité de se transformer en OPCI dans un délai maximum de 5 ans à compter de l'homologation des dispositions du règlement général de l'AMF relatives aux OPCI.
Ces dispositions ayant été homologuées par arrêté du 18 avril 2007, le délai prévu est expiré depuis avril 2012.
2. La mention des sociétés d'économie forestière et des fonds communs de créance
L'article L. 543-1 du code monétaire et financier, auquel renvoient de nombreux articles de ce même code, mentionne les sociétés de gestion de fonds communs de créances et les sociétés de gestion des sociétés d'épargne forestière comme étant des sociétés de gestion de placement collectifs.
Elles avaient été conservées dans cet article par l'ordonnance de transposition parce qu'elles étaient maintenues en vie jusqu'au 22 juillet 2014, date à laquelle elles devaient se transformer en sociétés de gestion de portefeuille, conformément à l'article 33 VI de l'ordonnance.
II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Le présent article a été adopté à en séance publique à l'initiative de notre collègue député Romain Colas, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, avec l'avis favorable du Gouvernement.
A. LES RECTIFICATIONS D'ERREURS MATÉRIELLES
1. Le maintien du régime applicable aux sociétés de gestion ad hoc de SCPI qui n'effectuent plus d'investissement depuis l'entrée en vigueur de l'ordonnance de 2013
Le I du présent article prévoit que les SCPI dites en « gestion extinctive » au sens de l'ordonnance du 25 juillet 2013 demeurent soumises aux articles L. 214-50 à L. 214-84-3 du code monétaire et financier en vigueur avant sa publication. Ceci a notamment pour effet d'exempter, par dérogation au droit commun, ces sociétés de gestion de SCPI de l'agrément de l'AMF.
2. Le rétablissement de l'obligation pour tous les OPCI d'être gérés par une société de gestion de portefeuille agréée
Le présent article insère, à l'article L. 214 61 du code monétaire et financier, un alinéa disposant que « la gestion des organismes de placement collectif immobilier est assurée par une société de gestion de portefeuille mentionnée à l'article L. 532-9 et désignée dans les statuts ou le règlement de l'organisme de placement collectif immobilier. »
3. La suppression de l'obligation pour les FIA de pays tiers commercialisés en dehors de l'Union et gérés par une société de gestion française d'avoir un dépositaire régi par la directive « AIFM »
Le présent article complète l'article L. 532-29 du code monétaire et financier, qui régit les conditions dans lesquelles les sociétés de gestion de portefeuille peuvent gérer des FIA de pays tiers n'étant pas commercialisés dans l'Union européenne. Il précise que l'obligation, issue de l'article L. 214-24-4, d'avoir un dépositaire unique régi par le directive AIFM ne s'applique pas.
4. L'exclusion des sociétés de gestion de portefeuille de l'obligation de publication prévue par l'article L. 511-45 du code monétaire et financier
Le présent article propose d'exclure du champ d'application de l'article L. 511-45 du code monétaire et financier les sociétés de gestion de portefeuille. Cet article prévoit notamment des obligations de publication d'informations sur les implantations et les activités des entités qu'il vise.
5. L'extension du pouvoir de contrôle de l'AMF aux gestionnaires d'EUSEF et EUVECA
Le code monétaire et financier ne prévoyant pas la possibilité pour l'AMF d'exercer son pouvoir de contrôle et d'enquête sur les gestionnaires des fonds EUVECA et EUSEF, le présent article ajoute la mention de ces derniers à l'article L. 543-1 du code monétaire et financier.
En effet, l'article L. 621-9, qui établit la liste des personnes placées sous le contrôle de l'AMF, vise les « placements collectifs et les sociétés de gestion mentionnés à l'article L. 543-1 ».
Cet ajout aura également pour effet de soumettre les gestionnaires des fonds EUVECA et EUSEF aux contributions versées à l'AMF , à l'instar de tous les gestionnaires de placements collectifs au titre des dispositions figurant à l'article L. 621-5-3 du code monétaire et financier.
B. L'ABROGATION DES DISPOSITIONS DEVENUES INUTILES
Le présent article abroge les articles L. 214-119 et L. 214-120, devenus sans objet.
Par ailleurs, il retire de l'article L. 543-1 la mention des sociétés de gestion ad hoc de société d'épargne forestière et de fonds communs de créances qui ont disparu.
C. L'AJUSTEMENT DE DISPOSITIFS EXISTANTS
1. La suppression de l'obligation pour le dépositaire de nommer une société de gestion de portefeuille remplaçante lors d'une procédure de démission d'une société de gestion de portefeuille
Aux termes de l'article L. 621-13-4 du code monétaire et financier, « si, en dépit des mesures prises par les autorités compétentes dont relève le FIA, le non-respect des exigences persiste, [...] l'Autorité des marchés financiers exige la démission de cette société en sa qualité de société de gestion de ce FIA dans les conditions fixées par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers ». Cette démission implique la nomination d'un mandataire désigné par l'AMF.
Le présent article apporte quelques ajustements à cette procédure de démission d'office.
Il est aujourd'hui prévu qu'en cas de mise en oeuvre de la procédure de démission, l'AMF invite le dépositaire du fonds concerné à désigner une autre société de gestion de portefeuille. Le présent article prévoit à l'inverse que, dans le cadre de la procédure de démission, ce soit le mandataire, désigné qui puisse choisir une autre société de gestion de portefeuille.
La même compétence est accordée au mandataire lorsque la société de gestion de portefeuille initiale fait l'objet d'un retrait d'agrément à l'initiative de l'AMF.
2. La rémunération du mandataire désigné par l'AMF en cas de retrait d'agrément ou de démission de la société de gestion de portefeuille
Le présent article modifie l'article L. 532-10 du code monétaire et financier afin de prévoir qu'en cas de retrait d'agrément ou de démission de la société de gestion de portefeuille, le mandataire soit rémunéré par cette dernière.
Par cohérence, le présent article précise à l'article L. 621-13-1 du code monétaire et financier que l'administrateur provisoire est rémunéré par la société de gestion de portefeuille .
Ces ajustements s'inspirent des dispositifs existant pour l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).
3. La création d'une possibilité pour les OPCVM et les FIA de prévoir dans leurs statuts une clause d'agrément et une clause d'inaliénabilité
Le présent article prévoit que les OPCVM et les FIA, qu'ils soient constitués sous forme de fonds ou de SICAV, ne peuvent pas prévoir de clauses d'agrément 263 ( * ) et d'inaliénabilité 264 ( * ) dans leurs statuts ou règlements sauf si ce sont des FIA déclarés à l'AMF. Il s'agit respectivement des fonds professionnels spécialisés (art. L. 214-154) et des fonds professionnels de capital investissement (art. L. 214-159) constitués sous forme de SICAV.
Ainsi, cette mesure ne vise pas les SICAV ouvertes au grand public (pour lesquelles il paraît normal que le capital puisse être cédé facilement sur le marché secondaire). Elle ne touche que les FIA destinés aux investisseurs professionnels et répondant à des règles d'investissement contractualisées, pour lesquels la possibilité de prévoir ces deux types de clause apparaît davantage justifiée.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Le présent article procède à de nombreux ajustements techniques en matière d'encadrement juridique de la gestion d'actifs. Il procède à des rectifications d'erreurs matérielles, des abrogations de dispositions inutiles ou caduques et à des améliorations de certaines dispositifs.
Votre rapporteur approuve ces améliorations, qui résultent d'une série de propositions proposées par l'AMF et ont été adoptées par son collège le 7 juillet 2015.
Décision de la commission : votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article sans modification.
ARTICLE 35 - Habilitation pour la séparation des entreprises d'investissement et des sociétés de gestion de portefeuille
. Commentaire : le présent article prévoit d'habiliter le Gouvernement à procéder par ordonnance à la séparation des entreprises d'investissement et des sociétés de gestion de portefeuille.
I. LE DROIT EXISTANT
A. EN DROIT INTERNE, TOUTES LES SOCIÉTÉS DE GESTION DE PORTEFEUILLE AGRÉÉES RELÈVENT DE LA CATÉGORIE DES ENTREPRISES D'INVESTISSEMENT
Aux termes de l'article L. 531-4 du code monétaire et financier, les entreprises d'investissement sont « des personnes morales, autres que les établissements de crédit, qui fournissent des services d'investissement à titre de profession habituelle ».
En principe, pour fournir des services d'investissement, les entreprises d'investissement doivent, comme les établissements de crédit, obtenir un agrément de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) , en application de l'article L. 532-1 du code monétaire et financier.
Avec les établissements de crédit agréés pour fournir des services d'investissements, elles constituent ainsi des prestataires de services d'investissement (PSI) , en application de l'article L. 531-1 du code monétaire et financier.
Qu'est-ce qu'un service d'investissement ? Les services d'investissement sont définis à l'article L. 321-1 du code monétaire et financier. Cette catégorie comprend les services et activités suivants : - la réception et la transmission d'ordres pour le compte de tiers ; - l'exécution d'ordres pour le compte de tiers ; - la négociation pour compte propre ; - la gestion de portefeuille pour le compte de tiers ; - le conseil en investissement ; - la prise ferme ; - le placement garanti ; - le placement non garanti ; - l'exploitation d'un système multilatéral de négociation. Source : commission des finances du Sénat |
Cependant, l'article L. 532-9 du code monétaire et financier dispose que les sociétés de gestion de portefeuille « sont les entreprises d'investissement » qui fournissent à titre principal :
- un service de gestion de portefeuille pour le compte de tiers 265 ( * ) ;
- ou qui gèrent un ou plusieurs placements collectifs 266 ( * ) , par exemple sous la forme d'organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) ou de fonds d'investissement alternatifs (FIA).
Cette disposition inscrit donc les sociétés de gestion de portefeuille exerçant une activité de gestion collective dans la catégorie des entreprises d'investissement , alors même que cette activité ne figure pas dans la liste des services d'investissement prévue à l'article L. 321-1 du code monétaire et financier.
En droit interne, l'ensemble des 634 sociétés de gestion de portefeuille recensées par l'Autorité des marchés financiers 267 ( * ) relèvent ainsi de la catégorie des entreprises d'investissement, qu'elles fournissent ou non un service d'investissement.
Contrairement aux autres entreprises d'investissement, toutes les sociétés de gestion de portefeuille sont néanmoins agréées par l'Autorité des marchés financiers (AMF) , et non par l'ACPR, en application du II de l'article L. 532-9 du code monétaire et financier et du troisième alinéa de l'article L. 532-1 du même code.
B. LE DROIT COMMUNAUTAIRE EXCLUT CEPENDANT LES SOCIÉTÉS DE GESTION DE PORTEFEUILLE EXERÇANT UNE ACTIVITÉ DE GESTION COLLECTIVE DE LA DÉFINITION DES ENTREPRISES D'INVESTISSEMENT
Le droit de l'Union européenne a adopté une définition plus restrictive des entreprises d'investissement excluant les sociétés de gestion de portefeuille exerçant une activité de gestion collective .
Ainsi, l'article 4 de la directive relative aux marchés d'instruments financiers, dite « MIF 1 » 268 ( * ) , définit limitativement les entreprises d'investissement comme « toute personne morale dont l'occupation ou l'activité habituelle consiste à fournir un ou plusieurs services d'investissement à des tiers et/ou à exercer une ou plusieurs activités d'investissement à titre professionnel ».
Cette définition a été reprise à l'article 4 de la deuxième directive relative aux marchés d'instruments financiers, dite « MIF 2 » 269 ( * ) , qui entrera en vigueur le 3 janvier 2018.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
Le présent article vise à habiliter le Gouvernement à procéder par ordonnance, dans un délai de trois mois, à la séparation des entreprises d'investissement et des sociétés de gestion de portefeuille.
En effet, le 1° du présent article autorise le Gouvernement à prendre les mesures « nécessaires à la modification de la définition des prestataires de services d'investissement, des entreprises d'investissement et des sociétés de gestion de portefeuille, afin de préciser que les sociétés de gestion de portefeuille ne sont pas des entreprises d'investissement ».
Aussi, le 2° autorise par ailleurs le Gouvernement à prendre les mesures « nécessaires à l'adaptation de la législation applicable aux sociétés de gestion de portefeuill e » en ce qui concerne les services d'investissement qu'elles sont autorisées à fournir, leur liberté d'établissement et leur liberté de prestation de services, ainsi que les autres mesures d'adaptation et d'harmonisation nécessaires pour tenir compte de cette évolution.
Par ailleurs, le 3° autorise le Gouvernement à prendre les mesures nécessaires à l'adaptation de la répartition des compétences entre l'AMF et l'ACPR , pour tenir compte des modifications effectuées en application des 1° et 2° du présent article.
Enfin, le 4° vise à permettre au Gouvernement de rendre les modifications envisagées applicables outre-mer avec les adaptations nécessaires.
*
L'Assemblé nationale a adopté le présent article sans modification .
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
A. UN AMÉNAGEMENT QUI N'A PAS PU ÊTRE RÉALISÉ DANS LE CADRE DE LA TRANSPOSITION PAR ORDONNANCE DE LA DIRECTIVE MIF 2
Initialement, le Gouvernement souhaitait procéder à la séparation des entreprises d'investissement et des sociétés de gestion de portefeuille à l'occasion de la transposition de la directive MIF 2 , dans le cadre de l'habilitation prévue à l'article 28 de la loi n° 2014-1662 du 30 décembre 2014 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière 270 ( * ) .
Toutefois, le Conseil d'État, dans un avis rendu le 2 juin 2015, a considéré qu'une « modification de la définition législative des catégories juridiques que constituent les entreprises d'investissement et les sociétés de gestion de portefeuille en droit interne, qui aurait pour effet, dans un souci de clarification du droit applicable, de ne plus permettre aux sociétés de gestion de portefeuille de réaliser à la fois de la gestion individuelle et collective, excèderait, par sa portée au regard du régime du droit interne applicable, le champ de l'habilitation dont dispose le Gouvernement ».
Aussi, le Gouvernement a décidé de solliciter une nouvelle habilitation.
B. UNE MISE EN COHÉRENCE BIENVENUE AVEC LE DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE
Votre rapporteur partage la volonté du Gouvernement d'aligner la définition des entreprises d'investissement sur celle prévue par le droit de l'Union européenne.
Comme le rappelle l'AMF, l'assimilation des sociétés de gestion de portefeuille à des entreprises d'investissement s'explique historiquement « par une volonté d'appliquer des standards élevés aux différents prestataires fournissant des services d'investissement et exerçant des activités de gestion, dans un but de protection des investisseurs » 271 ( * ) .
Toutefois, les sociétés de gestion de portefeuille font désormais l'objet de directives sectorielles - « OPCVM 4 » 272 ( * ) et « AIFM » 273 ( * ) - comportant des dispositions adaptées à leurs spécificités en matière de protection des investisseurs.
Or, en l'absence de séparation des entreprises d'investissement et des sociétés de gestion de portefeuille, ces dernières seraient soumises aux nouvelles règles d'organisation et de fonctionnement prévues par MIF 2 pour l'ensemble de leur activité , alors même que cette directive n'a pas vocation à s'appliquer à la gestion collective.
À titre d'illustration, en l'absence d'évolution de la définition des entreprises d'investissement en droit interne, les sociétés de gestion de portefeuille seraient soumises pour leur activité de gestion collective aux obligations nouvelles prévues en matière de gouvernance des produits 274 ( * ) et de reporting ou encore à des règles de financement de la recherche plus contraignantes 275 ( * ) .
Par conséquent, l'entrée en vigueur de MIF 2 se traduirait pour les sociétés de gestion par des coûts supplémentaires injustifiés les plaçant dans une situation concurrentielle défavorable par rapport à leurs homologues étrangères.
À l'inverse, à l'issue de l'évolution proposée au présent article, les nouvelles règles prévues par MIF 2 seraient uniquement applicables aux sociétés de gestion en cas de fourniture d'un service d'investissement , conformément à l'intention du législateur européen :
- les sociétés de gestion exerçant exclusivement une activité de gestion collective n'auront plus le statut d'entreprise d'investissement et seront donc uniquement soumises aux obligations prévues par les directives sectorielles ;
- les sociétés de gestion exerçant exclusivement une activité pour compte de tiers continueront de relever du statut d'entreprise d'investissement 276 ( * ) et seront donc soumises aux exigences prévues par MIF 2 pour l'ensemble de leur activité ;
- les sociétés de gestion exerçant les deux types d'activités n'auront plus le statut d'entreprise d'investissement et ne seront soumises à MIF 2 que pour leur activité de gestion pour compte de tiers.
Décision de la commission : votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article sans modification.
TITRE VI - DE
L'AMÉLIORATION DU PARCOURS DE CROISSANCE POUR LES ENTREPRISES
ARTICLE 37 (Art. 50-0, 64 bis, 102 ter, 103, 151-0 et
293 B du code général des impôts) - Lissage des seuils de
la micro-entreprise
Commentaire : le présent article vise à assouplir le régime fiscal de la micro-entreprise, en portant à 164 400 euros ou à 65 800 euros selon les activités le seuil de « sortie » du dispositif, contre 90 300 euros ou 34 900 euros actuellement, ce seuil pouvant être atteint pendant deux années au lieu d'une seule actuellement. Il ouvre également ce régime aux SARL dont l'associé unique est une personne physique dirigeant cette société , et assouplit les modalités d'option pour le régime réel.
I. LE DROIT EXISTANT
Outre un allègement des obligations comptables et administratives des travailleurs indépendants, le régime de la micro-entreprise permet une simplification et un allégement de la fiscalité en matière de TVA, d'impôt sur le revenu (le régime micro-fiscal) et de cotisations sociales (le régime micro-social) 277 ( * ) .
A. LA FRANCHISE EN BASE DE TVA : UN RÉGIME DONT LE BÉNÉFICE PEUT ÊTRE BRUSQUEMENT PERDU
En matière de TVA, les micro-entreprises bénéficient du régime de « franchise en base de TVA » prévu par l'article 293 B du code général des impôts : elles sont dispensées de la collecte, de la déclaration et du paiement de la taxe au titre de leurs livraisons de biens et de prestations de services. Elles peuvent également opter pour le régime réel, qui ouvre la possibilité de déduire la TVA sur leurs propres achats.
Pour bénéficier de la franchise en base, leur chiffre d'affaires (CA) de l'année précédente (N-1) ne soit pas dépasser les seuils de 82 200 euros pour les livraisons de biens, ou de 32 900 euros pour les prestations de services 278 ( * ) .
Peuvent également bénéficier de la franchise les entreprises dont le CA de l'année N-1 reste inférieur aux seuils « majorés » de 90 300 euros pour les biens ou 34 900 euros pour les services , à condition que le CA de l'année N-2 soit inférieur à 82 200 euros ou 32 900 euros. En d'autres termes : l'année (N) de dépassement du seuil « normal » et l'année suivante (N+1), les entreprises conservent le bénéfice de la franchise en base de TVA si leur CA ne dépasse pas ces seuils « majorés » . Ce mécanisme de « lissage » sur deux ans permet aux entreprises de rester dans le cadre de la franchise en base, même en cas de dépassement ponctuel et limité des seuils de chiffre d'affaires.
En revanche, dès lors que leur CA dépasse les seuils majorés de 90 300 euros ou 34 900 euros, elles perdent immédiatement le bénéfice de la franchise en base , et deviennent redevable de la TVA pour les livraisons de biens ou les prestations de services effectuées à compter du 1 er jour du mois au cours duquel les seuils majorés sont dépassés.
Par conséquent, la perte du bénéfice de la franchise en base peut se révéler assez brusque, ce qui peut déstabiliser une micro-entreprise , alors même que le dépassement des seuils ne serait que ponctuel . D'après l'étude d'impact du présent article, l'entreprise qui franchit ces limites « dispose donc de très peu de temps pour se mettre en conformité avec les nouvelles obligations comptables liées à l'assujettissement à la TVA. Elle doit assumer une charge administrative importante sans même avoir la certitude que son activité restera durablement au-dessus du niveau des plafonds autorisés ».
D'après le tome II de l'annexe « Voies et moyens » au projet de loi de finances pour 2016, la franchise en base de TVA représente une dépense fiscale d'environ 420 millions d'euros annuels . L'étude d'impact, au demeurant fort succincte, indique que près de 600 000 entreprises bénéficieraient de la franchise en base de TVA en 2013 , tandis qu'environ 650 000 entreprises auraient opté pour le régime réel en matière de TVA. Le bénéfice de la franchise en base est une condition pour bénéficier des régimes micro-fiscal et micro-social.
B. LE RÉGIME MICRO-FISCAL : DES EFFETS DE SEUIL ET DES CRITÈRES PARFOIS PROBLÉMATIQUES
1. Le régime micro-fiscal et le régime micro-social
En matière d'impôt sur le revenu (IR) , les personnes physiques qui exercent une activité relevant des bénéfices industriels et commerciaux (BIC), des bénéfices non commerciaux (BNC) ou des bénéfices agricoles (BA) relèvent du régime « micro » prévu aux articles 50-1, 64 bis et 102 ter du code général des impôts 279 ( * ) .
Leur bénéfice imposable est déterminé de manière forfaitaire 280 ( * ) par l'application d'un abattement à leur chiffre d'affaires (CA) , égal à 71 % du CA pour les activités d'achat-revente ou de fourniture de logement 281 ( * ) , 50 % du CA pour les autres activités relevant des BIC, 34 % du CA pour les BNC et 87 % pour les BA. L'abattement ne peut pas être inférieur à 305 euros. Le barème progressif de l'impôt sur le revenu est ensuite appliqué au bénéfice imposable, au taux de 0 %, 14 %, 30 %, 41 % et 45 % selon la tranche d'imposition (pour l'IR 2016).
Depuis 2014, les seuils et les seuils « majorés » sont alignés sur ceux de la franchise en base de TVA : 82 200 euros et 90 300 euros pour les ventes de biens et la fourniture de logement 282 ( * ) , et 32 900 euros et 34 900 euros pour les services 283 ( * ) . Les règles sont toutefois différentes de celles qui existent en matière de TVA : depuis la loi ACTPE du 18 juin 2014 284 ( * ) , les contribuables bénéficient de ce régime jusqu'au 31 décembre de l'année au cours de laquelle ils dépassent le seuil « majoré » . En revanche, si le chiffre d'affaires dépasse le seuil « normal » sans pour autant dépasser le seuil « majoré », les contribuables continuent à bénéficier de ce régime jusqu'au 31 décembre de l'année suivante.
Là encore, en cas de croissance rapide du CA, ces règles peuvent conduire à « basculer » assez brusquement dans le régime réel simplifié , ce qui implique pour les entrepreneurs des charges comptables et fiscales supplémentaires, même si le dépassement du CA n'est que ponctuel. Il faut à cet égard souligner que la perte du bénéfice du régime « micro-fiscal » entraîne la perte du régime « micro-social » , ces deux dispositifs ayant été alignés par la loi du 18 juin 2014 précitée.
En outre, le régime des micro-entreprises n'est pas applicable aux sociétés à responsabilité limitée (SARL), même lorsqu'elles ont un associé unique et que celui-ci est une personne physique - en d'autre termes, lorsqu'elles ressemblent fort à une micro-entreprise. Les SARL ont bien sûr des obligations comptables plus exigeantes, justifiées par leur statut : tenue d'une comptabilité régulière, présentation de livres comptables, établissement de comptes annuels etc. Toutefois, il ne semble pas que ce statut justifie des obligations fiscales différentes de celles d'un micro-entrepreneur, qui exercerait la même activité économique.
L'étude d'impact ne fournit pas d'estimation du nombre de bénéficiaires du régime micro-fiscal. Une mesure « proche » est toutefois celle du nombre d'auto-entrepreneurs inscrits auprès des Urssaf, évalué à 1 075 000 fin juin 2015. Parmi eux, seuls 600 000 auto-entrepreneurs déclarent un chiffre d'affaires positif au deuxième trimestre 2015, soit 55,9 % du total 285 ( * ) .
2. Les options : régime réel et prélèvement forfaitaire libératoire
Par ailleurs, les contribuables qui relèvent du régime « micro » peuvent opter directement pour le régime réel d'imposition (normal ou simplifié) , qui leur permet de déduire leurs charges. D'après l'étude d'impact, environ 508 000 entreprises éligibles au régime micro-BIC (382 000) ou micro-BNC (126 000) auraient opté pour le régime réel d'imposition (normal ou simplifié) en matière d'IR sur l'exercice 2014.
Cette option est valable deux ans et est reconduite tacitement par période de deux ans, ce qui signifie concrètement que les contribuables peuvent renoncer à l'option pour le régime réel à l'issue de chaque période biennale .
D'après l'étude d'impact, cette durée de deux ans serait trop rigide , notamment « lorsque les conséquences d'une option pour le régime réel ont été mal anticipées par les contribuables ».
Enfin, les micro-entrepreneurs peuvent opter pour le régime du versement libératoire social et fiscal défini à l'article 150-1 du code général des impôts 286 ( * ) , qui permet de régler en une seule fois et de manière forfaitaire l'impôt sur le revenu et les cotisations sociales. L'option pour le versement libératoire est toutefois soumise à des seuils moins élevés, qui tiennent compte du foyer fiscal, fixés à la limite supérieure de la deuxième tranche du barème de l'impôt sur le revenu de l'année précédant celle où l'option est exercée, soit 26 791 euros pour une part de quotient familial (pour l'IR 2016 sur les revenus de 2015).
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
A. L'ASSOUPLISSEMENT DU MÉCANISME DE « SORTIE » DU RÉGIME DE LA MICRO-ENTREPRISE
Afin de permettre aux contribuables de bénéficier du régime de la micro-entreprise de manière plus souple, la principale disposition du présent article vise à :
- revaloriser fortement les seuils « majorés » de la franchise en base de TVA, et donc du régime micro-fiscal et micro-social : les montants de 90 300 euros ou 34 900 euros seraient chacun remplacés par un montant égal au double du montant des seuils « normaux » de 82 200 euros ou de 32 900 euros, soit respectivement 164 400 euros ou 65 800 euros ;
- étaler sur deux ans au lieu d'un seul le mécanisme de « lissage » : les seuils « majorés » seraient dès lors applicables non seulement à l'année N-1 comme aujourd'hui, mais aussi à l'année N-2, à condition que le CA de l'année N-2 ou de l'année N-3 (respectivement) soit inférieur aux seuils « normaux » de 82 200 euros ou 32 900 euros.
Concrètement, cela signifie que la franchise de TVA et le régime « micro » continueraient à s'appliquer pour l'année de dépassement du seuil « normal » ainsi que pour les deux années suivantes, et ceci tant que le CA ne dépasse pas le seuil de 164 400 euros ou 65 800 euros.
Les conséquences du dépassement de ce seuil « majoré » resteraient en revanche inchangées : perte du bénéfice de la franchise de TVA le premier jour du mois du dépassement, mais conservation du régime micro-fiscal jusqu'au 31 décembre de l'année de dépassement du seuil « majoré ».
B. UNE RELATIVE LIMITATION DE L'EFFET DE LA REVALORISATION
Le présent article prévoit également de limiter l'éligibilité au versement libératoire forfaitaire de l'article 150-0 du code général des impôts aux seuls contribuables qui ne dépassent pas les seuils « normaux » de 82 200 euros ou 32 900 euros , alors que ce régime est aujourd'hui ouvert à l'ensemble des bénéficiaires du régime « micro », et donc y compris à ceux qui relèvent du seuil « majoré ». Cette disposition vise à éviter que le relèvement des seuils « majorés » entraîne un élargissement corrélatif du versement libératoire forfaitaire , dont les taux proportionnels sont une dérogation au principe de progressivité de l'IR. C'est d'ailleurs pour cette même raison que le régime de prélèvement forfaitaire libératoire est également soumis à un critère de revenu du foyer fiscal, qui tient compte de la composition de celui-ci (cf. supra ). Plutôt que de risquer un élargissement trop important du dispositif, il est donc proposé d'en réduire quelque peu le nombre de bénéficiaires potentiels.
Accessoirement, le présent article procède à un ajustement nécessaire de la méthode de revalorisation des seuils de la franchise en base de TVA, et donc des régimes micro-fiscal et micro-social. En effet, la loi de finances rectificative pour 2013 287 ( * ) a prévu que les seuils de la franchise en base de TVA sont revalorisés tous les trois ans, dans la même proportion que l'évolution triennale de la limite supérieure de la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu (imposée à 0 %). La première revalorisation devrait ainsi avoir lieu le 1 er janvier 2017. Toutefois, du fait de la suppression de la deuxième tranche (à 5,5 %) par la loi de finances pour 2015 288 ( * ) et de son remplacement par la troisième tranche (à 14 %), la « limite supérieure de la première tranche » est brusquement passée de 6 011 euros à 9 960 euros. Afin de corriger cet anomalie, un mécanisme d'ajustement est prévu 289 ( * ) - sans lequel le nombre de contribuables éligibles à la franchise en base de TVA augmenterait de façon importante sans justification.
C. L'ASSOUPLISSEMENT DES CRITÈRES DU RÉGIME MICRO-FISCAL
Enfin, le présent article prévoit deux autres assouplissements du régime de la micro-entreprise en matière d'impôt sur le revenu, afin d'en faciliter le recours :
- d'une part, il ouvre le bénéfice de ce régime aux SARL dont l'associé unique est une personne physique dirigeant cette société ;
- d'autre part, il prévoit que l'option pour le régime réel d'imposition est valable un an et reconduite tacitement chaque année , ce qui signifie que le contribuable peut choisir d'adapter son régime fiscal tous les ans, au lieu de tous les deux ans comme aujourd'hui.
III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
À l'initiative de notre collègue député Romain Colas, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, l'Assemblée nationale a supprimé les dispositions assouplissant le mécanisme de « sortie » du régime de la micro-entreprise , c'est-à-dire le relèvement des seuils « majorés », l'étalement sur deux ans de la possibilité de dépassement des seuils « normaux », ainsi que la limitation du versement forfaitaire libératoire.
Le rapporteur fait notamment remarquer que « l'incidence de ce dispositif, y compris d'un point de vue budgétaire, semble en effet difficile à évaluer , alors qu'il augmente considérablement (...) les seuils de sortie du régime de la micro-entreprise ; à des niveaux de chiffre d'affaires supérieurs à 160 000 euros ou 60 000 euros, selon les activités concernées, il apparaît pertinent que les entreprises soient conduites à se conformer à des règles comptables et fiscales de droit commun ».
L'Assemblée nationale a en revanche maintenu les autres dispositions , c'est-à-dire l'ouverture du régime micro-fiscal aux SARL dont le dirigeant unique est une personne physique, ainsi que la possibilité d'opter ou non pour le régime réel tous les ans.
IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Le présent article fait partie d'une série de dispositions du projet de loi visant à accroître la flexibilité des règles applicables aux très petites entreprises et aux micro-entrepreneurs , qui ne relèvent pas pour l'essentiel de la commission des finances - à l'exception de l'article 39 qui tend à supprimer l'obligation pour les micro-entrepreneurs de détenir un compte bancaire dédié (cf. infra ). On peut notamment citer l'article 38, qui visait dans sa version initiale à assouplir l'obligation d'effectuer un stage de préparation à l'installation (SPI), l'article 40 qui vise à simplifier le régime de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL), l'article 41 qui vise à simplifier le passage à plusieurs régimes de sociétés unipersonnelles, et bien sûr l'article 43 qui a pour objet l'assouplissement des exigences en matière de qualification professionnelle applicables pour l'exercice de certaines activités artisanales.
Sans se prononcer sur la pertinence des articles qui ne relèvent pas du périmètre de l'avis de la commission des finances, votre rapporteur estime que la principale disposition du présent article, c'est-à-dire la réforme du mécanisme de « lissage » de la sortie du régime de la micro-entreprise, est inopportune.
En effet, une telle réforme viendrait remettre en cause l'équilibre trouvé sur le régime de la micro-entreprise, notamment depuis la loi du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises (loi ACTPE) . Celle-ci représente un compromis entre d'une part la volonté d'encourager la création de très petites entreprises et donc d'emplois, et d'autre part la nécessité de prévenir les distorsions de concurrence au détriment des petites entreprises de droit commun, et notamment des entreprises artisanales . Ce compromis repose notamment sur les éléments suivants pour les micro-entreprises : la fusion du régime micro-fiscal et du régime micro-social ; l'obligation d'immatriculation au répertoire des métiers (RM) ou au registre du commerce et des sociétés (RCS) ; la fin de la dispense de stage de préparation à l'installation (SPI) ; ou encore la fin de l'exonération des taxes pour frais de chambres consulaire.
À cet égard, la réforme proposée est tout sauf anodine dans son principe , puisqu'elle conduit au quasi-doublement du seuil de « sortie » du dispositif, et au doublement de la durée pendant lequel le seuil « normal » peut être dépassé. Votre rapporteur n'exclue pas qu'une réforme puisse être nécessaire à moyen terme, mais il importe de ne pas conduire celle-ci dans la précipitation, pour trois raisons différentes :
- premièrement, il convient de ne pas renforcer l'instabilité juridique, et notamment l'instabilité fiscale, d'un régime qui a déjà connu de très nombreuses modifications ces dernières années . La complexité du droit est encore plus préjudiciable aux très petites entreprises qu'aux autres. En outre, la revalorisation des seuils est soumise à une décision du Conseil de l'Union européenne autorisant la France à déroger aux dispositions de la directive « TVA » 290 ( * ) , qui n'a pas été prise à ce stade ;
- deuxièmement, l'étude d'impact du présent article est très insuffisante . S'agissant des incidences économiques et sociales des mesures proposées, elle se borne à indiquer que « la simplification des obligations comptables des petites entreprises représente un potentiel levier de croissance », et que « la mesure proposée, en favorisant le développement des entreprises, devrait être bénéfique pour l'emploi ». Aucun chiffrage de l'incidence de ces mesures n'est fourni, que ce soit pour les entreprises, pour l'État ou pour les administrations sociales - au point que l'on puisse se demander si le Gouvernement n'a pas souhaité éluder le débat ;
- troisièmement, et en tout état de cause, une telle disposition trouverait davantage sa place dans un projet de loi de finances , plutôt que dans un texte dont l'objet principal est la lutte contre la corruption.
Il semble, ceci dit, que seul un nombre limité d'entreprises pourraient bénéficier de la principale mesure , comme le fait remarquer notre collègue député Romain Colas, rapporteur pour avis. Ainsi, d'après l'Acoss, sur les 258 400 auto-entrepreneurs radiés du régime en 2014, seuls 4 100 (soit 1,6 %) l'ont été en raison d'un dépassement du seuil 291 ( * ) . Il est précisé que « les dépassements de seuils sont plus fréquents dans le BTP, le conseil pour les affaires et autres conseils de gestion, et la santé. À l'inverse dans les activités de commerce (hors commerce de gros, intermédiaires du commerce) les radiations pour dépassement de seuil sont rares ». De plus, le chiffre d'affaires moyen des auto-entrepreneurs était de 3 319 euros au deuxième trimestre 2015, soit par extrapolation 13 276 euros par an, soit bien en-deçà des seuils. On peut dès lors s'interroger : soit la mesure proposée concerne peu d'entreprises, et alors elle contribue surtout à l'instabilité normative, soit elle concerne davantage d'entreprises, et alors elle ne saurait être adoptée sans un débat plus approfondi .
En conclusion, la réforme du régime fiscal des micro-entrepreneurs, pour légitime qu'elle puisse être dans son principe, ne saurait se faire dans des conditions improvisées, hors d'une loi de finances, sans étude de son impact économique et budgétaire, ni réflexion d'ensemble sur les enjeux du travail indépendant aujourd'hui.
C'est pourquoi votre rapporteur vous propose de conserver cet article dans sa rédaction issue de l'Assemblée nationale, c'est-à-dire de confirmer la suppression de l'assouplissement du mécanisme de « lissage » - dont les conséquences importantes appellent un débat approfondi -, tout en maintenant les ajustements techniques et les dispositions relatives aux conditions d'accès au régime de la micro-entreprise , plus modestes dans leur portée, qui améliorent le dispositif sans en remettre en cause les grands équilibres.
Décision de la commission : votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article sans modification.
ARTICLE 39 (Art. L. 133-6-8-4 du code de la sécurité sociale) - Délai d'un an applicable à l'obligation pour les micro-entrepreneurs d'avoir un compte bancaire dédié
Commentaire : le présent article vise à donner un délai de douze mois aux micro-entrepreneurs pour ouvrir un compte bancaire dédié à leur activité professionnelle, au lieu de la suppression de cette obligation prévue par le projet de loi initial.
I. LE DROIT EXISTANT
Aux termes de l'article L. 133-6-8-4 du code de la sécurité sociale, le travailleur indépendant ayant opté pour le régime de la micro-entreprise 292 ( * ) est tenu de dédier un compte bancaire 293 ( * ) « à l'exercice de l'ensemble des transactions financières liées à son activité professionnelle ».
Cette disposition a été introduite à l'initiative de notre collègue député Gérard Bapt, par l'article 94 de la loi n° 2014-1554 du 22 décembre 2014 de financement de la sécurité sociale pour 2015.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
Le présent article vise à abroger l'article L. 133-6-8-4 du code de la sécurité sociale , c'est-à-dire à supprimer l'obligation d'utiliser un compte bancaire professionnel dédié pour les micro-entrepreneurs.
III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
À l'initiative de notre collègue député Sébastien Denaja, rapporteur, l'Assemblée nationale a adopté un amendement visant à rendre l'obligation prévue à l'article L. 133-6-8-4 du code de la sécurité sociale applicable au micro-entrepreneur « au plus tard douze mois après la déclaration de la création de son entreprise ». Concrètement, il vise à permettre aux micro-entrepreneurs qui débutent leur activité de bénéficier d'un délai d'un an pour ouvrir un compte bancaire dédié à cette activité .
Cet amendement a été adopté avec l'avis favorable du Gouvernement, le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, Emmanuel Macron, ayant notamment estimé qu'avec cet amendement, « nous atteignons un équilibre et nous améliorons la situation présente ».
IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
D'un côté, l'obligation d'utiliser un compte bancaire dédié présente la vertu de distinguer plus clairement entre les activités professionnelles et les activités de nature commerciale , ce qui est parfois difficile s'agissant des micro-entrepreneurs. Cette distinction est non seulement utile au travailleur indépendant lui-même, mais aussi aux services de contrôle.
D'un autre côté, cette obligation constitue également un coût 294 ( * ) et une formalité administrative supplémentaires pour le micro-entrepreneur , qui par ailleurs n'existe pas pour les entrepreneurs individuels relevant du régime réel - alors même que ceux-ci réalisent souvent un chiffre d'affaires plus important. De plus, si les micro-entrepreneurs bénéficient de règles comptables simplifiées, ils n'en demeurent pas moins soumis à une obligation de tenue d'un livre-journal des recettes professionnelles.
Dès lors, la rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale, c'est-à-dire une obligation applicable seulement douze mois après la création de l'entreprise, peut apparaître comme un équilibre acceptable . Compte tenu du nombre important de disparitions des micro-entreprises dès la première année de leur création, elle revient à réserver cette obligation à celles qui ont une activité économique confirmée. Cet équilibre relève par ailleurs d'un certain réalisme, dans la mesure où les moyens d'assurer le respect de l'obligation introduite par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 font défaut.
Enfin, il n'apparaît pas opportun de modifier en profondeur l'équilibre entre les avantages et les obligations applicables aux micro-entrepreneurs , d'abord parce que celui-ci résulte d'une législation très récente 295 ( * ) , et ensuite parce que, en tout état de cause, les dispositions relatives à leur régime fiscal ont davantage vocation à figurer dans un projet de loi de finances.
Décision de la commission : votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article sans modification.
ARTICLE 45 - Habilitation pour la simplification des obligations de reporting
. Commentaire : le présent article propose d'habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures d'ordre législatif en vue de simplifier les obligations de reporting des entreprises.
I. LE DROIT EXISTANT
A. LE RAPPORT DU PRÉSIDENT ET LE RAPPORT DE GESTION
Pour les sociétés cotées, le code de commerce prévoit deux types de rapports rendant compte d'informations relatives à l'entreprise.
1. Un premier rapport centré sur les règles de gouvernance et procédures internes de la société
Le premier est rendu par le président du conseil d'administration ou du conseil de surveillance et présenté à l'instance qu'il préside, comme le prévoient les articles L. 225-37, L. 225-68 et L. 226-10-1 du code de commerce . Ce rapport est approuvé par l'instance et rendu public.
Ce rapport dit « du président » rend notamment compte des mécanismes de gouvernance propres au conseil d'administration ou au conseil de surveillance :
- il détaille la composition de l'instance , au regard notamment de l'application du principe de représentation équilibrée des hommes et des femmes ;
- il mentionne les modalités relatives à la participation des actionnaires en assemblée générale ainsi que les rémunérations et avantages de toute nature accordés aux mandataires sociaux de la société ;
- il présente les conditions de préparation et d'organisation des travaux de l'instance ;
- il présente les procédures de contrôle interne et de gestion des risques .
2. Un second rapport relatif aux activités et à la gestion de la société durant l'exercice écoulé
Le second document est établi par le conseil d'administration ou conseil de surveillance et validé par l'assemblée générale. Il est régi par les articles L. 225-100, L. 225-100-1, L. 225-100-2, L. 225-100-3, L. 225-102 et L. 225-102-1 du code de commerce .
Ce rapport dit « de gestion » permet à l'organe dirigeant de rendre compte à l'organe délibérant des activités et de la gestion de la société durant l'exercice écoulé.
En application de l'article L. 225-100, il comprend notamment :
- une analyse objective et exhaustive de l'évolution des affaires, des résultats et de la situation financière de la société ;
- des indicateurs clés de performance de nature non financière ayant trait à l'activité spécifique de la société ;
- une description des principaux risques et incertitudes auxquels la société est confrontée.
Il convient de préciser que le rapport du président est annexé au rapport de gestion . Dans ce cadre, les commissaires aux comptes joignent au rapport de gestion leurs observations sur le rapport du président, en application de l'article L. 225-235 du code de commerce.
En application de l'article L. 232-23 du code de commerce, les sociétés par actions sont tenues de déposer le rapport de gestion au greffe du tribunal de commerce dans un délai d'un mois suivant l'approbation des comptes par l'assemblée générale.
B. EN COMPLÉMENT, UN DOCUMENT DE RÉFÉRENCE OPTIONNEL POUR LES SOCIÉTÉS COTÉES
En complément des rapports précités, les sociétés cotées peuvent établir, chaque année, un document de référence dont le contenu est fixé par l'instruction de l'Autorité des marchés financiers (AMF) DOC-2005-11 du 13 décembre 2005.
Ce document a vocation à communiquer aux analystes financiers, aux investisseurs institutionnels et aux actionnaires individuels « toutes les informations nécessaires pour fonder leur jugement sur l'activité, la situation financière, les résultats et les perspectives de l'émetteur » 296 ( * ) .
À ce titre, il peut faire partie intégrante du prospectus , ce qui permet notamment de réduire le délai d'obtention du visa à cinq jours.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
Le deuxième alinéa du présent article propose d'autoriser le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures pour simplifier et clarifier les obligations d'information prévues par le code de commerce à la charge des sociétés :
- en supprimant les redondances entre le rapport du président et le rapport de gestion (alinéa 2) ;
- en allégeant les obligations de dépôt des rapports et informations afférents à chaque exercice pour les sociétés qui établissent le document de référence prévu par le règlement général de l'AMF (alinéa 3) ;
- en permettant aux sociétés, dans un délai de deux ans, de déposer leurs comptes annuels dans un format dématérialisé (alinéa 4) ;
- en allégeant le contenu du rapport de gestion pour les sociétés répondant à la définition européenne de la petite entreprise 297 ( * ) (alinéa 5).
Le délai d'habilitation est de douze mois , en application du premier alinéa du présent article.
III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
À l'initiative de notre collègue député Sébastien Denaja, rapporteur pour la commission des lois, l'Assemblée nationale a adopté un amendement rédactionnel et un amendement visant à corriger une erreur de référence.
À l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a également adopté, avec l'avis favorable du rapporteur, un amendement tendant à préciser les objectifs définis à l'alinéa 2 du présent article.
La nouvelle rédaction dispose que l'ordonnance qui sera prise devra simplifier, réorganiser et moderniser, pour les sociétés par actions, les informations contenues dans le rapport du président et le rapport de gestion.
En effet, selon le Gouvernement, la formulation initiale (« supprimer les redondances ») n'était pas suffisante pour procéder à des transferts d'informations d'un rapport vers l'autre, comme le propose notamment l'AMF 298 ( * ) .
En outre, l'alinéa 2 ainsi amendé fait désormais référence à l'article L. 621-18-6 du code monétaire et financier , relatif à la publication des informations par les sociétés cotées. Cet article dispose que l'AMF établit chaque année un rapport sur la base des informations publiées par les sociétés et peut formuler des recommandations. L'amendement introduit par le Gouvernement vise à permettre une redéfinition du contenu du rapport de l'AMF .
IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Votre rapporteur soutient l'objectif de rationalisation des obligations de reporting auxquelles sont astreintes les entreprises : les mesures proposées devraient permettre de diminuer le coût du reporting pour les entreprises, sans pour autant réduire le niveau d'information des destinataires des différents rapports.
En effet, dans un rapport publié en février 2016, l'AMF a mis en évidence de nombreuses redondances entre le rapport du président et le rapport de gestion . S'agissant par exemple de la description des risques pesant sur la société, l'article L. 225-37 du code de commerce dispose que le rapport du président contient des informations relatives à la gestion des risques au sein de l'entreprise. Le rapport de gestion contient quant à lui « une description des principaux risques et incertitudes auxquels la société est confrontée », en application de l'article L. 225-100 du code de commerce.
L'AMF a par ailleurs mis en évidence la nécessité de moderniser ces différents rapports : elle considère ainsi que la présentation « très juridique et formelle » du rapport du président « ne permet guère au lecteur d'apprécier facilement l'essentiel, à savoir que l'entreprise a bien mis en place les procédures de contrôle interne et de gestion des risques nécessaires pour couvrir les principaux risques encourus » 299 ( * ) .
Par ailleurs, le présent article permettra de tenir compte du succès croissant du document de référence, désormais établi selon l'AMF par la moitié des sociétés cotées sur Euronext Paris.
Comme le précise l'étude d'impact, il s'agira de donner la possibilité aux sociétés de ne déposer que le document de référence , lorsque ce dernier intègre les informations demandées dans les autres rapports obligatoires 300 ( * ) . Cette évolution est d'autant plus légitime que le document de référence présente l'avantage d'être disponible sur le site internet de la société , alors que le rapport de gestion doit être acheté auprès des greffes des tribunaux de commerce.
Votre rapporteur sera toutefois attentif à ce que l'allègement des obligations de dépôt prévu au troisième alinéa soit réservé aux seules entreprises faisant effectivement figurer dans le document de référence les informations relevant des rapports obligatoires.
Enfin, la dématérialisation des dépôts des comptes annuels devrait permettre de réduire les coûts du reporting pour les entreprises.
Compte tenu de la nature essentiellement technique des mesures proposées , votre rapporteur ne voit pas d'obstacle à procéder à la rationalisation des obligations de reporting par ordonnance.
Décision de la commission : votre commission émet un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification.
ARTICLE 45 bis (nouveau) (Art. L. 225-102-4 du code de commerce) - Introduction d'un reporting pays par pays public pour les grandes entreprises
Commentaire : le présent article prévoit l'introduction d'une déclaration d'activités pays par pays publique pour les grandes entreprises.
I. LE DROIT EXISTANT
A. DES DÉCLARATIONS D'ACTIVITÉS PAYS PAR PAYS À DESTINATION DES ADMINISTRATIONS FISCALES ONT DÉJÀ ÉTÉ INTRODUITES EN DROIT FRANÇAIS
1. Un dispositif proposé aux niveaux international et européen...
L'action 13 du projet Base Erosion and Profit Shifting ( BEPS ) de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) présenté en octobre 2015 traite des montages fiscaux d'optimisation et propose d'introduire une documentation des prix de transfert et une déclaration pays par pays standardisée à destination des administrations fiscales . Il est prévu que ces données demeurent confidentielles , mais les administrations fiscales concernées procèderaient à un échange automatique de ces déclarations pays par pays.
Le 28 janvier 2016, la Commission européenne a présenté un paquet de mesures contre l'évasion fiscale des entreprises, articulé autour de trois piliers, afin d'introduire les actions du projet BEPS dans le droit de l'Union européenne . U n projet de révision de la directive sur la coopération administrative 301 ( * ) vise à transcrire l'action 13 . En vertu des règles proposées, les autorités nationales échangeraient des informations fiscales sur les activités des multinationales, pays par pays.
2. ...déjà introduit dans le droit français
La France a anticipé les recommandations de l'action 13 du projet BEPS dès la loi de finances initiale pour 2016 , dont l'article 121 introduit les déclarations d'activité pays par pays à destination des administrations fiscales pour les entreprises établies en France réalisant un chiffre d'affaires annuel consolidé supérieur ou égal à 750 millions d'euros. Il crée dans le code général des impôts un article 223 quinquies C imposant une « déclaration comportant la répartition pays par pays des bénéfices du groupe et des agrégats économiques, comptables et fiscaux, ainsi que des informations sur la localisation et l'activité des entités le constituant » devant être déposée, dans les douze mois suivant la clôture de son exercice, par deux types de personnes morales :
- la personne morale ayant son siège en France qui établit des comptes consolidés, détient ou contrôle, directement ou indirectement, une ou plusieurs entités juridiques établies hors de France ou y dispose de succursales, réalise un chiffre d'affaires annuel, hors taxes, consolidé, supérieur ou égal à 750 millions d'euros et n'est pas détenue par une ou des entités juridiques situées en France et tenues au dépôt de cette déclaration, ou établies hors de France et tenues au dépôt d'une déclaration similaire en application d'une réglementation étrangère ;
- la personne morale établie en France dès lors qu'elle est contrôlée directement ou indirectement par une personne morale établie dans un État ou territoire n'ayant pas adopté une réglementation rendant obligatoire la souscription d'une déclaration et répondant aux critères mentionnés précédemment et qu'elle a été désignée par le groupe à cette fin ou qu'elle ne peut démontrer qu'une autre entité du groupe a été désignée à cette fin.
L'article 223 quinquies C prévoit que la déclaration peut, sous condition de réciprocité, faire l'objet d'un échange avec d'autres États .
La liste précisant les informations contenues dans la déclaration fait l'objet d'un décret. Selon la direction de la législation fiscale, ce décret est en cours de finalisation et devrait être prochainement publié. Dans son contenu, il reprendra les précisions apportées par le standard de l'OCDE tel que défini dans son rapport sur l'action 13. L'échéance déclarative interviendra à partir de fin 2017.
B. DES DÉCLARATIONS PUBLIQUES D'ACTIVITÉS PAYS PAR PAYS EXISTENT POUR DEUX SECTEURS SPÉCIFIQUES
De façon spécifique, deux secteurs sont soumis à l'obligation d'établir des déclarations publiques d'activités pays par pays : les entreprises du secteur bancaire d'une part, et l es entreprises du secteur des industries extractives d'autre part :
- la directive CRD IV du 26 juin 2013 a introduit une déclaration publique d'activité pour les entreprises du secteur bancaire . La France avait anticipé ces obligations par l'adoption de la loi n° 2013-672 de séparation et de régulation des activités bancaires du 26 juillet 2013. Son article 7 modifie l'article 511-45 du code monétaire et financier , qui prévoit désormais que les banques « publient une fois par an, en annexe à leurs comptes annuels ou, le cas échéant, à leurs comptes annuels consolidés ou dans leur rapport de gestion, des informations sur leurs implantations et leurs activités (...) dans chaque État ou territoire » , en particulier le produit net bancaire, les effectifs, le bénéfice et le montant des impôts. L'exercice 2014 a donné lieu à une première expérience de déclaration en France uniquement, sous une forme simplifiée, l'exigence européenne n'entrant en vigueur que pour l'exercice 2015 ;
- le chapitre X de la directive 2013/34/UE du 26 juin 2013 relative aux états financiers annuels, aux états financiers consolidés et aux rapports y afférents de certaines formes d'entreprises prévoit une obligation de déclaration publique pays par pays pour les entreprises du secteur minier, pétrolier, gazier ou forestier . Cette obligation a été transposée en droit français par l'article 12 de la loi n° 2014-1662 du 30 décembre 2014 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière. Elle est applicable pour l'exercice 2015 , de sorte que les premières déclarations sont en cours de publication. Une trentaine d'entreprises seraient concernées en France par cette obligation.
C. UNE PROPOSITION DE LA COMMISSION EUROPÉENNE VISE À ÉTENDRE LES DÉCLARATIONS PUBLIQUES D'ACTIVITÉS PAYS PAR PAYS
Au niveau national, le III de l'article 7 de la loi n° 2013-672 de séparation et de régulation des activités bancaires du 26 juillet 2013 a introduit un dispositif de déclaration publique d'activités pays par pays étendu à tous les secteurs . Toutefois, son application est conditionnée à l'entrée en vigueur d'une disposition adoptée par l'Union européenne et poursuivant le même objectif.
Au niveau européen, la Commission européenne a présenté, le 12 avril 2016, une proposition de révision de la directive 2013/34/UE relative à la communication, par certaines entreprises et succursales, d'informations relatives à l'impôt sur les bénéfices, allant au-delà du champ couvert par le projet BEPS et visant à introduire des déclarations d'activité spécifiques rendues publiques . Appuyé sur une analyse d'impact conduite par la Commission européenne au cours du second semestre 2015, la proposition prévoit d' obliger les entreprises multinationales qui exercent leurs activités dans l'Union et dont le chiffre d'affaires global dépasse 750 millions d'euros par an à publier des informations clés, pays par pays , sur le lieu où elles réalisent leurs bénéfices et celui où elles paient leurs impôts dans l'Union. Les mêmes règles s'appliqueraient aux multinationales non européennes exerçant des activités en Europe. La présentation des déclarations d'activités varierait selon trois groupes de pays :
- les données relatives aux pays de l'Union européenne seraient présentées pays par pays ;
- les données relatives aux pays hors-Union européenne seraient présentées de façon agrégée, sans distinction selon les pays ;
- une exception à ce principe est prévue pour les pays figurant dans la future « liste noire » commune des juridictions non-coopératives, encore en projet. La Commission entend convaincre dans les six prochains mois les États membres de s'accorder sur des critères de choix communs définissant des pays et territoires non-coopératifs. Le déploiement de la liste se ferait en trois étapes, avec l'objectif d'une publication effective début 2019.
Le seuil retenu pour l'assujettissement des entreprises à la déclaration publique d'activités pays par pays reprend celui défini par l'OCDE pour l'action 13 du projet BEPS.
En s'appuyant sur les enseignements de l'analyse d'impact, la proposition retient sept types de données à inclure dans la déclaration publique , contre douze pour les déclarations envoyées aux administrations fiscales. Les éléments relatifs aux échanges intragroupes n'y figurent pas, dans la mesure où leur publication conduirait à divulguer la stratégie de l'entreprise. Le contenu de la déclaration aspire à une certaine simplicité d'appréhension tout en rendant possible le calcul du taux effectif d'imposition, ce qui constitue le coeur du dispositif et permet à la société civile de se saisir d'éventuelles discordances dans la localisation des bénéfices et de l'imposition.
II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
A. L'INTRODUCTION D'UNE DÉCLARATION D'ACTIVITÉS PAYS PAR PAYS PUBLIQUE
Le présent article a été introduit à l'initiative de Sébastien Denaja, rapporteur au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale, ainsi que de Romain Colas, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, et de Dominique Potier, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques . Le Gouvernement s'est prononcé en faveur de l'adoption par anticipation d'une transposition de la directive européenne en discussion , sur le modèle de la transposition de la directive CRD IV 302 ( * ) .
Le I du présent article prévoit d'insérer un article L. 225-102-4 dans le code de commerce. Il introduit l'obligation, pour certaines entreprises , d'adjoindre au rapport mentionné aux articles L. 225-100, L. 225-102 et L. 233-26, un rapport public annuel relatif à l'impôt sur les sociétés auquel elles sont soumises . Quatre types de structures seraient concernés :
- les sociétés qui établissent des comptes consolidés et dont le chiffre d'affaires consolidé est supérieur à 750 millions d'euros, ainsi que celles dont le chiffre d'affaires est supérieur à ce montant ;
- la société qui n'est pas une petite entreprise, au sens de l'article L. 123-16 du code de commerce 303 ( * ) , qui est contrôlée, directement ou indirectement, par une société dont le siège social n'est pas situé en France, établissant des comptes consolidés et dont le chiffre d'affaires consolidé est supérieur à 750 millions d'euros ;
- la succursale qui ne satisfait pas aux critères définissant une petite entreprise, au sens de l'article L. 123-16, d'une société dont le siège social n'est pas situé en France et dont le chiffre d'affaires excède 750 millions d'euros ou qui est contrôlée par une société remplissant ces mêmes conditions ;
- les filiales et succursales qui, non soumises à ces obligations, auraient été créées dans le but de s'y soustraire.
Ces dispositions ne sont pas applicables aux établissements de crédits, compagnies financières et entreprises d'investissement , déjà soumises à une déclaration d'activités spécifique en vertu de l'article L. 511-45 du code monétaire et financier.
Le I du présent article précise la nature des informations contenues dans le rapport prévu, au nombre de sept et reprenant la liste prévue dans la proposition de révision de la directive 2013/34/UE relative à la communication, par certaines entreprises et succursales, d'informations relatives à l'impôt sur les bénéfices :
- une brève description de la nature des activités ;
- le nombre de salariés ;
- le montant du chiffre d'affaires net ;
- le montant du résultat avant impôt sur les bénéfices ;
- le montant de l'impôt sur les bénéfices dû pour l'exercice en cours, à l'exclusion des impôts différés et des provisions constitués au titre de charges d'impôts incertaines ;
- le montant de l'impôt acquitté, accompagné d'une explication sur les discordances éventuelles avec le montant de l'impôt dû, le cas échéant, en tenant compte des montants correspondants concernant les exercices financiers précédents ;
- le montant des bénéfices non distribués.
La présentation des données reprend la distinction introduite par la proposition de la Commission européenne entre trois groupes de pays, en y apportant toutefois une nuance :
- les données relatives aux pays de l'Union européenne seraient présentées pays par pays ;
- une exception à ce principe est prévue pour les juridictions fiscales figurant dans la liste commune des juridictions non-coopératives, encore en projet ;
- les données relatives aux pays hors-Union européenne seraient présentées de façon agrégée, sans distinction selon les pays. Une exception est prévue pour les cas où les sociétés mentionnées aux I à IV disposent d'un nombre minimal d'entreprises liées dans une juridiction fiscale. Les données relatives à la juridiction fiscale concernée seraient alors présentées séparément . Il est prévu que ce seuil soit fixé par décret en Conseil d'État.
Les conditions dans lesquelles le rapport serait rendu public doivent être précisées par décret en Conseil d'État. Les commissaires aux comptes attestent l'établissement et la publicité des informations requises dans le rapport.
Afin de garantir l'effectivité du dispositif, le I du présent article introduit la possibilité, pour tout intéressé ou pour le ministère public, de demander au président du tribunal de commerce , statuant en référé, d'enjoindre sous astreinte au dirigeant de toute personne morale de procéder à la publication du rapport.
B. L'ENTRÉE EN VIGUEUR ET L'EXTENSION PROGRESSIVE
Le III du présent article abroge les dispositions prévues aux III à V de l'article 7 de la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires. Ces dispositions prévoyaient l'introduction de déclarations d'activités pays par pays publiques pour les entreprises dépassant certains seuils, mais subordonnait leur entrée en vigueur à l'entrée en vigueur d'une disposition adoptée par l'Union européenne et poursuivant le même objectif.
Le IV du présent article précise les modalités d'entrée en vigueur des dispositions introduites, à savoir le lendemain de la date d'entrée en vigueur de la directive du Parlement européen et du conseil modifiant la directive 2013/34/UE . Présentée par la Commission européenne le 12 avril 2016, cette révision demeure en cours de discussion. À défaut, une date limite d'entrée en vigueur est fixée au 1 er juillet 2017 , afin de permettre une application du dispositif aux exercices ouverts à compter de cette date.
Le V du présent article prévoit un abaissement progressif des seuils de chiffre d'affaires retenus pour assujettir les entreprises à l'obligation déclarative publique : deux ans puis quatre ans après l'entrée en vigueur, ils seraient abaissés respectivement à 500 millions d'euros et à 250 millions d'euros.
Le VI du présent article prévoit que le Gouvernement présente au Parlement, avant le 31 décembre 2020, un rapport d'évaluation sur les effets des dispositions introduites et sur l'opportunité de modifier le champ des entreprises concernées, les informations rendues publiques et les modalités de leur présentation par pays.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Votre rapporteur souligne que le dispositif proposé vise à anticiper la transposition d'une proposition de directive européenne toujours en négociation . Les positions des États membres sur le caractère public des déclarations d'activités se révèlent très contrastées . Des États comme l'Autriche ou la Suède ont publiquement affirmé leur opposition, l'Allemagne a émis des réserves générales lors des premières réunions au Conseil. De plus, les discussions conduiront à des ajustements de certains points techniques du texte. En particulier, votre rapporteur comprend que deux points seront discutés : d'une part, le contenu des informations incluses dans la déclaration, d'autre part, la possibilité d'inscrire une clause de sauvegarde relative au nombre minimal d'entreprises liées à une société dans une juridiction fiscale pour la soumettre à l'obligation. De même, des incertitudes juridiques entourent toujours la possibilité qu'une filiale opérant au sein de l'Union européenne rapporte pour le compte de sa société mère et des autres sociétés soeurs. De fait, votre rapporteur considère que l'issue des discussions au Conseil étant incertaine à ce stade, l'anticipation d'un texte en cours de négociation n'est pas souhaitable.
Surtout, votre rapporteur souligne que le présent article excède une transposition anticipée, pour des raisons de forme et de fond :
- de forme, dans la mesure où il prévoit une date limite au-delà de laquelle il entre en vigueur , y compris si la proposition de révision de la directive 2013/34/UE ne prospère pas. Fixée au 1 er juillet 2017, cette date limite apparait peu réaliste dans la mesure où l'examen du texte au Conseil vient d'être engagé et que le rapporteur au Parlement européen n'a pas encore été désigné. Cette date anticipe même l'échéance impartie pour l'entrée en vigueur des déclarations d'activités à destination des administrations fiscales, fixée à fin 2017 ;
- de fond, dans la mesure où il introduit des règles que la proposition de la Commission européenne ne comporte pas en l'état actuel des négociations , en matière de présentation séparée des données les juridictions fiscales hors Union européenne dans certains cas, et où il prévoit un abaissement progressif du seuil de chiffre d'affaires retenu pour soumettre les entreprises à l'obligation déclarative.
Votre rapporteur souligne les risques entrainés par l' abaissement progressif du seuil de chiffre d'affaires de 750 millions d'euros à 500 millions d'euros au bout de deux ans, puis à 250 millions d'euros au bout de quatre ans. Le seuil retenu par la proposition de révision de la directive 2013/34/UE reprend celui posé par le projet BEPS. Il participe en ce sens d'une volonté d'assurer une certaine sécurité juridique au profit des entreprises, avec un seuil désormais intégré par celles-ci, et n'entrainant pas de nouvelles obligations dès lors qu'elles sont déjà appelées à établir de telles déclarations au profit des administrations fiscales. L'abaissement du seuil de 750 millions d'euros à 250 millions d'euros de chiffre d'affaires conduirait à un quasi triplement du nombre de groupes français assujettis. Votre rapporteur souligne que l'inscription de cette extension dans le droit réduit la portée du rapport d'évaluation prévu par le présent article. Alors que la France est déjà le quatrième pays au monde de par la localisation de sièges des grandes entreprises multinationales , et le premier en Europe, notre pays divulguerait de fait un nombre d'informations plus important que d'autres pays .
Nombre de groupes français possédant au
moins une filiale à l'étranger et de groupes étrangers
possédant au moins une filiale en France,
en fonction de leur chiffre
d'affaires
304
(
*
)
Plus de 750 millions d'euros |
Plus de 500 millions d'euros |
Plus de 250 millions d'euros |
|||
France |
UE |
France |
UE |
France |
UE |
662 Dont 459 groupes français |
6 000 |
970 Dont 674 groupes français |
- |
1 817 Dont 1 269 groupes français |
- |
Source : données INSEE, retraitées par la direction générale du Trésor
Votre rapporteur estime que prévoir une entrée en vigueur par défaut au niveau national quelle que soit l'issue de la proposition de révision de directive présente un rapport coût avantage défavorable . Alors que les organisations non gouvernementales souhaitent de longue date l'introduction de déclarations d'activités pays par pays publiques, Transparency international France , a par la voix de son président Daniel Lebègue, lors de son audition devant notre commission le 15 juin dernier, apporté son soutien à l'introduction de ce dispositif au niveau européen uniquement .
Surtout, votre rapporteur rappelle les doutes entourant la constitutionnalité d'un dispositif de déclarations publiques d'activités introduit uniquement au plan national , et non par le truchement d'une mesure de transposition d'une norme européenne. Malgré l'appui pris sur la proposition de révision de la directive 2013/34/UE, le présent article s'en émancipe et excède en cela une simple transposition du droit de l'Union européenne . Or, saisi d'un recours formé à l'encontre de l'article 121 de la loi de finances pour 2016 sur le fondement du principe d'égalité d'une part et du principe de liberté d'entreprendre d'autre part, le Conseil constitutionnel a pris en compte les débats autour de la publicité des déclarations. Dans sa décision n° 2015-725 du 29 décembre 2015 , il a écarté le grief relatif à l'atteinte à la liberté d'entreprendre en relevant « que les dispositions contestées se bornent à imposer à certaines sociétés de transmettre à l'administration des informations relatives à leur implantation et des indicateurs économiques, comptables et fiscaux de leur activité ; que ces éléments, s'ils peuvent être échangés avec les États ou territoires ayant conclu un accord en ce sens avec la France, ne peuvent être rendus publics » . Par cette décision, le Conseil constitutionnel a pris en compte la discussion parlementaire concomitante sur le projet de loi de finances rectificative pour 2015. À l'Assemblée nationale, trois amendements en faveur de déclarations publiques avaient été adoptés, avant d'être rejetés par le Sénat, puis adoptés de nouveau en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale et supprimés en seconde délibération à l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement. De fait, le Conseil constitutionnel a entendu fixer une limite à l'extension des déclarations d'activités, dans leur contenu et leur diffusion.
La commission a adopté l'amendement n° COM-261.
Décision de la commission : votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article ainsi modifié.
ARTICLE 45 ter (nouveau) (Art. 223 quinquies C du code général des impôts) - Élargissement du champ des entreprises soumises aux reporting fiscal
Commentaire : le présent article prévoit d'abaisser à 50 millions d'euros le seuil de chiffre d'affaires à partir duquel les entreprises sont soumises au reporting fiscal.
I. LE DROIT EXISTANT
Introduit par l'article 121 de la loi de finances initiale pour 2016 à la suite des propositions formulées dans le cadre du projet BEPS de l'OCDE 305 ( * ) , l'article 223 quinquies C du code général des impôts introduit une obligation de « déclaration d'activités comportant la répartition pays par pays des bénéfices du groupe et des agrégats économiques, comptables et fiscaux, ainsi que des informations sur la localisation et l'activité des entités le constituant ». Cette déclaration doit être déposée , dans les douze mois suivant la clôture de son exercice, par deux types de personnes morales :
- la personne morale ayant son siège en France qui établit des comptes consolidés, détient ou contrôle, directement ou indirectement, une ou plusieurs entités juridiques établies hors de France ou y dispose de succursales, réalise un chiffre d'affaires annuel, hors taxes, consolidé, supérieur ou égal à 750 millions d'euros et n'est pas détenue par une ou des entités juridiques situées en France et tenues au dépôt de cette déclaration, ou établies hors de France et tenues au dépôt d'une déclaration similaire en application d'une réglementation étrangère ;
- la personne morale établie en France dès lors qu'elle est contrôlée directement ou indirectement par une personne morale établie dans un État ou territoire n'ayant pas adopté une réglementation rendant obligatoire la souscription d'une déclaration et répondant aux critères mentionnés précédemment et qu'elle a été désignée par le groupe à cette fin ou qu'elle ne peut démontrer qu'une autre entité du groupe a été désignée à cette fin.
L'article 223 quinquies C prévoit que la déclaration peut, sous condition de réciprocité, faire l'objet d'un échange avec d'autres États .
La liste précisant les informations contenues dans la déclaration fait l'objet d'un décret. Selon la direction de la législation fiscale, ce décret est en cours de finalisation et devrait être prochainement publié. Dans son contenu, il reprendra les précisions apportées par le standard de l'OCDE tel que défini dans son rapport sur l'action 13. L'échéance déclarative interviendra à partir de fin 2017.
Article 223 quinquies C du code général des impôts I.-1. Une déclaration comportant la répartition pays par pays des bénéfices du groupe et des agrégats économiques, comptables et fiscaux, ainsi que des informations sur la localisation et l'activité des entités le constituant, dont le contenu est fixé par décret, est souscrite sous forme dématérialisée, dans les douze mois suivant la clôture de l'exercice, par les personnes morales établies en France qui répondent aux critères suivants : a) Établir des comptes consolidés ; b) Détenir ou contrôler, directement ou indirectement, une ou plusieurs entités juridiques établies hors de France ou y disposer de succursales ; c) Réaliser un chiffre d'affaires annuel, hors taxes, consolidé supérieur ou égal à 750 millions d'euros ; d) Ne pas être détenues par une ou des entités juridiques situées en France et tenues au dépôt de cette déclaration, ou établies hors de France et tenues au dépôt d'une déclaration similaire en application d'une réglementation étrangère. 2. Une personne morale établie en France qui est détenue ou contrôlée, directement ou indirectement, par une personne morale établie dans un État ou territoire ne figurant pas sur la liste mentionnée au II et qui serait tenue au dépôt de la déclaration mentionnée au 1 si elle était établie en France dépose la déclaration : a) Si elle a été désignée par le groupe à cette fin et en a informé l'administration fiscale ; ou b) Si elle ne peut démontrer qu'une autre entité du groupe, située en France ou dans un pays ou territoire inscrit sur la liste mentionnée au II, a été désignée à cette fin. 3. La déclaration mentionnée au premier alinéa du 1 peut faire l'objet, sous condition de réciprocité, d'un échange automatique avec les États ou les territoires ayant conclu avec la France un accord à cet effet. II.- La liste des États ou territoires qui ont adopté une réglementation rendant obligatoire la souscription d'une déclaration pays par pays similaire à celle figurant au 1 du I, qui ont conclu avec la France un accord permettant d'échanger de façon automatique les déclarations pays par pays et qui respectent les obligations résultant de cet accord est fixée par un arrêté. |
II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Le présent article a été introduit à l'initiative de Sébastien Denaja, rapporteur du projet de loi au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale, ainsi que de Romain Colas, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, et de Dominique Potier, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques .
Le I du présent article prévoit de modifier la fin du c du 1 du I de l'article 223 quinquies C du code général des impôts. En vertu de cette modification, les personnes morales établies en France et répondant aux critères mentionnés aux a , b , et d et réalisant un chiffre d'affaires annuel, hors taxes, consolidé supérieur ou égal à 50 millions d'euros devraient souscrire « une déclaration pays par pays des bénéfices du groupe et des agrégats économiques, comptables et fiscaux, ainsi que des informations sur la localisation et l'activité des entités le constituant ».
Le Gouvernement avait initialement soumis un amendement de suppression, finalement retiré à la suite du dépôt d'un amendement de modification introduit par notre collègue Sébastien Denaja. La position initiale du Gouvernement était motivée par le cadre international ayant présidé à l'adoption de l'article 223 quinquies C, contrastant avec la modification purement nationale introduite par le présent article. Prenant en compte ce contexte, l'Assemblée nationale a adopté un amendement renvoyant l'application du présent article au 1 er juillet 2020 , date prévue par le projet BEPS pour un réexamen des actions initiées.
Dans la mesure où le dispositif proposé va au-delà du cadre international tel que fixé par l'action 13 du projet BEPS de l'OCDE, en l'absence d'évolution en 2020 du seuil prévu, il ne s'inscrirait pas dans le cadre de l'échange automatique . Par conséquent, serait également assujettie à l'obligation déclarative la personne morale établie en France et contrôlée , directement ou indirectement, par une personne morale établie dans un pays tiers et répondant aux critères mentionnés aux a , b , et d du 1 et réalisant un chiffre d'affaires annuel , hors taxes, consolidé supérieur ou égal à 50 millions d'euros .
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Votre rapporteur relève que le présent article prévoit une application effective des dispositions introduites à compter du 1 er juillet 2020 . Cette date correspond à la clause de réexamen comprise dans le projet BEPS de l'OCDE, afin de tirer les premiers enseignements d'un dispositif dont l'entrée en vigueur est prévue pour fin 2017.
De fait, votre rapporteur considère que le présent article rompt avec la dynamique internationale ayant présidé à l'inscription des dispositions de l'article 223 quinquies C du code général des impôts. En effet, votre rapporteur rappelle que la France a inscrit rapidement les dispositions de l'article 13 de BEPS dans son droit ; toutes les parties prenantes n'ont pas encore introduit les déclarations d'activités au profit des administrations fiscales dans leur droit national . Alors que certains États, parmi les grandes puissances économiques mondiales, ont témoigné de leurs réticences à introduire ces dispositions, votre rapporteur souligne le risque existant à vouloir inscrire dès aujourd'hui une extension de son application avant même que les premiers retours d'expérience en soient tirés. En voulant afficher le volontarisme de la France et fixer un cap avant même que le dispositif initial prévu dans le cadre de BEPS soit appliqué, votre rapporteur redoute que notre pays rompe avec la dynamique consensuelle recherchée au niveau international.
Or, l'apport des déclarations d'activités à destination des administrations fiscales réside principalement dans l'échange automatique des informations collectées, afin de pouvoir croiser les données et mettre en évidence d'éventuelles discordances dans la localisation des activités et celle des bénéfices. De fait, à défaut de modification équivalente du seuil au niveau international, la mesure proposée devrait être abrogée. Autrement, elle conduirait à introduire un dispositif à deux niveaux , rentrant dans le cadre d'échange international pour les entreprises ayant un chiffre d'affaires annuel hors taxes consolidé supérieur à 750 millions d'euros, et uniquement national pour celles dont le chiffre d'affaires annuel est compris entre 50 millions d'euros et 750 millions d'euros. La direction générale du Trésor estime le nombre d'entreprises françaises supplémentaires concernées par cet abaissement du seuil à 5 256 . Or, comme le souligne le ministre des Finances et des comptes publics lui-même, si seul un pays lutte contre l'optimisation fiscale, elle se poursuit au détriment de ce même pays .
Or votre rapporteur rappelle que l'information capitale pour permettre au contrôle fiscal de mettre en évidence une discordance dans l'acquittement de l'imposition est la documentation des prix de transfert . De fait, l'article 223 quinquies B prévoit déjà une déclaration obligatoire comportant ces informations pour les entreprises dont le chiffre d'affaires annuel brut hors taxes est supérieur à 400 millions d'euros.
Dans ces conditions, s'agissant des déclarations d'activités pays par pays, votre rapporteur considère qu'il est préférable de continuer à s'inscrire dans le cadre fixé au niveau international . Le seuil de chiffre d'affaires retenu, fixé à 750 millions d'euros, permet de couvrir 10 % des entreprises multinationales représentant 90 % du chiffre d'affaires réalisé par les entreprises internationales. Ce faisant, le dispositif existant permet déjà de couvrir un large champ de l'activité économique et de tirer les premiers enseignements de son application. Afin que la clause de réexamen en 2020 prévue par le projet BEPS permette un retour d'expérience objectif et partagé par tous les acteurs, votre rapporteur considère qu' il est préférable que la France n'anticipe pas d'extension a priori du champ d'application.
La commission a adopté l'amendement de suppression n° COM-262.
Décision de la commission : votre commission propose à la commission des lois de supprimer cet article.
ARTICLE 45 quater A (nouveau) (Art. L. 223 quinquies B du code général des impôts) - Abaissement du seuil de chiffre d'affaires considéré pour la déclaration des prix de transfert à l'administration fiscale
Commentaire : le présent article prévoit d'abaisser le seuil de chiffre d'affaires retenu pour assujettir les grandes entreprises à l'obligation de déclarer à l'administration fiscale des informations relatives à leurs prix de transfert.
I. LE DROIT EXISTANT
A. UNE OBLIGATION DOCUMENTAIRE DES PRIX DE TRANSFERT INTRODUITE EN DROIT FRANÇAIS EN 2009...
Le recours aux prix de transfert fait partie intégrante de la gestion normale des entreprises multinationales. Selon l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les prix de transfert correspondent aux « prix auxquels une entreprise transfère des biens corporels, des actifs incorporels, ou rend des services à des entreprises associées » situées dans des pays différents. Les prix de transfert sont donc les prix des transactions entre sociétés d'un même groupe et résidentes d'États différents : ils supposent des transactions intragroupes et le passage d'une frontière.
Les transactions ainsi facturées entre deux entreprises associées ont pour conséquence de réduire le résultat de la première et d'augmenter celui de la seconde . L'objectif est, ainsi, de déterminer l'impôt dû dans chaque pays suivant le principe selon lequel toute activité est imposée sur le territoire où elle est réalisée.
Cependant, dans la mesure où la pratique des prix de transfert confère à un groupe d'entreprises une certaine maîtrise de la localisation de ses résultats - et ce notamment dans un contexte marqué par l'importance des échanges intragroupes 306 ( * ) -, un contrôle particulier a été introduit.
Afin d'éviter les délocalisations injustifiées de bénéfices dans les pays à fiscalité réduite, les prix de transfert sont supposés être fixés selon le principe de pleine concurrence posé par l'OCDE 307 ( * ) ; celui-ci veut que le prix de transfert pratiqué soit le même que si les deux sociétés en cause étaient deux entreprises indépendantes et ne faisaient pas partie du même groupe . Aussi les prix de transfert doivent-ils être arrêtés comme s'ils l'avaient été sur un marché concurrentiel.
L'application de ce principe est contrôlée par l'administration fiscale sur le fondement de l' article 57 du code général des impôts (CGI). Ce contrôle est notamment réalisé à l'aide des documents mis à sa disposition par les grandes entreprises.
L'article L. 13 AA du livre des procédures fiscales (LPF), créé par la loi du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009 308 ( * ) , a institué une obligation documentaire renforcée pour les entreprises dont le chiffre d'affaires excède 400 millions d'euros . Celles-ci « doivent tenir à disposition de l'administration » les éléments suivants :
- d'une part, les informations générales concernant le groupe (description générale de l'activité et de l'organisation, analyse des fonctions exercées, etc.) ;
- d'autre part, les informations spécifiques concernant l'entreprise associée faisant l'objet d'une vérification de comptabilité (description de la méthode de détermination des prix de transfert retenue et sa justification, etc.).
En outre, l'article L. 13 AB du LPF impose aux entreprises concernées par l'article précité, lorsqu'elles réalisent des transactions avec des sociétés associées établies ou constituées dans des États ou territoires non coopératifs (ETNC) au sens de l'article 238-0 A du code général des impôts (CGI), de tenir à la disposition de l'administration, « pour chaque entreprise bénéficiaire des transferts, une documentation complémentaire comprenant l'ensemble des documents qui sont exigés des sociétés passibles de l'impôt sur les sociétés, y compris le bilan et le compte de résultat ».
L'absence de production de ces éléments documentaires expose le contribuable à une amende pouvant atteindre, compte tenu de la gravité des manquements, le plus élevé des deux montants suivants :
- 0,5 % du montant des transactions concernées par les documents ou compléments qui n'ont pas été mis à disposition de l'administration après mise en demeure ;
- 5 % des rectifications du résultat fondées sur l'article 57 du présent code et afférentes aux transactions mentionnées au 1° du présent article.
Le montant de l'amende ne peut être inférieur à 10 000 euros (article 1735 ter du CGI).
B. ...DONT LA TRANSMISSION À L'ADMINISTRATION FISCALE A ÉTÉ RENDUE OBLIGATOIRE EN 2013
L'article 45 de la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière 309 ( * ) a introduit une obligation de transmission des éléments documentaires à l'administration fiscale , en même temps que la déclaration d'impôt sur les sociétés mentionnée à l'article 223 du CGI.
La transformation d'une obligation documentaire en obligation déclarative a justifié le déplacement du dispositif initial prévu à l'article L. 13 AA du LPF dans le code général des impôts . En conséquence, cette obligation a été codifiée à l'article L. 223 quinquies B du CGI , renvoyant à l'article L. 13 AA du LPF pour la liste des personnes morales assujetties.
De plus, l'article 86 de la loi de finances initiale pour 2016 310 ( * ) a introduit la dématérialisation de la déclaration.
II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Le présent article a été introduit à l'initiative de notre collègue député Romain Colas, rapporteur au nom de la commission des finances de l'Assemblée nationale, avec l'avis favorable du Gouvernement.
Le présent article prévoit de modifier l'article 223 quinquies B du code général des impôts afin de disjoindre les obligations de documentation des prix de transfert en cas de vérification de comptabilité des obligations de déclaration des prix de transfert à l'administration fiscale . Il prévoit d' introduire un seuil de chiffre d'affaires annuel hors taxe de 50 millions d'euros pour assujettir les entreprises à l'obligation de déclarer leur politique de prix de transfert à l'administration fiscale. Toutefois, le présent article ne modifie pas le seuil de 400 millions d'euros, prévu à l'article L. 13 AA du LPF pour assujettir les entreprises à l'obligation de tenue d'une documentation exhaustive des prix de transfert en cas de vérification de comptabilité.
Par conséquent, le présent article procède aux adaptations nécessaires afin de disjoindre les deux obligations, en autonomisant le dispositif prévu à l'article 223 quinquies B du CGI .
Le I du présent article procède à la réécriture du l existant de l'article 223 quinquies B du CGI, en supprimant le renvoi à l'article L. 13 AA du LPF pour définir les personnes morales assujetties à l'obligation déclarative prévue aux termes de l'article 223 quinquies B du CGI. Le I introduit par le présent article prévoit que sont tenues de souscrire à une déclaration les personnes morales établies en France :
- dont le chiffre d'affaires annuel hors taxe ou l'actif brut figurant au bilan est supérieur ou égal à 50 millions d'euros ;
- ou détenant à la clôture de l'exercice, directement ou indirectement, plus de la moitié des droits de vote d'une entité juridique satisfaisant à l'un des deux critères de chiffre d'affaires ou d'actif brut ;
- ou dont plus de la moitié du capital ou des droits de vote est détenue, à la clôture de l'exercice, directement ou indirectement, par une entité juridique satisfaisant à l'un des deux critères de chiffre d'affaires ou d'actif brut ;
- ou appartenant à un groupe relevant du régime fiscal prévu à l'article 223 A ou à l'article 223 A bis du CGI 311 ( * ) lorsque ce groupe comprend au moins une personne morale satisfaisant à l'une des conditions mentionnées aux trois tirets précédents.
Le présent article complète l'article 223 quinquies B du CGI en introduisant un l bis précisant le contenu de la déclaration, reprenant exactement les modalités prévues aux 1° et 2° du I de l'article 223 quinquies B du CGI dans sa rédaction actuelle .
Le 3° du présent article procède à l'actualisation des renvois rendue nécessaire par la disjonction de l'obligation documentaire et de l'obligation déclarative.
Le II du présent article prévoit que les nouvelles modalités introduites s'appliquent aux déclarations devant être déposées au titre des exercices clos à compter du 31 décembre 2016.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Votre rapporteur souligne que les prix de transfert constituent l'un des principaux leviers d'évasion des entreprises multinationales . En effet, le principe de pleine concurrence - qui suppose que le prix de transfert pratiqué soit le même que si les deux sociétés en cause étaient deux entreprises indépendantes - est d'application délicate , laissant une marge de manoeuvre aux entreprises pour réduire indûment leurs impositions.
En outre, la concentration accrue des entreprises rend plus délicate la comparaison des prix exercés au sein d'un même groupe avec ceux pratiqués entre des entreprises indépendantes. Par ailleurs, les flux commerciaux concernent de plus en plus des actifs incorporels qui sont facilement délocalisables tout en étant difficiles à évaluer par l'administration.
Ainsi, votre rapporteur considère que, plus qu'une déclaration d'activités pays par pays, les prix de transfert représentent l'élément essentiel dans l'appréhension de l'évasion fiscale . En 2014, les services fiscaux ont eu recours aux dispositions de l'article 57 du CGI, précisant les modalités du contrôle portant sur la documentation des prix de transfert, à 394 reprises, pour un montant de rehaussements en base de 3,6 milliards d'euros 312 ( * ) . Dans ces conditions, votre rapporteur estime que l'administration fiscale doit pouvoir disposer de tous les éléments adéquats permettant de contrôler efficacement les politiques de prix de transfert déployées par les entreprises développant une activité d'envergure internationale. Aussi est-il favorable à élargir le champ des entreprises concernées. Selon les données fournies par la direction générale du Trésor, 6 228 groupes supplémentaires devraient déclarer leurs prix de transfert à l'administration fiscale 313 ( * ) .
Cependant, votre rapporteur tient à souligner les contraintes et les coûts induits pour les entreprises par l'obligation de tenir une documentation exhaustive de la politique de prix de transfert en vigueur. Par conséquent, le présent article, qui disjoint les deux obligations et crée un dispositif échelonné selon la taille de l'entreprise, permet d'étendre le contrôle des services fiscaux, tout en limitant les coûts entrainés pour les entreprises de taille intermédiaire. Votre rapporteur considère que le dispositif proposé est équilibré : modifiant des règles introduites uniquement en droit national et traitant du principal levier utilisé pour contourner l'acquittement de l'impôt, il participe de la lutte contre l'évasion fiscale sans porter atteinte à la compétitivité de nos entreprises et sans dévoiler leur stratégie.
Décision de la commission : votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article sans modification.
ARTICLE 45 quater B (nouveau) (Art. L. 561-46 [nouveau] et L. 561-47 [nouveau] du code monétaire et financier) - Création d'un registre public des bénéficiaires effectifs des personnes morales
Commentaire : le présent article vise à instituer un registre national des bénéficiaires effectifs des personnes morales, en partie accessible au public, qui viendrait compléter l'actuel registre national des trusts.
I. LE DROIT EXISTANT
A. L'IDENTIFICATION DU BÉNÉFICIAIRE EFFECTIF : LA CLÉ DE VOÛTE DE LA LUTTE CONTRE L'ÉVASION FISCALE DES PARTICULIERS
Le « bénéficiaire effectif » d'une entité juridique est la personne qui, en dernier ressort, possède ou contrôle cette entité , ou pour le compte de laquelle une transaction ou une activité est réalisée.
En matière de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales des particuliers , l'identification du bénéficiaire effectif revêt une importance cruciale, car la plupart des montages complexes font intervenir une société-écran, une entité offshore ou encore un prête-nom, souvent localisés dans un État ou territoire complaisant en la matière, afin de dissimuler l'identité réelle du propriétaire des actifs ou du bénéficiaire des revenus, et permettant à celui-ci d'échapper à l'impôt.
C'est la raison pour laquelle les conventions fiscales bilatérales conçues sur le modèle fourni par l'OCDE 314 ( * ) , c'est-à-dire la quasi-totalité des conventions fiscales récentes et la totalité de celles signées par la France, font référence à cette notion de « bénéficiaire effectif » des différentes catégories de revenus (intérêts, dividendes, redevances etc.). Implicitement, les accords et les clauses d'échange de renseignements fiscaux impliquent que l'État « requis » transmette à l'État « requérant » l'identité du bénéficiaire effectif s'il est en mesure de la déterminer - c'est d'ailleurs le principal critère qui permet de juger de la bonne coopération fiscale entre États 315 ( * ) . La réussite du passage à l'échange automatique d'informations fiscales est également tributaire de la bonne identification du bénéficiaire effectif, que ce soit au titre de la loi « FATCA » adoptée par le Congrès des États-Unis 316 ( * ) , de l'accord multilatéral signé le 29 octobre 2014 à Berlin sous l'égide de l'OCDE 317 ( * ) , ou encore de la directive 2014/107/UE du 9 décembre 2014 sur l'échange automatique au sein de l'Union européenne 318 ( * ) .
L'identification du bénéficiaire effectif est également nécessaire en matière de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme - qui sont d'ailleurs souvent étroitement liés à la fraude fiscale internationale. L'article 13 de la directive 2015/849/UE du 20 mai 2015 319 ( * ) , c'est-à-dire la quatrième directive anti-blanchiment , précise ainsi que les mesures de vigilance demandées aux établissements financiers et autres acteurs assujettis comprennent, entre autres, « l'identification du bénéficiaire effectif et la prise de mesures raisonnables pour vérifier l'identité de cette personne, de telle manière que l'entité assujettie ait l'assurance de savoir qui est le bénéficiaire effectif, y compris, pour les personnes morales, les fiducies/trusts, les sociétés, les fondations et les constructions juridiques similaires, la prise de mesures raisonnables pour comprendre la structure de propriété et de contrôle du client ».
B. LE REGISTRE NATIONAL DES TRUSTS : UN INSTRUMENT UTILE MAIS INSUFFISANT
Afin de permettre une identification plus facile des bénéficiaires effectifs, la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière 320 ( * ) a institué un registre public des trusts . Aux termes de l'article 1649 AB du code général des impôts, ce registre « recense nécessairement les trusts déclarés, le nom de l'administrateur, le nom du constituant, le nom des bénéficiaires et la date de constitution du trust ».
Issue du droit anglo-saxon, la notion de trust n'a été introduite que récemment en droit français. Créé en 2011 321 ( * ) , l'article 792-0 bis du code général des impôts (CGI) précise ainsi que « pour l'application du présent code, on entend par trust l'ensemble des relations juridiques créées dans le droit d'un État autre que la France par une personne qui a la qualité de constituant, par acte entre vifs ou à cause de mort, en vue d'y placer des biens ou droits, sous le contrôle d'un administrateur, dans l'intérêt d'un ou de plusieurs bénéficiaires ou pour la réalisation d'un objectif déterminé ». L'article précise en outre que le constituant du trust est « soit la personne physique qui l'a constitué soit, lorsqu'il a été constitué par une personne morale, la personne physique qui y a placé des biens ou des droits ». En bref, dans le cadre d'un montage visant à éluder l'impôt - ce qui n'est évidemment pas leur seule utilité -, un trust peut permettre de dissimuler l'identité du bénéficiaire effectif , auquel se substitue un administrateur ( tustee ), plus ou moins fictif.
Lors de son audition du 4 mai 2016 par la commission des finances, à la suite de l'affaire des Panama Papers , Olivier Sivieude, chef du service du contrôle fiscal de la direction générale des finances publiques (DGFiP), a insisté sur la grande utilité du registre des trusts pour l'administration fiscale : « aujourd'hui, 16 000 trusts figurent dans ce registre : il s'agit d'un outil extrêmement précieux, très utilisé par les services et qui monte en puissance. D'une manière générale, tout ce qui consiste à demander de déclarer une information dont nous ne disposons pas va dans le bon sens ».
Toutefois, le registre des trusts présente deux faiblesses majeures, qui limitent son utilité :
- d'une part, les obligations déclaratives sont limitées, du fait des règles de territorialité , aux seuls trusts « dont le constituant ou l'un au moins des bénéficiaires a son domicile fiscal en France , ou qui comprend un bien ou un droit qui y est situé ». S'agissant de l'administrateur, on comprend aisément qu'il soit tentant de ne pas désigner une personne domiciliée en France. S'agissant des bénéficiaires, des droits ou des biens, l'objet officieux d'un trust est bien souvent d'en assurer la dissimulation ;
- d'autre part, le registre ne concerne que les trusts, une notion dont la définition demeure restrictive , puisqu'il ne s'agit que des entités définies à l'article 792-0 bis du code général des impôts précité, faisant intervenir un bénéficiaire et un administrateur. Par conséquent, le registre « ignore » de nombreuses autres formes juridiques (sociétés commerciales, sociétés de personnes, compagnies par actions, fondations etc.), qui peuvent tout autant servir à dissimuler le bénéficiaire effectif.
Interrogée par notre collègue Michèle André, présidente de la commission des finances, lors de son audition du 4 mai 2016 à la suite de l'affaire des Panama Papers , Éliane Houlette, procureur de la République financier, a d'ailleurs confirmé l'impossibilité pour le Parquet national financier (PNF) d'obtenir cette information, dans des dossiers qui sont par définition complexes :
« Mme Michèle André , présidente. - Cette coopération, qui passe par les agents de liaison de nos ambassades, vous permet-elle d'avoir connaissance des bénéficiaires effectifs ?
« Mme Éliane Houlette. - Non. Pas pour le moment. Les schémas sont devenus très complexes. La fraude fiscale a énormément évolué avec la mondialisation et la révolution numérique. Autrefois, il suffisait d'ouvrir un compte numéroté en Suisse dont on était le seul titulaire sous-jacent ; aujourd'hui, on passe par des sociétés offshore dans plusieurs pays, en s'appuyant sur des moyens technologiques très sophistiqués. (...) Les États avec lesquels nous peinons à coopérer sont : la Russie, le Qatar, l'Île Maurice et j'ajoute, au risque de vous surprendre, la Suisse, avec laquelle la coopération n'est pas facile ».
L'administration fiscale rencontre des difficultés similaires dans la coopération administrative , même si les pays concernés ne sont pas les mêmes que ceux qui font obstacle à la coopération pénale.
Il n'en demeure pas moins que le registre des trusts, mesure jugée utile, a été repris à l'article 31 de la quatrième directive anti-blanchiment, la directive 2015/849/UE du 20 mai 2015 précitée. Cette directive, toutefois, propose également l'institution d'un registre des bénéficiaires effectifs de toutes les personnes morales.
II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Le présent article, issu de deux amendements identiques déposés par nos collègues députés Romain Colas, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, et Éric Alauzet, et adopté avec l'avis favorable du Gouvernement, a pour objet d' instituer un registre public des bénéficiaires effectifs de l'ensemble des personnes morales privées susceptibles de masquer l'identité de ces bénéficiaires, qui viendrait compléter l'actuel registre public des trusts.
Cet article transposerait par anticipation l'article 30 de la directive 2015/849/UE du 20 mai 2015 précitée 322 ( * ) , qui prévoit que « les États membres veillent à ce que les sociétés et autres entités juridiques constituées sur leur territoire aient l'obligation d'obtenir et de conserver des informations adéquates, exactes et actuelles sur leurs bénéficiaires effectifs , y compris des précisions sur les intérêts effectifs détenus », et que ces informations « soient conservées dans un registre central dans chaque État membre, par exemple un registre du commerce, un registre des sociétés, ou un registre public ».
À cette fin, deux nouveaux articles L. 561-46 et L. 561-47 seraient créés au sein du code monétaire et financier . Ils formeraient une nouvelle section 9, intitulée « Le bénéficiaire effectif », au chapitre I er du titre VI du livre V de ce code, c'est-à-dire dans la partie relative à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.
L'entrée en vigueur du registre des bénéficiaires effectifs est fixée au premier jour du quatrième mois suivant celui de la promulgation de la présente loi.
A. LE NOUVEL ARTICLE L. 561-46 : L'OBTENTION ET LA DÉCLARATION DES INFORMATIONS RELATIVES AU BÉNÉFICIAIRE EFFECTIF
Première partie du dispositif proposé, l'article L. 561-46 prévoit que les sociétés et entités juridiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés (RCS) « sont tenues d'obtenir et de conserver des informations exactes et actualisées sur leurs bénéficiaires effectifs » .
- les sociétés et entités juridiques visées sont les personnes tenues à l'immatriculation au RCS mentionnées aux 2°, 3° et 5° de l'article L. 123-1 du code de commerce, c'est-à-dire : les sociétés et groupements d'intérêt économique (GIE) ayant leur siège dans un département français et jouissant de la personnalité morale ; les sociétés commerciales dont le siège est situé hors d'un département français mais qui ont un établissement dans l'un de ces départements ; les autres personnes morales dont l'immatriculation est prévue par les dispositions législatives ou réglementaires 323 ( * ) ;
- la définition du « bénéficiaire effectif » est celle de l'ensemble des dispositions du code monétaire et financier relatives à la lutte contre le blanchiment, fixée à l'article L. 561-2-2, c'est-à-dire « la personne physique qui contrôle, directement ou indirectement, le client » ou « celle pour laquelle une transaction est exécutée ou une activité réalisée ». Ce même article dispose qu'un décret en Conseil d'État « précise la définition du bénéficiaire effectif pour les différentes catégories de personnes morales » ;
- les informations sur le bénéficiaire effectif sont soumises à une obligation de déclaration et de mise à jour régulière . Le choix a été fait d'inclure cette nouvelle obligation au sein de la procédure de droit commun de déclaration au registre du commerce et des sociétés, plutôt que de créer une procédure ad hoc . La première « phase » du dispositif est donc « décentralisée » , dans la mesure où le RCS est tenu localement par les greffiers des tribunaux de commerce ;
- cet article devra être complété par un décret en Conseil d'État , qui « fixe la liste des informations collectées ainsi que les conditions et modalités selon lesquelles [celles-ci] sont obtenues, conservées, mises à jour et communiquées » au RCS.
B. LE NOUVEL ARTICLE L. 561-47 : LA TENUE D'UN REGISTRE NATIONAL DES BÉNÉFICIAIRES EFFECTIFS, À L'ACCÈS PARTIELLEMENT PUBLIC
Seconde partie du dispositif proposé, l'article L. 561-47 prévoit la constitution du registre national des bénéficiaires effectifs, dont certaines informations seraient mises à la disposition du public . Plus précisément, cet article prévoit que :
- le greffier du tribunal de commerce « reçoit et vérifie » les informations, puis communique celles-ci à l'institut national de la propriété intellectuelle (INPI) , par voie électronique. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de la propriété intellectuelle, la tenue du registre national du commerce et des sociétés (RCNS) relève en effet de l'INPI, celui-ci ayant notamment pour mission « d'appliquer les lois et règlements en matière (...) de registre du commerce et des sociétés ». Le registre national des bénéficiaires effectifs serait donc une composante du RCNS ;
- le registre national des bénéficiaires effectifs contient certaines données accessibles au public, les autres étant seulement accessibles aux autorités publiques et aux professionnels concernés . C'est un décret en Conseil d'État qui « précise les informations sur les bénéficiaires effectifs qui sont mises à la disposition du public et celles qui ne sont accessibles qu'aux autorités publiques compétentes dans les domaines de la lutte contre le blanchiment, le financement du terrorisme, la corruption et l'évasion fiscale, ainsi qu'aux entités assujetties » aux obligations de vigilance en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme 324 ( * ) . Ce même décret « fixe la liste des autorités compétentes mentionnées au présent alinéa ainsi que les modalités selon lesquelles les entités assujetties mentionnées au présent alinéa justifient de leurs mesures de vigilance ».
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
A. UNE SOURCE D'INFORMATION UTILE...
L'institution d'un registre des bénéficiaires effectifs de l'ensemble des personnes morales constitue une mesure bienvenue , qui viendra s'ajouter au registre des trusts, d'ores et déjà jugé utile par l'administration fiscale. Ces deux outils sont appelés à monter en puissance dans les prochaines années, renforçant l'efficacité du contrôle fiscal dans le contexte de la généralisation - espérée - de l'échange automatique d'informations.
Parmi les possibilités de transposition laissées ouvertes par la directive, votre rapporteur tient à souligner deux choix pertinents :
- premièrement, l'intégration du dispositif au sein du registre du commerce et des sociétés (RCS) , tant sur le plan des entités visées, qui permet de couvrir un champ très large de formes juridiques, que sur le plan de la procédure et des modalités pratiques. Ceci permet en effet de simplifier considérablement les choses, car le système d'information existe déjà et les entreprises verront leurs formalités administratives réduites au minimum - quelques cases à cocher ou champs supplémentaires à remplir dans un formulaire existant. Les sanctions qui s'attachent au défaut de déclaration sont les sanctions de droit commun - ce qui n'exclue pas à terme de créer une sanction spécifique, plus dissuasive ;
- deuxièmement, le choix d'un « registre à deux niveaux » s'agissant de la publicité, gage de transparence . Sur ce point, les termes du débat sont différents de ceux qui se posent pour le reporting pays par pays pour les entreprises multinationales 325 ( * ) . En effet, les informations susceptibles de renseigner sur le bénéficiaire effectif sont pour beaucoup d'entre elles déjà déclarées au RCS, et donc déjà accessibles à toute personne qui en fait le demande auprès du greffe concerné, sous la forme d'un extrait Kbis 326 ( * ) . Les informations supplémentaires n'ont en revanche pas forcément vocation à être rendues publiques .
En fait, les principales nouveautés du futur registre des bénéficiaires effectifs par rapport à l'actuel RCS pourraient ne pas être les informations elle-mêmes mais l'obligation de les actualiser d'une part 327 ( * ) , et le changement culturel que cela implique d'autre part : concrètement, toutes les entreprises devront dorénavant non seulement indiquer le nom de leurs dirigeants nominaux, mais aussi se demander « qui les dirige vraiment » . Ces éléments ne doivent pas être sous-estimés dans la prise en compte de la charge administrative que le registre pourrait demander.
S'agissant de la liste des informations, le renvoi à un décret en Conseil d'État pour préciser respectivement les informations collectées et celles rendues publiques pose tout de même question. Certes, par rapport au registre des trusts dont les données sont fixées par la loi (cf. supra ), les données du registre des bénéficiaires effectifs des personnes apparaissent plus complexes à définir, compte tenu de la diversité des formes juridiques concernées. Néanmoins, il pourrait être opportun d'en préciser les grandes lignes dans la loi, après un travail préparatoire approfondi et d'ici l'entrée en vigueur du dispositif. De même, s'agissant des informations ayant vocation à être rendues publiques, il pourrait être préférable que la « ligne de partage » relève du législateur dans ses grands principes .
Une remarque similaire peut être faite pour la définition du bénéficiaire effectif au sens du présent article . Certes, le dispositif proposé renvoie à la définition donnée par l'article L. 561-2-2 du code monétaire et financier précité (cf. supra ), créé en 2009 à l'occasion de la transposition de la troisième directive anti-blanchiment 328 ( * ) . Celle-ci est toutefois très succincte, et renvoie à un décret en Conseil d'État pour en préciser l'application aux différentes catégories de personnes morales. Or, d'une part, ce décret n'a toujours pas été pris, ce qui est en soi problématique . D'autre part, l'article 3 la quatrième directive anti-blanchiment fournit une définition plus précise : « un pourcentage suffisant d'actions ou de droits de vote ou d'une participation » , le seuil de 25 % de participation devant être considéré comme « un signe de propriété directe » . Il pourrait être opportun d'inscrire au moins en partie cette définition dans la loi . Rien n'empêche toutefois la France de compléter cette définition, par la loi ou par décret.
En tout état de cause, et compte tenu de l'importance du dispositif proposé dans le cadre de la lutte contre l'évasion fiscale, votre rapporteur sera attentif à ce que les décrets en Conseil d'État soient pris dans les meilleurs délais. Il existe toutefois une « date butoir », le 26 juin 2017, date prévue pour l'entrée en vigueur des dispositions de la quatrième directive anti-blanchiment, en vertu de son article 66.
B. ...DONT IL NE FAUT PAS SURESTIMER L'IMPORTANCE
La forte similitude entre le registre du commerce et des sociétés et le futur registre des bénéficiaires effectifs, qui fait la simplicité du dispositif, est aussi sa principale faiblesse. En fait, si ce dispositif est bienvenu, il risque en même temps d'être d'une utilité assez limitée .
Plus précisément, le registre des bénéficiaires effectifs créé par le présent article présente deux principales faiblesses :
- d'une part, ce dispositif demeure déclaratif et dépourvu de portée extraterritoriale , ce en quoi il ne constitue pas du tout une réponse à la principale faiblesse du registre des trusts. En fait, il est même d'une portée inférieure à celle du registre des trusts , dans la mesure où celui-ci visait au moins les entités créées dans un autre pays, pour peu que leur bénéficiaire ou leur administrateur soit domicilié en France. Le nouveau registre des bénéficiaires effectifs, quant à lui, vise tout simplement... les sociétés déjà immatriculées au RCS, dont on devine qu'elles ne sont pas le véhicule privilégié par les personnes souhaitant échapper à l'impôt ;
- d'autre part, l'identification du bénéficiaire effectif demeure une obligation de moyen, et non de résultat . Le considérant (13) de la directive précise bien que « l'identification du bénéficiaire effectif et la vérification de son identité devraient, s'il y a lieu, s'étendre aux entités juridiques qui possèdent d'autres entités juridiques », ce qui implique de rechercher au-delà de la première société-écran , voire de la deuxième, etc. Toutefois, il indique aussi que « dans ces cas exceptionnels, les entités assujetties peuvent considérer, après avoir épuisé tous les autres moyens d'identification, et pour autant qu'il n'y ait pas de motif de suspicion, que le ou les dirigeants principaux sont les bénéficiaires effectifs » : dans certains cas, la désignation des dirigeants « officiels » à défaut de mieux pourrait signifier la victoire de l'opacité sur la transparence.
Toutefois, ces limites, pour importantes qu'elles soient, ne tiennent pas à une imperfection du dispositif en tant que tel, mais bien aux défis qui se posent « en amont » : la généralisation d'un échange automatique d'informations effectifs, la mise en conformité du droit des États et territoires les plus complaisants etc. C'est pourquoi votre rapporteur est favorable à l'adoption du présent article.
Enfin, compte tenu de ces limites, il est à craindre que les services du contrôle fiscal concentrent leur effort sur les cas les plus « faciles » , ceux pour lesquels les informations sont disponibles, les autres dossiers demandant des ressources humaines et des délais trop importants, pour un résultat incertain. Ceci rappelle l'importance de mener le combat contre la fraude et l'évasion fiscales à l'échelle internationale, ou à tout le moins européenne, condition nécessaire à l'engagement des pays les plus réticents à la mise en conformité.
Décision de la commission : votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article sans modification.
TITRE VII - DISPOSITIONS DE MODERNISATION DE LA VIE ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE
ARTICLE 50 - Habilitation pour le recentrage du champ de la mission « défaillance » du fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO)
. Commentaire : le présent article habilite le Gouvernement à limiter le champ de la mission « défaillance » du FGAO aux titulaires de contrats d'assurance automobile, afin de mettre le dispositif en conformité avec le droit européen de la concurrence. Cet article habilite également le Gouvernement à préciser les modalités d'intervention du FGAO en cas de défaillance d'une entreprise proposant ce type de contrats en libre prestation de services. Enfin, il habilite le Gouvernement à supprimer la cotisation des entreprises d'assurance au titre de la mission « défaillance » du fonds.
I. LE DROIT EXISTANT
A. LA MISSION DÉFAILLANCE : UNE PART MINORITAIRE DES ACTIVITÉS DU FGAO
1. La mission historique du fonds : l'indemnisation des dommages liés à la circulation causés par des inconnus ou des individus dépourvus d'assurance
Le chapitre I er du titre II du livre IV du code des assurances fixe les règles relatives au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO).
En vertu de l'article L. 421-1 de ce code, ce fonds vise notamment à indemniser les dommages résultant d'atteinte à la personne ou aux biens causés par des véhicules terrestres à moteur 329 ( * ) , lorsque le responsable des dommages est inconnu, insolvable ou n'est pas assuré.
Ceci constitue la mission historique du fonds , qu'il exerce depuis sa création en 1951 330 ( * ) .
2. Une extension progressive des missions du fonds
Depuis 1977, le fonds indemnise également les victimes ou les ayants droit des victimes de dommages nés d'un accident causé « dans les lieux ouverts à la circulation publique, par une personne circulant sur le sol ou un animal [skieurs, bicyclettes, etc.]» 331 ( * ) lorsque la personne responsable est inconnue ou n'est pas assurée et lorsque le propriétaire de l'animal est inconnu ou n'est pas assuré.
En 1966, la loi lui a conféré des prérogatives similaires en matière d'indemnisation des dommages corporels « occasionnés par tout acte de chasse ou de destruction des animaux nuisibles [en France métropolitaine], même si ces actes ne sont pas compris dans l'obligation d'assurance, dès lors qu'ils sont le fait d'un auteur demeuré inconnu, ou non assuré, ou que son assureur est totalement ou partiellement insolvable » 332 ( * ) .
Enfin, il est également chargé d'indemniser les dommages causés par une catastrophe technologique et les risques miniers. 333 ( * )
3. La protection du FGAO en cas de défaillance d'un organisme d'assurance obligatoire
Outre sa mission historique, le FGAO remplit une fonction de protection des assurés en cas de « défaillance » d'une entreprise d'assurance obligatoire.
Cette mission peut couvrir des régimes d'assurance aussi divers que la responsabilité civile automobile, et dans une moindre mesure l'assurance des travaux de bâtiments (responsabilité civile décennale et dommages ouvrages) ou encore la responsabilité civile (générale ou médicale).
En 2014, sur les 123,1 millions d'euros réglés par le fonds, seuls 6,4 millions d'euros l'ont été au titre de la mission défaillance (contre 100,3 millions d'euros pour la circulation ordinaire par exemple). Sur les 32 098 dossiers ouverts, seuls 2 l'étaient à ce titre. La mission défaillance ne constitue donc clairement pas le coeur de métier du FGAO 334 ( * ) .
B. LA REMISE EN CAUSE DE LA MISSION « DÉFAILLANCE » DU FONDS PAR LE DROIT EUROPÉEN
En vertu de l'article L. 421-9 du code des assurances, le fonds « est chargé de protéger les personnes assurées, souscriptrices, adhérentes ou bénéficiaires de prestations d'assurance dont la souscription est rendue obligatoire par une disposition législative ou réglementaire contre les conséquences de la défaillance des entreprises d'assurance agréées en France 335 ( * ) et soumises au contrôle de l'État [...] ». En conséquence, les protections apportées par le FGAO en cas de défaillance ne s'étendent pas aux sociétés d'assurance des États membres de l'Union européenne exerçant en France suivant le régime de la libre prestation de services, ce qui, selon la Commission européenne 336 ( * ) , contrevient à l'article 56 du TFUE aux termes duquel « les restrictions à la libre prestation des services à l'intérieur de l'Union sont interdites à l'égard des ressortissants des États membres établis dans un État membre autre que celui du destinataire de la prestation ».
La Commission européenne a adressé, le 18 juin 2015, un avis motivé, première étape de la procédure en manquement, appelant la France à mettre fin à cette législation restrictive.
Cette procédure fait suite à une plainte qui arguait notamment du déficit de crédibilité qu'engendre cette discrimination à l'égard des assureurs communautaires n'ayant pas reçu d'agrément en France, leurs clients ne pouvant pas bénéficier des garanties offertes par le FGAO en cas de défaillance.
C. LES RESSOURCES DU FONDS
En plus du produit de ses placements financiers, des liquidations suite à retrait d'agrément et des recours contre les auteurs de dommages non assurés, le fonds est alimenté par des contributions des entreprises d'assurance, mentionnées à l'article L. 421-4 du code des assurances.
La mission défaillance est, théoriquement, financée par deux contributions spécifiques, mentionnées au 3° et 4° de l'article L. 421-4-1 :
- le 3° institue une contribution recouvrée mensuellement par le fonds ;
- selon les dispositions du 4°, « lorsque le montant total des provisions inscrites au passif de la section " Opérations du fonds de garantie résultant de la défaillance d'entreprises d'assurance dommages » devient inférieur à 250 millions d'euros pendant une durée supérieure à six mois consécutifs, une contribution extraordinaire des entreprises d'assurance au titre de la section " Défaillance des entreprises d'assurance de dommage » est appelée. »
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
A. LE RECENTRAGE DE LA MISSION DÉFAILLANCE DU FGAO
Le 1° autorise le Gouvernement à modifier la section VI du chapitre I er afin de limiter le champ d'intervention du FGAO en cas de défaillance d'une assurance obligatoire à la seule responsabilité civile automobile (RCA), excluant ainsi les autres assurances obligatoires (responsabilité civile décennale et dommage ouvrage, responsabilité civile médicale notamment) de sa compétence.
Le 2° habilite le Gouvernement à préciser les modalités selon lesquelles le fonds intervient en cas de défaillance d'une entreprise d'assurance offrant des contrats d'assurance RCA obligatoire en libre prestation de service. Cette intervention du FGAO est d'ores et déjà prévue par un accord entre les fonds de garantie des différents États membres de l'Union européenne et pourra donc être mentionnée directement dans le code des assurances.
Cette habilitation permettra notamment au Gouvernement de modifier le I de l'article L. 421-9, et de procéder à des modifications d'harmonisation dans l'ensemble de la section.
L'ordonnance aura pour effet de mettre fin à la différence de traitement entre les entreprises d'assurances agréées en France et celles y exerçant suivant le régime de la libre prestation de service en matière de protection des clients en cas de défaillance.
Leur régime sera identique, que ce soit en matière de RCA (que la mission défaillance pourra prendre en charge) ou des autres assurances obligatoires (qui ne seront plus prises en compte par le FGAO, que les entreprises d'assurance soient agréées en France ou en libre prestation de service).
B. LE TRAITEMENT DES DÉFAILLANCES PLACÉES HORS DU CHAMPS DU FGAO
La mission « défaillance » du FGAO porte, en l'état actuel, sur l'ensemble des assurances obligatoires de personnes physiques (en dehors de leur activité professionnelle) agréées en France.
Le dispositif proposé soulève donc la question de la protection des bénéficiaires d'assurances obligatoires autres que l'assurance responsabilité civile automobile en cas de défaillance de leur entreprise d'assurance.
Ceci concerne notamment la responsabilité civile médicale, l'assurance dommages ouvrages, et la responsabilité civile décennale. Il n'existe toutefois aucune liste exhaustive des assurances qui entrent dans le champ de la mission « défaillance » du FGAO, qui ne se limite pas à celles-ci (elle inclut par exemple également la responsabilité civile chasse).
Il est, en outre, possible que de telles défaillances soient palliées par les mécanismes de marché , telles que la mise en place d'un pool par plusieurs assureurs, le transfert de portefeuille, ou encore la prononciation d'un transfert d'office par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), comme le prévoit l'article L. 612-33 du code monétaire et financier.
C. LA SUPPRESSION DE LA CONTRIBUTION MENSUELLE DES ENTREPRISES D'ASSURANCE AU TITRE DU FINANCEMENT DE LA MISSION DÉFAILLANCE DU FGAO
Le 3° du présent article habilite le Gouvernement à supprimer la contribution mensuelle des entreprises d'assurance au titre du financement de la mission « défaillance » du fonds.
Cette disposition permet de supprimer le 3° de l'article L. 421-1-4 du code des assurances, actuellement rédigé comme suit :
« 3 ° La contribution des entreprises d'assurance au titre du financement de la mission définie à l'article L. 421-9 du présent code est proportionnelle aux primes ou cotisations du dernier exercice, accessoires et rappels compris et annulations déduites, relatives aux contrats dont la souscription est rendue obligatoire, à l'exception des garanties relatives à la responsabilité du transporteur maritime, fluvial et aérien, [...]. Elle est recouvrée mensuellement par le fonds de garantie ».
La suppression de cette contribution vise à simplifier le droit et demeure, selon le Gouvernement, sans impact majeur puisqu'elle n'a été appelée qu'une seule fois, en 2004. Par ailleurs, le FGAO est également financé par « une contribution exceptionnelle appelée dans le cas où le montant total des provisions inscrites au passif de la section "Opérations du fonds de garantie résultant de la défaillance d'entreprises d'assurance dommages » devient inférieur à 250 millions d'euros" »
III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
L'Assemblée nationale a adopté deux amendements en séance publique.
Le premier, déposé par le rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, Romain Colas, avec l'avis favorable du Gouvernement, vise à maintenir l'assurance de dommages ouvrages obligatoire, prévue à l'article L. 242-1 du code des assurances, dans le champ de la mission défaillance du fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO). Il modifie donc l'habilitation à cet effet.
Le second, déposé par le Gouvernement, insère deux alinéas en vue de l'habiliter à :
• « rationaliser les modalités de financement de la mission défaillance du fonds de garantie » . Ceci permettra notamment de prévoir la cotisation des assureurs exerçant en libre prestation de service au fonds au titre de la mission défaillance (pour la responsabilité civile automobile et la responsabilité dommages ouvrages) ;
• « préciser les modalités d'indemnisation des personnes victimes d'un dommage, en dehors du cadre de leurs activités professionnelles » bénéficiaires d'une assurance obligatoire de responsabilité civile médicale. Le Gouvernement souhaite notamment modifier le code de la santé publique (article L. 1142-15) afin de préciser la compétence de l'ONIAM à cet égard.
IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Votre rapporteur relève que cet article permet de mettre en conformité l'activité du FGAO avec le droit européen. Il estime par ailleurs que la restriction du périmètre de la mission « défaillance » n'aura qu'un impact mesuré , les principales assurances individuelles obligatoires non professionnelles (la responsabilité civile automobile, la responsabilité dommages ouvrages et la responsabilité civile médicale) demeurent prises en compte, suite aux modifications apportées par l'Assemblée nationale.
Décision de la commission : votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article sans modification.
ARTICLE 50 bis (nouveau) (Art.
L. 312-8-2, L. 313-50, L. 612-35, L. 613-37,
L. 613-44, L. 613-45-1, L. 613-46, L. 613-46-1,
L. 613-46-5, L. 613-50-4, L. 613-55-6, L. 613-55-9,
L. 613-55-13, L. 613-56-1, L. 613-56-3 et L. 613-57-1 du
code monétaire et financier) - Transposition de la directive sur le
redressement
et la résolution des banques
(« BRRD »)
Commentaire : le présent article vise à ratifier l'ordonnance n° 2015-1024 du 20 août 2015 transposant la directive du 15 mai 2014 établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d'investissement, et à y apporter certaines modifications, en particulier pour prévoir que l'obligation, pour les banques, d'inclure dans leurs contrats financiers une clause de bail-in soit appliquée de manière proportionnée.
I. LE DROIT EXISTANT
À la suite de la crise financière, la Commission européenne a présenté en juin 2012 un projet de directive visant à établir un cadre commun pour le redressement et la résolution des banques . À l'issue d'une longue négociation parallèle à la mise en place de l'Union bancaire, qui crée au niveau de la zone euro les procédures de résolution que la directive vise à imposer au niveau national, la directive, dite BRRD ( Bank Recovery and Resolution Directive ) a été définitivement adoptée par le Parlement européen le 15 avril 2014 et publiée au Journal officiel le 12 juin 2014 337 ( * ) .
Cette directive a été traduite dans notre droit national en deux temps. Tout d'abord, la loi du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires a procédé à une transposition anticipée de la plupart des dispositions de la directive, en particulier en ce qui concerne la définition de la procédure de redressement et de résolution et des pouvoirs de l'autorité de résolution.
Ensuite, après l'adoption définitive de la directive, le Gouvernement a sollicité du Parlement une habilitation à procéder aux adaptations et compléments nécessaires par ordonnance. Cette ordonnance, prévue par l'article 1 er de la loi n° 2014-1662 du 30 décembre 2014 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière (dit « DDADUE »), a été publiée le 20 août 2015.
Cette ordonnance avait deux principaux objets s'agissant de la directive BRRD :
- modifier, à la marge, les dispositions du code monétaire et financier pour respecter les termes exacts de la directe ;
- prévoir le renflouement interne des créanciers seniors et ses modalités, ce dernier n'ayant pas été prévu au stade de la loi de séparation bancaire.
Cette ordonnance a fait l'objet d'un projet de loi de ratification, déposé le 13 janvier 2016, qui propose un certain nombre de modifications aux dispositions que l'ordonnance a introduites dans le code monétaire et financier.
II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Le présent article a été adopté par l'Assemblée nationale en séance publique, à l'initiative du Gouvernement. Il reprend in extenso le projet de loi de ratification précité.
Le I du présent article procède à la ratification de l'ordonnance n° 2015-1024 du 20 août 2015 .
Le II procède à certaines modifications aux dispositions que l'ordonnance a introduites dans le code monétaire et financier.
• Un certain nombre de ces modifications ne sont que des corrections d'erreurs ou des coordinations (1°, 3°, 4°, 5°, 7°, 8°, 9°, 12°, 14°, 15°, 16°).
• D'autres sont des précisions rédactionnelles . Ainsi, le 2° du II du présent article vise à prévoir, par coordination avec les dispositions existantes en matière de garantie des dépôts et de garantie des titres, que l'intervention du fonds de garantie des dépôts et de résolution au titre de la garantie des cautions entraîne la radiation ou le retrait de l'agrément de l'adhérent ainsi secouru.
Par ailleurs, le 6° et le 10° visent à procéder à une nouvelle rédaction des articles L. 613-45-1 et L. 613-50-4 du code monétaire et financier afin de s'assurer que l'impossibilité d'exercer les droits de résiliation, de suspension, de modification ou de compensation d'un contrat en cas de mesure d'intervention précoce s'applique aux entités d'un groupe aussi bien vis-à-vis des entités tierces qu'au sein de ce même groupe.
Le 11° modifie l'article L. 613-55-6, pour prévoir que la capacité du collège de résolution à exercer ses pouvoirs de dépréciation et de conversion des instruments financiers uniquement à l'issue de la liquidation des positions relatives à ces instruments s'applique non seulement à l'égard des engagements résultant des produit dérivés, mais de tout contrat financier. D'après les informations recueillies par votre rapporteur pour avis, il s'agit d'assurer le champ le plus large possible, conformément aux options prises par le Royaume-Uni et l'Allemagne.
• Enfin, la modification de fond la plus importante est celle prévue par le 13° du II du présent article . Il s'agit de modifier l'article L. 613-55-13 du code monétaire et financier, introduit par l'ordonnance précitée et visant à prévoir que les contrats financiers des établissements bancaires, hors contrats exclus du bail-in et dépôts, contiennent une clause qui en prévoient la conversion ou la réduction par le collège de résolution dans le cadre de l'exercice de ses prérogatives. Cette disposition est d'ailleurs essentielle pour assurer la sécurité juridique du bail-in.
Cependant, l'inclusion de la clause de bail-in dans les contrats est rédigée de façon générale et absolue dans l'actuel article L. 613-55-13 : le 13° du II du présent article a pour objet de prévoir que cette obligation d'inclusion doit être appliquée « de manière proportionnée dans la mesure nécessaire pour garantir la résolvabilité » des banques . Cette proportionnalité dans l'application de l'obligation d'inclusion de la clause de bail-in signifie que l'autorité de résolution pourra décider que certaines catégories de contrat, soit en raison de leur nature (contrats de prestation de services, comme les contrats de fourniture d'énergie, etc.), soit en raison du faible montant qu'ils représentent dans le bilan de la banque (par exemple un type de contrat représentant seulement quelques pourcents du total du bilan) sont exonérées de cette obligation. En outre, l'autorité de résolution pourra décider d'étaler dans le temps la mise en application de cette obligation.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
La transposition de la directive « BRRD » est une pièce essentielle du « puzzle » de la consolidation du nouveau régime de supervision et de résolution des établissements bancaires . Elle permet de disposer d'un corpus de règles harmonisées au niveau européen pour déterminer les modalités d'entrée et les mesures relatives à la résolution des établissements défaillants, afin de limiter les risques de contagion au reste de l'économie et le risque d'appel au contribuable. Depuis l'entrée en vigueur, au 1 er janvier 2016, du mécanisme de résolution unique, ces règles s'articulent avec une procédure de résolution organisée au niveau de la zone euro pour l'essentiel des banques françaises.
Par rapport au droit antérieur issu de la loi du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires, l'ordonnance ratifiée par le présent article a procédé à de nombreuses réécritures de nature rédactionnelles ou de coordination.
Elle a, surtout, introduit l'ensemble des dispositions permettant le renflouement interne des établissements bancaires : il s'agissait non seulement de prévoir le principe d'un tel bail-in des créanciers, mais surtout d'en préciser les modalités. Dans ce contexte, l'article L. 613-55-13 du code monétaire et financier joue un rôle important pour sécuriser le bail-in : en application de l'article 55 de la directive qui prévoit que « les États membres imposent aux établissements (...) d'inclure une disposition contractuelle en vertu de laquelle le créancier ou la partie à l'accord créant l'engagement reconnaît que l'engagement peut être déprécié ou converti et accepte d'être lié par toute mesure de réduction du principal, ou de l'encours restant dû, de conversion ou d'annulation effectuée par une autorité de résolution dans l'exercice de ces pouvoirs », cet article garantit la reconnaissance contractuelle du renflouement interne , évitant ainsi des contentieux a posteriori sur la légalité d'une mesure de conversion ou de réduction des créances 338 ( * ) .
Cette disposition, essentielle à la sécurité juridique du bail-in , n'en est pas moins contraignante pour les banques : elle impose en effet une modification de tous les modèles de contrats de l'établissement, c'est-à-dire, pour la banque, une renégociation du contrat avec ses contreparties.
En conséquence, votre rapporteur pour avis est favorable à une application proportionnée de ce principe . L'objectif du dispositif étant d'assurer la résolvabilité des établissements - c'est-à-dire qu'un volume suffisant de dette soit bail-inable - il n'est pas nécessaire que les contrats représentant une proportion insignifiante d'actif de l'établissement prévoient cette clause. L'insertion de ce principe de proportionnalité permettra à la fois d'exclure certaines catégories de contrats non essentiels à la résolvabilité de l'établissement, et de permettre au collège de résolution d'étaler dans le temps cette obligation, pour ne pas déstabiliser le marché de la dette des établissements.
Les contrats dans lesquels la clause n'aura pas été insérée ne pourront donc pas faire l'objet d'un bail-in .
Il convient de souligner que ces dispositions du code monétaire et financier s'appliquent à la procédure de résolution « résiduelle » purement nationale, mise en oeuvre sous l'égide de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution . L'essentiel du système bancaire français relève directement de la compétence du Conseil de résolution unique et des dispositions du règlement européen sur la résolution unique 339 ( * ) : à cet égard, la modification introduite par le présent article, qui s'inspire d'une précision équivalente prévue par l'autorité de résolution britannique, a également pour objet d'inviter la Commission européenne à procéder à cette même précision au sein de l'article 55 de la directive BRRD , dans le cadre de la révision de la directive et du règlement sur la résolution unique actuellement en cours de préparation.
Votre commission a adopté un amendement n° COM-263 de nature rédactionnelle.
Décision de la commission : votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article ainsi modifié.
ARTICLE 51 (Art. L. 613-30-3 du code monétaire et financier) - Modification de la hiérarchie des créanciers en cas de liquidation ordonnée des banques
Commentaire : le présent article vise à modifier la hiérarchie des créanciers en cas d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre d'un établissement de crédit.
I. LE DROIT EXISTANT
En cas d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre d'un établissement de crédit, l'ordre de subordination des différents créanciers est déterminé à l'article L. 613-30-3 du code monétaire et financier.
La détermination de la hiérarchie des créanciers est toutefois encadrée par le droit de l'Union européenne applicable en matière de résolution bancaire .
En effet, si la directive relative au redressement des banques et à la résolution (BRRD) 340 ( * ) renvoie au droit national applicable en cas de liquidation judiciaire la détermination de la hiérarchie des créanciers, son article 108 fixe toutefois le niveau de priorité des titulaires de dépôts de personnes physiques et de petites et moyennes entreprises (PME) par rapport aux créanciers chirographaires, aussi appelés créanciers « ordinaires » .
Ainsi, les titulaires de dépôts dits « couverts » par les systèmes de garantie des dépôts nationaux 341 ( * ) doivent être mis à contribution après les titulaires de dépôts dits « non couverts » 342 ( * ) , ces derniers devant eux-mêmes supporter les pertes après les créanciers chirographaires.
Sous cette réserve, chaque État membre demeure libre de déterminer l'ordre de subordination des différents créanciers.
Le système actuel de garantie des dépôts Le système français de garantie des dépôts repose sur le fonds de garantie des dépôts et de résolution (FGDR) , mis en place en 1999. Les dépôts sont garantis dans la limite de 100 000 euros par client et par établissement. Cette garantie protège les comptes courants ainsi que les comptes et livrets d'épargne, à l'exception des livrets A, des livrets de développement durable et des livrets d'épargne populaire (qui bénéficient d'une garantie de l'État). Cette garantie des dépôts ne couvre ni les titres (actions, obligations, SICAV, etc.), qui bénéficient de la garantie des titres, ni les contrats d'assurance-vie , couverts par le fonds de garantie des assurances de personnes (FGAP). Lorsqu'un établissement est défaillant et que les dépôts sont devenus indisponibles, c'est à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) qu'il revient de saisir le FGDR . Le FGDR est alors tenu d'adresser les courriers d'indemnisation aux déposants dans un délai maximum de 20 jours à compter de la défaillance. Source : commission des finances du Sénat |
Aux termes de l'article L. 613-30-3 du code monétaire et financier, les créanciers sont ainsi mis à contribution dans l'ordre suivant , les créanciers titulaires de dettes subordonnées supportant les premières pertes :
Hiérarchie des créanciers prévue
à
l'article L. 613-30-3 du code monétaire et
financier
Notes de lecture :
- la catégorie des créanciers chirographaires comprend les titulaires de dépôts des sociétés financières et des grandes entreprises, de titres de créance simples ou structurés, de dettes de court terme émises sur le marché monétaire et d'expositions nettes sur produits dérivés ;
- la catégorie des créanciers titulaires de dette subordonnée comprend les titulaires de valeurs mobilières pour lesquelles il a été stipulé lors de l'émission qu'elles ne seront remboursées qu'après désintéressement des autres créanciers, en application de l'article L. 228-97 du code de commerce.
Source : commission des finances du Sénat
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
A. LA CRÉATION D'UNE NOUVELLE CATÉGORIE DE CRÉANCIERS CHIROGRAPHAIRES
Le I du présent article propose de modifier la hiérarchie des créanciers prévue à l'article L. 613-30-3 du code monétaire et financier.
Le deuxième alinéa du 4° du I vise à accorder une préférence à l'ensemble des créanciers chirographaires actuels par rapport à une nouvelle catégorie de créanciers chirographaires créée aux alinéas 3 à 6 du même 4°.
Cette nouvelle catégorie serait constituée des seuls créanciers propriétaires d'un titre de créance 343 ( * ) ou d'un instrument ou droit analogue émis sur le fondement de droits étrangers répondant aux trois conditions suivantes .
Premièrement, le titre de créance doit être considéré comme non structuré . Le deuxième alinéa du 5° du I renvoie à un décret en Conseil d'État la définition des conditions dans lesquelles un instrument est considéré comme non structuré.
Qu'est-ce qu'un produit structuré ? Un produit structuré correspond à une combinaison de plusieurs instruments financiers visant à offrir aux différentes catégories d'investisseurs un profil de rendement adapté et une plus grande diversification. S'agissant des titres de créance, une obligation structurée peut par exemple comporter une protection du capital souscrit et un coupon dont la valeur est liée à un sous-jacent. En cas d'évolution favorable de la valeur du sous-jacent, l'obligation structurée offre alors un rendement plus élevé que les obligations classiques. Ce type de produit peut toutefois présenter un haut degré de complexité . L'association de plusieurs instruments financiers permet par exemple de proposer un coupon minimum garanti, de limiter la participation à l'évolution favorable du sous-jacent ou encore de permettre à l'émetteur de rembourser l'obligation de manière anticipée. Source : commission des finances |
Deuxièmement, l'échéance initiale du titre ne peut être inférieure à un an. Le décret en Conseil d'État prévu au 5° du I peut toutefois prévoir une échéance minimale supérieure.
Troisièmement, le contrat d'émission doit prévoir que le propriétaire du titre est chirographaire au sens du présent article .
Il s'agit donc d'une subordination contractuelle : les établissements de crédit pourront par conséquent continuer à émettre des titres répondant aux deux autres conditions mais bénéficiant d'une préférence par rapport à cette nouvelle classe chirographaire.
Nouvelle hiérarchie des créanciers proposée par le présent article
Source : commission des finances du Sénat
B. L'ENTRÉE EN VIGUEUR
Le II précise que le 4° du I ne s'appliquera qu'aux instruments émis à compter de l'entrée en vigueur de la loi .
Par ailleurs, le III précise que la nouvelle hiérarchie des créanciers ne s'appliquera qu'aux procédures de liquidation ouvertes à compter de l'entrée en vigueur de la loi.
III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
À l'initiative de notre collègue député Romain Colas, rapporteur pour avis de la commission des finances, l'Assemblée nationale a adopté un amendement visant à tenir compte de la publication de l'ordonnance n° 2016-520 du 28 avril 2016 relative aux bons de caisse .
Ainsi, les établissements de crédit pourront émettre dans la nouvelle catégorie de créanciers chirographaires des bons de caisse, sous réserve qu'ils n'aient pas été offerts au public. Les instruments ou créances analogues régis par le droit d'un État membre de l'Union européenne pourront également relever de cette catégorie.
IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
A. UNE ÉVOLUTION UTILE POUR SÉCURISER LES PROCÉDURES DE RÉSOLUTION
La catégorie des créanciers chirographaires se caractérise actuellement par sa grande hétérogénéité : elle comprend ainsi les titulaires non seulement de titres de créance simples mais également de passifs opérationnels tels que les dépôts de grandes entreprises ou encore les produits dérivés.
Afin de préserver les finances publiques, la directive BRRD oblige désormais en cas de résolution d'un établissement bancaire que les pertes soient d'abord assumées par les actionnaires et les créanciers de la banque, à hauteur de 8 % du passif de l'établissement , avant toute intervention du fonds de résolution.
Or, en cas de résolution, l'autorité de résolution peut être confrontée à d'importantes difficultés pour mobiliser rapidement l'ensemble des créanciers chirographaires afin de supporter les pertes . Ces difficultés tiennent notamment à la complexité de certains instruments relevant de cette catégorie (ex : produits dérivés dont la valorisation est difficile et qui impliquent le recours à des mécanismes de compensation) et au risque de contagion particulièrement élevé qu'ils font courir au système financier (ex : dépôts d'entreprises).
Le droit en vigueur tient compte de ces obstacles en permettant à l'autorité de résolution d'exclure certains passifs éligibles au bail-in . En cas de « circonstances exceptionnelles », le II de l'article L. 613-55-1 du code monétaire et financier prévoit ainsi la possibilité pour le collège de résolution de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) d'exclure certains engagements éligibles, en particulier :
- « lorsqu'il n'est pas possible de procéder à la réduction de leur valeur ou à leur conversion dans un délai raisonnable » ;
- « lorsque cette exclusion est nécessaire et proportionnée pour assurer la continuité des fonctions critiques et des activités fondamentales d'une personne soumise à une procédure de résolution » ;
- « lorsque l'exclusion est nécessaire et proportionnée pour éviter un vaste mouvement de contagion » ;
- « lorsque l'application d'une mesure de renflouement interne à ces engagements provoquerait une destruction de valeur telle que les pertes subies par d'autres créanciers seraient supérieures à celles qu'entraînerait l'exclusion de ces engagements de l'application de la mesure de renflouement interne ».
Une disposition analogue est prévue par la directive BRRD pour le Conseil de résolution unique (CRU) 344 ( * ) .
En pratique, il est toutefois difficile pour l'autorité de résolution compétente de faire usage de cette possibilité . En effet, les créanciers sont protégés par le principe prévu à l'article 34 de la directive BRRD selon lequel aucun créancier ne peut être plus mal traité en cas de résolution qu'il ne l'aurait été en cas de liquidation (principe dit « no creditor worse off »).
Par conséquent, faire supporter les pertes aux créanciers titulaires d'obligations classiques dans des proportions plus importantes qu'aux autres créanciers chirographaires risquerait de fragiliser la procédure de résolution sur un plan juridique . L'hétérogénéité de la classe chirographaire actuelle constitue donc un frein à la bonne mise en oeuvre des procédures de résolution.
Aussi, votre rapporteur soutient l'aménagement proposé : en subordonnant contractuellement à la classe chirographaire actuelle des créances aisément mobilisables en cas de résolution (dette non structurée de plus d'un an), le présent article facilitera et sécurisera la mise en oeuvre des procédures de résolution .
Dans le cadre d'une demande de consultation sur le présent article, la Banque centrale européenne (BCE) a d'ailleurs indiqué qu'elle « se félicite » que ce projet de modification de la hiérarchie des créanciers « vise à accroître la résolvabilité des banques en favorisant la sécurité juridique de la capacité d'absorption des pertes » 345 ( * ) .
B. UNE RÉFORME INDISPENSABLE POUR FACILITER LA MISE EN oeUVRE DE L'EXIGENCE DE CAPACITÉ TOTALE D'ABSORPTION DES PERTES (TLAC) DU CONSEIL DE STABILITÉ FINANCIÈRE
En outre, l'évolution proposée au présent article apparaît particulièrement opportune pour faciliter la mise en oeuvre de l'exigence de capacité totale d'absorption des pertes (TLAC) du Conseil de stabilité financière.
Applicable à trente banques dans le monde 346 ( * ) , dont quatre banques françaises (BNP Paribas, BPCE, Crédit Agricole et Société Générale), le TLAC entrera en vigueur à compter de 2019 et comporte deux volets :
- une exigence exprimée par rapport aux actifs pondérés par le risque : à partir de 2019, les passifs considérés comme pouvant être facilement soumis à un renflouement interne en cas de résolution devront atteindre 16 % des actifs pondérés par le risque, puis 18 % à partir de 2022 ;
- une exigence exprimée par rapport aux actifs non pondérés par le risque : ce ratio dit de « levier » devra atteindre 6 % en 2019, puis 6,75 % à compter de 2022.
Pour être pris en compte dans le calcul du TLAC, les titres de créance doivent toutefois être subordonnés aux passifs non éligibles, qui comprennent notamment certains passifs opérationnels tels que les dépôts d'entreprises et les produits dérivés .
Par conséquent, les titres de créances simples relevant de la classe chirographaire actuelle ne pourront donc pas être pris en compte par les grandes banques françaises pour le respect du TLAC.
En leur permettant dès l'entrée en vigueur du présent article d'émettre des titres de créance simples éligibles au TLAC, l'aménagement proposé devrait donc faciliter la mise en oeuvre de ce nouveau ratio prudentiel.
C. L'ABSENCE PRÉJUDICIABLE D'UN CADRE EUROPÉEN COMMUN
S'il soutient l'aménagement proposé au présent article, votre rapporteur regrette néanmoins l'absence d'une solution européenne commune à ces difficultés.
Schématiquement, deux options sont possibles pour faciliter la mise en oeuvre du TLAC :
- subordonner rétroactivement le stock existant de titres de créance simples aux autres passifs chirographaires ;
- créer une nouvelle catégorie de titres de créance contractuellement subordonnés à la classe chirographaire existante.
Avec le présent article, le Gouvernement propose opportunément de retenir la deuxième option , ce qui permet d'éviter tout effet rétroactif et garantit une bonne information des investisseurs en imposant que le contrat d'émission des nouvelles créances mentionne leur degré de subordination.
Toutefois, l'Allemagne et l'Italie envisagent à l'inverse la solution de la subordination rétroactive 347 ( * ) , alors même que le faible niveau de convergence du droit de la faillite constitue déjà un obstacle à la bonne mise en oeuvre des mécanismes de supervision et de résolution européens 348 ( * ) .
À cet égard, votre rapporteur spécial s'associe pleinement aux remarques de la BCE, qui souligne dans son avis sur le projet français de réforme de la hiérarchie des créanciers qu'un « cadre commun » sur le degré de subordination des instruments de créance chirographaire « éviterait une fragmentation du marché au sein de l'Union européenne en ce qui concerne ces titres et simplifierait les missions de la BCE ayant trait à la surveillance prudentielle ».
D. PRÉCISION RÉDACTIONNELLE
Votre commission a adopté un amendement rédactionnel n° COM-264 visant à préciser que l'échéance initiale minimale d'un an prévue au onzième alinéa s'applique bien aux titres de créance, instruments ou droits et non à leur contrat d'émission, comme le suggère la rédaction actuelle.
Décision de la commission : votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article ainsi modifié.
ARTICLE 52 (Art. L. 711-2, L. 711-4, L. 711-5, L. 711-6, L. 711-7, L. 711-10, L. 711-11 et L. 711-12 du code monétaire et financier) - Intégration de l'Institut d'émission des départements d'outre-mer (IEDOM) au sein de la Banque de France
Commentaire : le présent article prévoit de transformer l'établissement public national dénommé Institut d'émission des départements d'outre-mer (IEDOM) en société par actions simplifiée détenue par la Banque de France.
I. LE DROIT EXISTANT
A. UNE IMBRICATION DE L'IEDOM, DE LA BANQUE DE FRANCE ET DE L'AFD, FRUIT DE L'HISTOIRE
L'imbrication que l'on observe entre l'Institut d'émission des départements d'outre-mer (IEDOM), la Banque de France (BdF) et l'Agence française de développement (AFD), que ce soit en termes de métiers ou de personnels, est le fruit de l'histoire.
Pendant la seconde guerre mondiale deux systèmes monétaires coexistent, l'un rattaché au régime de Vichy, l'autre rattaché à la France libre, dont la monnaie bénéficie d'une parité fixe avec la livre sterling. La Caisse centrale de la France libre, créée en décembre 1941, émet la monnaie dans les territoires ralliés à la France libre (CCFL), notamment en Afrique centrale. À la libération, la CCFL devient la Caisse centrale de la France d'Outre-mer (CCFOM), sa compétence étant limitée aux territoires ultra-marins, et son rôle s'oriente progressivement vers celui d'une banque de développement. Elle conserve néanmoins des missions d'émission monétaire : entre 1946 et 1959, la CCFOM émet des billets libellés en franc français en Guadeloupe, en Guyane et en Martinique tandis qu'elle délivre des billets en francs des colonies françaises d'Afrique (CFA) 349 ( * ) à La Réunion et à Saint-Pierre-et-Miquelon.
L'ordonnance n° 59-74 du 7 janvier 1959 réforme le régime d'émission dans les quatre départements d'outre-mer en transférant l'émission monétaire à l'IEDOM , créé par le même texte, tandis que les activités de banque de développement demeurent au sein de la CCFOM, qui devient la Caisse centrale de coopération économique (CCCE) en 1959, puis la Caisse française de développement (CFD) en 1992 et enfin l'Agence française de développement en 1998.
Entre 1959 et 1974, l'IEDOM met en circulation dans les DOM des billets de sa propre émission :
- en francs dont la valeur nominale était identique à celle du franc métropolitain (mais avec une iconographie propre à chaque département) dans les DOM d'Amérique ;
- en francs CFA à La Réunion.
À compter du 1 er janvier 1975, la loi n° 74-1114 du 27 décembre 1974 de finances rectificative pour 1974 étend le privilège d'émission de la Banque de France aux départements d'outre-mer. Les billets de la Banque de France sont introduits dans ces territoires et remplacement progressivement les billets émis par l'IEDOM. Celui-ci devient le correspondant de la Banque de France pour les billets et le correspondant du Trésor pour les pièces métalliques .
B. LA MISE EN PLACE DE L'EURO A CONDUIT À CLARIFIER LES RÔLES TOUT EN CONSERVANT UNE IMBRICATION EN MATIÈRE DE PERSONNEL
La mise en place de l'euro, en transformant les missions de la Banque de France et en rendant nécessaire son indépendance totale vis-à-vis de l'État, a entrainé des transformations importantes de l'IEDOM350 ( * ).
1. L'IEDOM est désormais un « agent » de la Banque de France
a) L'IEDOM agit essentiellement « au nom, pour le compte et sous l'autorité de la Banque de France »
Le statut de l'IEDOM, établissement public national, est défini aux articles L. 711-2 à L. 711-12 du code monétaire et financier.
L'article L. 711-2 prévoit que la banque de France exerce ses missions également dans les départements d'outre-mer (DOM) et à Saint-Pierre-et-Miquelon. L'IEDOM quant à lui assure l'exécution des opérations afférentes à ces missions, dans ces mêmes collectivités, en agissant « au nom, pour le compte et sous l'autorité de la Banque de France » .
À ce titre, l'IEDOM assure la mise en circulation et l'entretien de la monnaie fiduciaire (contrôle de l'authenticité par exemple), la cotation des entreprises en vue de la mobilisation des créances privées non négociables, le relais des autorités bancaires européennes et nationales et la surveillance des systèmes de paiement.
Par ailleurs, l'IEDOM exerce des missions de service public pour le compte de l'État : mise en circulation des pièces métalliques, gestion des comptes du trésor public, secrétariat des commissions de surendettement, recensement des incidents de remboursement et suivi des tarifs bancaires.
Enfin, l'institut est chargé de missions d'observation de l'économie de sa zone d'intervention, de gestion d'information sur les entreprises, de la production d'informations pour la communauté bancaire, de gérer le système d'échange de moyens de paiement et d'exercer un rôle de médiation du crédit aux entreprises.
b) La Banque de France tient une place prépondérante dans sa gouvernance
L'IEDOM est administré par un conseil de surveillance composé de sept membres, dont le gouverneur de la Banque de France et trois représentants de la Banque de France désignés par lui, un représentant des personnels de l'institut et deux représentants de l'État (sans voix délibérative) désignés l'un par le ministre chargé de l'économie et l'autre par le ministre chargé de l'outre-mer. Le conseil est présidé par le gouverneur de la Banque de France.
Le directeur général de l'IEDOM est nommé par le gouverneur de la banque de France. Il assure la gestion de l'établissement sous le contrôle du conseil de surveillance. Toutefois, pour l'exécution des missions pour lesquelles l'IEDOM agit « au nom, pour le compte et sous l'autorité de la Banque de France », il doit suivre les instructions du président dudit conseil.
2. L'imbrication entre les trois institutions financières en matière de personnel demeure
Les agences de l'IEDOM réunissent des personnels de statut Banque de France (essentiellement au siège), de statut AFD (soumis à mobilité au sein de l'agence) et de statut local IEDOM (non soumis à mobilité), comme le montre le tableau ci-dessous.
Répartition par site et par statut des agents de l'IEDOM fin 2015
Site |
Agents sous statut local IEDOM |
Agents détachés par l'AFD |
Agents détachés par la Banque de France |
Total |
Guadeloupe |
38 |
4 |
- |
42 |
Guyane |
27 |
4 |
- |
31 |
Martinique |
38 |
5 |
- |
43 |
La Réunion |
52 |
3 |
1 |
56 |
Mayotte |
18 |
3 |
- |
21 |
Saint-Pierre-et-Miquelon |
8 |
2 |
- |
10 |
Paris |
2 |
65 |
12 |
79 |
Total |
183 |
86 |
13 |
282 |
Source : commission des finances du Sénat à partir des données de la direction générale du Trésor
Par ailleurs, des personnels de l'IEDOM sont détachés au sein des agences de l'AFD, conformément au tableau ci-dessous.
Répartition par site et par statut des personnels des agences AFD fin 2015
Site |
Agents sous statut AFD |
Agents détachés par l'IEDOM |
Total |
Guadeloupe |
3 |
17 |
20 |
Guyane |
3 |
15 |
18 |
Martinique |
3 |
20 |
23 |
La Réunion |
2 |
29 |
31 |
Total |
11 |
81 |
92 |
Source : commission des finances du Sénat à partir des données de l'AFD
Du fait de cette imbrication de leurs personnels, l'AFD et l'IEDOM forment une unité économique et sociale (UES) depuis 1983, ce qui se traduit par des institutions représentatives du personnel communes, la possibilité de passer des accords collectifs, etc.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
Le premier alinéa du I du présent article propose la transformation de l'établissement public IEDOM en société par actions simplifiée détenue par la Banque de France , tout en conservant sa dénomination.
Le deuxième alinéa précise les conséquences de cette transformation afin d'assurer sa neutralité en termes de fiscalité, de droits et obligations et de validité des actes administratifs pris par l'établissement public. Les biens immobiliers de l'IEDOM relevant du domaine public sont déclassés, dans la mesure où il devient une personne privée.
Le troisième alinéa assure la même neutralité pour les personnels : la transformation n'a pas de conséquence sur le régime juridique des personnels de l'IEDOM (qui étaient déjà sous statut privé) et les personnels de l'AFD détachés auprès de l'institut restent sous le statut de l'agence.
Enfin, le quatrième alinéa apporte plusieurs précisions relatives au bilan de l'établissement et à celui de la société par actions.
Le II du présent article tire les conséquences du I sur les dispositions du code monétaire et financier relatives à l'IEDOM .
Le 1° inscrit dans le code le nouveau statut de l'IEDOM.
Le 2° abroge le II de l'article L. 711-4. Il s'agit d'une actualisation de cet article, dans la mesure où les dispositions en question correspondent à une mission - tenue de comptes - déjà transférée à la Banque de France.
Le 3° abroge les dispositions relatives au conseil de surveillance de l'IEDOM (art. L. 711-5 du même code), dans la mesure où la gouvernance d'une société par action ne relève pas de la loi.
Le 4° abroge les dispositions relatives au directeur général de l'institut (art. L. 711-6). Il en est de même pour celles précisant que les opérations de l'IEDOM sont régies par la législation civile et commerciale (art. L. 711-7), cette précision étant désormais apportée dans le I du présent article. L'article relatif à la dotation en capital versée initialement par l'État à l'IEDOM est également abrogé (art. L. 711-10), dans la mesure où le capital appartiendra désormais à la Banque de France. Il abroge également les dispositions prévoyant que les personnels de l'AFD détachés à l'IEDOM demeurent sous statut AFD (ce point est désormais précisé au I du présent article) et celles prévoyant que les personnels de l'IEDOM relèvent d'un statut privé.
Le 5° supprime les dispositions prévoyant que le conseil de surveillance désigne deux commissaires aux comptes chargés de vérifier les comptes de l'institut. Il prévoit à la place que le contrôle de la société est exercé par les commissaires aux comptes de la Banque de France.
Le 6° prévoit un décret en Conseil d'État précisant la mission de l'IEDOM en matière de fichier des comptes outre-mer et du fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, afin de tenir compte de particularités à Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon.
Le 7° abroge l'article L. 711-12, qui renvoie à un décret le soin de fixer les modalités de fonctionnement et les statuts de l'IEDOM, dans la mesure où ces dispositions deviendront sans objet avec la mise en place de la société par actions simplifiée.
Le III procède à plusieurs coordinations au sein du code monétaire et financier.
Le IV prévoit la conclusion d'une convention entre l'État et la Banque de France, avant le 1 er janvier de l'année suivant la publication de la présente loi, prévoyant les modalités d'indemnisation de l'État du fait du transfert de l'IEDOM à la BdF .
*
L'Assemblée nationale a adopté cet article modifié par un amendement rédactionnel.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
A. L'ABOUTISSEMENT LOGIQUE DE LA PROXIMITÉ DE LEURS MÉTIERS
La transformation de l'IEDOM en filiale de la Banque de France est l'aboutissement logique de la proximité de leurs métiers et de la mise en place de l'euro . La Banque de France a d'ailleurs indiqué à votre rapporteur que l'institut utilisait d'ores-et-déjà les outils et les applications informatiques qu'elle a développés et qu'elle voyait dans le rapprochement un moyen de renforcer la collaboration entre les deux institutions.
Le choix de constituer une filiale, plutôt que d'intégrer directement l'IEDOM à la Banque de France, permet de conserver la personnalité morale de l'institut et ainsi de simplifier la transition , notamment en conservant des statuts de personnels différents.
L'IEDOM continuera à mener les autres missions qu'il exerce aujourd'hui pour le compte de l'État et demeurera rémunéré à ce titre, en application de l'article L. 711-3 du même code.
B. LE RESPECT DES PRÉCONISATIONS DE LA BANQUE CENTRALE EUROPÉENNE
Cette filialisation permet de se mettre en conformité avec les avis de la Banque centrale européenne , qui voyait dans la solution choisie en 2001, à savoir que l'IEDOM agisse « au nom, pour le compte et sous l'autorité de la Banque de France », une « situation qui n'est acceptable que de manière exceptionnelle ». Ainsi, l'avis de la BCE du 17 février 2000 (CON/99/20) sur le changement de statut de l'IEDOM indiquait :
Les statuts du Système européen de banques centrales et de la Banque centrale européenne ne permettant pas que les missions du SEBC soient accomplies par d'autres organismes que la BCE et les quinze banques nationales composant le SEBC, la situation actuelle devait être modifiée. [...] La BCE considère que sa responsabilité d'assurer l'intégrité du SEBC lui impose de considérer le statut d'agent de l'IEDOM comme une situation qui n'est acceptable que de manière exceptionnelle, du fait de la nature particulière de l'IEDOM, particulièrement de son ancien statut de banque centrale dans la zone d'intervention géographique. [...] La BCE souligne que la nature particulière de l'IEDOM ne permet pas de considérer que son statut d'agent de la Banque de France puisse constituer un précédent pour quelque cas futur que ce soit.
La BCE s'est d'ailleurs félicitée , dans un avis du 16 mars dernier (CON/2016/14), de ce transfert de capital à la Banque de France.
C. TROIS QUESTIONS EN SUSPENS
Trois points, qui ne relèvent pas directement de cet article, devront faire l'objet d'une attention particulière.
1. La nouvelle gouvernance à définir
Le présent article supprime les dispositions relatives au conseil de surveillance de l'IEDOM, dans la mesure où la gouvernance d'une société par actions simplifiée ne relève pas de la loi.
L'IEDOM et la Banque de France travaillent actuellement à définir la composition du conseil d'administration de la future société. Il semble nécessaire qu'un représentant du personnel y soit présent, comme actuellement au sein du conseil de surveillance. L'État ne serait plus présent, afin d'assurer la pleine indépendance de la Banque de France dont dépendrait désormais l'IEDOM. Un « comité de liaison » est envisagé, entre l'État et la société IEDOM, afin de maintenir un dialogue entre l'institut et le ministère chargé de l'économie et celui chargé de l'outre-mer. Certes, l'État est représenté au conseil général de la Banque de France, mais le maintien d'un dialogue direct est important , notamment s'agissant des missions exercées par l'IEDOM pour le compte de l'État.
2. La représentation du personnel
Le présent article n'entrainera pas de modification des statuts des personnels . Comme l'a indiqué la direction générale du Trésor à votre rapporteur : « le fait de conserver une personnalité morale propre à l'IEDOM permet d'assurer une continuité dans la gestion des personnel (maintien des régimes de retraite et de prévoyance, etc.) qui peuvent ainsi être recrutés comme maintenant sur une base principalement locale ou bien être détachés de l'AFD ou de la Banque de France tout en conservant des règles de mobilité spécifiques et des modes de rémunération particuliers ».
Se posera en revanche, à terme, la question de leur représentation . L'article n'emporte pas en lui-même suppression de l'unité économique et sociale, qui relèverait de la voie conventionnelle ou juridictionnelle. Cependant, la direction générale du Trésor a indiqué à votre rapporteur que l'article pourrait la fragiliser encore, ce qui inquiète plusieurs représentants syndicaux. La Banque de France s'est néanmoins engagée à « préserver l'ensemble des droits individuels (contrats) et collectifs (institutions représentatives du personnel, retraites et intéressement) des salariés de l'IEDOM ».
3. L'indemnisation de l'État
Enfin, le IV de l'article prévoit logiquement une indemnisation de l'État par la Banque de France du fait de ce transfert de capital. Le montant de cette indemnisation ne figure pas dans l'article mais sera arrêté par convention. Celle-ci fera l'objet d'une attention particulière de la BCE, qui indiquait dans son avis du 16 mars précité :
« Il convient que toute indemnisation devant être versée par l'État français à la BdF en raison du transfert de capital de l'IEDOM soit fondée sur une évaluation prudente et équitable, confirmée comme telle par un expert indépendant. [...] Toute mission entreprise dans l'intérêt de l'État français peut être réalisée par l'IEDOM à la condition que l'IEDOM continue de recevoir de l'État français une rémunération appropriée pour ces missions. »
La Banque de France et l'État sont parvenus à un chiffre de 150 millions d'euros , en utilisant la méthode des capitaux propres actualisés. Néanmoins, afin de suivre la recommandation de la BCE, la Banque de France devrait nommer un expert indépendant chargé d'apprécier ce montant.
*
Votre commission a adopté un amendement rédactionnel n° COM-265 .
Décision de la commission : votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article ainsi modifié.
ARTICLE 53 (Art. L. 513-6 du code monétaire et financier) - Modalités de changement des actifs des sociétés de crédit foncier
. Commentaire : le présent article modifie l'article L. 513-6 du code monétaire et financier, portant sur les billets à ordre à l'actif des sociétés de crédit foncier. Il supprime la limite de l'encours des billets à ordre à 10 % de leur actif et permet en outre aux sociétés de crédit foncier de consentir des prêts à des établissements de crédit.
I. LE DROIT EXISTANT
A. LES SOCIÉTÉS DE CRÉDIT FONCIER
1. L'émission d'obligations foncières par les sociétés de crédit foncier
Les sociétés de crédit foncier (SCF) sont des établissements de crédit spécialisés (ECS), dont le statut et l'objet sont définis par l'article L. 513-2 du code monétaire et financer (CMF). Une SCF a vocation à acquérir les créances correspondant aux prêts immobiliers garantis par des hypothèques accordés par les banques à des particuliers. Si les SCF peuvent être distinctes des établissements de crédit « d'origine » des prêts garantis, la SCF est en pratique souvent une filiale de la banque.
Pour financer les créances qu'elles rachètent aux établissements de crédits, les SCF peuvent émettre des obligations foncières (OF), dont les détenteurs seront rémunérés grâce aux flux financiers générés par les remboursements des prêts garantis. Dans le but de renforcer la sécurité des porteurs d'OF, la loi du 25 juin 1999 relative à l'épargne et à la sécurité financière 351 ( * ) a accordé un rang de créance prioritaire ( article L. 513-11 du CMF ) aux détenteurs d'OF, devant les autres créanciers privilégiés que sont par exemple les salariés ou l'État. En outre, l'adossement de ces actifs aux logements, à travers les prêts immobiliers, les rend attractifs pour la sécurité supplémentaire qu'ils offrent par rapport aux obligations classiques.
La réforme de 1999 s'inspirait largement du modèle allemand des Pfandbriefe , qui financent de manière importante les crédits à l'habitat en Allemagne.
2. Le surdimensionnement de l'actif des sociétés de crédit foncier en garantie du passif privilégié
Le principe de surdimensionnement de l'actif des sociétés de crédit foncier (SCF), posé à l'article L. 515-20 du CMF , renforce également la solidité des obligations émises. De manière à garantir la solidité des obligations foncières (OF), le rapport entre l'actif de couverture (les créances détenues par les SCF) et le passif privilégié (les OF) doit en effet être supérieur à 100 %. Le ministre chargé de l'économie détermine les conditions précises de l'évaluation de ce rapport : le surdimensionnement de l'actif de couverture a ainsi été fixé à 105 % du passif privilégié en 2014 352 ( * ) . Dans les faits, le ratio de surdimensionnement s'établit souvent bien au-delà du plancher règlementaire :
Société de crédit foncier |
Ratio de surdimensionnement au 31/12/15 |
Compagnie de Financement Foncier |
122,1 % |
Caisse Française de Financement Local (Caffil) |
113,3 % |
Société Générale SCF |
124,07 % |
Sources : sites officiels et rapports de gestion des SCF
Les ratios de surdimensionnement élevés s'expliquent par la nécessité de satisfaire les critères des agences de notation , qui réclament un ratio de couverture plus important que celui fixé par voie réglementaire, pour maintenir la note élevée des OF.
Dans le contexte de la crise financière de 2008, ces obligations sécurisées avaient bien résisté à la dégradation des notes attribuées par les agences de notation, ce qui a confirmé leur niveau d'attractivité auprès des investisseurs. À titre d'exemple, les OF de la Compagnie de Financement Foncier (SCF filiale du Crédit Foncier) étaient notées « AAA » par l'agence Standard & Poors 353 ( * ) en 2014; Fitch 354 ( * ) accordait un « AA, perspective stable » la même année.
3. L'encours de billets à ordre à l'actif des sociétés de crédit foncier (SCF)
Parmi les éléments constitutifs de l'actif des SCF, l'article L. 513-3 du code monétaire et financier dispose en premier lieu que cet actif se compose de prêts garantis par une hypothèque de premier rang ou de prêts cautionnés . Le total des prêts cautionnés ne peut toutefois excéder 35 % de l'actif d'une SCF 355 ( * ) .
Les articles suivants disposent que les expositions publiques, les parts et titres de créances émis par des organismes de titrisation ainsi que les billets à ordre sont assimilés aux prêts à l'habitat mentionnés au même article L. 513-3.
Un billet à ordre reconnaît l'existence d'une dette qu'un émetteur a envers un bénéficiaire. Le billet à ordre fixe une date à laquelle l'émetteur devra verser la somme convenue au bénéficiaire : il fonctionne comme une lettre de change, à ceci près que l'émetteur et le bénéficiaire sont inversés. Le paiement s'effectue quant à lui à une échéance fixée à l'avance, contrairement au chèque.
L'émission de billets à ordre permet notamment de subvenir à des besoins de trésorerie. En pratique, les SCF achètent des billets à ordre émis par leur société mère. Ces billets à ordre au bilan des SCF sont soumis à plusieurs conditions :
- l'encours des billets à ordre est limitée à 10 % de l'actif d'une SCF par l'article L. 513-6 du CMF 356 ( * ) ;
- les créances mobilisées par ces billets à ordre doivent respecter les conditions fixées à l'article L. 513-3 du CMF, à savoir être garantis par une hypothèque ou un cautionnement.
Le plafonnement à 10 % de l'encours de billets à ordre avait été introduit à l'origine par le législateur 357 ( * ) pour garantir au maximum la qualité de l'actif de couverture des SCF . La limite devait favoriser la pleine propriété de la SCF sur ses actifs, ce qui constituait une précaution prudentielle destinée à garantir aux investisseurs une couverture de grande qualité.
B. LA RÉGLEMENTATION DES SOCIÉTÉS DE FINANCEMENT DE L'HABITAT (SFH)
1. La création des SFH pour renforcer le financement des prêts à l'habitat.
Les sociétés de financement de l'habitat (SFH) sont des établissements de crédit spécialisés créés par la loi de régulation bancaire et financière du 22 octobre 2010 358 ( * ) , dans le but de soutenir le financement des prêts à l'habitat. L'adoption en 2002 de la directive 2002/47/CE, dite « directive collatéral » avait favorisé, en harmonisant l'utilisation transfrontalière en établissant un cadre juridique moins contraignant pour les contrats de garantie, l'émergence sur le marché d'obligations collatéralisées contractuelles (OCC), en anglais les covered bonds .
Jugées très sûres par les investisseurs, elles n'étaient en revanche pas considérées comme des obligations sécurisées au sens de la directive OPCVM de 2009 359 ( * ) . Malgré un régime dérogatoire pratiqué par la BCE au moment du vote de la loi de 2010, la banque centrale était susceptible, pour respecter la directive OPCVM, de ne plus admettre les OCC comme garantie pour le refinancement des établissements de crédit.
Sur le modèle des obligations foncières (OF), le législateur a donc créé un régime légal pour les obligations émises par les SFH : celui des obligations de financement de l'habitat (OH). Cette intervention a permis de donner un cadre légal aux obligations, ce qui n'était pas le cas avec les obligations collatéralisées contractuelles (OCC).
L'émergence des OCC se faisait dans le contexte des années 2000, dans lequel les prêts cautionnés étaient en forte progression par rapport aux crédits garantis par une hypothèque . Refinancer ces prêts était possible pour les sociétés de crédit foncier, mais la limite réglementaire de 35 % de l'actif 360 ( * ) pour les prêts cautionnés restreignait les possibilités de refinancement par les OF. Les banques utilisaient donc ces OCC pour s'affranchir de cette limite. La création des OH, émises par les nouvelles sociétés de financement de l'habitat, permettait de donner un cadre légal aux OCC, rendant les obligations compatibles avec la directive OPCVM.
2. Les dispositions relatives à l'actif des sociétés de financement de l'habitat (SFH)
Les dispositions réglementant l'actif des SFH se trouvent à l'article L. 513-29 du CMF . L'actif de ces sociétés se compose en premier lieu de prêts à l'habitat directement consentis par elles. Les prêts cautionnés sont en outre admis sans limite de montant, contrairement aux SCF.
Pour les SFH, l'encours de billets à ordre n'est pas limité pour se financer en mobilisant des prêts consentis ou financés par la SFH.
Elles ont également, pour constituer leur actif, la possibilité de consentir des prêts à des établissements de crédit , ce qui n'est pas le cas des SCF. L'article L. 513-29 du CMF dispose que les SFH peuvent « consentir à tout établissement de crédit des prêts garantis par la remise, la cession ou le nantissement de créances mentionnées au II, en bénéficiant des dispositions des articles L. 211-36 à L. 211-40 ou des articles L. 313-23 à L. 313-35, que ces créances aient ou non un caractère professionnel ».
C. LE PROCHAIN PLAFONNEMENT À 10 % DE LA DÉTENTION DE PARTS D'ORGANISMES DE TITRISATION PAR LES SOCIÉTÉS DE CRÉDIT FONCIER (SCF)
Les SCF peuvent aujourd'hui avoir à leur actif des parts d'organismes de titrisation, dans la mesure où l'actif de ces organismes se compose d'au moins 90 % d'exposition sur des personnes publiques ou de prêts par des biens immobiliers éligibles (article L. 513-5 du CMF ).
L'article R. 513-3 du CMF prévoit qu'à compter du 31 décembre 2017, ces parts ne pourront être refinancées par des OF et autres ressources privilégiées que dans la limite de 10 % « du montant nominal des obligations foncières et autres ressources privilégiées . ». Cette évolution est rendue nécessaire par le règlement de l'Union européenne n° 575-2013 concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d'investissement . Ce texte prévoit que pour bénéficier du traitement préférentiel d'obligations garanties, les parts ou titres d'organismes de titrisation doivent représenter 10 % au plus de l'actif de couverture 361 ( * ) .
La composition de l'actif varie selon les SCF. Deux d'entre elles sont davantage concernées par le prochain plafonnement de la détention de parts d'organismes de titrisation :
- CIF Euromortgage 362 ( * ) qui est, dans le cadre de la résolution du Crédit immobilier de France, en extinction ;
- Axa Bank Europe SCF.
Ces deux sociétés ont un actif composé majoritairement de parts de titrisation. L'entrée en vigueur du plafonnement les conduira à revoir significativement leur modèle économique, par exemple en ayant davantage recours aux billets à ordre 363 ( * ) .
Même si les parts d'organismes de titrisation ne sont pas un enjeu majeur pour toutes les SCF, le changement de la réglementation est un élément de contexte justifiant une réforme de la composition de l'actif de ces sociétés.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
Le présent article étend deux facilités de gestion des actifs de couverture des sociétés de financement de l'habitat (SFH) aux sociétés de crédit foncier (SCF). Ces deux mécanismes sont économiquement assez proches : la possibilité de consentir des prêts et d'acquérir des billets à ordre auprès de la société mère sans limite de montant. Les SCF doivent en effet pouvoir mobiliser leurs créances pour pouvoir assurer la congruence de leur actif , qui génère des revenus, et de leur passif , qui exige des remboursements.
A. L'EXTENSION AUX SOCIÉTÉS DE CRÉDIT FONCIER DE LA POSSIBILITÉ DE CONSENTIR DES PRÊTS AUX ÉTABLISSEMENTS DE CRÉDIT
Le présent article propose d'étendre la possibilité aux sociétés de crédit foncier (SCF) de consentir des prêts à des établissements de crédit . Il est déjà possible pour les SCF d'octroyer des prêts aux établissements de crédit, lorsque ces derniers sont garantis par la remise de crédits accordés à ou par des personnes publiques.
Ainsi, à l'image des sociétés de financement de l'habitat, les actifs du panier de couverture pourraient évoluer sans avoir besoin d'effectuer de cession ou rétrocession de créances : les créances détenues par la SCF pourraient directement servir à la couverture de l'actif. Il s'agit donc d'introduire à l'actif des SCF un nouveau type de produit : les prêts aux établissements de crédit . Cette nouvelle possibilité est cohérente avec la prochaine limitation du recours aux parts d'organismes de titrisation, pour les SCF concernées.
Les SCF pourront alors détenir des créances cédées par les établissements de crédit en garantie des prêts consentis. Le 1° du présent article précise que ces créances remises sont régies par les dispositions des articles L. 211-36 à L. 211-40 ou des articles L. 313-23 à L. 313-35 du CMF :
- les premiers régissent les compensations ou cessions de créances d'opérations sur instruments financiers « lorsque l'une au moins des parties à l'opération est un établissement de crédit » 364 ( * ) ;
- les seconds organisent un régime simplifié (cession dite « Dailly » 365 ( * ) ) relatif aux créances cédées par des établissements de crédits en garantie des prêts consentis par la SCF.
Dans les deux cas, les créances cédées doivent respecter les conditions fixées à l'article L. 513-3 du CMF (prêts garantis par une hypothèque de premier rang ou prêts cautionnés).
B. SUPPRIMER LA LIMITE DE L'ENCOURS DE BILLETS À ORDRE À L'ACTIF DES SOCIÉTÉS DE CRÉDIT FONCIER
Le présent article propose également de supprimer la deuxième phrase de l'article L. 513-6 du code monétaire et financier, qui prévoit la limite sur l'encours de billets à ordre par les sociétés de crédit foncier. Actuellement limité à 10 % de l'actif, le recours à ces instruments ne serait donc plus limité, à l'instar des dispositions en vigueur pour les sociétés de financement de l'habitat.
Supprimer le plafond de 10 % permet à certains établissements de ne pas être excessivement contraints par les changements induits par la limitation de la titrisation . L'étude d'impact indique que cette mesure permettra une transition « vers le modèle sûr et efficient qui est aujourd'hui celui que mettent en oeuvre les sociétés de financement de l'habitat ».
L'objectif du présent article est de rapprocher le mode de fonctionnement des SCF de celui des SFH . La qualité de l'actif de ces dernières est en effet reconnue par les investisseurs, ce qui montre que le plafonnement de l'encours de billets à ordre n'est plus nécessaire pour garantir l'attractivité des obligations foncières.
*
L'Assemblée nationale a adopté le présent article sans modification.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
La disposition proposée relative aux prêts consentis aux établissements de crédit permettrait une gestion du panier d'actifs plus souple et moins coûteuse, ce qui n'est actuellement pas le cas en cas de cession d'actifs. La gestion dynamique de l'actif de couverture des SCF est un enjeu d'attractivité pour ces sociétés, notamment dans le but de renforcer la confiance des investisseurs dans la qualité de l'actif de couverture des sociétés de crédit foncier (SCF), et donc celle dans les obligations foncières (OF). Comme l'indique d'étude d'impact réalisée en vue du présent projet de loi, la disposition proposée permettrait d'offrir des garanties supplémentaires quant à l'absence de prêts douteux ou en défaut .
L'étude d'impact indique en outre que cette nouvelle possibilité ouverte aux SCF ne comporte pas de risque de nature prudentielle, le régime de protection du collatéral rendant les prêts aussi sûrs que la détention directe des prêts à la clientèle.
En proposant d'admettre un nouvel élément à l'actif des SCF - les prêts consentis aux établissements de crédit - et de lever le plafonnement existant pour un autre - les billets à ordre -, le présent article tire les conséquences de l'attractivité du modèle des sociétés de financement de l'habitat, en rapprochant le mode de fonctionnement des deux véhicules principaux de financement des prêts à l'habitat en France .
La Commission européenne a par ailleurs engagé une réflexion 366 ( * ) sur la création d'un cadre européen unique pour la règlementation du marché des obligations sécurisées : la présente réforme des éléments admis à l'actif de couverture des SCF constitue une étape vers l'harmonisation des régimes, si ce projet devait aboutir.
Décision de la commission : votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article sans modification.
ARTICLE 54 bis B (nouveau) (Art. L. 518-4 du code monétaire et financier) - Ajout de représentants du personnel à la Commission de surveillance de la Caisse des dépôts et Consignations
Commentaire : le présent article ajoute deux représentants des personnels de la Caisse des dépôts et consignations et de ses filiales aux membres composant la commission de surveillance de la Caisse.
I. LE DROIT EXISTANT
Aux termes de l'article L. 518-4 du code monétaire et financier, la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations est composée :
• de trois membres de la commission de l'Assemblée nationale chargée des finances, élus par cette assemblée, dont un au moins appartient à un groupe ayant déclaré ne pas soutenir le Gouvernement ;
• de deux membres de la commission du Sénat chargée des finances, élus par cette assemblée ;
• d'un membre du Conseil d'État, désigné par ce conseil ;
• de deux membres de la Cour des comptes, désignés par cette cour ;
• du gouverneur ou de l'un des sous-gouverneurs de la Banque de France, désigné par cette banque ;
• du directeur général du Trésor et de la politique économique au ministère chargé de l'économie, ou de son représentant ;
• de deux membres désignés, à raison de leurs compétences dans les domaines financier, comptable ou économique ou dans celui de la gestion, par le Président de l'Assemblée nationale ;
• d'un membre désigné, à raison de ses compétences dans les domaines financier, comptable ou économique ou dans celui de la gestion, par le Président du Sénat.
II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Le présent article, introduit en séance publique par notre collègue député Henri Emmanuelli, avec un sous-amendement de notre collègue Romain Colas et l'avis favorable du Gouvernement, prévoit que la commission de surveillance est composée, en plus des treize membres actuels, de « deux membres représentant les personnels de la Caisse des dépôts et consignations et de ses filiales, élus dans le périmètre de l'accord collectif portant création d'un comité mixte d'information et de concertation prévu par l'article 34 de la loi n° 96-452 du 28 mai 1996, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'État. »
La référence à l'accord collectif portant création d'un comité mixte d'information et de concertation permet de limiter le corps électoral aux personnels ayant un lien suffisamment étroit avec la Caisse des dépôts et consignations.
Cette référence a notamment pour effet d'exclure les personnels de certaines filiales opérant à l'étranger, telles Transdev, qui emploie des salariés n'ayant qu'un lien ténu avec la Caisse des dépôts et consignations 367 ( * ) .
L'accord collectif portant création d'un
comité mixte
Dans la version actuellement en vigueur, cet accord prévoit que ce corps électoral est constitué par les personnels des entités avec lesquelles il existe des « liens forts et continus ». Il s'agit des sociétés dont la Caisse des dépôts et consignations détient au moins la moitié du capital (au moins 50 %) et des sociétés cotées dont elle est l'actionnaire de référence en détenant au moins 33 % du capital. L'accord prévoit en outre que les personnes morales sur lesquelles elle peut exercer un pouvoir de contrôle et de direction font partie de ce périmètre. Source : édition 2014 de l'accord collectif portant création d'un comité mixte d'information et de concertation prévu par l'article 34 de la loi n° 96 452 du 28 mai 1996 |
La constitutionnalité d'un tel dispositif a déjà fait l'objet d'un examen par le Conseil constitutionnel en QPC 368 ( * ) . Ce dernier avait alors considéré que le législateur pouvait, sans méconnaître les exigences constitutionnelles de participation des travailleurs, limiter le corps électoral pour l'élection des salariés à un conseil d'administration d'entreprise aux seuls salariés de la société et, éventuellement, de ses filiales françaises.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
« Groupe public au service de l'intérêt général », « établissement spécial » (article L. 518-2 du code monétaire et financier), la Caisse des dépôts et consignations est régie par un régime qui lui est propre. À ce titre, le législateur ne l'a soumise ni aux dispositions de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public ni à celles de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi, qui ont respectivement fixé le principe et les modalités de la représentation des personnels au sein des établissements publics et des sociétés anonymes.
Inclure les représentants du personnel à la commission de surveillance n'apparaît pas relever d'exigences juridiques. Par ailleurs, cela reviendrait à donner à ces derniers le pouvoir de rendre un avis sur la révocation du directeur général (article L. 518-11 du code monétaire et financier), sous l'autorité duquel ils sont pourtant placés. Enfin, leur participation pourrait limiter la liberté de parole des membres de la commission de surveillance qui contribue à la qualité du travail qu'elle effectue.
Votre commission a émis un avis favorable à l'amendement n° COM-24 de M. Michel Bouvard supprimant cet article.
Décision de la commission : votre commission propose à la commission des lois de supprimer cet article.
ARTICLE 54 bis C (nouveau) (Art. L. 518-7 du code monétaire et financier) - Approbation des comptes sociaux et consolidés de la Caisse des dépôts et consignations par sa commission de surveillance
Commentaire : cet article accroît les pouvoirs de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations en lui confiant la mission d'approuver ses comptes sociaux et consolidés et leurs annexes.
I. LE DROIT EXISTANT
A. LES MISSIONS DE LA COMMISSION DE SURVEILLANCE DE LA CAISSE DES DÉPÔTS ET CONSIGNATIONS
Aux termes de la loi du 28 avril 1816, aujourd'hui codifiée à l'article L. 518-2 du code monétaire et financier, « la Caisse des dépôts et consignations est placée, de la manière la plus spéciale, sous la surveillance et la garantie de l'autorité législative ». Cette double mission s'exerce par l'intermédiaire de la commission de surveillance. La Caisse des dépôts est ainsi organisée par décret en Conseil d'État, pris sur la proposition de la commission de surveillance.
Selon l'article L. 518-7 du code monétaire et financier, « la commission de surveillance est chargée de surveiller la Caisse des dépôts et consignations ». Elle est chargée du contrôle la gestion du fonds d'épargne ; de l'élaboration de son modèle prudentiel et est saisie chaque année du programme d'émission de titres de créance et en fixe l'encours annuel maximal.
La commission de surveillance 369 ( * ) est notamment saisie pour avis , au moins une fois par an, des points suivants ; - les orientations stratégiques de l'établissement public et de ses filiales ; - la mise en oeuvre des missions d'intérêt général de la Caisse des dépôts et consignations ; - la définition de la stratégie d'investissement de l'établissement public et de ses filiales ; - la situation financière et la situation de trésorerie de l'établissement public ainsi que la politique du groupe en matière de contrôle interne ; - les comptes sociaux et consolidés et leurs annexes, le périmètre et les méthodes de consolidation, les réponses aux observations des contrôleurs externes et l'examen des engagements hors bilan significatifs. Les membres de la commission de surveillance vérifient, toutes les fois qu'ils le jugent utile, et au moins une fois par mois, l'état des caisses et la bonne tenue des écritures. En pratique, la commission de surveillance se réunit deux fois par mois en séance plénière et s'appuie sur des comités spécialisés constitués en son sein (comité d'examen des comptes et des risques, comité du fonds d'épargne, comité des investissements, comité des nominations et comité de suivi de Bpifrance). |
B. LA COMMISSION DE SURVEILLANCE DISPOSE DE PRÉROGATIVES LIMITÉES EN MATIÈRE COMPTABLE
La commission de surveillance n'est donc saisie des comptes sociaux et consolidés que pour avis.
Conformément à l'article L. 518-15-1, c'est elle qui désigne, sur proposition du directeur général, les commissaires aux comptes. Les comptes sont arrêtés par le directeur général.
II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Le présent article, introduit en séance publique par notre collègue député Henri Emmanuelli, par ailleurs président de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, ajoute à l'article L. 518-7 du code monétaire et financier une disposition selon laquelle « la commission de surveillance approuve les comptes sociaux et consolidés et leurs annexes qui ont été préalablement arrêtés par le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations. »
Par coordination, il supprime également la saisine pour avis annuelle de la commission de surveillance à ce sujet.
L'article précise que cette faculté d'approbation s'exerce « sans préjudice de l'application de l'article L. 518-16 », lequel prévoit que la Caisse des dépôts et consignations verse chaque année à l'État, sur le résultat net de son activité pour compte propre, après paiement d'une contribution représentative de l'impôt sur les sociétés, une fraction de ce résultat net, déterminée après avis de la commission de surveillance saisie par le directeur général.
Ainsi, l'approbation des comptes par la Commission de surveillance n'a pas d'impact sur la décision d'affectation du résultat de la Caisse des dépôts.
Cette nouvelle disposition ne remet pas non plus en question les pouvoirs du directeur général qui conserve la responsabilité de la gestion des fonds et celle d'arrêter les comptes, conformément à l'article L. 518-12 du code monétaire et financier.
Selon l'exposé sommaire, « elle permet à la fois de positionner la commission de surveillance dans un processus comptable normalisé, en comblant la carence de l'absence d'approbation des comptes tout en lui permettant de jouer pleinement son rôle d'organe de surveillance générale et ce, sans interférer sur celui de l'organe exécutif ».
Elle permet également de mettre en cohérence le pouvoir de désignation des commissaires aux comptes incombant à la commission de surveillance avec la mission de statuer sur les comptes certifiés, conformément au principe selon lequel les commissaires aux comptes sont responsables devant l'instance qui les mandate.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Votre rapporteur estime que le présent article renforce les pouvoirs de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations sans risquer d'en compromettre le bon fonctionnement ou de créer de blocage. Il y est donc favorable.
Décision de la commission : votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article sans modification.
TITRE VIII - DISPOSITIONS RELATIVES À L'OUTRE-MER
ARTICLE 55 bis (nouveau) (Art. 244 quater X du code général des impôts) - Suppression de l'agrément obligatoire permettant de bénéficier du crédit d'impôt en faveur des organismes à loyer modéré
Commentaire : le présent article supprime l'agrément administratif prévu à l'article 244 quater X du code général des impôts qui permet aux organismes d'habitation à loyer modéré qui réalisent des investissements dans les logements neufs en outre-mer de bénéficier du crédit d'impôt.
I. LE DROIT EXISTANT
Introduit par l'article 21 de la loi de finances pour 2014 370 ( * ) , l'article 244 quater X du code général des impôts (CGI) prévoit un crédit d'impôt pour les organismes de logement social 371 ( * ) qui acquièrent ou construisent des logements sociaux dans les départements d'outre-mer . Le taux du crédit d'impôt est de 40 % 372 ( * ) .
Le bénéfice de ce crédit d'impôt est soumis au respect d'un ensemble de conditions ; les logements doivent notamment être donnés à des personnes physiques qui en font leur résidence principale et les ressources des bénéficiaires ainsi que les loyers doivent ne pas dépasser des montants fixés par décret.
L'article 244 quater X prévoit que lorsque le montant par programme des investissements est supérieur à deux millions d'euros, le bénéfice du crédit d'impôt est conditionné à l'obtention d'un agrément préalable .
Les agréments administratifs délivrés en 2015 Le crédit d'impôt de l'article 244 quater X n'a été mis en oeuvre qu'à compter de janvier 2015. De ce fait, les opérations de fiabilisation des statistiques en la matière ne sont pas achevées. Néanmoins, en 2015, la DGFIP 373 ( * ) indique qu'elle a délivré 15 agréments et aucun refus au titre de l'article 244 quater X du CGI. |
II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Le présent article a été introduit en séance publique par le Gouvernement.
Il prévoit (en I, 1°) une coordination technique à droit constant afin que l'obligation d'inclure des logements sociaux et très sociaux dans un programme d'investissement et celle d'inclure l'installation d'équipements de production d'énergie renouvelable, qui s'applique aujourd'hui à partir d'un seuil d'investissements de deux millions d'euros, apparaisse clairement dans le code général des impôts.
Il abroge (I, 2°) le VI de l'article 244 quater X du CGI, qui prévoyait le conditionnement du bénéfice du crédit d'impôt à l'agrément préalable délivré par les services du ministre chargé du budget. En conséquence, les dépenses éligibles seront calculées par l'organisme lui-même et seront donc susceptibles de faire l'objet d'un contrôle fiscal a posteriori , ce crédit d'impôt obéissant aux mêmes règles de gestion et de contrôle que les autres .
Il prévoit également que cette abrogation s'applique aux opérations d'acquisition et de construction dont le fait générateur intervient à compter du 31 mai 2016 et qui, à cette date, n'ont pas obtenu l'agrément 374 ( * ) . Elle bénéficiera ainsi à tous les projets dans lesquels le fait générateur du crédit d'impôt se produit à partir de cette date, et cela quand bien même une demande d'agrément aurait été déposée antérieurement à l'entrée en vigueur du présent projet de loi
La dispense d'agrément concernera donc, selon les informations transmises par le Gouvernement :
• les immeubles acquis à compter du 31 mai 2016 ;
• les immeubles dont les fondations sont achevées à compter du 31 mai 2016, dans le cas d'opérations de construction ;
• les immeubles dont les travaux de rénovation s'achèvent à compter du 31 mai 2016, dans le cas d'opérations de réhabilitation d'immeubles ;
• les immeubles mis à disposition de l'organisme de logement social crédit-preneur à compter du 31 mai 2016.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Votre rapporteur comprend « l'objectif de simplification et de fluidification du logement social outre-mer », qui a incité le Gouvernement à proposer la suppression de cet agrément et faisait par ailleurs l'objet d'une demande des organismes de logements sociaux, soucieux de pouvoir lancer leurs projets d'investissements le plus rapidement possible. Cette réforme devrait permettre d'accélérer de nombreux chantiers de construction outre-mer.
Par ailleurs, si votre rapporteur estime indispensable que l'État conserve un contrôle sur l'octroi des crédits d'impôt, l'agrément prévu à l'article 244 quater X peut sembler superflu pour des personnes morales d'ores et déjà soumises, par construction, à de nombreux contrôles de ce dernier 375 ( * ) .
S'il souhaite que l'effort de simplification se poursuive, votre rapporteur estime qu'il est acceptable, à ce stade, de ne pas étendre cette mesure de simplification aux autres agréments outre-mer sans une étude de son impact effectif. Ceci vaut, par exemple, pour l'agrément prévu à l'article 199 undecies C du CGI 376 ( * ) . L'avantage fiscal n'étant, dans ce dernier cas, pas directement accordé aux organismes de logements, mais à des personnes physiques, il semble davantage pertinent de leur assurer un maximum de garantie sur l'éligibilité de leur projet à cette aide, ce que l'agrément permet aujourd'hui.
Décision de la commission : votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article sans modification.
ARTICLE 58 (nouveau) - Habilitation à adopter un code monétaire et financier spécifique à l'outre-mer
. Commentaire : le présent article a pour objet d'habiliter le Gouvernement à procéder par ordonnance à l'adoption d'un code monétaire et financier spécifique à l'outre-mer, afin d'améliorer la lisibilité et la cohérence des dispositions applicables.
I. LE DROIT EXISTANT
Les collectivités d'outre-mer de Saint-Barthélémy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon, de la Nouvelle Calédonie, de la Polynésie française et de Wallis-et-Futuna sont régies par le principe de spécialité législative , c'est-à-dire que les lois et règlements n'y sont applicables que si la loi en dispose expressément.
En conséquence, la plupart des codes contiennent un livre consacré à leur application outre-mer . Il en va ainsi du livre VII du code monétaire et financier , qui étend aux collectivités mentionnées ci-dessus, le cas échéant, les dispositions législatives prévues pour le reste du territoire de la République. Le livre VII est ainsi organisé en titres dont le premier est commun aux différents territoires d'outre-mer et dont les autres sont spécifiques à l'un et l'autre de ces territoires.
Au sein des titres spécifiques à chaque collectivité, les articles procèdent par renvoi aux articles du code « hexagonal », en prévoyant leur application ou non application, et en ajoutant d'éventuelles modifications . Souvent, s'agissant de la Nouvelle Calédonie, de la Polynésie française et de Wallis-et-Futuna, le livre VII prévoit l'application des articles du code, avec certains aménagements nécessaires (non application du droit communautaire, mentions en euros remplacées par des mentions en francs Pacifique, etc.).
Toutefois, cette méthode de codification par extension systématique a ses limites, en termes de lisibilité de la loi : le lecteur doit se reporter à l'article « source » et vérifier la date de sa dernière modification, avant d'être certain que l'extension outre-mer est toujours valide.
II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Le présent article a été adopté par l'Assemblée nationale, à l'initiative du Gouvernement, après un avis favorable de la commission des lois.
Il a pour objet d' habiliter le Gouvernement à procéder par ordonnances à « l'adoption d'un code monétaire et financier applicable en outre-mer se substituant à l'actuel livre VII du code monétaire et financier ».
Le II du présent article prévoit que ce code regroupe et organise les dispositions applicables à ces territoires, y compris les dispositions publiées mais non encore en vigueur lorsque l'entrée en vigueur était décalée dans le temps.
Par ailleurs, le III du présent article permet au Gouvernement, dans le cadre de cette habilitation, de remédier aux éventuelles incohérences de rédaction et de rendre applicables les règlements européens dont il est souhaitable que les dispositions soient applicables outre-mer, bien que les règlements ne soient pas en eux-mêmes applicables.
Conformément au I du présent article, cette ordonnance doit être publiée dans un délai de vingt-quatre mois après l'entrée en vigueur de la loi ; le IV prévoit que le projet de loi de ratification doit être déposé dans les six mois suivant la publication de cette ordonnance.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Les dispositions du code monétaire et financier applicables dans les pays et territoires d'outre-mer régis par le principe de spécialité législative souffrent d'un problème majeur de lisibilité et d'intelligibilité de la loi . Ce problème n'est d'ailleurs pas spécifique à ce code, les difficultés rencontrées (en particulier celui de la date de référence de l'extension outre-mer) étant transversales.
Le rapport annuel 2011 de la commission centrale de codification est, à cet égard, éclairant sur les difficultés de la codification outre-mer : cette commission soulignait notamment que le principe de spécialité législative « conduit inévitablement à des risques d'erreurs ponctuelles et à une insécurité juridique générale dès lors que la mention de l'applicabilité renvoie seulement à la rédaction en vigueur à la date de la codification sans que l'utilisateur du code en soit averti. En outre, rien ne permet d'affirmer, à cette date, que les modifications ultérieures du texte ainsi codifié porteront elles-mêmes une mention d'application, que cette absence résulte d'ailleurs d'un oubli ou d'un choix délibéré ». Balayant les différentes solutions envisagées, elle constatait qu'il n'y avait pas de consensus sur les techniques de codification fiables juridiquement pour remédier à cette situation.
Les difficultés de la codification outre-mer « La codification des dispositions relatives à l'outre-mer pose de difficiles questions d'accès au droit et de lisibilité de la norme. L'une des plus délicates est sans aucun doute celle de la codification des dispositions venant modifier des dispositions dont l'applicabilité dans une collectivité d'outre-mer soumise au principe de spécialité législative ne peut résulter, en vertu de la jurisprudence du Conseil d'État issue de sa décision d'Assemblée du 9 février 1990, « Élections municipales de Lifou » , que d'une mention expresse d'application. En conséquence, le texte modificatif doit, si l'on entend le rendre applicable à cette collectivité, également contenir des dispositions expresses le prévoyant. « La Commission voudrait, à nouveau, fermement insister sur le caractère profondément insatisfaisant de l'absence de prise en compte, lors des travaux de codification, de cet état de la jurisprudence, faute d'un accord sur la ou les techniques de rédaction à utiliser. Ne pas le faire, en recourant à une technique de rédaction consistant à simplement indiquer que telles dispositions sont applicables à une collectivité d'outre-mer régie par le principe de spécialité, conduit inévitablement à des risques d'erreurs ponctuelles et à une insécurité juridique générale dès lors que la mention de l'applicabilité renvoie seulement à la rédaction en vigueur à la date de la codification sans que l'utilisateur du code en soit averti. En outre, rien ne permet d'affirmer, à cette date, que les modifications ultérieures du texte ainsi codifié porteront elles-mêmes une mention d'application, que cette absence résulte d'ailleurs d'un oubli ou d'un choix délibéré. Pour s'assurer de l'applicabilité de telles dispositions, l'utilisateur devrait donc faire de nombreuses recherches pour vérifier la date de codification des textes sources, puis l'existence de mentions expresses d'application de chacune de leurs modifications, le texte codifié ne pouvant plus lui servir de guide fiable, ce qui est contraire à l'objectif même d'accessibilité de la norme auquel répond la codification. « Or, la Commission constate que le recours à la solution décrite plus haut, qui revient à éluder purement et simplement la question, subsiste. De trop nombreux codes présentent encore aujourd'hui d'importantes lacunes dans leurs parties consacrées à l'outre-mer. « Confrontée à cette question, elle avait été d'avis que pourrait être envisagé de poser, au niveau de la loi organique, au moins dans certains cas, un principe de présomption d'applicabilité outre-mer des modifications apportées à des dispositions qui y ont été rendues applicables par un précédent texte. En effet, depuis la réforme constitutionnelle réalisée par la loi du 28 mars 2003, la définition des conditions dans lesquelles les lois et règlements sont applicables dans les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution est du ressort de la loi organique. Une loi organique pourrait dans ces conditions prévoir que, soit pour l'ensemble des collectivités concernées, soit pour chacune des collectivités concernées prise individuellement, le silence du législateur à l'occasion de la modification d'un texte rendu précédemment applicable doit être regardé comme l'acceptation de son applicabilité. Cet infléchissement de la jurisprudence « Élections municipales de Lifou » par le biais de la loi organique pourrait d'ailleurs être limité aux seules dispositions insérées dans un code. |
« En l'absence d'une telle évolution, la Commission ne peut que constater l'absence de consensus sur la ou les techniques de rédaction fiables juridiquement et insister sur les difficultés que ne manquerait pas de poser la prolongation de cette situation. En effet, si des solutions existent et peuvent être commodément mises en oeuvre pour procéder à la codification de dispositions propres à des collectivités relevant du principe despécialité et consistant à insérer, en tête de chaque chapitre concerné, un article préliminaire indiquant que, pour la collectivité concernée, les dispositions ainsi rendues applicables le sont dans leur rédaction en vigueur à la date de la codification, cette mention pouvant d'ailleurs, en fonction des évolutions institutionnelles propres à chacune de ces collectivités, être, par la suite, le cas échéant, décomposée et ventilée article par article, toutefois, cette technique ne peut être directement appliquée au fil des modifications successives des dispositions ainsi rendues applicables. De même, si la technique de rédaction mise en oeuvre par l'ordonnance n° 2011-1875 du 15 décembre 2011 portant extension et adaptation de la loi no 2010-1609 du 22 décembre 2010 en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis-et-Futuna pour prendre en compte les modifications d'un texte déjà déclaré applicable à une collectivité régie par le principe de spécialité est parfaitement adaptée à des textes autonomes, cette technique ne vaut pas pour un texte en forme codifiée. » Source : rapport annuel de la commission centrale de codification, 2011 |
Le présent article tranche dans ce débat, en proposant, de façon inédite, un code sectoriel spécifique aux pays et territoires d'outre-mer . Il va ainsi plus loin que les techniques jusqu'alors utilisées, comme celles dites « du compteur », qui consiste à indiquer qu'une disposition est applicable dans une collectivité régie par le principe de spécialité législative dans sa rédaction résultant d'une loi déterminée, ce qui permet de savoir si les modifications ultérieures de cette disposition ont été ou non étendues.
Sans porter de jugement sur la meilleure technique de codification outre-mer, votre rapporteur constate que, s'agissant du code monétaire et financier qui est à la fois épais, technique et dont les dispositions sont souvent très liées à celles des règlements européens, la lisibilité et l'intelligibilité du droit commandent des solutions innovantes , parmi lesquelles celle, inédite mais crédible, d'un code monétaire et financier spécifique à ces territoires.
Cependant, cette habilitation ne doit pas être l'occasion, pour le Gouvernement, de modifier le droit applicable : cette recodification au sein d'un nouveau code doit être réalisée à droit constant . En conséquence, votre commission des finances a adopté un amendement n° COM-266 visant à supprimer les mentions du champ de l'habilitation qui, imprécises et vagues telles que la « correction d'erreurs » ou « l'harmonisation de l'état de droit », pouvaient être interprétées comme permettant au Gouvernement de modifier le droit applicable en outre-mer .
Décision de la commission : votre commission propose à la commission des lois d'adopter cet article ainsi modifié.
* 1 Loi n° 2007-1598 du 13 novembre 2007 relative à la lutte contre la corruption.
* 2 Article 43 de la loi n° 2011-2012 du 20 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé.
* 3 Article 11 de la loi n° 2013-316 du 16 avril 2013 relative à l'indépendance de l'expertise en matière de santé et d'environnement et à la protection des lanceurs d'alerte.
* 4 Article 35 de la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière.
* 5 Loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires.
* 6 False Claims Act (31 U.S. Code §§ 3729-3733), loi votée par le Congrès américain en 1863.
* 7 D'après les données du département de la justice des États-Unis.
* 8 Nicole Marie Meyer « Faut-il rémunérer ou indemniser les lanceurs d'alerte ? ». Transparency International France, site internet.
* 9 Principe n° 21 de la recommandation CM/Rec (2014)7 adoptée par le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe le 30 avril 2014 et exposé des motifs.
* 10 Considérant 39 de l'annexe.
* 11 Principe n° 26.
* 12 Conseil d'État : « Le droit d'alerte : signaler, traiter, protéger ». Étude adoptée le 25 février 2016 par l'assemblée générale plénière du Conseil d'État.
* 13 Voir commentaire de l'article 6 dans le présent rapport.
* 14 Assemblée nationale, première séance du mardi 7 juin 2016, débat relatif à l'article 6 F.
* 15 Avis du Défenseur des droits n° 16-13 du 20 mai 2016.
* 16 Selon le rapport annuel de performances de la mission « Justice », annexe au projet de loi de règlement et d'approbation des comptes 2015.
* 17 Loi n° 2010-768 du 9 juillet 2010 visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale.
* 18 Loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure.
* 19 I de l'article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012.
* 20 Depuis la loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme (article 22).
* 21 Selon les termes de l'article 1 er du présent projet de loi.
* 22 Voir le commentaire de l'article 6 A dans le rapport de M. François Pillet, rapporteur au nom de la commission des lois.
* 23 Assemblée nationale : première séance du mardi 7 juin 2016.
* 24 Proposition de loi organique n° 3770 relative à la compétence du Défenseur des droits pour la protection des lanceurs d'alerte, enregistrée à la Présidence de l'Assemblée nationale le 18 mai 2016 et présentée par MM. Bruno Le Roux, Sébastien Denaja, Mmes Sandrine Mazetier, Françoise Descamps-Crosnier, et les membres du groupe socialiste, républicain et citoyen.
* 25 Règlement (UE) n° 596/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 sur les abus de marché (règlement relatif aux abus de marché) et abrogeant la directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil et les directives 2003/124/CE, 2003/125/CE et 2004/72/CE de la Commission.
* 26 Règlement (UE) n° 909/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 concernant l'amélioration du règlement de titres dans l'Union européenne et les dépositaires centraux de titres, et modifiant les directives 98/26/CE et 2014/65/UE ainsi que le règlement (UE) n° 236/2012.
* 2728 Règlement (UE) n° 1286/2014 du Parlement européen et du Conseil du 26 novembre 2014 sur les documents d'informations clés relatifs aux produits d'investissement packagés de détail et fondés sur l'assurance.
* 29 Règlement (UE) n° 600/2014 du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 concernant les marchés d'instruments financiers et modifiant le règlement (UE) n° 648/2012.
* 30 Pour autant, le Royaume-Uni ne dispose pas de dispositions permettant une incitation financière à la dénonciation de la part des acteurs de marché.
* 31 Proposition de loi n° 19 (2015-2016) relative à la répression des infractions financières, déposée le 7 octobre 2015.
* 32 Règlement n° 596/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 sur les abus de marché (règlement relatif aux abus de marché) et abrogeant la directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil et les directives 2003/124/CE, 2003/125/CE et 2004/72/CE de la Commission.
* 33 Directive 2014/57/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relative aux sanctions pénales applicables aux abus de marché (directive relative aux abus de marché).
* 34 Proposition de loi n° 19 (2015-2016) de M. Albéric de Montgolfier, déposé au Sénat le 7 octobre 2015.
* 35 Proposition de loi n° 20 (2015-2016) de M. Claude Raynal, déposé au Sénat le 7 octobre 2015.
* 36 Directive 2003/71/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant le prospectus à publier en cas d'offre publique de valeurs mobilières ou en vue de l'admission de valeurs mobilières à la négociation, et modifiant la directive 2001/34/CE.
* 37 Dans le cadre des négociations concernant la révision de la directive Prospectus précitée, l'AMF estime toutefois « par souci de cohérence » que « le champ des titres soumis au prospectus pourrait être étendu aux instruments ne constituant pas des valeurs mobilières mais présentant des caractéristiques analogues, tels que les parts sociales d'établissements de crédit et les certificats mutualistes ». Cf. AMF, « Union des marchés de capitaux : réforme de la directive Prospectus », mai 2015, page 2.
* 38 Instruction AMF (DOC-2015-06), Prospectus établi pour l'offre au public de certificats mutualistes des sociétés d'assurance mutuelles agréées (SAM), des caisses d'assurance et de réassurance mutuelles agricoles agréées (CRAMA) et des sociétés de groupe assurance mutuelles (SGAM).
* 39 Cf. étude d'impact annexée au présent projet de loi, p. 74.
* 40 Cf. étude d'impact annexée au présent projet de loi, p. 75.
* 41 Ces règles ont été transposées en France par l'ordonnance du 20 août 2015 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière financière. Un projet de loi ratifiant l'ordonnance a été déposé le 13 janvier 2016 à l'Assemblée nationale.
* 42 Règlement (UE) n° 596/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 sur les abus de marché (règlement relatif aux abus de marché) et abrogeant la directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil et les directives 2003/124/CE, 2003/125/CE et 2004/72/CE de la Commission.
* 43 Directive 2014/65/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 concernant les marchés d'instruments financiers et modifiant la directive 2002/92/CE et la directive 2011/61/UE.
* 44 Directive 2014/91/UE du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 modifiant la directive 2009/65/CE portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant certains organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM), pour ce qui est des fonctions de dépositaire, des politiques de rémunération et des sanctions.
* 45 Règlement (UE) n° 1286/2014 du Parlement européen et du Conseil du 26 novembre 2014 sur les documents d'informations clés relatifs aux produits d'investissement packagés de détail et fondés sur l'assurance.
* 46 Règlement (UE) n° 909/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 concernant l'amélioration du règlement de titres dans l'Union européenne et les dépositaires centraux de titres, et modifiant les directives 98/26/CE et 2014/65/UE ainsi que le règlement (UE) n° 236/2012.
* 47 CE 30 juillet 2014 M. B. n° 358564.
* 48 CE 9 mars 2016, n° 392782.
* 49 La commission des finances de l'Assemblée nationale avait également adopté un amendement en ce sens. Toutefois, compte tenu du fait qu'une habilitation à ordonnance d'initiative parlementaire serait inconstitutionnelle, cet amendement a été retiré au profit de celui du Gouvernement en commission des lois.
* 50 Directive (UE) 2016/97 du Parlement européen et du Conseil du 20 janvier 2016 sur la distribution d'assurances.
* 51 Décision n° 2013-679 DC du 4 décembre 2013.
* 52 Règlement (UE) n° 575/2013 concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d'investissement (CRR).
* 53 Directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d'investissement.
* 54 En 2014, les mutuelles géraient 71 % de contrats collectifs et 29 % de contrats individuels uniquement.
* 55 Conseil constitutionnel, décision n° 2014-449 QPC du 6 février 2015.
* 56 Loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier.
* 57 Communiqué du groupe Groupama, 25 mai 2016.
* 58 Cette disposition fait écho, pour ce qui est des opérations de crédit de la banque centrale, au droit des garanties financières prévu par l'article L. 211-38 du code monétaire et financier qui dispose qu'« à titre de garantie des obligations financières présentes ou futures (...), les parties peuvent prévoir des remises en pleine propriété, opposables aux tiers sans formalités, d'instruments financiers, effets, créances, contrats ou sommes d'argent, ou la constitution de sûretés sur de tels biens ou droits, réalisables, même lorsque l'une des parties fait l'objet » d'une procédure de liquidation judiciaire.
* 59 La cotation Banque de France est régie par un code de conduite conforme aux standards énoncés par l'organisation internationale des commissions de valeurs (OICV).
* 60 À l'exception de certaines entités : sociétés financières, organismes de placement collectif etc.
* 61 La Banque de France et les instituts d'émission d'Outre-mer (IEDOM), l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), les différentes administrations économiques et financières, la Caisse des dépôts et consignations (CDC), Bpifrance et l'agence française de développement (AFD).
* 62 Article 18 de l'ordonnance n° 2014-559 du 30 mai 2014 relative au financement participatif.
* 63 Article 169 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dite « loi Macron ».
* 64 Décret n° 2015-1854 du 30 décembre 2015 relatif aux modalités de communication par la Banque de France de données relatives à la situation financière des entreprises aux organismes d'assurance et aux sociétés de gestion et aux obligations de déclaration de ces entités.
* 65 Cette typologie est issue de l'étude annuelle 2015 du Conseil d'État, « L'action économique des personnes publiques », n° 66, adoptée le 23 juillet 2015.
* 66 À ce titre, la base de données FIBEN a fait l'objet d'une autorisation de la commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), par la délibération n° 2009-498 du 17 septembre 2009.
* 67 L'article 26 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dite loi Le Pors, dispose ainsi que « les fonctionnaires sont tenus au secret professionnel dans le cadre des règles instituées dans le code pénal. [Ils] doivent faire preuve de discrétion professionnelle pour tous les faits, informations ou documents dont ils ont connaissance dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions ».
* 68 Décret n° 2015-1854 du 30 décembre 2015 précité.
* 69 Commission européenne, « Des marchés européens de produits dérivés plus sûrs et plus transparents », 15 septembre 2010.
* 70 Règlement (UE) n° 648/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012 sur les produits dérivés de gré à gré, les contreparties centrales et les référentiels centraux.
* 71 Il s'agit des produits dérivés jugés suffisamment liquides et standardisés par l'Autorité européenne des marchés financiers pour faire l'objet d'une compensation centrale.
* 72 Règlement (UE) n° 600/2014 du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 concernant les marchés d'instruments financiers et modifiant le règlement (UE) n° 648/2012.
* 73 À l'exception des personnes mentionnées aux alinéas c à n du 2° de l'article L. 531-2 (il s'agit notamment des institutions de retraites professionnelles, des personnes qui ne fournissent des services d'investissement qu'aux personnes morales qui les contrôlent, des entreprises dont les activités de services d'investissement se limitent à la gestion d'un système d'épargne salarial, des conseillers en investissements participatifs et des conseillers en investissements financiers).
* 74 Autorité des marchés financiers, « Coup d'envoi de l'obligation de compensation centrale en juin 2016 », publié en ligne le 25 mai 2016.
* 75 Règlement délégué 2016/592 du 1 er mars 2016 sur la compensation centrale de certains dérivés de crédit (CDS).
* 76 Règlement délégué 2015/2205 du 6 août 2015 sur la compensation centrale pour les contrats dérivés de taux libellés en euros, livres sterling, yens japonais et dollars.
* 77 AMF, « Produits dérivés : notifications et calendrier », 1 er décembre 2015.
* 78 Article 226-13 du code monétaire et financier.
* 79 L'obligation de déclaration à un référentiel central est entrée en vigueur le 12 février 2014.
* 80 Étude d'impact annexé au présent projet de loi, p. 132.
* 81 Étude d'impact annexée au présent projet de loi, p. 87.
* 82 Cf. David Murphy, « OTC Derivatives Central Clearing » in OTC Derivatives: Bilateral Trading and Central Clearing : An Introduction to Regulatory Policy, Market Impact and Systemic Risk , Palgrave, 2013.
* 83 Pour une description détaillée des règles de territorialité du règlement EMIR, voir : Mayer Brown, « The extraterritorial effect of the EU regulation of OTC derivatives », june 2014.
* 84 Étude d'impact annexée au présent projet de loi, p. 87.
* 85 Article 68 de la loi précitée. Il existe toutefois des exceptions à cette règle, prévues à l'article. À titre d'exemple, la transmission reste possible si la personne à laquelle se rapportent les données a consenti expressément à leur transfert.
* 86 Étude d'impact annexée au présent projet de loi, p. 87.
* 87 À partir d'une liste « de départ » établie par l'arrêté du 12 février 2010, composée des États et territoires non membres de l'Union européenne, ayant fait l'objet d'un examen par l'OCDE de leur transparence fiscale et de leur pratique de l'échange d'informations, et qui n'ont pas conclu avec la France ni avec douze autres États ou territoire de convention d'échange d'informations. En pratique, cette liste correspondait peu ou prou à la « liste grise » de l'OCDE établie après le G 20 de Londres en 2009. La plupart des dix-huit États et territoires qui y figuraient en sont aujourd'hui sortis.
* 88 Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune . Le dernier modèle est daté du 15 juillet 2014.
* 89 Profondément réformé par la décision du conseil de l'OCDE en date du 17 septembre 2009, le Forum mondial de l'OCDE sur la transparence et l'échange d'informations en matière fiscale est chargé d'évaluer la réalité des engagements pris en matière de transparence par ses 125 pays membres ainsi que pour les pays dont l'examen a été jugé pertinent, par un processus d'examen par les pairs. Celui-ci porte d'une part sur l'existence de mesures législatives et réglementaires internes (phase 1), et d'autre part sur leur application effective (phase 2).
* 90 Convention fiscale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Panama, signée à Panama le 30 juin 2011.
* 91 Convention fiscale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Botswana, signée à Gaborone le 15 avril 1999.
* 92 L'application de la directive 2014/107/UE du Conseil du 9 décembre 2014 modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal a été étendue à cinq pays tiers européens, qui ont signé des accords avec l'UE pour appliquer l'échange automatique : Suisse (27/05/2015), Liechtenstein (28/10/2015), Saint-Marin (8/12/2015), Andorre (12/02/2016) et Monaco (22/02/2016).
* 93 Seule la liste « historique » prévue au 1 de l'article 238-0 A du code général des impôts interdit l'inscription d'un État membre de l'UE. La mise à jour annuelle de la liste prévue au 2, à compter de l'année 2011, ne contient pas une telle limitation. Ceci dit, une inscription ne pourrait pas se faire au titre de l'absence de convention permettant l'échange d'informations, car la directive 2011/16/UE du Conseil du 15 février 2011 sur la coopération administrative s'applique à tous les États membres, mais seulement au titre d'une pratique effectivement défaillante des échanges d'informations.
* 94 Directive 2011/96UE du Conseil du 30 novembre 2011 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'États membres différents.
* 95 Directive 2003/49/CE du Conseil du 3 juin 2003 concernant un régime fiscal commun applicable aux paiements d'intérêts et de redevances effectués entre des sociétés associées d'États membres différents.
* 96 Article 26 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE).
* 97 Article 13 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).
* 98 Convention entre le Gouvernement de la République Française et le Gouvernement de la République de Panama en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu, signé le 30 juin 2011 à Panama.
* 99 Rapport n° 190 (2011-2012) fait par Nicole Bricq au nom de la commission des finances, déposé le 14 décembre 2011.
* 100 On peut considérer que ceci porte atteinte aux prérogatives du législateur, dans la mesure où une inscription sur la liste des ETNC emporte l'application de mesures (retenues à la source, exclusion du régime mère-fille, interdiction de la déductibilité des intérêts...) qui modifient substantiellement l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures.
* 101 Lors de l'audition du 4 mai 2016 précitée, Michèle André, présidente de la commission des finances, a souligné que les informations contenues dans ce document « sont très insuffisantes et ne permettent pas de juger de la bonne coopération avec tel ou tel pays. Par exemple, le document retrace le nombre de demandes envoyées, mais jamais le nombre de réponses reçues, ni le temps que cela a pris. Ni d'ailleurs les demandes adressées à la France. En outre, derrière dix demandes peut se cacher un seul dossier : impossible de le savoir. D'une manière générale, le document ne contient pas d'informations qualitatives ».
* 102 Lors de l'audition du 4 mai 2016 précitée, Édouard Marcus, sous-directeur de la prospective et des relations internationales à DLF, a toutefois déclaré que ce document serait publié « dans les prochaines semaines, (...) et en tout état de cause avant le 1 er juillet 2016 ».
* 103 Édouard Marcus indiquait également : « un amendement allant dans ce sens avait été adopté il y a quelques années mais le Conseil constitutionnel avait considéré qu'en l'absence de standard international établi, l'inscription de cette disposition dans la loi était prématurée ». On peut toutefois remarquer que le Conseil constitutionnel, dans le considérant n° 46 de sa décision n° 2013-679 DC du 4 décembre 2013, estimait qu' « en fixant un tel critère pour élaborer la liste [des ETNC], le législateur a retenu un critère impossible à définir à ce jour, en l'absence de consensus international sur les modalités d'un échange automatique d'informations ». Or ce consensus international existe aujourd'hui, matérialisé par la norme de l'OCDE, reprise par le G20.
* 104 Accord multilatéral entre autorités compétentes concernant l'échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers, signé à Berlin le 29 octobre 2014.
* 105 Adoptée en 2010 sous une forme extraterritoriale et unilatérale, la loi « FATCA » (« Foreign Account Tax Compliance Act ») a finalement été mise en oeuvre sous forme d'accords bilatéraux. Pour la France, il s'agit de l'accord du 14 novembre 2013, en vigueur depuis le 29 octobre 2014.
* 106 Proposition de directive numéro 2016/0010 (CNS) modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal.
* 107 Voir à cet égard le commentaire de l'article 45 bis du présent projet de loi.
* 108 Loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014.
* 109 Par courrier en date du 6 juin 2016 adressé à la direction générale des douanes et droits indirects, TLF overseas, syndicat professionnel regroupant les entreprises organisatrices de transports aériens, maritimes et commissionnaires en douane, et l'AUTF (association des utilisateurs de transport de fret), indiquent considérer que les dispositions du présent article « créent le cadre nécessaire pour une mise en oeuvre efficace tout en permettant un minimum de contrôle sécurisant les recettes de l'État. Les formalités semblent simples et faciles à mettre en oeuvre quelle que soit la taille de l'entreprise ».
* 110 Décret n° 2015-741 du 24 juin 2015 pris pour l'application de l'article L. 112-6 du code monétaire et financier relatif à l'interdiction du paiement en espèces de certaines créances.
* 111 Il s'agit des services publics faisant l'objet d'un contrat portant gestion déléguée.
* 112 Décret n° 2015-741 du 24 juin 2015 pris pour l'application de l'article L. 112-6 du code monétaire et financier relatif à l'interdiction du paiement en espèces de certaines créances.
* 113 Il s'agit des services publics faisant l'objet d'un contrat portant gestion déléguée.
* 114 La rédaction de cet article résulte de la transposition littérale dans le droit français de la convention de Genève du 19 mars 1931 ; le terme « Europe » n'a pas été précisé par la suite pour prendre en compte la construction européenne.
* 115 Statistiques de la Banque centrale européenne pour 2014.
* 116 « Cartographie des moyens de paiement scripturaux, Bilan de la collecte 2015 (données 2014) », Banque de France.
* 117 Loi n° 2011-331 du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et certaines professions réglementées.
* 118 En particulier le paiement des cantines scolaires, des activités sportives et culturelles.
* 119 « L'avenir des moyens de paiement en France », page 16, Georges Pauget et Emmanuel Constans, mars 2012.
* 120 L'article L. 131-71 du code monétaire et financier prévoit la gratuité de l'obtention d'un chéquier pour un particulier ou un professionnel.
* 121 Décret n° 2009-654 du 9 juin 2009 relatif à l'observatoire de la sécurité des cartes de paiement.
* 122 Les moyens de paiement scripturaux permettent le transfert des fonds tenus en compte suite à la remise d'un ordre de paiement. Il s'agit principalement des opérations par cartes bancaires (49,5 % des paiements scripturaux en France), des virements, des prélèvements et des chèques. Ils se distinguent de la monnaie fiduciaire constituée des billets et des pièces.
* 123 Règlement UE n° 260/2012 du 14 mars 2012 du Parlement européen et du Conseil établissant des exigences techniques et commerciales pour les virements et les prélèvements en euros, modifié par le règlement UE n° 248/2014 du 26 février 2014 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne la migration vers un système de virements et de prélèvements à l'échelle de l'Union.
* 124 Directive 2015/2366/UE du 25 novembre 2015 concernant les services de paiement dans le marché intérieur, modifiant les directives 2002/65/CE, 2009/110/CE et 2013/36/UE et le règlement 1093/2010/UE, et abrogeant la directive 2007/64/CE.
* 125 L'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation a procédé à une recodification de l'ensemble de la partie législative du code de la consommation. Cette ordonnance entrant en vigueur le 1 er juillet 2016, antérieurement à la date probable d'adoption du présent projet de loi, les références mentionnées par le présent article sont celles issues de cette ordonnance.
* 126 Baromètre du surendettement, Banque de France, 1 er trimestre 2016.
* 127 Directive 2007/64/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2007 concernant les services de paiement dans le marché intérieur.
* 128 Recommandation 2011/897 de la Commission européenne du 18 juillet 2011.
* 129 « Common principles for bank account switching », EBIC, décembre 2008. http://ec.europa.eu/internal_market/finservices-retail/docs/baeg/switching_principles_en.pdf
* 130 Le bénéfice de ce compte sur livret est réservé aux contribuables qui ont leur domicile fiscal en France et qui justifient chaque année que le montant de leurs revenus de l'année précédant celle au titre de laquelle l'imposition est établie n'excède pas les montants mentionnés au I de l'article 1417 du code général des impôts affectés d'un coefficient multiplicateur égal à 1,8.
* 131 Loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires.
* 132 Loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation.
* 133 http://www.tarifs-bancaires.gouv.fr/
* 134 Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.
* 135 Décret en Conseil d'État n° 2016-73 publié le 29 janvier 2016.
* 136 Loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit.
* 137 Décret n° 2014-474 du 12 mai 2014 pris pour l'application de l'article 6 nonies de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et portant désignation des services spécialisés de renseignement, codifié à l'article D1122-8-1 du code de la défense.
* 138 Article L. 561-15 du code monétaire et financier.
* 139 Cf. pour un exemple : Yves Brulard, Droit pénal financier, 2008, p. 242.
* 140 Le Parisien, « Les banques ferment les comptes de l'association humanitaire », 21 août 2014.
* 141 Directive 2007/64/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2007 concernant les services de paiement dans le marché intérieur.
* 142 Ordonnance n° 2009-866 du 15 juillet 2009 relative aux conditions régissant la fourniture de services de paiement et portant création des établissements de paiement.
* 143 Le système « SEPA » a été institué par le règlement UE n° 260/2012 du 14 mars 2012 du Parlement européen et du Conseil établissant des exigences techniques et commerciales pour les virements et les prélèvements en euros, modifié par le règlement UE n° 248/2014 du 26 février 2014 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne la migration vers un système de virements et de prélèvements à l'échelle de l'Union. La zone « SEPA » compte 33 pays (les 28 États membres de l'Union européenne ainsi que l'Islande, le Liechtenstein, la Norvège, la Suisse et Monaco).
* 144 Directive 2015/2366/UE du 25 novembre 2015 concernant les services de paiement dans le marché intérieur, modifiant les directives 2002/65/CE, 2009/110/CE et 2013/36/UE et le règlement 1093/2010/UE, et abrogeant la directive 2007/64/CE.
* 145 Cf. avis n° 524 (2015-2016) fait par Philippe Dallier, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, sur le projet de loi pour une République numérique, 5 avril 2016.
* 146 Considérant (39) de la DSP 2.
* 147 Cf. audition de la commission des finances du 27 janvier 2016 sur le développement des nouvelles technologies de la finance (les « fintech ») et leurs enjeux en termes économiques et de régulation.
* 148 Cf. avis n° 474 (2015-2016) fait par Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, sur le projet de renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale, 16 mars 2016.
* 149 C'est d'ailleurs ce que recommande l'autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) dans sa position 2014-P-01 du 29 janvier 2014.
* 150 Commission européenne, communiqué de presse du 10 mars 2015, IP/15/4585.
* 151 Commission européenne, communiqué de presse du 19 décembre 2007, IP/07/1959.
* 152 Décret n° 2015-1591 du 7 décembre 2015 pris pour l'application de certaines dispositions du règlement (UE) n° 2015/751 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2015 relatif aux commissions d'interchange pour les opérations de paiement liées à une carte.
* 153 Étude d'impact annexée au présent projet de loi, p. 107.
* 154 Leur échéance est tacitement reportée chaque jour. En conséquence, l'investisseur conserve son exposition.
* 155 AMF, « L'Autorité des marchés financiers et l'Autorité de contrôle prudentiel alertent le public sur certaines activités sur le FOREX », communiqué de presse du 20 septembre 2011, p. 1.
* 156 Par exemple, il est possible d'acheter une option binaire permettant de parier sur une hausse de 3 % de la parité entre l'euro et le dollar, dont l'échéance est fixée à 15 heures. À 15 heures, si la parité reste en-deçà du prix d'exercice, l'investisseur perd la totalité de sa mise de départ.
* 157 Position AMF, « Questions - réponses relatives aux opérations sur le FOREX - DOC-2011-08 », 31 mai 2011, p. 1.
* 158 http://ec.europa.eu/yqol/index.cfm?fuseaction=question.show&questionId=982.
* 159 Position AMF, « Questions - réponses relatives aux opérations sur le FOREX - DOC-2011-08 », 31 mai 2011, p. 2.
* 160 Cf. I de l'article L. 533-13 du code monétaire et financier.
* 161 Cf. III de l'article L. 533-13 du code monétaire et financier ; le PSI doit néanmoins informer son client qu'il n'est pas tenu d'évaluer le caractère approprié du service ou de l'instrument financier.
* 162 L'AMF indique ainsi que ces produits « ne peuvent en aucune façon relever du régime de l'exécution simple qui aurait pour effet d'exonérer le prestataire d'une partie de ses obligations » dans sa position précitée.
* 163 Des exceptions sont toutefois prévues, notamment pour les parts ou actions d'organismes de placement collectif en valeurs mobilières ainsi que pour les titres financiers offerts au public après établissement d'un document d'information.
* 164 On notera toutefois que certains marchés réglementés proposent ce type d'instruments financiers. À titre d'exemple, des options binaires sont négociées sur le Chicago board options exchange (CBOE).
* 165 À l'exclusion de tout document contractuel ou précontractuel.
* 166 AMF, « Étude des résultats des investisseurs particuliers sur le trading de CFD et de Forex en France », 13 octobre 2014.
* 167 AMF, « Forex, options binaires, arnaques financières en ligne : l'AMF, le Parquet de Paris, la DGCCRF et l'ACPR se mobilisent », jeudi 31 mars 2016, p. 26.
* 168 CSA, « Étude auprès des Français sur les ` arnaques' à l'investissement », novembre 2015.
* 169 AMF, « Forex, options binaires, arnaques financières en ligne : l'AMF, le Parquet de Paris, la DGCCRF et l'ACPR se mobilisent », jeudi 31 mars 2016, p. 5.
* 170 Cour de Cassation, chambre criminelle, pourvoi n° 02-83740, 18 mars 2003.
* 171 Cf. Bank of Russia, « Forex Dealers to be Called to Order », 2015 ; Leaprate, « Bank of Russia gets tough on Forex advertising », 26 janvier 2016.
* 172 Les Échos, « Chypre, paradis et enfer des courtiers en ligne », 5 août 2015.
* 173 En application du III de l'article précité, le président de l'Autorité des marchés financiers peut demander en justice qu'il soit ordonné à la personne qui est responsable de la pratique relevée de se conformer aux règlements européens, aux dispositions législatives ou réglementaires, de mettre fin à l'irrégularité ou d'en supprimer les effets. La demande est portée devant le président du tribunal de grande instance de Paris qui statue en la forme des référés et dont la décision est exécutoire par provision.
* 174 Les Échos, « Trading en ligne : les sociétés israéliennes dans le collimateur », 7 avril 2016.
* 175 Aux termes du I de l'article L. 573-1, « est puni de trois ans d'emprisonnement et de 375 000 euros d'amende le fait, pour toute personne physique, de fournir des services d'investissement à des tiers à titre de profession habituelle sans y avoir été autorisée dans les conditions prévues à l'article L. 532-1 ou sans figurer au nombre des personnes mentionnées à l'article L. 531-2 ».
* 176 Réponses au questionnaire de l'Autorité des marchés financiers.
* 177 Directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 concernant les marchés d'instruments financiers, modifiant les directives 85/611/CEE et 93/6/CEE du Conseil et la directive 2000/12/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 93/22/CEE du Conseil.
* 178 Réponses de l'AMF au questionnaire.
* 179 Réponses de l'AMF au questionnaire.
* 180 Directive 2014/65/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 concernant les marchés d'instruments financiers et modifiant la directive 2002/92/CE et la directive 2011/61/UE.
* 181 Règlement (UE) n° 600/2014 du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 concernant les marchés d'instruments financiers et modifiant le règlement (UE) n° 648/2012.
* 182 Étude d'impact annexée au présent projet de loi, p. 108.
* 183 Article 55 du règlement MIFIR.
* 184 Article D. 321-1 du code monétaire et financier.
* 185 Cf. article L. 541-4 du code monétaire et financier. Ces associations sont agréées par l'AMF.
* 186 Pour un rappel des contrats financiers visés et des éléments justifiant cette interdiction, voir le commentaire de l'article 28 du présent projet de loi.
* 187 Position AMF, « Questions - réponses relatives aux opérations sur le FOREX - DOC-2011-08 », 31 mai 2011, p. 2.
* 188 Pour une description détaillée des services d'investissement mentionnés, voir le commentaire de l'article 28 du présent projet de loi.
* 189 Pour une description détaillée des services d'investissement mentionnés, voir le commentaire de l'article 28 du présent projet de loi.
* 190 Voir le commentaire de l'article 28 bis B du présent projet de loi pour une description détaillée des personnes exonérées de l'obligation d'agrément.
* 191 Tribunal de grande instance de Paris, ordonnance de référés du 22 septembre 2014, Le Président de l'Autorité des marchés financiers en la personne de Gérard Rameix c/ S.A. NC Numericable, S.A. Orange et autres.
* 192 Source : réponses de l'AMF au questionnaire.
* 193 Pour un rappel des contrats financiers visés et des éléments justifiant cette interdiction, voir le commentaire de l'article 28 du présent projet de loi.
* 194 Article 131 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.
* 195 Amendement n° CF116.
* 196 Arrêt de la Cour (grande chambre) du 23 mars 2010, Google France SARL et Google Inc. contre Louis Vuitton Malletier SA (C-236/08), Google France SARL contre Viaticum SA et Luteciel SARL (C-237/08) et Google France SARL contre Centre national de recherche en relations humaines (CNRRH) SARL et autres (C-238/08).
* 197 Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur.
* 198 Dans son arrêt, la CJUE indique que « l'article 14 de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (`directive sur le commerce électronique'), doit être interprété en ce sens que la règle y énoncée s'applique au prestataire d'un service de référencement sur Internet lorsque ce prestataire n'a pas joué un rôle actif de nature à lui confier une connaissance ou un contrôle des données stockées. S'il n'a pas joué un tel rôle, ledit prestataire ne peut être tenu responsable pour les données qu'il a stockées à la demande d'un annonceur à moins que, ayant pris connaissance du caractère illicite de ces données ou d'activités de cet annonceur, il n'ait pas promptement retiré ou rendu inaccessibles lesdites données. »
* 199 Pour un rappel des contrats financiers visés et des éléments justifiant cette interdiction, voir le commentaire de l'article 28 du présent projet de loi.
* 200 AMF, « Forex, options binaires, arnaques financières en ligne : l'AMF, le Parquet de Paris, la DGCCRF et l'ACPR se mobilisent », jeudi 31 mars 2016, p. 9.
* 201 Paris Saint-Germain, AS Monaco, OGC Nice, Olympique Lyonnais et AS Saint-Etienne.
* 202 AMF, « Forex, options binaires, arnaques financières en ligne : l'AMF, le Parquet de Paris, la DGCCRF et l'ACPR se mobilisent », jeudi 31 mars 2016, p. 9.
* 203 Les Échos, « Chypre, paradis et enfer des courtiers en ligne », 5 août 2015.
* 204 Article 3512-4 du code de la santé publique.
* 205 Cf. Bulletin officiel des finances publiques (Bofip), BIC-RICI-20-30-10-20-20150805.
* 206 Article 23 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.
* 207 Avis n° 3778 déposé le 25 mai 2016 et présenté par M. Romain Colas au nom de la commission des finances, p. 198.
* 208 Cour de cassation, « Le temps dans la jurisprudence de la Cour de cassation », rapport annuel 2014, p. 329.
* 209 Cour de cassation, « Le temps dans la jurisprudence de la Cour de cassation », rapport annuel 2014, p. 332.
* 210 Compte rendu intégral des débats, séance du 17 juin 2009.
* 211 BOI-IS-GEO-10-50-20160601.
* 212 Loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire.
* 213 Coopérative, mutuelle, fondation et association.
* 214 L'ESS recouvre des acteurs de statut juridique et de taille variables, intervenant dans de nombreux champs d'activité - action sociale, culture, loisirs, agriculture, crédit et santé. Selon une étude publiée par l'INSEE en novembre 2014, les associations représentent plus de 80 % des acteurs de l'ESS, actives principalement dans l'action sociale, le sport et l'éducation. Les coopératives sont avant tout des coopératives de crédit ou du domaine agricole.
* 215 Loi n° 2001-152 du 19 février 2001 sur l'épargne salariale.
* 216 Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie.
* 217 En 2014, la dépense fiscale associée à l'exonération d'impôt sur le revenu des intérêts est estimée à 932 millions d'euros pour l'ensemble des trois livrets d'épargne réglementés. Elle est de 260 millions d'euros pour le LDD.
* 218 Le taux de rémunération est en principe défini selon les modalités de calcul précisées par le règlement n° 86-13 du 14 mai 1986 du comité de la réglementation bancaire et financière relatif à la rémunération des fonds reçus par les établissements de crédit, et fondées sur les taux d'intérêt et d'inflation. Néanmoins, il peut être dérogé à l'application de ce mode de calcul.
* 219 Le décret n° 2011-275 du 16 mars 2011 a mis en place le régime de centralisation des fonds du livret A et du livret de développement durable.
* 220 Rapport annuel de l'observatoire de l'épargne réglementée, juillet 2015.
* 221 Loi n° 83-607 du 8 juillet 1983.
* 222 Le seuil de 22 950 euros est applicable aux personnes physiques. Contrairement au LDD, le livret A peut aussi être souscrit par certaines personnes morales, comme des associations ; le seuil applicable est de 76 500 euros.
* 223 « Le Livret de développement durable sera désormais affecté du côté des banques, notamment pour le financement de l'économie sociale et solidaire », François Hollande, le 12 janvier 2016.
* 224 Loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 sur l'économie sociale et solidaire.
* 225 Les livrets de partage constituent un produit bancaire spécifique, relevant d'une logique de don et non d'investissement. Tout ou partie des intérêts générés sont reversés sous forme de don à un organisme d'intérêt général conduisant des activités à forte utilité sociale, relevant des dispositions de l'article 200 du code général des impôts, ouvrant droit à une réduction d'impôt.
* 226 « Zoom sur la finance solidaire », Finansol, édition 2015. L'épargne solidaire regroupe l'ensemble des placements d'épargne orientés vers des entreprises et associations à forte utilité sociale et environnementale, bénéficiant du label Finansol, attribué par un comité d'experts indépendants, ainsi qu'aux fonds communs de placement d'entreprise (FCPE) solidaires. Les sommes placées par les épargnants sur les différents supports de partage ont permis de verser 5,7 millions d'euros de dons à plus de 90 associations. Les sommes issues de l'épargne solidaire et mobilisées fin 2014 pour le financement de projets à forte utilité sociale ou environnementale s'élevaient à 1,15 milliard d'euros.
* 227 Ordonnance n° 2009-866 du 15 juillet 2009 relative aux conditions régissant la fourniture de services de paiement et portant création des établissements de paiement.
* 228 Cass.civ.2, 3 février 2011, n° U 10-13.581 ; C. Appel de Paris, 1 er novembre 2009, n° 07/18217 ; TGI de Paris, TGI de Paris 2 septembre 2007, n °05/15699.
* 229 C. Appel de Paris, 17 septembre 2013, n° 10/10272 ; TGI de Paris, 25 mars 20101 n° 08/08852.
* 230 Ce changement avait notamment pour but de mettre en conformité les contrats CLER avec un arrêté du 28 mars 1995 modifiant l'article A 132-1 du code des assurances visant à limiter, dans les contrats d'assurance vie d'une durée supérieure à huit ans, le taux minimum garanti (à la plus faible des deux valeurs entre 60 % du taux moyen des emprunts d'État et 3,5 %) afin de préserver l'équilibre financier des entreprises d'assurance.
* 231 Le « taux de l'échéance constante à 10 ans » correspond au taux quotidien de l'OAT à 10 ans.
* 232 Il convient toutefois de noter que les banques coopératives peuvent rémunérer les sociétaires indirectement, en augmentant la valeur de leurs titres. C'est la stratégie adoptée, par exemple, par la BRED, dont la valeur des parts a été portée de 8,5 euros à 10,2 euros entre 2006 et 2014 (+ 20 %).
* 233 En Italie, les quatre banques faisant l'objet d'une procédure de résolution (Banca Marche, Banca dell'Etruria e del Lazio, Cassa di Risparmio di Chieti et Cassa di Risparmio di Ferrare) avaient vendu de nombreuses obligations subordonnées de leur établissement - assimilables à des parts sociales - à leurs propres clients, sans information claire sur les risques, pour un montant estimé à 339 millions d'euros. Comme il s'agissait de créances subordonnées et non de dépôts, les clients ont couvert les pertes des établissements sans pouvoir bénéficier de la garantie des dépôts. Ces difficultés ont été particulièrement médiatisées à la suite du suicide d'un retraité ruiné dans le bail-in de Banca dell'Etruria.
* 234 Cette différence est justifiée notamment par la possibilité de sortie en capital ou en rente et par l'absence de garantie en capital à l'échéance. Ils peuvent, en outre, être débloqués avant l'échéance en cas de chômage de longue durée, d'invalidité, de décès, de surendettement ou en cas d'achat d'une résidence principale par leur titulaire.
* 235 Directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 sur l'accès aux activités de l'assurance et de la réassurance et leur exercice.
* 236 Directive européenne 2003/41/CE du 3 juin 2003 concernant les activités et la surveillance des institutions de retraite professionnelle dite « IORP ».
* 237 Pour la France métropolitaine, 25 130 €, pour la première part de quotient familial, majorée de 5 871 € pour la première demi-part et 4 621 € à compter de la deuxième demi-part supplémentaire, retenues pour le calcul de l'impôt sur le revenu afférent auxdits revenus.
* 238 Il est également possible de regrouper les porteurs d'obligations issues d'émissions successives.
* 239 Loi n° 2007-211 du 19 février 2007 instituant la fiducie.
* 240 AMF, « Le capital investissement », 27 mai 2014.
* 241 Il s'agit d'une nouvelle catégorie de fonds professionnel spécialisé mise en place par l'article 145 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques. Voir commentaire de l'article 34 bis.
* 242 Par exemple dans le cadre de l'affacturage ou du refinancement de crédits octroyés par des banques.
* 243 Étude d'impact annexé au présent projet de loi, p. 130.
* 244 Il s'agit des fonds professionnels spécialisés, des fonds professionnels de capital investissement et des organismes de titrisation.
* 245 L'article L. 214-28 impose que l'actif de ces fonds soit constitué pour 50 % au moins de titres non cotés.
* 246 Étude d'impact annexée au présent projet de loi, p. 132.
* 247 Étude d'impact annexée au présent projet de loi, p. 134.
* 248 L'article L. 214-155 du code monétaire et financier définit le client professionnel comme celui qui possède l'expérience, les connaissances et la compétence nécessaires pour prendre ses propres décisions d'investissement et évaluer correctement les risques encourus.
* 249 Part de la plus-value réalisée par un fonds d'investissements qui revient à ses dirigeants.
* 250 Site internet de l'Autorité des marchés financiers.
* 251 Si la sécurité du protocole de validation des transactions (la blockchain ) n'a jusqu'ici jamais été prise en défaut, il n'en va pas de même pour la sécurité du « stockage » de la monnaie virtuelle (le bitcoin ). Celui-ci peut se faire sur des « coffres forts » virtuels ouverts auprès de plateformes d'échange en ligne, mais le piratage puis la faillite de Mt. Gox le 28 février 2014 a démontré les risques de cette démarche. Les plateformes plus récentes, telles que Coinbase , stockent les bitcoins de leurs clients sur des disques durs enfermés dans des coffres forts physiques, auprès des banques.
* 252 Source : Santander InnoVentures, « The Fintech 2.0 : rebooting financial services », avec Oliver Wyman et Anthemis Group, 2015.
* 253 Ceci s'explique par le fait la tenue du registre des titres non cotés incombe à l'émetteur lui-même, souvent de taille plus modeste (PME etc.) qu'un émetteur de titres cotés, et que celui-ci en confie souvent le soin à un mandataire (expert-comptable, notaire, avocat, banque etc.).
* 254 Titres de placement à terme créés en 1937, les bons de caisse seront désormais des titres nominatifs d'une durée maximale de 5 ans, remis en contrepartie d'un prêt. Ils ne pourront pas être négociés et devront par principe être souscrits directement auprès de l'émetteur.
* 255 Ces titres amortissables ne pourront être émis que par les sociétés par actions et des sociétés à responsabilité limitée (SARL) qui ont établi trois bilans. Chaque émetteur sera soumis à un montant d'émission plafonné fixé par décret, calculé sur douze.
* 256 Les parts de fonds cotés peuvent ne pas être admises aux opérations d'un dépositaire central.
* 257 Rapport n° 767 (2013-2014) fait par Philippe Marini et François Marc au nom de la commission des finances, « La régulation à l'épreuve de l'innovation : les pouvoirs publics face au développement des monnaies virtuelles », déposé le 23 juillet 2014.
* 258 Les FIA regroupent l'ensemble des fonds qui lèvent des capitaux auprès d'un certain nombre d'investisseurs en vue de les investir et ne relèvent pas de la catégorie des OPCVM (organismes de placements collectifs en valeurs mobilières).
* 259 Selon la définition de l'AMF, les dépositaires ont pour rôle de « conserver les actifs détenus par les organismes de placement collectifs (OPC) et s'assurer de la régularité des décisions du fonds ou de sa société de gestion par rapport aux dispositions législatives et réglementaires applicables ainsi que celles figurant dans son prospectus. »
* 260 Ordonnance n° 2014-158 du 20 février 2014 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière financière.
* 261 Directive 2013/36/UE concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d'investissement (CRD IV).
* 262 Règlements UE n° 345/2013 (EuVECA) et n° 346/2013 (EuSEF) du 17 avril 2013.
* 263 La clause d'agrément est une disposition qui figure dans les statuts de la société ou du fonds et qui prévoit une décision d'agrément (un accord) à l'unanimité ou à la majorité des associés pour accorder l'entrée à un nouvel associé dans la société.
* 264 Clause ayant pour objet d'interdire à un ou plusieurs associés de transmettre leurs actions ou leurs parts sociales, pendant une durée limitée dans le temps.
* 265 Il s'agit alors pour la société de gestion de gérer des portefeuilles individuels d'instruments financiers pour le compte de ses clients dans le cadre d'un mandat de gestion.
* 266 Il s'agit alors pour la société de gestion de gérer des portefeuilles collectifs d'instruments financiers dans lesquels les investisseurs peuvent détenir une participation sous forme d'actions ou de parts.
* 267 Étude d'impact annexée au présent projet de loi, p. 138.
* 268 Directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 concernant les marchés d'instruments financiers, modifiant les directives 85/611/CEE et 93/6/CEE du Conseil et la directive 2000/12/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 93/22/CEE du Conseil.
* 269 Directive 2014/65/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 concernant les marchés d'instruments financiers et modifiant la directive 2002/92/CE et la directive 2011/61/UE.
* 270 L'ordonnance prévue à l'article 28 doit être prise avant le 3 juillet 2016.
* 271 AMF, « MIF 2 - Guide Sociétés de gestion de portefeuille », 16 mars 2016, p. 4.
* 272 Directive 2009/65/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant certains organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM).
* 273 Directive 2011/61/UE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2011 sur les gestionnaires de fonds d'investissement alternatifs et modifiant les directives 2003/41/CE et 2009/65/CE ainsi que les règlements (CE) n° 1060/2009 et (UE) n° 1095/2010.
* 274 Cf. AMF, « MIF 2 - Guide Sociétés de gestion de portefeuille », 16 mars 2016, p. 9.
* 275 Cf. L'AGEFI Hebdo, « MIF II n'est pas une réglementation sur la gestion », Rencontre avec Xavier Parain et Sébastien Bonfils, 16 juillet 2015.
* 276 Il convient de préciser que, par cohérence, les sociétés de gestion exerçant exclusivement une activité pour compte de tiers seront désormais agréées par l'ACPR, et non plus par l'AMF.
* 277 Le statut de l'auto-entrepreneur, créé par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie (LME), consiste en un allègement des formalités déclaratives, et à l'origine en la possibilité d'opter pour le régime micro-social. Depuis la fusion des régimes micro-social et micro-fiscal (cf. infra ), le statut de l'auto-entrepreneur ne se distingue plus de la micro-entreprise.
* 278 Hors ventes à consommer sur place et prestations d'hébergement.
* 279 Le régime du « micro-BA » a été créé par l'article 33 de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015, en remplacement du « régime du forfait agricole ».
* 280 Il est donc impossible de déduire les charges du chiffre d'affaires, et d'amortir les investissements.
* 281 Plus précisément, l'abattement de 71 % est applicable aux ventes de marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place, et à la fourniture de logement (à l'exclusion toutefois de la location, directe ou indirecte, de locaux d'habitation meublés ou destinés à être loués meublés, mais incluant les meublés de tourisme et les chambres d'hôtes). L'abattement de 50 % est applicable aux activités qui ne relèvent pas de la première catégorie.
* 282 Et les autres activités relevant de l'abattement de 71 %.
* 283 Et les autres activités relevant des abattements de 50 % et de 34 %.
* 284 Article 24 de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, dite loi ACTPE.
* 285 Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), « Les auto-entrepreneurs fin 2014 », Stat n° 214, juillet 2015.
* 286 Et aux articles L. 133-6-8 à L. 133-6-8-4 du code de la sécurité sociale.
* 287 Article 20 de la loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013.
* 288 Article 2 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015.
* 289 La formule retenue est la suivante : au 1 er janvier 2017, et à titre exceptionnel, les différents seuils « sont actualisés dans la même proportion que le rapport entre la valeur de la limite supérieure de la deuxième tranche du barème de l'impôt sur le revenu applicable aux revenus de 2016 et la valeur de la limite supérieure de la troisième tranche du barème de l'impôt sur le revenu applicable aux revenus de 2013 ».
* 290 L'article 285 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée encadre la possibilité pour les États membres d'accorder une franchise de TVA ou une dégressivité de son taux aux entreprises réalisant moins de 5 000 euros de chiffre d'affaires. Tout seuil supérieur doit faire l'objet d'une dérogation.
* 291 Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), « Les auto-entrepreneurs fin 2014 », Stat n° 214, juillet 2015.
* 292 Le régime de la micro-entreprise, anciennement régime du micro-entrepreneur, est fixé dans son volet « micro-social » par l'article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale. Voir le commentaire de l'article 37 du présent projet de loi pour une description détaillée.
* 293 Plus précisément un compte ouvert dans un des établissements mentionnés à l'article L. 123-24 du code de commerce, les établissements de crédit ou les bureaux de chèques postaux.
* 294 D'après l'étude d'impact, les frais bancaires pour un compte professionnel, très variables, peuvent être estimés à 20 euros par mois en moyenne. Ils couvrent notamment les frais de tenue de compte, les frais de virement, la location d'un terminal bancaire, l'accès à une plateforme Internet, la carte bancaire professionnelle etc. Les frais des comptes bancaires non professionnels sont estimés à 5 euros à 8 euros par mois. L'article L. 133-6-8-4 du code de la sécurité sociale n'oblige pas, en effet, à ouvrir un « compte professionnel » auprès d'une banque.
* 295 Loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, dite loi ACTPE.
* 296 AMF, « S'informer sur le document de référence », 13 avril 2015.
* 297 À titre de rappel, est considérée comme une petite entreprise toute entreprise ne dépassant pas au moins deux des trois seuils suivants :
- un bilan total de 4 millions d'euros;
- un chiffre d'affaires net de 8 millions d'euros ;
- un nombre moyen de 50 salariés durant l'exercice écoulé.
* 298 AMF, « Rapport sur le rapport du Président sur les procédures de contrôle interne et de gestion des risques », 1 er février 2016, p. 18.
* 299 AMF, rapport précité, p. 7.
* 300 Comme le rappelle l'étude d'impact, le rapport de gestion peut actuellement être intégré au document de référence. Dans ce cas, les sociétés cotées restent pourtant soumises à l'obligation de déposer le rapport de gestion au greffe du tribunal de commerce.
* 301 Proposition de directive numéro 2016/0010 (CNS) modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal.
* 302 Directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d'investissement.
* 303 L'article L. 123-16 du code de commerce précise que « Sont des petites entreprises au sens du présent article les commerçants, personnes physiques ou personnes morales, pour lesquels, au titre du dernier exercice comptable clos et sur une base annuelle, deux des trois seuils suivants, dont le niveau et les modalités de calcul sont fixés par décret, ne sont pas dépassés : le total du bilan, le montant net du chiffre d'affaires ou le nombre moyen de salariés employés au cours de l'exercice. »
Le décret n° 2014-136 du 14 février 2014 fixe ces seuils à 4 millions d'euros pour le total du bilan, 8 millions d'euros pour le montant net du chiffre d'affaires et 50 pour le nombre moyen de salariés employés.
* 304 Ces chiffres sont présentés à titre indicatif. En particulier, il ne s'agit pas des groupes établissant des comptes consolidés dans la mesure où l'INSEE ne sait pas si les entreprises établissent des comptes consolidés. Le périmètre des groupes est reconstitué en fonction des liens capitalistiques, indépendamment de la présentation des comptes, ce qui tend à majorer le nombre d'entreprises dépassant les seuils.
* 305 Cf. article 45 bis .
* 306 Les échanges intragroupes représentent environ 50 % des échanges commerciaux dans le monde. En outre, selon l'INSEE, les groupes contribuent à près de 75 % des échanges internationaux réalisés par les entreprises françaises.
* 307 Cf. Les principes de l'OCDE applicables en matière de prix de transfert à l'intention des entreprises multinationales et des administrations fiscales, publiés en 1995 et régulièrement modifiés depuis.
* 308 Loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009.
* 309 Loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière.
* 310 Loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016.
* 311 L'article 223 A du CGI précise le régime fiscal applicable aux sociétés mères et filles ; l'article 223 A bis du CGI précise le régime fiscal applicable aux établissements public industriels et commerciaux établissant des comptes consolidés.
* 312 Rapport d'information au Parlement pour 2014, sur le fondement de l'article 136 de la loi de finances pour 2011.
* 313 Environ 1 200 groupes devraient tenir à disposition de l'administration fiscale une documentation exhaustive relative à leur politique de prix de transfert en vertu des dispositions de l'article L. 13 AA du LPF ; environ 7 400 groupes devraient déclarer leurs prix de transfert à l'administration fiscale en vertu de l'article 223 quinquies B ainsi modifié.
* 314 Le dernier modèle de « convention fiscale concernant le revenu et la fortune » élaboré par l'organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) date du 15 juillet 2014.
* 315 Ainsi, le Forum mondial de l'OCDE sur la transparence fiscale évalue mise en oeuvre de l'échange d'informations par les différents pays. La France, quant à elle, dispose d'une liste des « États et territoires non coopératifs » (ETNC), fixée par l'article 238-0 A du code général des impôts. Voir à cet égard le commentaire de l'article 23 bis du présent projet de loi.
* 316 Adoptée en 2010 sous une forme extraterritoriale et unilatérale, la loi « FATCA » (« Foreign Account Tax Compliance Act ») a finalement été mise en oeuvre sous forme d'accords bilatéraux. Pour la France, il s'agit de l'accord du 14 novembre 2013, en vigueur depuis le 29 octobre 2014.
* 317 Accord multilatéral entre autorités compétentes concernant l'échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers, signé par la France et plusieurs autres pays à Berlin le 29 octobre 2014. Les 82 États et territoires signataires (au 3 juin 2016) se sont engagés à mettre en oeuvre l'échange automatique d'ici 2017 ou 2018.
* 318 Directive 2014/107/UE du Conseil du 9 décembre 2014 modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal.
* 319 Directive 2015/849/UE du Parlement Européen et du Conseil du 20 mai 2015 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme, modifiant le règlement 648/2012/UE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 2005/60/CE du Parlement européen et du Conseil et la directive 2006/70/CE de la Commission.
* 320 Article 11 de la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière.
* 321 Article 14 de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011.
* 322 Le législateur a par ailleurs habilité le Gouvernement à transposer cette directive par voie d'ordonnance par l'article 118 de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale.
* 323 Pour mémoire, les personnes visées aux 1°, 4° et 6° du même article ne sont pas concernées par la question du bénéficiaire effectif : il s'agit des personnes physiques ayant la qualité de commerçant, des établissements publics industriels et commerciaux (EPIC), et des représentations commerciaux et agences commerciales.
* 324 C'est-à-dire les personnes soumises tenues d'adresser des déclarations de soupçon à la cellule de renseignement financier Tracfin : établissements financiers, professions du chiffre et du droit etc.
* 325 Voir à cet égard le commentaire des articles 45 bis et 45 ter du présent projet de loi.
* 326 L'extrait Kbis, qui peut être demandé par toute personne, regroupe toutes les mentions portées au RCS : le nom du greffe d'immatriculation ; la raison sociale, le sigle, l'enseigne ; le numéro d'identification (anciennement numéro SIREN) ; la forme juridique (SARL, SA, GIE, SCI...) ; la devise et le montant du capital social ; l'adresse du siège ; la durée de la société ; la date de constitution ; le code NAF ; l'activité détaillée ; l'adresse du principal établissement ; la fonction, les nom, prénom, date de naissance, commune de naissance, nationalité et adresse du dirigeant principal, des administrateurs et des commissaires aux comptes.
* 327 Les informations fournies lors de la déclaration au RCS, notamment sur les actionnaires, n'ont pas à être maintenues à jour régulièrement.
* 328 Ordonnance n° 2009-104 du 30 janvier 2009 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme.
* 329 Définis par le code des assurances, article L. 211-1.
* 330 Loi n° 51-1508 du 31 décembre 1957 relative aux comptes spéciaux du Trésor pour 1952.
* 331 Code des assurances, article L. 421-1, II.
* 332 Code des assurances, article L. 421-8.
* 333 Code des assurances, article L. 421-16.
* 334 Fonds de garantie des assurances obligatoires, 2015, Rapport annuel d'activité 2014.
* 335 Cet agrément est délivré par l'ACPR.
* 336 Commission européenne, avis motivé du 18 juin 2015.
* 337 Directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d'investissement et modifiant la directive 82/891/CEE du Conseil ainsi que les directives du Parlement européen et du Conseil 2001/24/CE, 2002/47/CE, 2004/25/CE, 2005/56/CE, 2007/36/CE, 2011/35/UE, 2012/30/UE et 2013/36/UE et les règlements du Parlement européen et du Conseil (UE) n° 1093/2010 et (UE) n° 648/2012.
* 338 En effet, en l'absence d'une clause de bail-in, un créancier dont les créances seraient effacés dans le cadre d'une résolution, alors que d'autres créanciers dont le rang est identique (par exemple des dépôts d'entreprises) n'auraient pas fait l'objet d'un tel effacement, pourraient contester la légalité du renflouement au titre du principe « no creditor worst off » (« aucun créancier ne doit être plus mal traité que si la banque avait fait l'objet d'une liquidation »).
* 339 Règlement (UE) n° 806/2014 du Parlement européen et du Conseil du 15 juillet 2014 établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d'investissement dans le cadre d'un mécanisme de résolution unique et d'un Fonds de résolution bancaire unique, et modifiant le règlement (UE) n° 1093/2010.
* 340 Directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d'investissement.
* 341 Les dépôts sont garantis dans la limite de 100 000 euros par client et par établissement, en application de l'article 6 de la directive 2014/49/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relative aux systèmes de garantie des dépôts.
* 342 Il s'agit de la fraction des dépôts des personnes physiques et des PME qui excède le niveau de garantie de 100 000 euros par client et par établissement.
* 343 À l'exclusion des effets de commerce et des bons de caisse.
* 344 En tant qu'autorité de résolution, le CRU est depuis le 1 er janvier 2016 directement responsable des établissements les plus importants de la zone euro, tandis que les autorités nationales de résolution restent responsables de la résolution des autres établissements. Toutefois, le CRU devient automatiquement responsable si le plan de résolution de l'établissement prévoit l'utilisation du fonds de résolution unique. En outre, il peut toujours décider de prendre en charge une procédure de résolution, dans le cadre d'un « pouvoir d'évocation ».
* 345 Avis de la Banque centrale européenne du 23 février 2016 sur la hiérarchie des créanciers des établissements de crédit (CON/2016/7).
* 346 Cette nouvelle exigence ne vaut que pour les seuls G-SIBs (Global Systemically Important Banks).
* 347 Cf. pour une discussion de la solution propose par l'Allemagne : Opinion of the European central bank of 2 September 2015 on bank resolution (CON/2015/31).
* 348 Cf. compte rendu de l'audition par votre commission des finances le 21 mars 2016 de Mme Elke König, présidente du Conseil de résolution unique, et de M. Olivier Jaudoin, directeur de la résolution à l'ACPR.
* 349 Le franc des colonies françaises d'Afrique devient en 1958 le franc de la communauté française d'Afrique.
* 350 Ordonnance n° 2000-347 du 19 avril 2000 modifiant l'ordonnance n° 59-74 du 7 janvier 1959 portant réforme du régime de l'émission dans les départements de la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et la Réunion.
* 351 Loi n° 99-532 du 25 juin 1999 relative à l'épargne et à la sécurité financière. Le Titre IV contenait des dispositions relatives à la réforme des sociétés de crédit foncier, transférées dans le CMF par l'ordonnance n° 2000-1223 du 14 décembre 2000 relative à la partie Législative du code monétaire et financier.
* 352 Décret n° 2014-526 du 23 mai 2014 relatif au régime prudentiel des sociétés de crédit foncier et des sociétés de financement de l'habitat. L'article 1 modifie l'article R. 515-7-2 du CMF, fixant le ratio de surdimensionnement à 105 % au lieu de 102 %.
* 353 Standard & Poors, 24 juin 2014.
* 354 Fitch Ratings, 16 décembre 2014.
* 355 Décret n° 2014-1315 du 3 novembre 2014 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière financière et relatif aux sociétés de financement. L'article 4 crée l'article R. 513-5 du CMF.
* 356 À titre d'exemple, dans son rapport financier de 2015, la Compagnie de financement foncier (SCF filiale du Crédit foncier) affichait un encours de billets à ordre s'élevant à 6,57 % de l'actif.
* 357 Article 2 de l'ordonnance n° 2007-571 du 19 avril 2007 relative aux établissements de crédit, aux entreprises d'investissement et aux sociétés de crédit foncier. Cet article a créé l'article L. 515-16-1 du CMF, devenu en 2013 le L. 513-6.
* 358 Loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière. L'article 73 crée les SFH dans le CMF.
* 359 Directive 2009/65/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant certains organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM).
* 360 En raison de la limite des prêts cautionnés fixée à 35 % de l'actif total par l'article R. 513-5 du CMF.
* 361 Article 129 du règlement (UE) n° 575/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d'investissement et modifiant le règlement (UE) n° 648/2012.
* 362 D'après le rapport annuel 2015 de CIF Euromortgage, plus de 70 % de l'actif de couverture était constitué de parts d'organismes de titrisation.
* 363 D'après le rapport annuel 2015, la SCF CIF Euromortgage détenait au 31 décembre 2015 des billets à ordre représentant 8,49 % de l'actif.
* 364 Article L. 211-36 du CMF.
* 365 Loi n° 81-1 du 2 janvier 1981 facilitant le crédit aux entreprises.
* 366 La commission européenne a notamment lancé une consultation publique sur les obligations garanties dans l'Union européenne du 30 septembre 2015 au 6 janvier 2016 (consultation terminée).
* 367 Comme par exemple de nombreux chauffeurs en Amérique du Sud.
* 368 Conseil constitutionnel, N° 2013-333 QPC.
* 369 Voir sa composition dans le commentaire de l'article 54 bis B.
* 370 Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013.
* 371 Ce mécanisme est ouvert aux offices publics de l'habitat, aux sociétés anonymes d'habitations à loyer modéré, aux fondations d'habitations à loyer modéré et aux sociétés d'économie mixte exerçant une activité immobilière outre-mer.
* 372 Ce crédit d'impôt sur les sociétés s'applique à des personnes morales qui en sont largement exonérées et s'apparente donc, d'un point de vue économique, à une subvention.
* 373 Direction générale des finances publiques, bureau des agréments et rescrits.
* 374 Les organismes l'ayant obtenu pourront toutefois continuer à s'en prévaloir.
* 375 Contrôle des DREAL et des chambres régionales des comptes, notamment.
* 376 Ce dernier prévoit une réduction d'impôt sur le revenu à raison de l'acquisition ou de la construction, directement ou par l'intermédiaire d'une société, de biens dédiés au logement social.