C. FOCUS SUR LES MAISONS DÉPARTEMENTALES DES PERSONNES HANDICAPÉES
1. Des financements de l'Etat qui ne sont pas à la hauteur de la charge de travail croissante qui pèse sur les MDPH
a) Un effort de l'Etat qui reste mesuré
La contribution de l'Etat au financement des MDPH vise à couvrir leurs dépenses générales de fonctionnement ainsi qu'à compenser les vacances d'emploi liées au départ à la retraite ou à la réintégration dans leur administration d'origine de personnels de l'Etat, mis à disposition des MDPH au moment de leur création et qui n'ont pas été remplacés par des personnels de même statut après leur départ.
L'enveloppe allouée par l'Etat s'élèvera l'année prochaine à 67,6 millions d'euros , contre 66,3 millions d'euros en 2015. Ce montant global comprend le transfert de 0,2 million d'euros provenant du programme n° 155 « Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail » et de 1,3 million d'euros issus du programme n° 124 « Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative ». Comme en 2015, cette enveloppe inclut une contribution complémentaire de 10 millions d'euros, prélevée sur le budget de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA).
L'Etat n'est donc en mesure de maintenir son effort en direction des MDPH que par la mobilisation de ressources extérieures. Dans le même temps, les départements supportent une part croissante du poids du financement des MDPH. La loi Paul Blanc du 28 juillet 2011 14 ( * ) avait prévu la signature de conventions pluriannuelles d'objectifs et de moyens (Cpom) entre les MDPH et les membres du groupement d'intérêt public (GIP). Ce document devait être annexé à la convention constitutive de chaque MDPH et fixer les engagements financiers de chacun des partenaires. Les dispositions réglementaires nécessaires à son entrée en vigueur n'ont cependant jamais été publiées, ce que regrette vivement votre rapporteur.
« La convention constitutive du groupement précise notamment les modalités d'adhésion et de retrait des membres et la nature des concours qu'ils apportent. Est annexée à cette convention constitutive une convention pluriannuelle d'objectifs et de moyens signée entre la maison départementale des personnes handicapées et les membres du groupement et dont le contenu est fixé par arrêté ministériel. La convention pluriannuelle détermine pour trois ans les missions et objectifs assignés à la maison départementale des personnes handicapées, ainsi que les moyens qui lui sont alloués pour les remplir. Elle fixe en particulier le montant de la subvention de fonctionnement versée par l'Etat et précise, pour la part correspondant aux personnels mis à disposition, le nombre d'équivalents temps plein qu'elle couvre. En aucun cas cette part ne peut être inférieure au montant versé par le groupement au titre du remboursement mentionné au 1° de l'article L. 146-4-1 et figurant dans la convention de mise à disposition. Un avenant financier précise chaque année, en cohérence avec les missions et les objectifs fixés par la convention pluriannuelle, les modalités et le montant de la participation des membres du groupement. Elle mentionne le montant du concours versé par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie au conseil départemental et destiné à contribuer au fonctionnement de la maison départementale. » |
b) Un contexte budgétaire de plus en plus contraint au regard de l'augmentation de l'activité
Alors qu'elles voient leurs moyens humains et financiers se stabiliser, les MDPH sont confrontées à une augmentation continue et soutenue de leur activité .
En 2013, 1,5 million de personnes ont déposé au moins une demande dans les MDPH , en hausse de 7 % par rapport à 2012. Au total, 3,7 millions de demandes leur ont été transmises, ce qui correspond à une augmentation de 8,2 % par rapport à 2012 15 ( * ) . Sur la même période, le nombre d'équivalents temps plein (ETP) dont disposent les MDPH a progressé de 1,18 %.
Cette tendance devrait se poursuivre à l'avenir en raison de la réforme des retraites , qui a des conséquences sur le nombre de demandes de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH), de la progression de la précarité et du vieillissement de la population .
S'agissant de la nature des missions exercées par les MDPH, les directeurs auditionnés par votre rapporteur lui ont indiqué que celles-ci se trouvent en pratique placées face à deux injonctions contradictoires : gérer un nombre croissant de tâches administratives particulièrement chronophages tout en développant leur rôle d'accompagnement et d'expertise auprès des personnes handicapées et de leurs familles , le tout en conservant l'exigence d'amélioration de la qualité du service rendu , notamment de diminution des délais de traitement des demandes. Une telle équation, difficile à résoudre, est également source de frustrations, les MDPH se voyant embolisées par des missions qui pourraient être aisément allégées voire transférées à d'autres administrations.
La synthèse des rapports d'activité 2013 des MDPH indique ainsi que, sur l'ensemble des demandes adultes - soit 80 % de l'activité des MDPH, 36 % concernent des cartes d'invalidité, de priorité ou de stationnement et plus de 16 % la RQTH. Sur ces deux points, l'association des directeurs de MDPH formule des recommandations, afin que la RQTH puisse découler directement de la reconnaissance d'autres droits par la MDPH ou par d'autres organismes (attribution d'une rente d'invalidité ou AT-MP) et pour que la compétence de notification et de production des cartes de stationnement soit explicitement confiée aux directions départementales de la cohésion sociale (DDCS). Cette dernière proposition rejoint d'ailleurs l'une des recommandations formulées par Claire-Lise Campion et Isabelle Debré dans leur rapport d'information publié en juillet 2012 sur l'application de la loi « Handicap » 16 ( * ) .
Les propositions de simplification
Lors de son conseil d'administration du 11 avril 2014, l'association des directeurs de MDPH a formulé 11 mesures de simplification. Proposition n° 1 : substituer à l'élaboration systématique du plan personnalisé de compensation (PPC) un PPC « organisant l'accompagnement de la personne handicapée dans la durée (notion de parcours), en référence à ses besoins de compensation et à leur évolution dans le temps, à la mise en oeuvre de réponses adaptées et durables tenant compte de la complexité des situations, de leurs évolutions possibles, y compris en termes de rupture » . Proposition n° 2 : élargir les cas dans lesquels la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) peut attribuer des droits pour une durée supérieure à cinq ans , sur proposition de l'équipe pluridisciplinaire. Proposition n° 3 : faire découler la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) de la reconnaissance d'autres droits par la MDPH ou par d'autres organismes (attribution d'une rente d'invalidité ou AT-MP). Proposition n° 4 : supprimer les orientations « vers le marché du travail » prononcées par les CDAPH en actant le fait que toute RQTH permet, de plein droit, une orientation vers le travail en milieu ordinaire. Proposition n° 5 : harmoniser ou, a minima , clarifier la différence entre les critères d'attribution de l' allocation aux adultes handicapés (AAH) au titre de la restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi (RSDAE) et le critère de restriction de capacité de travail utilisé pour l'ouverture du droit à une pension d'invalidité ou une rente AT-MP . Proposition n° 6 : clarifier les critères d'éligibilité au complément de ressources , changer le nom de cette allocation et simplifier ses modalités d'attribution. Proposition n° 7 : ne conserver que deux types de cartes (carte de stationnement et carte de priorité) ; automatiser et sécuriser leur fabrication ; prévoir des dispositifs d'évaluation concomitante du droit à l'APA et de l'éligibilité à ces cartes. Proposition n° 8 : prévoir que les périodes validées sous une RQTH ouverte avant l'entrée en vigueur de la loi du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système de retraites continuent à compter pour le calcul des droits à retraite anticipée . Proposition n° 9 : s'agissant des aménagements d'examens , réaffirmer que la CDAPH a pour seule mission de désigner le médecin auquel les demandes doivent être adressées, et non de traiter ces demandes ; plus fondamentalement, faire désigner le médecin compétent directement par l'autorité en charge de l'organisation de l'examen. Proposition n° 10 : simplifier et dématérialiser les échanges de données entre les CAF et les MDPH. Proposition n° 11 : regrouper au sein d'une seule convention les crédits consacrés aux MDPH et regrouper les crédits Etat et CNSA sous l'égide de la seule CNSA. Source : communiqué de presse de l'AD-MDPH du 23 mai 2014 |
2. Des conditions d'exercice des missions des MDPH à consolider
a) Aller plus loin dans la mise en oeuvre des mesures de simplification du travail des MDPH
Dans un contexte d'évolution contrainte des moyens humains et financiers, la simplification et l'optimisation des procédures constitue un objectif prioritaire.
C'est tout l'enjeu du projet « Impact » (Innover et moderniser les processus MDPH pour l'accès à la compensation sur les territoires), lancé à la suite du comité interministériel pour la modernisation de l'action publique (Cimap) du 18 décembre 2013. Deux départements, le Calvados et le Nord, se sont engagés en février 2014 dans l'expérimentation de nouvelles modalités de relations avec les usagers et de nouveaux processus de traitement des demandes. Il s'agit notamment de tester de nouveaux formulaires de demandes ainsi qu'un télé-service permettant d'envoyer directement les demandes aux MDPH. Selon les réponses au questionnaire budgétaire transmis par votre rapporteur, les résultats des expérimentations menées dans ces deux départements devaient être connus à l'automne 2015 et conduire, le cas échéant, à une généralisation en début d'année 2016.
D'autres projets sont en cours s'agissant des cartes de stationnement et d'invalidité . Le système d'information « GO.CARTES », dont le déploiement était prévu pour l'automne 2015, doit permettre de simplifier le processus de fabrication et de mieux lutter contre la fraude grâce à la constitution d'une base nationale de données. L'article 30 bis A du projet de loi relatif à l'adaptation de la société au vieillissement prévoit quant à lui la délivrance quasi-automatique des cartes européennes aux bénéficiaires de l'APA relevant des groupes iso-ressources (GIR) 1 et 2. Enfin, une « carte mobilité inclusion », devrait venir remplacer, à terme, les cartes de stationnement et d'invalidité.
Plusieurs mesures décidées dans la cadre de la conférence nationale du handicap (CNH) du 11 décembre 2014 vont également dans le sens de plus de simplification. L'attribution de l'AAH pour une durée de cinq ans lorsque le taux d'invalidité est compris entre 50 % et 80 % est effective depuis la parution d'un décret du 3 avril 2015. D'autres mesures, telles que l'allongement de trois à six mois de la durée de validité des certificats médicaux joints aux demandes déposées en MDPH devraient entrer prochainement en application.
Les enjeux sont également prégnants en matière de systèmes d'information . L'un d'entre eux concerne la dématérialisation des échanges des MDPH avec les CAF, qui fait l'objet de travaux, ainsi qu'avec les établissements et services médico-sociaux. De façon générale, les analyses convergent pour considérer que, si les systèmes d'information des MDPH fonctionnent relativement bien pour le traitement des demandes sur le terrain, la remontée d'informations vers le niveau national pose beaucoup plus de difficultés, ce qui limite les possibilités de suivi statistique et de pilotage de l'activité des MDPH.
En 2015, la CNSA a confié à l'Agence des systèmes d'information partagés de santé (Asip Santé) la réalisation d'une étude de faisabilité concernant deux scénarios d'évolution des systèmes d'information des MDPH . Le premier consisterait en la mise en place d'un système d'information unique tandis que le second passerait par l'harmonisation des systèmes d'information existants à travers un processus de labellisation.
L'article 47 du projet de loi relatif à l'adaptation de la société au vieillissement laisse la voie ouverte à l'une ou l'autre de ces possibilités puisqu'il confie à la CNSA la mission de concevoir et mettre en oeuvre un système d'information commun aux MDPH et lui ouvre la possibilité de définir des normes permettant de garantir l'interopérabilité des systèmes d'information ainsi que de labelliser ces derniers lorsqu'ils sont conformes à ces normes. Votre rapporteur privilégie quant à lui la piste d'une harmonisation des systèmes d'information existants, tout en étant conscient du lourd travail de coordination qui devra être mené entre la CNSA, les MDPH et les éditeurs de logiciels pour aboutir à cet objectif .
b) Donner aux MDPH les moyens de mener à bien leurs missions d'accompagnement
Publié en juin 2014, le rapport de Denis Piveteau « Zéro sans solution » formule une série de recommandations visant à faire évoluer en profondeur les pratiques professionnelles en matière d'orientation et d'accompagnement des personnes handicapées, de façon à mettre fin aux ruptures de parcours. La mise en oeuvre de ces recommandations a été confiée à Marie-Sophie Desaulle. Quatre axes de travail ont été identifiés : la mise en place d'un dispositif d'orientation permanent par les MDPH ; le déploiement d'une réponse territorialisée ; la création d'une dynamique d'accompagnement et de soutien par les pairs ; l'accompagnement au changement des pratiques et la formation.
Le premier axe trouve une traduction dans l'article 21 bis du projet de loi relatif à la modernisation du système de santé. Cet article prévoit la mise en place, sous l'égide de la MDPH, d'un plan d'accompagnement global de la personne handicapée lorsqu'aucune solution n'a pu être trouvée ou lorsque la personne en fait la demande. Le cas échéant, l'équipe pluridisciplinaire peut, sur convocation du directeur de la MDPH, réunir un groupe opérationnel de synthèse composé des professionnels et des institutions ou services susceptibles d'intervenir dans la mise en oeuvre du plan.
Une circulaire du 22 novembre 2013 avait déjà fixé un cadre pour la gestion par les MDPH des situations critiques. L'article 21 bis va plus loin en créant une obligation pour l'ensemble des acteurs concernés de construire ensemble une solution d'accompagnement, en accord avec la personne handicapée ou son représentant légal. La MDPH aura notamment la possibilité de demander à l'ARS, aux collectivités territoriales, aux autres autorités compétentes de l'État ou aux organismes de protection sociale membres de commission exécutive (Comex) d'apporter, sous toute forme relevant de leur compétence, leur concours à l'élaboration d'une solution. L'autorité ayant délivré l'autorisation ou l'agrément d'un établissement ou service pourra permettre au gestionnaire d'y déroger afin d'assurer l'application du plan d'accompagnement global. Tout refus d'admission devra être motivé par l'autorité habilitée à la prononcer.
Les directeurs de MDPH rencontrés par votre rapporteur lui ont fait part de leurs craintes concernant la mise en oeuvre de l'article 21 bis . Sans remettre en cause dans son principe un dispositif dans lequel sont déjà engagés, à titre expérimental, vingt-trois départements, ils s'interrogent sur la capacité des MDPH à assurer la coordination des acteurs chargés de proposer le plan d'accompagnement global. Au-delà des seuls moyens financiers et humains, c'est la question des pouvoirs dont disposeront les MDPH pour assumer leur rôle de coordonnateur du dispositif d'orientation permanent qui est posée.
Afin que l'article 21 bis puisse être appliqué dans des conditions satisfaisantes, votre rapporteur a proposé à la commission des affaires sociales un amendement visant à augmenter de 10 millions d'euros la contribution de l'Etat au fonctionnement des MDPH.
3. Des enjeux complexes en matière de gouvernance
Les auditions menées par votre rapporteur lui permettent de constater un relatif consensus en faveur du maintien du groupement d'intérêt public (GIP). Aux yeux de beaucoup d'acteurs, la gouvernance mise en place par la loi du 11 février 2005 et confirmée par la loi Paul Blanc permet à la fois d'assurer une forme d'indépendance aux MDPH et constitue le cadre le mieux adapté pour permettre aux représentants associatifs d'être pleinement parties prenantes de la prise de décision.
S'agissant des maisons départementales de l'autonomie (MDA), votre rapporteur estime nécessaire d'adopter une démarche pragmatique consistant à mutualiser les tâches là où elles peuvent l'être le plus utilement, c'est-à-dire pour l'accueil, l'information et, dans une certaine mesure, l'évaluation des besoins. Beaucoup de MDA se sont développées sur les territoires en l'absence de textes susceptibles de les encadrer. La diversité de ces expériences, fonction des spécificités propres à chaque département, notamment au regard de l'implantation des centres locaux d'information et de coordination (Clic), doit être préservée.
L'article 54 ter du projet de loi relatif à l'adaptation de la société au vieillissement devrait permettre de respecter les pratiques existantes. L'organisation sous forme de MDA ne conduira pas à la création d'une nouvelle personne morale et sera soumise à l'avis conforme de la Comex de la MDPH. La délivrance par la CNSA d'un label, lorsque la MDA répondra aux prescriptions contenues dans un cahier des charges défini par décret, devrait malgré tout contribuer à donner une certaine visibilité et une ligne directrice au développement des MDA.
* 14 Loi n° 2011-901 du 28 juillet 2011 tendant à améliorer le fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées et portant diverses dispositions relatives à la politique du handicap.
* 15 CNSA, « MDPH : entre optimisation et innovation, une exigence toujours plus forte - Synthèse des rapports d'activité 2013 des MDPH », décembre 2014.
* 16 Rapport d'information n° 635 (2011-2012) de Mmes Claire-Lise Campion et Isabelle Debré, présenté au nom de la Commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois, « Loi Handicap : des avancées réelles, une application encore insuffisante », juillet 2012.