D. LE DÉLICAT PROBLÈME DU SOUTIEN AUX RIP
Les dossiers de demandes de subventions de RIP sont instruits suivant des procédures complexes et peu sécurisées pour les demandeurs, qui rassemblent notamment l'État, l'Agence nationale pour le numérique, le Commissariat général à l'investissement (CGI), l'ARCEP et la Caisse des dépôts et consignations (CDC).
Ainsi, deux phases successives sont prévues, qui passent par :
- un accord préalable de principe du Premier ministre, qui permet à la collectivité d'obtenir, avant même d'avoir lancé la sélection de son partenaire privé, une indication du niveau de financement de l'État, à partir d'un projet prévisionnel ;
- la décision de financement proprement dite , qui se traduit par la signature d'une convention entre la CDC et la collectivité. Elle n'intervient que lors de la conclusion de l'accord entre la collectivité et son partenaire privé, soit en pratique dans un délai compris entre six mois et deux ans après l'accord préalable de principe.
E. UN CERTAIN NOMBRE DE DIFFICULTÉS PERSISTANTES
Un certain nombre de difficultés obèrent la lisibilité de la politique nationale en matière de réseaux électroniques . Elles risquent d'entraîner une fracture numérique au détriment notamment des zones rurales. En dépit de progrès indéniables, elles font craindre également un retard dans l'installation des réseaux à haute performance dans certaines zones urbaines.
Parmi ces difficultés, on peut citer :
- le manque de financement des RIP .
L'État a annoncé qu'il mettait à leur disposition 3,3 milliards d'euros au titre du PFTHD, dont 1,5 milliard au total auront été engagé une fois adopté ce projet de budget. Cependant, les 900 millions d'euros du Fonds national pour la société numérique (FSN) mobilisés à cet effet dans le cadre du programme d'investissements d'avenir (PIA) tardent à être débloqués au profit de leurs bénéficiaires. Ainsi, les fonds, pour l'essentiel en autorisations d'engagement n'arrivent pas à leurs destinataires potentiels, ou du moins au compte-goutte.
En effet, le système des aides aux investissements nécessaires prévues par la France, notamment à la montée en débit sur les réseaux cuivre, n'a pas été agréé par les instances européennes, car finançant pour partie le réseau d'un unique opérateur privé ; cette absence d'agrément semble bloquer toute dynamique ;
- l'absence de volonté de faire basculer à terme précis le réseau cuivre sur le réseau optique . Ce basculement pourrait être réalisé par zones successives, afin d'assurer une progressivité. Cette perspective n'est pas partagée avec conviction par les opérateurs, qui tirent une rente du réseau cuivre, notamment Orange et les clients d'Orange sur ce réseau ;
- l'absence de visibilité sur le calendrier d'exécution et sur la volonté des opérateurs privés de réaliser leurs engagements en zones denses. La concurrence entre les opérateurs prend des chemins inattendus à la suite des restructurations qu'ils pratiquent, et notamment le rachat de SFR par Numéricable. La dénonciation par la métropole lilloise du contrat d'installation de la fibre optique par cet opérateur, auquel elle reprochait ses atermoiements et son inefficacité, en est une illustration ;
- pour certaines collectivités en butte aux difficultés budgétaires, la tentation d'utiliser l'imprécision des stratégies pour retenir a minima des investissements de montée en débit assurant une satisfaction limitée des usagers, avec le risque de pérenniser la fracture numérique sur leur territoire ;
- la nécessité pour les opérateurs privés de privilégier aujourd'hui le rachat de la bande des 700 MHz, qui exigera de leur part un apport d'environ 2,5 milliards d'euros, pour favoriser notamment l'extension de couverture en téléphonie mobile.
Parmi les observations qui concourent à contester la réalisation effective du PFTHD, nous noterons les allusions aux coûts élevés du programme.
Observons en premier lieu que sur les 20 milliards d'euros de dépenses escomptés, il y aura retour sur investissement, et donc pas de crédits publics, pour la moitié environ du coût total. Reste à financer l'autre moitié, nécessaire notamment aux zones rurales, et à comparer cette somme aux dotations de crédits publics consacrées à d'autres objectifs d'intérêt national. Nous voyons bien là la fragilité de l'argument financier conjoncturel, qui risque de pénaliser de nombreux citoyens.
En définitive , c'est une politique « au fil de l'eau » au gré des évènements, qui s'installe, gérée comme un « navire sans pilote », avec le risque de voir les usages d'internet exploser sans trouver de réponse pour tous et sur tout le territoire.