B. LA NÉCESSAIRE AMÉLIORATION DE LA TRANSPARENCE DU COMPTE
1. Le Parlement n'est pas en mesure d'exercer son contrôle de manière satisfaisante
Votre rapporteur pour avis ne peut que dénoncer le faible niveau d'information du Parlement , notamment sur le niveau et la nature des recettes, qui porte atteinte à la réalité du contrôle exercé par la représentation nationale.
D'une part, ce faible niveau d'information nuit au travail du Parlement car l'information des parlementaires se limite en réalité aux données communiquées par la presse. Ainsi le rapport sur l'Etat actionnaire et le projet annuel de performances pour 2009 ne donnent aucune indication sur certains projets dont la presse s'est fait un large écho et qui se sont réalisés dans les derniers mois, à l'exemple de la vente par l'Etat de 8 % d'Aéroports de Paris (ADP), en conséquence du rapprochement d'ADP de son homologue néerlandais Schiphols Group, annoncée le 21 octobre 2008. De même il ne fournit aucun élément sur les projets d'évolution de la structure du capital d'entreprises comme AREVA 8 ( * ) .
D'autre part, les recettes inscrites au budget pour 2009 étant purement indicatives, elles ne constituent en aucun cas un engagement, même simplement politique, du Gouvernement vis-à-vis du Parlement. En l'occurrence, il ne s'agit pas, dans le projet annuel de performances, de présenter des chiffres évaluatifs, du fait de l'impossibilité d'être précis plusieurs mois à l'avance, mais d'afficher un chiffre auquel le Gouvernement n'attache que peu d'importance et qu'il n'estime même pas nécessaire d'atteindre au cours de l'exercice budgétaire.
Pour illustration, on peut relever que pour l'exercice 2007, les recettes constatées ont été supérieures de plus de 2,7 milliards d'euros à l'objectif fixé dans la loi de finances initiale, soit un écart de près de 55 %.
A l'inverse, au 10 novembre 2008, seuls 940 millions de recettes avaient été enregistrés sur le compte , soit seulement 19 % des recettes prévues pour l'ensemble de l'exercice 2008. Le directeur général de l'APE a confirmé que les recettes seraient largement inférieures à l'objectif initial pour 2008, en raison notamment de la mauvaise conjoncture sur les marchés financiers. La dernière opération qui pourrait avoir lieu avant la fin de l'année 2008 concerne la vente par l'Etat de 8 % d'ADP, évoquée supra , qui devrait rapporter 530 millions d'euros à l'Etat. Les recettes du compte au terme de l'exercice 2008 atteindront donc au mieux 1,5 milliard d'euros .
Recettes enregistrées au 10 novembre 2008 9 ( * )
(en euros)
EDF, France Telecom, DCNS, ADP |
Règlement d'offres réservées aux salariés |
545 095 832,92 |
ADF |
Produits de cession + réduction de dotation |
333 702 000,00 |
ERNECAL |
Cession à la Nouvelle-Calédonie |
29 965 515,00 |
Dagris |
Cession à Geocoton |
12 749 275,72 |
OSEO |
Intérêts sur AA consentis à AII |
7 849 304,17 |
CDC Entreprise |
Distribution par fonds de capital |
5 496 198,09 |
Dagris |
Cession à AFD |
3 417 367,97 |
Divers |
630 429,31 |
|
Total |
938 905 923,18 |
Source : Agence des participations de l'Etat.
A travers les documents et les informations transmis par l'Agence des participations de l'Etat à votre rapporteur pour avis, tout indique que le montant affiché de 5 milliards d'euros a pour unique objectif de ne donner aucune indication sur l'orientation qui sera suivie en 2009, qu'il s'agisse d'un ralentissement ou d'une accélération des cessions de participation. Toute évolution de l'objectif de recettes pourrait constituer en effet un signal aux marchés, les cours étant très sensibles aux informations.
Ainsi le montant affiché n'est pas simplement non transparent : il se veut clairement une anti-information, visant à empêcher quiconque d'anticiper les projets du Gouvernement.
Cette situation , déjà observée sur les exercices précédents, n'est pas satisfaisante aux yeux de votre rapporteur pour avis . Certes, l'approbation du Parlement est nécessaire pour toute loi de privatisation, un vote de sa part étant nécessaire pour faire descendre la participation de l'Etat sous un seuil dans certaines entreprises. Mais tenu à l'écart de toute la préparation en amont des projets, il est alors mis devant le fait accompli.
2. Votre rapporteur pour avis souhaite accroître la transparence des informations reçues
Déjà en 2007, face à cette situation, M. Michel Bécot, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, avait présenté une série de pistes de réforme devant permettre d'obtenir un niveau raisonnable de transparence.
Votre rapporteur pour avis, cette année, reprend à son compte ces propositions qui s'orientent dans deux directions : assurer une meilleure information sur les opérations envisagées d'une part et assurer une meilleure information sur le montant des recettes attendues.
En matière d' information sur les opérations envisagées , il apparaît en effet nécessaire que le Rapport sur l'Etat actionnaire annexé au projet de loi de finances donne des indications sur les projets de cessions. Du fait des risques nés de la diffusion d'informations concernant souvent des entreprises cotées, un certain nombre d'aménagements avaient été proposés l'an dernier :
- la liste des opérations affichée pourrait ne pas être exhaustive, ou ne pas mentionner des noms d'entreprises en particulier, se contentant de faire état de stratégies dans un secteur donné ;
- il pourrait être indiqué que le programme de cession ou de prise de participation s'inscrit dans un calendrier pluriannuel, ne donnant donc pas d'éléments précis sur le terme du projet ;
- même quand le nom d'une entreprise serait clairement indiqué, différentes options pourraient être présentées, sans qu'un choix ne soit nécessairement opéré entre elles dans le rapport.
En matière d'information sur le montant des recettes , le rapporteur pour avis avait formulé plusieurs recommandations en 2007 :
- s'agissant du montant global des recettes, ce dernier devrait correspondre à une véritable prévision, même s'il n'est pas nécessaire que sa décomposition complète soit fournie. En complément pourrait figurer dans le rapport sur l'Etat actionnaire plusieurs hypothèses de recettes exposant les principaux éléments pouvant intervenir dans le choix de l'une ou de l'autre ;
- s'agissant du montant de recettes attendues de chaque opération, des indications devraient pouvoir être données, au moins pour certaines opérations affichées dans la liste des projets, avec par exemple des fourchettes de la part de capital qui pourrait être cédée ou du montant de recettes attendues.
Ces recommandations portaient donc essentiellement sur les recettes tirées de cessions de participations, source principale de recettes du compte.
Votre rapporteur pour avis, reprend à son compte l'ensemble de ces propositions et il regrette que le Gouvernement n'en ai pas tenu compte dans la présentation du projet annuel de performances pour 2009 et du rapport sur l'Etat actionnaire.
Ainsi le dernier rapport, qui porte sur l'exercice 2007, ne comporte aucune des informations souhaitées. On ne peut guère y relever que l'évocation vague de certains projets d'évolution d'entreprise, comme pour AREVA, comme indiqué supra , ou La Française des Jeux, entreprise pour laquelle il est indiqué que « afin qu'elle se développe dans des conditions similaires à ses concurrents sur le marché ouvert à la concurrence et soit compétitive, le Gouvernement a annoncé une " réflexion sur la stratégie, l'organisation, la gouvernance et l'actionnariat de la Française des Jeux " ».
Votre rapporteur pour avis considère que si ces propositions ne sont pas prises en compte, l'intérêt même d'un projet annuel de performances serait mis en question.
* 8 S'agissant d'AREVA, le rapport sur l'Etat actionnaire 2008 se contente d'indiquer que « l'Etat a entamé au second semestre 2007 une réflexion d'ensemble sur l'avenir du groupe AREVA. Il s'agit notamment d'examiner les avantages et inconvénients respectifs des différents scénarios capitalistiques et des partenariats industriels qui peuvent avoir un sens du point de vue de l'avenir du groupe, des intérêts patrimoniaux de l'Etat ainsi que de la filière nucléaire française dans son ensemble » . Votre rapporteur pour avis examinera plus précisément la situation d'AREVA dans le III du rapport.
* 9 Les dépenses du compte au 10 novembre 2008 figurent en annexe du rapport.