C. UNE NÉCESSITÉ : ENCADRER LES RISQUES DE DÉRAPAGE DES MINIMA SOCIAUX
1. Un premier bilan en demi-teinte de la décentralisation du revenu minimum d'insertion
La gestion du revenu minimum d'insertion (RMI) et du revenu minimum d'activité (RMA), désormais confiée aux départements par la loi du 18 décembre 2003 9 ( * ) , ne relève plus de la mission « Solidarité et intégration ». Pourtant, le RMI et le RMA participent éminemment à la politique nationale de lutte contre les exclusions, dont les actions sont regroupées dans le programme « Inclusion sociale » de la mission.
C'est pourquoi, votre commission souhaite établir un premier bilan de la décentralisation du RMI-RMA , sur deux points qui lui paraissent essentiels : la compensation financière par l'Etat du transfert de la gestion du RMI au profit des départements et la mise en place du contrat d'insertion - revenu minimum d'activité (CI-RMA).
a) La compensation financière versée par l'Etat aux départements
Le transfert de la gestion du RMI aux départements fait l'objet d'une compensation financière de l'Etat , grâce à l'affectation d'une fraction du produit de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP), d'un montant égal aux dépenses de l'année 2003, soit 4,94 milliards d'euros .
Dans son rapport relatif à la décentralisation du RMI 10 ( * ) , Michel Mercier a dressé un premier bilan de ce transfert de compétences. Pour l'année 2004, il estime que la compensation de l'Etat est insuffisante au regard de l'augmentation de 9 % du nombre de bénéficiaires du RMI, qui a occasionné un surcroît de dépenses de même ampleur (+ 8,3 % environ), établissant le coût total du transfert à 5,36 milliards d'euros . Il en résulte un déficit global estimé à 430 millions d'euros , la quasi-totalité des départements étant concernée et certains affichant même un déficit supérieur à 15 %.
Pour éviter qu'une telle situation ne se reproduise, l'Observatoire de la décentralisation propose que l'année 2004 serve désormais de référence à la fixation du montant de la compensation et que le RMI soit financé par des ressources plus modulables, en complément de la TIPP, telles qu'une part de la taxe spéciale sur les conventions d'assurance ou une dotation différentielle.
A compter de 2006, le Gouvernement qui s'est engagé à compenser intégralement les dépenses liées à la gestion du RMI, remettra tous les trois ans un rapport au Parlement relatif à l'évolution dans chaque département du nombre de bénéficiaires du RMI, du RMA ou du revenu de solidarité et à la gestion administrative et financière des politiques d'insertion menées localement. Ce rapport de synthèse devrait permettre, en mutualisant les expériences départementales, d'améliorer l'efficacité du dispositif et de rendre sa gestion plus performante.
Cela suppose une mobilisation active des départements et de tous les acteurs impliqués dans la gestion du RMI, en faveur de la réinsertion et du retour à l'emploi des personnes concernées.
b) Favoriser la réinsertion et le retour à l'activité des personnes bénéficiaires du RMI
Le CI-RMA, créé par la loi du 18 décembre 2003, est un contrat à durée déterminée et à temps partiel, dérogatoire du droit commun. Il vise à favoriser le retour à l'emploi des titulaires du RMI, grâce à l'activation de l'allocation, qui est alors versée à l'employeur pour diminuer d'autant le coût du travail.
Compte tenu du peu de succès rencontré par le dispositif dans les premier mois de sa mise en oeuvre, il a été modifié une première fois par la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale, puis par la loi du 26 juillet 2005 relative au développement des services à la personne.
Le CI-RMA réformé est entré en application le 26 août 2005. Il s'adresse désormais au seul secteur marchand et associatif et a été étendu aux titulaires de l'allocation spécifique de solidarité (ASS), de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et de l'allocation de parent isolé (API). De plus, lorsqu'il a la qualité d'un contrat de travail temporaire, le CI-RMA peut être renouvelé deux fois, en supprimant les délais de carence entre deux contrats ainsi que l'indemnité compensatrice de précarité versée au bénéficiaire au moment de son départ. C'est actuellement déjà le cas lorsque le CI-RMA est un contrat à durée déterminée.
Ces diverses mesures ont permis une redynamisation du dispositif : ainsi, au mois d'octobre 2005, près de 2.200 bénéficiaires du RMI et plus de 630 titulaires de l'ASS et l'API avaient signé un CI-RMA.
Le projet de loi relatif au retour à l'emploi et au développement de l'emploi, déposé à l'Assemblée nationale le 8 novembre 2005, devrait compléter utilement les dispositifs déjà mis en oeuvre pour inciter les titulaires de minima sociaux à reprendre une activité. Ce texte vise en priorité à favoriser la sortie de l'assistance des allocataires du RMI, de l'ASS et de l'API en encourageant des reprises d'emploi d'une durée suffisante pour assurer l'autonomie financière de ces salariés et de leur famille. À cette fin, il met en place un mode d'intéressement commun aux trois catégories de bénéficiaires, reposant sur le versement de primes forfaitaires, plus simple que l'actuel dispositif mais également financièrement plus avantageux.
Ainsi, tout bénéficiaire du RMI, de l'ASS ou de l'API qui reprendra un emploi d'une durée de plus de 78 heures par mois percevra pendant les trois premiers mois, son allocation en plus de son salaire ; pendant les neuf mois suivants, une prime mensuelle de 150 euros (avec une bonification de 75 euros par mois pour les familles), une prime forfaitaire de 1.000 euros au quatrième mois suivant l'embauche et la prime mensuelle pour l'emploi d'un montant moyen estimé à 66 euros.
Pour que la première heure travaillée soit encouragée, tout allocataire qui reprendra un emploi d'une durée mensuelle inférieure à 78 heures bénéficiera d'un intéressement proportionnel à son temps de travail.
Cette réforme, qui n'entraînera pas de dépense supplémentaire pour les départements, devrait représenter un coût pour l'Etat de 240 millions d'euros, pour financer la prime de 1.000 euros.
Ainsi que l'a annoncé le Premier ministre, le 1 er septembre 2005, ce texte s'inscrit dans une volonté plus large de réformer les minima sociaux, en tenant compte des droits connexes , afin d'appréhender le système de façon globale et définir des principes propres à en améliorer la cohérence.
Votre commission approuve cette démarche, identique en tous points à celle qu'elle a elle-même préconisée en matière de versement des minima sociaux 11 ( * ) .
* 9 Loi du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité.
* 10 Rapport n° 316 (2004-2005), Michel Mercier, rapporteur pour l'Observatoire sénatorial de la décentralisation, « Le RMI : d'un transfert de gestion à une décentralisation de responsabilité », 4 mai 2005.
* 11 R apport d'information n° 334 (2004-2005), « Minima sociaux : concilier équité et reprise d'activité », Valérie Létard, rapporteur au nom de la commission des Affaires sociales du Sénat.