III. LA LUTTE CONTRE LA DROGUE ET LA TOXICOMANIE : UNE POLITIQUE À CONFORTER
Le plan quinquennal de lutte contre les drogues illicites, le tabac et l'alcool a été lancé le 26 juillet 2004 pour la période 2004-2008. Il comporte neuf objectifs : prévenir les consommations, responsabiliser les acteurs, développer l'information, améliorer la prise en charge sanitaire, rétablir la portée de la loi, mobiliser le dispositif d'observation et de recherche, recentrer l'action internationale de la France, renforcer la coopération interministérielle et évaluer les politiques conduites. Il constitue l'armature de la troisième priorité de l'Etat en matière de santé publique.
En termes budgétaires, cette priorité se traduit dans le programme «drogue et toxicomanie » de la mission Santé, qui se décline en trois actions : «coordination interministérielle des volets préventif, sanitaire et répressif », « expérimentation de nouveaux dispositifs partenariaux de prévention, de prise en charge et d'application de la loi » et « coopération internationale ». Le pilotage en est assuré par la MILDT.
A. DES MOYENS LIMITÉS POUR LUTTER CONTRE UN FLÉAU DE SANTÉ
1. Des chiffres inquiétants
La drogue constitue un facteur majeur de risque sanitaire et d'exclusion sociale et pose un problème évident de sécurité intérieure.
Les derniers chiffres diffusés par l'Observatoire français des drogues et toxicomanie (OFDT) indiquent, en effet, que la consommation de substances psychoactives est aujourd'hui un phénomène massif . Si la consommation de tabac et d'alcool diminue progressivement, les chiffres le montrent, celle des drogues illicites continue d'augmenter :
- la consommation de cannabis est en augmentation continue et devient de plus en plus précoce. A dix-huit ans, plus de 50 % des adolescents en ont fait l'expérience. Parmi eux, 24 % des garçons et 9 % des filles en font un usage régulier ;
- le succès des nouvelles drogues de synthèse (ecstasy et amphétamines) se confirme, notamment dans le cadre d'une polyconsommation en milieu festif (avec du tabac, de l'alcool ou du cannabis). Une enquête menée dans les lycées parisiens montre ainsi que 4 % des garçons de dix-huit ans ont essayé au moins une fois l'ecstasy ;
- la cocaïne devient un produit recherché du fait, notamment, de la diminution de son prix et elle touche plutôt les trentenaires et les milieux socio-économiques favorisés. Par ailleurs, si l'usage de son dérivé, le crack, reste encore circonscrit aux arrondissements du Nord-Est de Paris, à la Seine-Saint-Denis et aux Antilles, la dangerosité de cette drogue et la violence qui en accompagne souvent la consommation inquiètent les spécialistes ;
- seule la consommation d'héroïne et des autres opiacés diminue depuis plusieurs années, grâce aux moyens mis en oeuvre pour développer les traitements de substitution (méthadone et Subutex). La consommation addictive, qui s'accompagne en général d'une grande exclusion sociale, ne touche que 150.000 à 180.000 personnes, dont la majorité contourne l'usage du Subutex pour l'injecter par intraveineuse et n'alimente donc pas le trafic.
Ces éléments confirment le constat dressé par la commission d'enquête du Sénat en 2003 4 ( * ) , sans qu'une amélioration visible de la situation n'ait pu être constatée depuis cette date.
Au total, le coût social de la consommation de drogues, de tabac et d'alcool est estimé à 33 milliards d'euros, soit 2,7 % du PIB. Il comprend les dépenses de santé, de prévention et de recherche mais aussi les pertes de productivité liées aux accidents et aux arrêts de travail et le coût du volet répressif (forces de l'ordre et douanes).
2. Des moyens budgétaires tronqués
a) Une dotation budgétaire traditionnellement stable
Malgré les ambitions affichées par le plan quinquennal, le budget de la MILDT demeure relativement stable depuis plusieurs années : 40 millions d'euros en 2003, puis 38 millions d'euros en 2004 et en 2005.
Le présent projet de budget dote le programme « drogue et toxicomanie » de 37,3 millions d'euros, soit une légère diminution de 1,85 % . Il comprend un seul Bop central, la MILDT, et se divise en trois actions inégalement dotées .
Les crédits du programme « drogue et toxicomanie »
Actions |
Crédits de paiement (en euros) |
Variation 2006/2005 (en %) |
Coordination interministérielle des volets préventif, sanitaire et répressif |
30.630.000 |
- 0,55 |
Expérimentation de nouveaux dispositifs partenariaux de prévention, de prise en charge et d'application de la loi |
5.500.000 |
- 8,86 |
Coopération internationale |
1.200.000 |
0 |
Total |
37.330.000 |
- 1,85 |
Fonds de concours |
1.200.000 |
Source : Direction générale de la santé
Comme pour les deux autres programmes de la mission Santé, les moyens en personnels rattachés au programme « conduite et soutien de la politique sanitaire et sociale » de la mission Solidarité et Intégration doivent être inscrits au crédit du programme « drogue et toxicomanie » pour un total de 10,2 millions d'euros, correspondant au financement de trente-sept équivalents temps plein.
b) L'imputation singulière des crédits destinés au tabac, à l'alcool et au volet sanitaire de la lutte contre la toxicomanie
L' architecture budgétaire du programme « drogue et toxicomanie », telle que construite par la LOLF apparaît imparfaite . Elle ne permet en effet pas une lecture exhaustive des crédits affectés par le ministère de la santé à la lutte contre la drogue et la toxicomanie.
En effet, 18 millions d'euros consacrés à la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme et au volet sanitaire de la lutte contre la toxicomanie dans le cadre du plan quinquennal de lutte contre les drogues illicites, le tabac et l'alcool, sont, on l'a vu, inscrits sur l'action « déterminants de santé » du programme « santé publique et prévention ».
Votre commission avait déjà dénoncé, dans son avis sur le budget de la santé pour 2005, ce découpage peu compréhensible des crédits entre ces deux programmes de la mission Santé. Elle souhaite que l' amendement qu'elle vous a présenté plus haut pour remédier à cette inscription budgétaire insincère soit adopté, pour que la mise en oeuvre de la LOLF ne se traduise pas par un recul de l'information du Parlement en la matière.
c) L'avenir incertain du fonds de concours
Par ailleurs, alors que la présentation budgétaire de la mission Santé fait état d'un fonds de concours de 1,2 million d'euros , les informations dont dispose votre commission indiquent que ce fonds va disparaître et être affecté au ministère des finances.
Ce fonds de concours, créé en 1994, est abondé par la valeur des biens et du numéraire saisis lors de l'interpellation de trafiquants par la police, la gendarmerie ou les douanes. Son montant est en augmentation continue, du fait de la mise en place progressive du dispositif. Il atteignait 70.000 euros en 2004 et 600.000 euros en 2005.
Ce fonds de concours est traditionnellement affecté à la MILDT, qui a ensuite la charge d'en ventiler le contenu entre les différents ministères concernés par la lutte contre la drogue et la toxicomanie, notamment ceux qui ont effectué les saisies, en fonction d'un programme chiffré d'actions ou d'achat de matériel en rapport avec cette politique et validé par la MILDT.
Désormais, il reviendrait au ministère des finances d'effectuer lui-même cette répartition, avec le risque de voir ces crédits distribués sans contrôler que leur utilisation sera réservée à la lutte contre la drogue.
Votre commission souhaite que la MILDT demeure compétente pour la ventilation du fonds de concours ou, à tout le moins, qu'elle puisse contrôler l'usage de ces fonds.
* 4 Drogue : l'autre cancer. Commission d'enquête du Sénat sur la politique nationale de lutte contre les drogues illicites. Rapport n° 321 (2002-2003).