CHAPITRE II -
QUELS REMÈDES À LA CRISE
FONCIÈRE ?
I. LA CRISE FONCIÈRE
Les acteurs du logement comme les élus locaux le soulignent : la construction de logements se heurte à la rareté et surtout à la cherté des terrains. On rappellera en effet que le prix du foncier représente entre 20 et 30 % du coût global d'une construction.
L'interaction entre les marchés foncier et immobilier se traduit par un cercle vicieux, l'accroissement de la demande de logements entraînant un renchérissement du foncier, celui-ci nourrissant à son tour la cherté des logements.
Or le marché foncier est soumis à un fonctionnement spécifique, caractérisé par une forte intervention des acteurs publics.
La volonté des maires, compétents en matière d'urbanisme, d'agir sur ce marché, se heurte à la complexité des procédures d'urbanisme opérationnel et à la nécessité de trouver des moyens financiers suffisants. Il apparaît donc aujourd'hui urgent de trouver des outils efficaces de régulation du marché foncier.
A. MANIFESTATIONS DE LA CRISE FONCIÈRE
Tout d'abord, votre rapporteur pour avis regrette qu'il n'existe pas de données d'ensemble au niveau national concernant le marché foncier urbain, comparables aux études menées par la Fédération nationale des sociétés d'aménagement foncier et d'équipement rural pour le marché foncier rural.
1. La spéculation foncière
On observe tout d'abord, dans les grandes agglomérations engagées dans un processus de métropolisation, un phénomène de spéculation foncière, alimenté par la forte croissance économique et démographique de ces zones, qui pèse sur la construction.
Ainsi, d'après une étude menée en 2000 par la direction régionale de l'équipement, entre 1990 et 2000, les ventes de terrains à bâtir (bâtis ou non) de Paris intra-muros ont représenté, en superficie, 6 % du total des mutations de la zone centrale francilienne (Paris et les trois départements centraux) mais plus de la moitié du montant financier total du marché foncier de cette zone centrale, en raison d'un coût au mètre carré très élevé (4.116 euros par mètre carré en valeur 1999). Les plus grandes agglomérations, comme celles de Lyon, Marseille ou Toulouse, ont connu des évolutions comparables.
Le phénomène se rencontre également dans les régions frontalières (notamment Pays genevois, Alsace) et sur les façades maritimes : Provence-Alpes-Côte d'Azur principalement, Languedoc-Roussillon, ainsi que certaines parties de la côte atlantique, notamment la Bretagne et le Pays basque.
A titre d'exemple, les prix des terrains à bâtir ont fortement progressé dans le secteur Sud-Ouest de la France entre 1998 et 2002 : à Arcachon ils sont passés en moyenne de 82.492 € à 169.269 € (soit une progression de 105 %) ; à Libourne de 30.619 € à 54.745 € (soit + 78 %). De même, la croissance des prix moyens du terrain à bâtir dans la communauté urbaine de Strasbourg s'est élevée à près de 60 % entre 1998 et 2001.
2. L'étalement péri-urbain
La rareté et la cherté des terrains tendent à rejeter vers la périphérie des villes les populations modestes mais aussi les activités de proximité. Cette évolution conduit à un étalement en tache d'huile et un mitage de l'espace rural, l'un et l'autre favorisés par l'accès à un foncier à bon marché. Or cette croissance urbaine est très consommatrice d'espaces, le plus souvent prélevés sur les terres agricoles. Elle est également très coûteuse, en raison du prix des travaux liés aux réseaux et à la voirie rendus nécessaires par l'étalement de l'habitat.
Ainsi la superficie agricole utile a diminué de 12,3 % dans les pôles urbains depuis 1988 (soit une diminution de 200.000 ha), quand, sur le reste du territoire, elle enregistrait une diminution de 3 % . Une partie importante de l'espace agricole (un tiers de la superficie agricole utile), constitutif, pour l'essentiel, de l'espace rural, relève désormais d'une gouvernance urbaine. C'est dans cet espace que la vocation multifonctionnelle de l'agriculture est la plus sollicitée pour répondre aux attentes de la société alors qu'elle s'y trouve démographiquement très minoritaire et fragilisée par le cloisonnement de l'espace et par la concurrence sur les usages du sol.
3. Des quartiers en déclin
A l'inverse du mouvement de spéculation décrit précédemment, certaines régions, caractérisées par la présence importante de friches industrielles, militaires ou urbaines, connaissent un processus de déclin qui se traduit par la multiplication d'espaces dégradés parfois pollués et de quartiers urbains déshérités.
Ainsi, d'après l'étude menée pour la région Ile-de-France par la direction régionale de l'équipement en 2000, alors que les paramètres d'aménagement en périphérie sont favorables (achat du terrain à un faible prix, existence d'un cadre de vie naturel très prisé par le marché), les quartiers existants dévalorisés ne trouvent pas les matériaux de leur renouvellement dans les « produits » demandés par le marché, situation qui aggrave leur déficit d'attractivité.
Il apparaît donc qu'étalement urbain et ségrégation sociale vont de pair et que, dans ces conditions, le renouvellement urbain des quartiers peut constituer une alternative à l'étalement urbain et un lieu possible pour la diversité sociale.