Article 62
(art. L. 341-2 du code du travail)
Subordination de l'entrée en France en vue d'y exercer une profession salariée à la connaissance de la langue française

Cet article tend à compléter l'article L. 341-2 du code du travail par un nouvel alinéa. Celui-ci a pour objet de subordonner la délivrance à un étranger d'une autorisation de travail à la justification d'une connaissance suffisante de la langue française ou à l'engagement d'acquérir cette connaissance après son installation en France . Cette nouvelle condition ne jouerait qu'en cas d'installation durable.

L'article L. 341-2 du code du travail en vigueur dispose que pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger doit présenter, outre les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur, un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail et un certificat médical.

Plusieurs catégories d'étrangers sont concernées :

- les travailleurs permanents titulaires d'une carte de séjour temporaire portant la mention « salarié » ;

- les travailleurs temporaires titulaires d'une autorisation provisoire de travail dont la validité n'excède pas neuf mois, éventuellement renouvelable ;

- les travailleurs saisonniers (huit mois au maximum).

L'article 62 du projet de loi soumettrait donc à une nouvelle condition d'entrée les travailleurs salariés « en cas d'installation durable en France ».

Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger devra présenter, outre les pièces prévues à l'article L. 341-2 du code du travail, une attestation sur l'honneur d'une connaissance suffisante de la langue française ou de son engagement à acquérir celle-ci. A l'occasion de son passage sur une plate-forme d'accueil de l'ANAEM il sera procédé à l'évaluation de son niveau de maîtrise de la langue française, au regard de l'exigence d'une connaissance suffisante du français. Si ses connaissances se révèlent insuffisantes, il lui sera demandé de s'engager expressément à acquérir le niveau linguistique requis, dans un délai maximum de deux ans. Ce délai de deux ans que fixera un décret en Conseil d'Etat correspond en pratique à la durée maximale du contrat d'accueil et d'intégration (une année renouvelable une fois). Un des objectifs visés indirectement est de rendre la signature du contrat quasi-obligatoire pour cette catégorie d'étrangers. Cet apprentissage de la langue pourra être organisé également dans le cadre de la formation professionnelle continue, les employeurs devant participer à cet effort d'intégration des populations immigrées 24 ( * ) .

Au bout de deux années, à l'occasion du renouvellement de l'autorisation de travail, les services compétents vérifieront l'acquisition de la connaissance de la langue française. Le niveau de maîtrise du français requis tiendra compte de la condition du demandeur.

Votre rapporteur tient à attirer votre attention sur la souplesse indispensable pour apprécier le respect de l'engagement d'acquérir la connaissance de la langue française. Cette disposition du projet de loi est certes conçue pour inciter ces étrangers à s'intégrer plus vite grâce à la langue. Mais elle ne doit pas être une disposition couperet pénalisant des étrangers qui travaillent.

Concernant les catégories de travailleurs salariés précisément visées par cet article, le décret en Conseil d'Etat devrait préciser ce qu'il faut entendre par l'expression « en cas d'installation durable ». Les informations recueillies par votre rapporteur au cours de ses auditions font apparaître que l'obligation concernerait les étrangers à qui a été accordée une autorisation de travail d'une durée d'un an renouvelable, sur la base le plus souvent d'un contrat de travail à durée indéterminée. Il s'agit des travailleurs titulaires d'une carte de séjour temporaire « salarié » d'une validité d'une année et renouvelable. En 2002, cette catégorie représentait 7469 personnes 25 ( * ) . Il s'agit pour 60 % de techniciens et de cadres et pour 30 % d'ouvriers et d'employés qualifiés. L'origine géographique est variée, même si 1012 personnes étaient originaires d'un pays du Maghreb. Ces données (qualifications élevées et part importante de travailleurs provenant de pays francophones) laissent supposer que l'obligation d'acquisition de la langue française ne sera pas très contraignante et ne concernera pas un volume important de travailleurs.

Les étrangers admis à venir en France pour travailler sur la base d'autorisations provisoires de travail, délivrées pour neuf mois, ainsi que les travailleurs saisonniers seraient eux exclus du champ d'application du dernier alinéa de l'article L. 341-2.

Comme le prévoit l'article 66 du projet de loi, les dispositions de cet article n'entreront en vigueur qu'à compter du 1 er janvier 2006.

Au bénéfice de ces observations, votre commission a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 62.

* 24 Voir l'article 5 de la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social qui prévoit que « les actions de lutte contre l'illettrisme et l'apprentissage de la langue française font partie de la formation professionnelle tout au long de la vie ».

* 25 En 2002, 120 448 étrangers originaires de pays tiers à l'Union européenne sont entrés en France au titre de l'immigration permanente.

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