Article additionnel après l'article 60
Coordination

Votre commission vous soumet un amendement tendant, par coordination avec l'article 60 du projet de loi, à substituer dans tous les textes législatifs les mots « agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations » aux mots « office des migrations internationales ».

La future agence se substitue à l'OMI, notamment pour la perception de plusieurs taxes affectées à l'office 16 ( * ) .

Tel est l'objet de l' article additionnel après l'article 60 que votre commission vous propose d'insérer.

Article 61
(art. L. 117-1 et L. 117-2 nouveaux
du code de l'action sociale et des familles)
Création d'un contrat d'accueil et d'intégration -
Elaboration d'un programme régional d'intégration
des populations immigrées

Cet article tend à compléter le titre I du livre I du code de l'action sociale et des familles par un chapitre VII intitulé « Personnes immigrées ». Composé de deux articles, ce chapitre ajouterait à la liste des grands axes d'intervention en matière d'action sociale, que récapitule le titre I du livre I, les actions en direction des personnes immigrées.

Les deux articles créés par le présent article ont deux objets bien distincts.

L'article L. 117-1 nouveau du code de l'action sociale et des familles tend à donner une base législative au contrat d'accueil et d'intégration 17 ( * ) (CAI) et à faire de ce contrat un critère d'appréciation de la condition d'intégration républicaine dans la société française prévue à l'article 14 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 et nécessaire à la délivrance d'une carte de résident.

Le premier alinéa de cet article L. 117-1 prévoit qu'il est proposé à tout étranger admis pour la première fois au séjour en France en vue d'une installation durable en France de conclure avec l'Etat un contrat d'accueil et d'intégration. Ce contrat précise « les conditions dans lesquelles l'étranger signataire bénéficie d'actions destinées à favoriser son intégration et les engagements qu'il prend en ce sens ».

Créé, sur recommandation du Haut conseil à l'intégration, par le comité interministériel à l'intégration du 10 avril 2003, ce contrat serait proposé par l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations (ANAEM) qui serait chargée, en vertu de l'article 60 du projet de loi, sur l'ensemble du territoire, du service public de l'accueil des étrangers titulaires, pour la première fois, d'un titre les autorisant à séjourner durablement en France. Sans se réduire au CAI, le service public de l'accueil des étrangers l'utiliserait néanmoins comme levier principal de son action.

Le troisième alinéa de l'article L. 117-1 prévoit qu'un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application de cet article et notamment les catégories d'étrangers bénéficiaires du CAI, les actions prévues au contrat et les conditions de suivi et de validation de ces actions, dont la reconnaissance de l'acquisition d'un niveau satisfaisant de maîtrise du français. Votre commission des Lois vous propose un amendement rédactionnel .

La connaissance de la langue française est en effet l'un des points essentiels de ce contrat. Cette volonté de faire de l'apprentissage de la langue française un vecteur fort de l'intégration a déjà été affirmée à plusieurs reprises par le Parlement. Ainsi, selon la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration au séjour des étrangers en France et à la nationalité, la condition d'intégration républicaine dans la société française nécessaire le cas échéant à l'obtention d'une carte de résident s'apprécie en particulier au regard de la connaissance suffisante de la langue française. Toujours selon cette loi et à l'initiative de votre rapporteur, l'acquisition de la nationalité française par le conjoint étranger d'un Français est désormais subordonnée de façon positive à la connaissance suffisante par l'intéressé, selon sa condition, de la langue française 18 ( * ) . Enfin, l'article 5 de la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social affirme que les actions de lutte contre l'illettrisme et l'apprentissage de la langue française font partie de la formation professionnelle tout au long de la vie 19 ( * ) . Les étrangers exerçant une profession salariée en bénéficieront.

L'évaluation du niveau satisfaisant de maîtrise du français doit tenir compte de la condition de l'étranger . Il ne peut être attendu d'un ouvrier peu qualifié la même maîtrise que d'un cadre.

Ce décret devrait s'inspirer directement de l'expérimentation du CAI dans 26 départements depuis le 1 er juillet 2003. Le périmètre et le contenu du contrat s'approcheraient de l'existant 20 ( * ) .

Mais la principale innovation de ce nouvel article L. 117-1 du code de l'action sociale et des familles réside en son deuxième alinéa, lequel dispose qu'il est tenu compte de la signature et du respect d'un CAI pour apprécier la condition d'intégration républicaine de l'étranger dans la société française désormais nécessaire pour obtenir une carte de résident dans un certain nombre de cas.

La loi n° 2003-119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration au séjour des étrangers en France et à la nationalité a en effet profondément modifié les règles de délivrance de la carte de résident. En effet, depuis, l'article 6 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France dispose que « lorsque la loi le prévoit, la délivrance d'une première carte de résident est subordonnée à l'intégration républicaine de l'étranger dans la société française, appréciée en particulier au regard de sa connaissance suffisante de la langue française et des principes qui régissent la République française ».

L'article 14 de l'ordonnance n° 45-2658 précitée décrit les différents cas où la décision d'accorder la carte de résident est subordonnée à la condition d'intégration républicaine. Si elle est satisfaite, la carte de résident d'une durée de dix années peut être délivrée :

- à l'étranger justifiant d'une résidence régulière non interrompue d'au moins cinq années en France ;

- au conjoint et aux enfants mineurs, ou dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire, d'un étranger titulaire de la carte de résident, qui ont été autorisés à séjourner en France ;

- à l'étranger qui est père ou mère d'un enfant français résidant en France et titulaire depuis au moins deux années de la carte de séjour temporaire visée au 6° de l'article 12 bis de l'ordonnance n° 45-2658 précitée dès lors qu'il remplit encore les conditions prévues pour l'obtention de cette carte de séjour temporaire (contribution effective à l'entretien et à l'éducation de l'enfant depuis sa naissance ou depuis au moins un an) et qu'il ne vit pas en état de polygamie.

Dans tous ces cas, la circulaire du ministre de l'intérieur n° NOR/INT/D/04/00006/C du 20 janvier 2004 relative à l'application de la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 indique aux préfets qu'il leur revient, dans le cadre de leur large pouvoir d'appréciation, de s'assurer du respect de la condition d'intégration. Elle doit s'apprécier sur la base d'un faisceau d'indices parmi lesquels l'apprentissage de la langue française, la connaissance et le respect des principes qui régissent la République française, la scolarisation des enfants, le suivi d'une formation professionnelle ainsi que la participation à la vie sociale locale. Cette même circulaire ajoute que « la signature du contrat d'accueil et d'intégration sera également à terme un élément à prendre en compte pour l'appréciation de cette condition 21 ( * ) ».

Ce dernier point est la traduction des travaux préparatoires de la loi du 26 novembre 2003 précitée. Au cours de ces travaux, votre rapporteur indiquait au nom de la commission des Lois que « la création du contrat d'accueil et d'intégration, en accompagnant les primo-arrivants, doit favoriser leur intégration ; il les guide dès leur entrée sur le territoire français vers un parcours qui peut les mener à la délivrance d'un titre de séjour de longue durée, concrétisation d'un désir d'installation durable » 22 ( * ) . L'exposé des motifs de cette même loi évoquait déjà le CAI comme l'un des indices devant permettre d'apprécier la condition d'« intégration républicaine de l'étranger dans la société française ».

La solution retenue consistant à faire du CAI un élément d'appréciation parmi d'autres permet de maintenir une certaine souplesse tout en incitant fortement les étrangers à conclure ce contrat.

D'un côté, le risque que la carte de résident ne soit pas délivrée pour non-respect ou non-signature du contrat est une sanction suffisante pour donner au CAI toute sa crédibilité. De l'autre, les préfets doivent préserver leur liberté d'appréciation, sous le contrôle du juge. Le respect du contrat ne peut à lui seul décider de la délivrance ou non d'une carte de résident. Il ne s'agit pas d'un examen ouvrant des droits automatiquement. Il s'agit d'un indicateur, un instrument d'information à la disposition du préfet pour éclairer sa décision.

A cet égard, on soulignera l'importance du décret en Conseil d'Etat qui définira les conditions de suivi et de validation du contrat d'accueil et d'intégration. Si ces conditions ne sont pas rigoureuses et ne sont pas appliquées de la même façon sur l'ensemble du territoire français 23 ( * ) , le CAI ne deviendra pas un outil de référence entre les mains des préfets.

Votre commission vous soumet un amendement rédactionnel tendant à rétablir au deuxième alinéa de l'article L. 117-1 nouveau l'expression exacte « intégration républicaine de l'étranger dans la société française » prévue aux articles 6 et 14 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945. En effet, le texte de l'article 61 du projet de loi évoque simplement la « condition d'intégration républicaine ». L'expression « intégration républicaine de l'étranger dans la société française » avait fait l'objet de vifs débats en séance publique et résultait en partie d'un amendement de votre commission des Lois.

Cet amendement remplace également la référence au quatrième alinéa de l'article 14 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 par la référence au cinquième alinéa de l'article de ladite ordonnance. L'article 6 est en effet l'article chapeau qui pose ce principe d'intégration républicaine pour la délivrance de la carte de résident, lorsque la loi le prévoit. L'article 14 n'en est qu'un développement.

Enfin, votre commission vous soumet un autre amendement rédactionnel sur ce même alinéa.

L'article L. 117-2 nouveau du code de l'action sociale et des familles tend à prévoir que dans chaque région un programme régional d'intégration des populations immigrées est élaboré sous l'autorité du préfet de région. Ce programme a un champ plus large que l'accueil des nouveaux immigrants. Il devrait associer les collectivités territoriales, les associations et les organismes publics compétents.

Cet article dispose par ailleurs qu'à la demande du représentant de l'Etat dans la région ou la collectivité territoriale de Corse, les collectivités territoriales lui font connaître les dispositions qu'elles envisagent de mettre en oeuvre.

Les communes, les départements et les régions n'ont aucune compétence en matière d'immigration. Mais dans l'exercice normal de leurs compétences, ces collectivités peuvent agir sur l'intégration des populations immigrées. A titre d'exemple, peuvent être citées les interventions des centres communaux d'action sociale, les compétences des départements en matière de travail social ou de protection maternelle et infantile, ou encore les compétences des régions en matière de formation professionnelle et d'insertion professionnelle des jeunes.

Ce programme régional devra incorporer les plans départementaux d'accueils (PDA) récemment créés . Chaque département doit s'en doter. Les PDA analysent les besoins et les ressources disponibles, répertorient les actions susceptibles d'être mises en oeuvre pour l'accueil des primo-arrivants et précisent le rôle de chaque intervenant. L'élaboration des PDA devra donc se faire sans perdre de vue l'échelon régional.

L'élaboration de ce programme régional devra également composer avec la compétence nationale du Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations (FASILD) ou de la future agence. Le FASILD notamment est organisé en délégations régionales placées sous l'autorité de son siège central à Paris. Une cohérence devra être trouvée afin de coordonner le programme régional élaboré sous l'autorité du préfet de région et le FASILD. Conscient de ces difficultés, le Gouvernement aurait engagé une réflexion pour placer les délégations régionales du FASILD sous la responsabilité du préfet de région.

Votre commission a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 61, ainsi modifié .

* 16 Articles 1635-0 bis, 1635 bis, 1635 bis-0 A.

* 17 Voir l'annexe 1.

* 18 Article 21-2 du code civil. Toutefois, avant la loi du 26 novembre 2003, le Gouvernement pouvait s'opposer à l'acquisition de la nationalité pour défaut d'assimilation issu d'une mauvaise connaissance de la langue française (ancien article 21-4 du code civil).

* 19 Article L. 900-6 du code du travail.

* 20 Voir l'encadré ci-après relatif au contrat d'accueil et d'intégration.

* 21 Si la circulaire estime que le contrat ne peut être immédiatement pris en compte pour l'appréciation de la condition d'intégration, c'est en raison de la non généralisation de ce dispositif à l'ensemble du territoire. Le contrat n'est en effet proposé que dans quelques départements et le principe d'égalité ne serait donc pas respecté. L'article 66 du projet de loi dispose que cet article n'entrera en vigueur qu'à compter du 1 er janvier 2006, c'est-à-dire à une date où le contrat devrait être proposé à tous les primo-arrivants sur l'ensemble du territoire national.

* 22 Page 11 du rapport n° 1 (2003-2004) de M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur au nom de la commission des Lois.

* 23 Ce risque est important, étant donné que de nombreuses prestations, notamment les cours de langue, seront fournies par des opérateurs extérieurs. Le contrôle régulier de ces opérateurs est nécessaire.

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