CHAPITRE IV
ACCUEIL ET INTÉGRATION DES PERSONNES
ISSUES DE L'IMMIGRATION

Article 60
(art. L. 341-9 et L. 341-10 du code du travail)
Création d'une Agence nationale de l'accueil
des étrangers et des migrations

Cet article tend à réécrire la section 2 du chapitre premier du titre IV du livre III du code du travail. Il substitue à l'Office des migrations internationales (OMI), qui fusionne avec le Service social d'aide aux émigrants (SSAE) 8 ( * ) , une Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations (ANAEM).

I. - Le droit en vigueur

La section 2 du chapitre premier du titre IV du livre III du code du travail, intitulée « Office des migrations internationales », comporte deux articles L. 341-9 et L. 341-10.

L'article 29 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France avait créé auprès du ministre du travail un Office national d'immigration (ONI) doté du monopole, d'une part, du recrutement et de l'introduction en France des travailleurs étrangers et originaires des territoires d'outre-mer et, d'autre part, du recrutement en France des travailleurs de toutes nationalités pour l'étranger.

Aux termes de la loi n° 73-4 du 2 janvier 1973, les missions de l'ONI ont été inscrites à l'article L. 341-9 du code du travail. Renommé Office des migrations internationales en 1988, cet organisme a vu diversifier ses attributions depuis 1975. Etablissement public administratif, l'OMI s'est adapté à la conjoncture depuis sa création en abandonnant de facto son monopole en certaines matières et en développant de nouvelles missions.

L'article L. 341-9 fixe les missions de l'OMI.

• Historiquement, le coeur des compétences de l'OMI a consisté à introduire en France des travailleurs étrangers. Cette compétence perdure.

La rédaction de l'article L. 341-9 n'a pas évolué depuis 1973, qui reprenait elle-même les termes de l'ordonnance du 2 novembre 1945 précitée. Selon cet article, la compétence de l'OMI serait même plus large puisqu'elle concernerait également le recrutement en France et l'introduction en métropole des travailleurs originaires des territoires d'outre-mer ainsi que le recrutement en France des travailleurs de toutes nationalités pour l'étranger. En réalité, ces compétences ont été abandonnées par l'OMI qui ne les exerce plus. Elle ne conserve des compétences que pour l'introduction en France de travailleurs étrangers.

Toujours selon cet article, l'OMI a le monopole de l'introduction de travailleurs étrangers. Mais là encore, il convient de constater le décalage avec la réalité.

Certes, l'OMI conserve de nombreuses compétences en matière d'introduction de travailleurs étrangers en France, mais il n'est qu'un point de passage obligé pour l'introduction des travailleurs ressortissants de pays tiers à l'Union européenne. Il revient aux préfectures et aux directions départementales du travail de viser les propositions de contrat de travail et de délivrer les autorisations de travail correspondantes nécessaires à l'entrée de l'étranger en vue de l'exercice d'une profession salariée. L'OMI intervient une fois que ces services ont donné leur accord . L'office convoque l'intéressé pour une visite médicale , puis lui remet un exemplaire du contrat de travail visé par l'administration et une convocation pour aller retirer soit, à la préfecture, une carte de séjour portant la mention « salariée », soit, à la direction départementale du travail, l'autorisation provisoire de travail 9 ( * ) .

Par ailleurs, dans le cadre de la lutte contre l'emploi irrégulier d'étrangers et les trafics de main d'oeuvre étrangère, l'OMI assure le recouvrement à son profit d'une contribution spéciale d'un montant égal à mille fois le taux horaire du minimum garanti 10 ( * ) . Cette amende administrative appliquée aux employeurs d'étrangers non autorisés à travailler est mise en oeuvre sur la base des procès-verbaux d'infractions transmis à l'OMI par les directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.

• L'OMI a également pour mission de participer aux actions administratives, sanitaires et sociales relatives à l'entrée et au séjour d'une durée inférieure ou égale à trois mois des étrangers .

Cette mission recouvre aujourd'hui la possibilité donnée aux maires de demander à l'office de procéder sur place à la vérification des conditions normales de logement dans le cadre de la délivrance d'une attestation d'accueil. L'article 5-3 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 dans la rédaction issue de la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 permet en effet aux maires de refuser de valider une attestation d'accueil si l'étranger ne peut être accueilli dans des conditions normales de logement.

• L'article L. 341-9 du code du travail donne compétence à l'OMI en matière d'établissement des étrangers en France. Cette notion a plusieurs traductions concrètes.

L'office est ainsi chargé depuis 1986 d'assurer le contrôle médical des étrangers à qui un titre de séjour est délivré et qui ne sont ni des travailleurs, ni des membres de leurs familles (étudiants, visiteurs, bénéficiaires de la carte de résident de plein droit, réfugiés).

Dans le cadre du regroupement familial , l'Office des migrations internationales a plusieurs fonctions. En 1994, l'OMI a été chargé dans sept départements de recevoir directement les demandes de regroupement familial afin de soulager les directions départementales des affaires sanitaires et sociales. En outre, l'OMI peut procéder à des vérifications sur place des conditions de logement et de ressources.

• Toujours selon le même article du code du travail, l'OMI a la charge du rapatriement et de la réinsertion des étrangers dans leur pays d'origine. Il gère les différents dispositifs pour favoriser le retour volontaire des étrangers. De 1984 à 2001, près de 74 000 personnes en ont bénéficié.

• Enfin, l'office participe à l'emploi des Français à l'étranger et à la réinsertion en France des Français ayant résidé à l'étranger .

Pour l'emploi des Français à l'étranger, l'OMI et l'ANPE ont décidé par la convention du 26 février 1999, de fusionner, à Paris et dans cinq régions en Province, leurs structures chargées de l'emploi à l'étranger au sein d'un Espace emploi international. Dans les autres régions, l'ANPE s'en occupe seule. A l'étranger, participent à cette mission également les comités consulaires pour l'emploi et la formation professionnelle relevant du ministère des affaires étrangères.

Toutes les missions ci-dessus entrent dans le champ des compétences de l'OMI tel que le définit l'article L. 341-9 du code du travail.

Récemment, de nouvelles missions ont complété ce champ de compétences. Les méthodes de travail ont aussi été modifiées afin de mettre en place le contrat d'accueil et d'intégration.

Ainsi, outre le contrôle médical des demandeurs d'asile, l'Office des migrations internationales s'est vu confier à partir de janvier 2003 la tutelle du dispositif sanitaire visant à protéger la santé des demandeurs d'asile hébergés dans les Centres d'accueil pour demandeurs d'asile puis , à compter du 1 er janvier 2004, la coordination du dispositif national d'accueil et d'hébergement des demandeurs d'asile durant la procédure d'examen de leur demande.

Enfin, l'OMI a développé des plate-formes d'accueil pour les étrangers titulaires pour la première fois d'un titre de séjour. Les primo-arrivants peuvent trouver en un site identifié unique une offre coordonnée de différents services adaptés à leurs premiers besoins et à leurs attentes. C'est en s'appuyant sur cette nouvelle organisation que le contrat d'accueil et d'intégration a été mis en place et proposé aux étrangers se présentant à ce guichet unique. Cette nouvelle logique organisationnelle a conduit à l'ouverture progressive des procédures d'accueil à un public élargi. Outre le public initial des bénéficiaires du regroupement familial, des étrangers venant travailler en France et des familles de réfugiés, entrent désormais dans le champ des dispositifs d'accueil pilotés par l'OMI les réfugiés eux-mêmes et les étrangers régularisés.

Le bilan de l'activité de l'OMI pour 2003 peut être ainsi résumé :

- 200 000 visites médicales de contrôle d'étrangers arrivant en France ;

- 25 000 primo-arrivants accueillis sur les plates-formes d'accueil ;

- 10 000 contrats d'accueil et d'intégration conclus (dans 12 départements pilotes) ;

- environ 1 000 aides au retour volontaire dans les pays d'origine ;

- environ 200 recrutements de personnels médicaux et para-médicaux étrangers pour les hôpitaux français,

- 7 000 travailleurs salariés permanents introduits en France.

Le dernier alinéa de l'article L. 341-9 prévoit enfin que l'OMI peut recruter pour l'exercice de ses missions des agents non titulaires sur des contrats à durée indéterminée. La loi n° 93-121 du 27 janvier 1993 portant diverses mesures d'ordre social a ouvert cette faculté.

L'article L. 341-10 du code du travail dispose qu'un décret en Conseil d'Etat détermine l'organisation de l'office, les conditions de son fonctionnement et les règles de sa gestion financière et comptable 11 ( * ) . Ce décret fixe également les modalités d'application de l'article L. 341-9 relatif aux missions de l'OMI.

II. - Le projet de loi

L'article 60 réécrit la section 2 dont l'intitulé deviendrait « Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations ».

Toujours composée de deux articles L. 341-9 et L. 341-10, cette section définit le statut, l'organisation, les ressources et les missions de cette nouvelle Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations qui se substitue à l'Office des migrations internationales et absorbe les activités et les moyens de l'association « Service social d'aide aux émigrants » (SSAE).

L'objectif de cette réforme est de mieux organiser le premier accueil qui conditionne une part importante de la réussite du processus d'intégration ultérieure. Afin de fournir un accueil personnalisé, la solution retenue par le projet de loi est de constituer un grand opérateur public fédérant les initiatives.

L'article L. 341-9 dans la rédaction du projet de loi tire les conséquences de ces orientations nouvelles. Les compétences de l'ANAEM regroupent celles, réactualisées, de l'OMI 12 ( * ) et celles du SSAE 13 ( * ) . Surtout, conformément au Comité interministériel à l'intégration du 10 avril 2003, un service public de l'accueil élargi à tous les étrangers ayant vocation à séjourner durablement et régulièrement en France est mis en place sur l'ensemble du territoire sous la responsabilité de cette agence. Cette nouvelle dénomination, Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations, est plus conforme à la diversité des métiers de l'OMI et du SSAE actuels.

En premier lieu, l'article L. 341-9 nouveau prévoit explicitement que l'ANAEM est un établissement public administratif de l'Etat , ce qui était déjà le cas de l'OMI

En second lieu, il indique ses missions .

• Tout d'abord, comme indiqué précédemment, l'agence serait chargée, sur l'ensemble du territoire, du service public de l'accueil des étrangers titulaires, pour la première fois, d'un titre les autorisant à séjourner durablement en France. Toutefois, seraient concernées aussi des catégories d'étrangers n'ayant pas nécessairement vocation à s'installer durablement en France, notamment les demandeurs d'asile. Ce service public consisterait pour l'essentiel à proposer aux étrangers primo-arrivants la signature avec l'Etat d'un contrat d'accueil et d'intégration 14 ( * ) (CAI).

• Ensuite, l'agence conserverait les compétences effectives de l'OMI. Il s'agit de celles relatives :

- à l'entrée et au séjour d'une durée inférieure ou égale à trois mois des étrangers ;

- à l'introduction en France au titre du regroupement familial d'étrangers ressortissants de pays tiers à l'Union européenne ;

- au contrôle médical des étrangers admis à séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois ;

- au retour et à la réinsertion des étrangers dans leur pays d'origine ;

- à l'emploi des Français à l'étranger.

Pour ces missions, l'agence participerait à toutes actions administratives, sanitaires et sociales.

Concernant l'introduction d'étrangers ressortissants de pays tiers à l'Union européenne en vue d'y effectuer un travail salarié, l'agence ne jouirait donc plus du monopole théorique de l'OMI en cette matière , monopole qui de fait n'a jamais existé comme il a été vu ci-dessus.

L'agence ne perd qu'une compétence par rapport à l'OMI, celle de la réinsertion en France des Français ayant résidé à l'étranger. Mais cette compétence n'était plus exercé par l'office.

• L'ANAEM gagnerait par rapport à l'OMI la mission de participer à l'accueil des demandeurs d'asile.

Cette innovation n'est que la pérennisation d'une évolution entamée. En charge de la coordination du dispositif d'accueil et d'hébergement des demandeurs d'asile depuis janvier 2004, l'OMI reçoit aussi les demandeurs d'asile et les réfugiés sur ses plates-formes.

En outre, le SSAE qui est absorbé par l'agence a développé de nombreuses actions en direction des demandeurs d'asile. Il conduit, à partir d'une évaluation de la situation sociale du demandeur, une action sociale spécifique avec pour objectif, d'une part, l'accès aux droits sociaux et aux prestations spécifiques de droit commun, d'autre part, l'insertion des réfugiés statutaires dans la société française. Rappelons également que jusqu'au 31 décembre 2003 le SSAE distribuait pour le compte de l'Etat l'allocation d'attente destinée aux demandeurs d'asile.

Tous ces éléments justifient entièrement cette nouvelle compétence de l'agence.

Enfin, le dernier alinéa de l'article L. 341-9 nouveau prévoit que l'ANAEM peut associer à ce service public de l'accueil des étrangers titulaires, pour la première fois, d'un titre les autorisant à séjourner durablement en France tous organismes privés ou publics, notamment les collectivités territoriales. L'article 63 du projet de loi fait écho à cette faculté en prévoyant que le Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations participe à ce service public assuré par l'agence dans les conditions prévues à l'article L. 341-9 du code du travail, c'est-à-dire par la voie de convention.

L'article L. 341-10 nouveau du code du travail précise l'organisation de l'agence. Elle serait administrée par un conseil d'administration et dirigée par un directeur général. Celui-ci ainsi que le président du conseil d'administration seraient nommés par décret. Ses ressources seraient constituées par des taxes, des redevances et des subventions de l'Etat. Ces dispositions n'innovent pas par rapport au droit en vigueur, si ce n'est qu'elles figurent dans la loi et non plus dans le règlement 15 ( * ) .

Toutefois, ce projet d'article L. 341-10 prévoit que le conseil d'administration serait composé, outre son président, de représentants de l'Etat, de représentants du personnel de l'agence et de personnalités qualifiées. Or, l'article R. 341-11 en vigueur dispose que les membres de ce conseil sont désignés par les différents ministres concernés parmi les fonctionnaires de leurs ministères. Il ne comporte pas de représentants du personnel ou de personnalités qualifiées. La composition du conseil d'administration serait donc sensiblement modifiée.

Un décret en Conseil d'Etat devrait préciser ces règles d'organisation et de fonctionnement.

Enfin, l'avant dernier alinéa de cet article L. 341-10 nouveau prévoit que l'agence peut recruter des agents non titulaires sous contrat à durée indéterminée. L'article L. 341-9 en vigueur le permet déjà. La plupart des 573 agents de l'OMI sont d'ailleurs recrutés sur de tels contrats.

III. - Les propositions de votre commission des Lois

Le dernier alinéa du texte proposé par l'article 60 du projet de loi pour l'article L. 341-9 du code du travail prévoit que l'agence peut par convention associer au service public de l'accueil des étrangers titulaires, pour la première fois, d'un titre les autorisant à séjourner durablement en France tous organismes privés ou publics, notamment les collectivités territoriales.

Or, les missions de la future agence ne se limitent pas à ce service public de l'accueil comme le prévoit l'article L. 341-9 du code du travail. L'agence a besoin de conclure des accords dans le cadre de ses autres missions. D'ores et déjà, l'Office des migrations internationales passe des conventions avec des fondations privées ou des associations étrangères pour la mise en oeuvre des actions de réinsertion dans les pays d'origine, ainsi qu'avec l'Organisation internationale des migrations (OIM) pour l'organisation de retours volontaires.

Votre commission vous propose donc un amendement étendant à toutes les missions de l'agence la possibilité de conclure des conventions.

Votre commission a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 60 ainsi modifié .

Article additionnel après l'article 60
(art. L. 364-6, L. 364-8 et L. 364-9 du code du travail)
Infractions pénales - coordination

Votre commission vous soumet un amendement tendant à tirer les conséquences de la suppression par l'article 60 du projet de loi du monopole de l'Office des migrations internationales en matière d'introduction des travailleurs étrangers en France.

L'article L. 364-6 du code du travail érige en infraction pénale punie de cinq ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende le non-respect de ce monopole.

L'ANAEM qui reprend les compétences de l'OMI n'aurait plus ce monopole. Les sanctions pénales correspondantes n'ont donc plus lieu d'être.

Votre commission juge donc nécessaire d'abroger l'article L. 364-6 ainsi que par coordination les références à cet article dans les articles suivants relatifs aux peines complémentaires.

Tel est l'objet de l' article additionnel après l'article 60 qu'elle vous propose d'insérer.

* 8 Voir le commentaire sous l'article 64 du projet de loi.

* 9 L'autorisation provisoire de travail dont la durée n'excède pas neuf mois, renouvelable, est délivrée pour un employeur déterminé et pour un emploi précis.

* 10 Article L. 341-7 du code du travail.

* 11 Voir les articles R. 341-9 à R. 341-41 du code du travail.

* 12 Le projet de loi est l'occasion d'une remise à plat des compétences de l'Office des migrations internationales, certaines étant tombées en désuétudes, d'autres émergeant. L'article L. 341-9 du code du travail ne correspond plus à la réalité et mérite une réactualisation. Voir également ci-dessus.

* 13 Voir le commentaire sous l'article 64.

* 14 Voir aussi les commentaires sous les articles 61 et 63.

* 15 Articles R. 341-11, R. 341-12 et R. .341-25 du code du travail. L'ANAEM a été considérée comme une nouvelle catégorie d'établissement public administratif et relève à ce titre du domaine de la loi selon l'article 34 de la Constitution. Les principales caractéristiques de son organisation en relève également.

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