B. DES QUESTIONS NON RÉSOLUES POUR 2004 EN MATIÈRE D'ÉVALUATION
1. Le retrait « annoncé » du Commissariat général du Plan pour 2004
En présentant ses orientations pour définir la nouvelle identité du Commissariat général du Plan, M. Alain Etchegoyen a clairement exprimé le souhait que le Commissariat ne soit plus l'organisme chargé de l'évaluation des politiques publiques. Il a fait valoir que la démarche intellectuelle de l'évaluation différait de celle de la prospective, celle-ci « faisant davantage appel à l'imagination, à la créativité, à l'invention de scenarii différents » alors que celle-là « requiert des méthodes d'analyse, de qualification, de rigueur . »
Considérant qu'il ne disposait pas des forces nécessaires pour remplir deux missions à la fois, il a proposé au Premier ministre que l'évaluation des politiques publiques revienne à une instance indépendante.
Néanmoins, dans le projet de loi de finances pour 2004, les crédits d'évaluation tant des politiques publiques que des contrats de plan Etat-région sont toujours inscrits dans le budget du plan au chapitre 34-98 du titre IV mais ils enregistrent respectivement une diminution de 15,52 % pour l'évaluation des politiques publiques et de 16,62 % pour l'évaluation des contrats de plan Etat-régions.
Crédits d'évaluation dans le projet de
loi de finances pour 2004
(titre III - chapitre 34-98)
(euros)
Budget voté 2003 |
Projet de loi de finances 2004 |
% 2004/2003 |
|
Art. 40 - Conseil national de l'évaluation (CNE) |
27 597 |
27 517 |
- |
Art. 60 - Evaluation des politiques publiques |
708 766 |
598 766 |
- 15,52 |
Art. 70 - Evaluation des contrats de plan Etat-région |
1 094 909 |
912 909 |
- 16,62 |
En 2003, ces crédits avaient déjà diminué de 26,21 % et 21,5 % et votre rapporteur pour avis s'était alors inquiété de cette forte baisse, alors même que l'examen de la consommation des crédits sur 2001 et 2002 montrait que cette activité du Commissariat était bien engagée.
Or, selon les informations transmises à votre rapporteur pour avis, les crédits disponibles ont été consommés ou engagés, et le Commissariat général du plan a même dû refuser certaines demandes d'évaluation présentées par les préfets de région.
Certes, le Commissariat général du plan souhaite être déchargé de cette mission d'évaluation, mais néanmoins, et quelque soit l'organisme qui prendra le relais, il convient de veiller à ce que celui-ci dispose de moyens budgétaires suffisants, pour conduire cette mission qui est essentielle dans le cadre de la rénovation du fonctionnement de l'Etat.
Lors de l'examen à l'Assemblée nationale 2 ( * ) des crédits affectés aux services du Premier ministre pour 2004, M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat a proposé « à la représentation nationale un rendez-vous commun, par exemple au début de l'année prochaine, pour faire le point sur l'évaluation des politiques publiques puisque le Commissariat général du Plan n'assumera plus cette mission ».
2. Quelles perspectives pour l'évaluation des politiques publiques et des contrats de plan Etat-région
Faut-il recommander la mise en place d'une autorité administrative indépendante, comme le recommande le rapport de la mission d'évaluation et de contrôle 3 ( * ) ou préconiser l'organisation en réseau de comités d'évaluation placés auprès des ministères, et dans lesquels le Parlement et la société civile seraient représentés, solution qui aurait la préférence de la Délégation à la planification du Sénat, qui doit remettre prochainement ses conclusions sur ce thème.
En tout état de cause, pour être pleinement efficace, l'outil d'évaluation qui doit être mis en place en 2005 devra répondre à des préconisations fondamentales, que votre rapporteur pour avis juge important de rappeler ici .
L'organe d'évaluation devra être au service de l'exécutif comme du Parlement . Il faut en effet veiller à ce que les erreurs commises lors de la mise en place du Conseil national de l'évaluation et que votre commission avait dénoncées à plusieurs reprises ne se reproduisent pas.
En effet, le décret n° 98-1048 du 18 novembre 1998 relatif à l'évaluation des politiques publiques ne prévoyait pas que le Parlement puisse saisir le CNE d'un projet d'évaluation et les assemblées n'étaient même pas destinataires officiellement des rapports d'évaluation réalisés.
Dans le nouveau système d'évaluation, il importe au contraire que le Parlement soit associé étroitement à la détermination du programme d'évaluation, ce dernier pouvant être ainsi fixé sur la base de thèmes proposés par l'exécutif et le Parlement.
Ceci est d'autant plus indispensable que la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances accroît sensiblement le pouvoir de contrôle budgétaire du Parlement. En mettant l'accent sur la recherche de l'efficacité et de la nationalisation de la dépense publique, la nouvelle loi organique rend nécessaire le renforcement de la capacité parlementaire d'évaluation budgétaire, qui doit « devenir l'aiguillon de la réforme de l'Etat 4 ( * ) ». Pour ce faire, le Parlement doit pouvoir s'appuyer sur une structure d'évaluation spécialisée.
L'instance d'évaluation à mettre en place en 2005 devra également être partie prenante dans la définition des indicateurs de résultats rendus nécessaires pour la mise en oeuvre de la loi organique du 1 er août 2001. En effet, celle-ci place l'évaluation au centre des futures stratégies budgétaires à travers la définition de programmes prévus par l'article 7 et l'évaluation de ces programmes, en application de l'article 51. Celui-ci prévoit qu'à partir de 2005, devront être joints aux projets de loi de finances des « annexes explicatives présentant ces programmes, les coûts associés, les objectifs poursuivis, les résultats obtenus et attendus pour les années à venir, mesurés au moyen d'indicateurs précis dont le choix est justifié ».
Il serait judicieux, comme le recommande le rapport précité de la MEC que l'instance d'évaluation veille à la pertinence et à la fiabilité des systèmes de mesure des résultats et au suivi des indicateurs et puisse proposer les évolutions nécessaires .
Enfin, le système d'évaluation qui sera mis en place devra impérativement prendre en compte la question de l'évaluation des politiques décentralisées. Il est indispensable de disposer de systèmes d'information compatibles permettant d'obtenir une vision d'ensemble des politiques décentralisées et de leur impact, dans le respect du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales .
En outre, le système d'évaluation des politiques publiques devra pouvoir mesurer l'impact, tant des expérimentations prévues par l'article 37-1 de la Constitution pour un objet et une durée limités, que des dérogations aux dispositions législatives régissant l'exercice des compétences des collectivités territoriales autorisées par l'article 72 de la Constitution à titre expérimental et de façon limitée.
Bien entendu, les mécanismes d'évaluation de ces politiques décentralisées, y compris des expérimentations conduites, devront être utilisables par l'Etat (exécutif et Parlement), comme par les collectivités territoriales.
*
* *
Suivant les conclusions de son rapporteur pour avis, la Commission des Affaires économiques a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du plan inscrits au projet de loi de finances pour 2004. |
* 2 Assemblée nationale - 2 ème séance du jeudi 23 octobre 2003.
* 3 Rapport précité « Evaluation et prospective : Quelle organisation ? Georges Tron, rapporteur. Yves Deniaud, président. Rapport d'information Assemblée nationale, juin 2003 n° 876.
* 4 La loi organique du 1 er août 2001 et le pouvoir de contrôle budgétaire du Parlement, Loïc Levoyer. RFDA. Mai-Juin2003.