II. LE FIATA : UN INSTRUMENT DE PLUS EN PLUS ÉLOIGNÉ DE SON OBJET INITIAL
Le Fonds
de péréquation des transports aériens (FPTA)
institué par la loi n° 95-115 du
4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le
développement du territoire, à la création duquel votre
commission avait pris une participation active, visait à subventionner
les lignes aériennes déficitaires afin d'assurer une desserte
équilibrée du territoire. Son financement était
assuré par une taxe assise sur les passagers.
Or, l'article 75 de la loi de finances pour 1999, qui constituait le
second volet de la réforme du financement de l'aviation civile, à
la suite de l'adoption d'une loi de validation de redevances
aéroportuaires
2(
*
)
, a
transformé le FPTA en «
Fonds d'intervention pour les
aéroports et le transport aérien
», compte
d'affectation spéciale reprenant le dispositif du FPTA, mais dont le
périmètre était étendu à
la prise en
charge de dépenses de sécurité, d'incendie, de sauvetage,
de lutte contre le péril aviaire et d'environnement
.
Depuis le 1
er
janvier 1999, une partie du produit de la
taxe de l'aviation civile (TAC) instituée par l'article 51 de la
loi de finances pour 1999, est affectée au FIATA, qui finance deux types
de dépenses :
la section
«
aéroports
» du fonds concerne ces
nouvelles missions (sécurité, sûreté...) et
la
section «
transport aérien
» reprend l'ancien
dispositif du FPTA
(subvention aux lignes aériennes
d'aménagement du territoire).
Or, depuis cette « hybridation » du FIATA, les missions
d'aménagement du territoire n'ont cessé d'être
diluées, le FIATA se déformant sans cesse davantage au profit des
missions de sécurité-sûreté
.
Le Gouvernement indiquait en effet l'an dernier que, compte-tenu des reports de
crédits constatés à la fin de la gestion 1999 et des
reports attendus à la fin de la gestion 2000, le chapitre
des
subventions d'aménagement du territoire aux entreprises du transport
aérien
n'était pas doté en 2001 !
Les crédits prévus en 2002 pour les dessertes aériennes
d'aménagement du territoire ne sont guère plus significatifs
puisqu'ils représentent moins du quart du total :
PRINCIPALES DOTATIONS DU FIATA PRÉVUES EN 2002
(en
millions d'euros)
|
2001 |
2002 |
Subventions aux entreprises de transport aérien |
0 |
15 |
Dépenses directes de l'Etat en matière de sûreté |
8 |
8 |
Subvention aux gestionnaires d'aérodrome (sûreté) |
2 |
15 |
Investissements directs incendie et secours |
9 |
6 |
Investissements directs sûreté |
24 |
20 |
TOTAL |
43 |
64 |
Au moins
l'enveloppe prévue pour 2002 n'est-elle pas nulle. Le chapitre II
du présent rapport (cf. supra) reprend les propositions
élaborées par un groupe de travail de la Commission des Affaires
économiques
3(
*
)
pour
lutter contre
la dégradation actuelle des dessertes aériennes
régionales françaises
, notamment en assouplissant les
critères d'attribution des aides du FIATA.
Votre commission s'étonne du fait que le récent comité
interministériel d'aménagement du territoire, à Limoges le
9 juillet dernier, ne se soit pas préoccupé d'une question
pourtant jugée essentielle, en termes d'aménagement du
territoire, par un nombre écrasant d'élus locaux
4(
*
)
.
Mais cette année encore, l'essentiel des crédits du FIATA (au
total
64 millions d'euros
, en augmentation de
52 %
par
rapport à 2001) est consacré à la sécurité
et à la sûreté.
Cette forte croissance des moyens alloués aux missions de
sécurité du FIATA (49 millions d'euros, tant en
fonctionnement qu'en investissement, soit une croissance de 15 % par
rapport à 2001) sera consacrée à la sûreté et
aux services de sauvetage et de lutte contre les incendies d'aéronefs,
permettant notamment la mise en oeuvre
des contrôles de bagages
à soute à 100 %,
l'acquisition et le fonctionnement de
matériel pour
l'inspection des passagers
et le
contrôle
des zones protégées
. Compte tenu des récents
événements, on ne peut que se féliciter de cet effort,
tout en regrettant qu'il soit
supporté par les compagnies
via la
taxe de l'aviation civile, et en déplorant qu'il ne s'accompagne pas de
la nécessaire relance des missions d'aménagement du territoire du
FIATA.
La Cour des Comptes, dans son rapport sur l'exécution des lois de
finances en 2000, a parfaitement analysé l'ambiguïté de la
gestion du compte d'affectation spéciale du FIATA. Elle a ainsi
constaté, à l'instar de votre commission ces dernières
années que, si l'examen des données budgétaires et de
gestion en 2000 conduisait à constater un redressement significatif du
niveau de consommation des autorisations budgétaires, qui
s'établit globalement à 59,3 % du montant
prévisionnel, cette évolution positive s'explique
par la
montée en régime des missions nouvelles dévolues au
FIATA
, qui mobilisent en 2000 près de 71 % des crédits,
contre 34 % en 1999.
La Cour constate que, si l'année 2000 se termine sur un taux global
d'exécution proche de 60 %, plus de deux fois supérieur
à celui de 1999, ces données s'inscrivent dans le cadre d'un
budget par ailleurs multiplié par 4 d'une année sur l'autre, qui
révèle, au sens de votre commission, la dénaturation du
FIATA.
La Cour poursuit : «
Il est à noter que la
répartition des charges afférentes aux missions
régaliennes entre le FIATA et le budget annexe de l'aviation civile
(BAAC) n'est pas sans poser problème. Il ressort que les services de
l'aviation civile ont eu quelques difficultés, faute de
définition claire des principes de répartition, à faire la
part entre
les opérations relevant du budget annexe, notamment en
raison de leur engagement dans le cadre de l'ancien dispositif, et celles qui
ressortent désormais de la compétence du FIATA
. Par ailleurs,
l'organisation administrative propre au compte, qui ne dispose pas
d'ordonnateurs secondaires, génère le recours au budget annexe
pour apporter une solution à certains problèmes
courants
».
Outre les difficultés de gestion décrites ci-dessus, la Cour
corrobore l'analyse de votre commission quant à
l'affaiblissement des
missions d'aménagement du territoire
: «
Le faible
niveau de consommation, auquel les autorités de l'Etat n'ont pas
apporté d'explication véritablement satisfaisante, justifie
l'absence de toute dotation nouvelle en loi de finances initiale 2001 sur le
chapitre 01 et la réduction drastique sur le chapitre 06 des
mesures nouvelles, qui passent de 84 millions de francs
(12,81 millions d'euros) à 10 millions de francs
(1,52 millions d'euros). Ces mesures, conjuguées à la
réduction en 2001 de la part de la taxe d'aviation civile
affectée au FIATA (16,4 % contre 22,3 %), et à la mise
en oeuvre d'un programme renforcé d'interventions au titre des missions
régaliennes dévolues au fonds, présentent
l'intérêt de contribuer à en résorber
l'excédent. La résorption des excédents du compte, pour
utile qu'elle soit, ne peut cependant être un objectif suffisant
.
«
La sous-consommation chronique des crédits
destinés à subventionner les liaisons aériennes
régionales révèle un problème de fond, qui devrait
conduire à s'interroger sur l'inadaptation aux réalités du
transport aérien d'un dispositif de subvention apparemment peu
attractif
. Elle conduit en l'état actuel à
s'interroger sur la
légitimité du dispositif mis en place
et sur l'existence même d'un compte spécial du Trésor qui
tend de plus en plus nettement
à couvrir des dépenses relevant
par nature du budget de l'Etat
, les autres missions se trouvant de fait
marginalisées au sein du FIATA
».
L'analyse de votre commission se trouve ainsi pleinement
confirmée.