2. Le fonds d'investissement pour les crèches (article 18)
L'article 18 du projet de loi de financement vise à la création d'un fonds d'investissement pour les crèches, annoncé par le gouvernement lors de la conférence de la famille le 15 juin 2000.
Le financement des crèches est devenu depuis quelques années problématique en raison de la distorsion qui existe entre l'offre et la demande de places en crèche. En effet l'offre d'équipements d'accueil destinés aux jeunes enfants est aujourd'hui largement insuffisante alors même que le rythme de création des places nouvelles s'est ralenti au cours des années 1990. Avec un peu moins de 140.000 places pour 2,2 millions d'enfants de moins de trois ans, les crèches collectives sont incapables de répondre aux besoins des parents, favorisant le développement d'autres modes de garde non agréés (travail au noir, solidarité familiale, etc.).
De plus en plus de ménages ont recours à une garde payante pour leur enfant. Selon une enquête réalisée par l'INSEE en 1999, 57 % des ménages avec un enfant de moins de trois ans y font appel. Cette proportion a presque doublé en dix ans.
Pour les enfants de moins de trois ans, l'accueil en structures collectives reste minoritaire. Plusieurs grandes catégories d'établissements coexistent : les crèches collectives, les crèches familiales et les halte-garderies.
La capacité d'accueil en crèche est actuellement de l'ordre de 1.500 places annuelles supplémentaires, et le taux d'équipement s'élève à 6,3 places pour 100 enfants de moins de trois ans. Mais les disparités géographiques demeurent importantes.
En outre, il faut noter que la stabilisation de l'offre publique a coïncidé avec la montée en charge du nouveau dispositif d'aides aux familles pour la garde d'enfants mis en place dans le cadre de la loi famille de 1994 : l'aide à la famille pour l'emploi d'une assistante maternelle (AFEAMA) et l'allocation de garde d'enfant à domicile. Ces prestations favorisent le recours à des modes de garde privés. Dans ce cadre, l'emploi d'une assistante maternelle est devenu le mode de garde le plus répandu.
Le financement des crèches collectives est assuré par les communes, d'une part, par une contribution financière de la CNAF à travers le Fonds national d'action sociale, d'autre part. Les ressources de ce fonds proviennent d'un prélèvement sur les cotisations d'allocations familiales et du produit de l'écrêtement des fonds de roulement. En 2001, la dotation de ce fonds s'élèvera à 14,7 milliards de francs, en augmentation de 0,5 % par rapport à 2000. En outre, les dépenses en faveur de l'accueil des jeunes enfants représentent plus du tiers des dépenses d'action sociale de la caisse nationale.
Un nouveau système de financement a été mis en place début 2000 par la CNAF permettant d'annuler les effets sur les communes de la modulation des participations familiales. Dans ce système, les caisses d'allocations familiales assurent des recettes stables aux gestionnaires que sont en majorité les communes, correspondant aux deux tiers d'un prix de revient journalier plafonné. Les familles participent toujours en fonction d'un barème modulé selon leurs revenus. En contrepartie, les gestionnaires de crèches doivent appliquer le barème de tarification préconisé par la caisse nationale.
L'article 18 du présent projet de loi de financement prévoit donc la mise en place, à compter du 1 er janvier 2001, d'un fonds d'investissement pour les crèches au sein du Fonds national d'action sociale de la CNAF.
Ce fonds d'investissement pour les crèches a vocation à participer au développement des établissements et services d'accueil de la petite enfance par le versement d'une aide à l'investissement aux collectivités locales et aux associations gestionnaires.
Ses ressources sont constituées par l'excédent de l'exercice 1999 de la branche famille, affecté à un compte de réserve spécifique à hauteur de 1,5 milliard de francs. Une fois n'est pas coutume, les excédents de la branche famille bénéficieront ainsi directement aux familles.
Ce fonds prend la fin une fois l'intégralité des crédits inscrits à ce compte consommés. Il a donc un " caractère exceptionnel et non reconductible " comme le précise l'exposé des motifs de cet article du projet de loi de financement. Le gouvernement ne donne cependant aucune indication prévisionnelle concernant le rythme de consommation de ces crédits et donc la durée de vie du fonds. S'agit-il une fois de plus d'une " fausse bonne " idée qui consiste à créer un instrument utile mais à l'abandonner par la suite alors même que les besoins existent encore ? S'agit-il d'un nouveau fonds qui mettra plusieurs mois à décaisser les premières interventions ?
La création de ce fonds d'investissement devrait cependant permettre à terme l'accueil de 30.000 à 40.000 enfants supplémentaires dans les établissements et services d'accueil.
L'intention, certes louable, du gouvernement de tenter d'apporter une solution au problème de l'accueil de la petite enfance est cependant loin de combler les lacunes du système des crèches collectives en France. Les moyens consacrés à cette réforme sont en effet largement insuffisants. Des crédits devront notamment être dégagés pour assurer le fonctionnement des nouvelles places en crèches puisque l'article 18 du projet de loi établit un fonds destiné à favoriser l'investissement mais ne prévoit rien concernant le fonctionnement des crèches. Le gouvernement, dans le rapport annexé au projet de loi de financement, annonce un abondement, à hauteur de 1,7 milliard de francs, des moyens du Fonds national d'action sociale consacrés au fonctionnement des modes de garde collectifs.