GRANDE-BRETAGNE
Après avoir, en 1975, adopté la loi sur la
discrimination sexuelle,
la Grande-Bretagne
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a légiféré sur les
discriminations raciales en 1976
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, puis sur les discriminations
fondées sur le handicap en 1995.
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1) Les pratiques discriminatoires explicitement interdites par la loi
La
discrimination est définie à l'article premier de la loi de
1976
: "
(1) Dans tous les cas où l'une des
dispositions de la loi s'applique, il y a discrimination envers une personne
lorsque quelqu'un,
"
(a) pour des motifs raciaux, traite cette personne de manière moins
favorable qu'il ne traite ou traiterait d'autres personnes ; ou
"
(b) impose à cette personne une exigence ou une condition qu'il
impose ou imposerait également à des individus n'appartenant pas
au groupe racial de cette personne, mais
"
(i) qui est telle que le nombre d'individus du même groupe racial
que l'intéressé susceptibles de pouvoir s'y conformer est
considérablement moins élevé que le nombre d'individus
n'appartenant pas à ce groupe racial susceptibles de pouvoir s'y
conformer ; et
"
(ii) dont il ne peut avancer de justification indépendamment de la
couleur, de la race, de la nationalité ou des origines ethniques ou
nationales de la personne à laquelle il l'impose ; et
"
(iii) qui porte préjudice à cette personne parce qu'elle ne
peut s'y conformer.
"
(2) Aux fins de la présente loi, on considère que le fait de
pratiquer la discrimination raciale envers un individu consiste à le
traiter de manière moins favorable que les autres.
".
Cette définition englobe donc les deux formes de
discrimination
directe et
indirecte
, l'alinéa 1a se rapportant à la
première forme et l'alinéa 1b à la seconde.
Les principales expressions utilisées à l'article premier sont
définies à l'article 3, qui précise que, de
façon générale :
"
l'expression "motifs raciaux" désigne tout motif fondé
sur la couleur, la race, la nationalité ou l'origine ethnique ou
nationale ;
"
l'expression "groupe racial" désigne un groupe de personnes qui se
définit par la couleur, la race, la nationalité ou l'origine
ethnique ou nationale (...)
".
La deuxième partie de la loi de 1976 traite de la discrimination
raciale dans le domaine de l'emploi.
Elle se subdivise en trois sous-parties applicables respectivement aux
employeurs, aux autres acteurs du marché du travail (syndicats,
organismes de formation professionnelle...) et aux forces de police.
S'agissant des
employeurs
, la loi leur interdit expressément de
pratiquer toute discrimination raciale, aussi bien à l'égard des
candidats à un emploi qu'envers leurs salariés. Cette
interdiction s'applique :
- à la formulation des offres d'emploi ;
- à la détermination des conditions à remplir pour pouvoir
un poste ;
- au choix d'un candidat pour un poste donné ;
- à l'organisation du travail ;
- à l'accès des salariés à une promotion, à
une mutation, à une formation ou à tout autre avantage ;
- à la procédure de licenciement.
La loi précise également que toute discrimination raciale de la
part des syndicats, des organismes de formation professionnelle, des bureaux de
placement, des organismes, publics ou privés, qui octroient les
autorisations ou les titres nécessaires à l'exercice de certains
métiers ou de certaines professions est interdite.
2) Les sanctions de ces interdictions
La loi
de 1976 ne crée pas d'infraction spécifique. Les plaintes en
matière de discrimination raciale sont donc soumises aux
juridictions
du travail
qui peuvent :
- rendre un jugement déclaratif des droits du plaignant ;
- enjoindre à l'employeur de pallier ou de limiter les
conséquences de son acte discriminatoire ;
- exiger de l'employeur qu'il indemnise la victime. Le préjudice moral
peut être indemnisé même si le préjudice réel
ne l'est pas.
Ces trois types de réparation peuvent être accordés de
façon séparée ou conjointe.
Depuis une modification apportée en 1994,
le montant des
dommages-intérêts n'est plus plafonné
. Dans son dernier
rapport d'activité disponible, celui de 1998, la Commission pour
l'égalité raciale indique que, dans les litiges relatifs à
l'emploi, le montant moyen des dommages-intérêts octroyés
s'élève à 11 482 £ (soit environ
120 000 FRF). Cette moyenne cache une dispersion importante, car les
montants supérieurs à 100 000 £ ne sont plus
exceptionnels.
Cependant, l'article 57 de la loi de 1976 pose une restriction importante
à l'octroi de dommages-intérêts : la discrimination
indirecte ne peut pas donner lieu à dommages-intérêts si
l'accusé réussit à démontrer aux juges qu'il
n'avait pas l'intention de pratiquer un acte discriminatoire lorsqu'il a pris
la mesure contestée.
3) Les procédures spécifiques permettant aux victimes de faire valoir leurs droits
a) L'aménagement des règles de preuve
Les
tribunaux se montrent en général assez indulgents envers les
victimes
lorsque celles-ci parviennent à montrer que l'accusé
a établi une distinction entre des personnes appartenant à des
groupes raciaux différents. Il appartient alors à l'accusé
de convaincre le tribunal de sa bonne foi.
De plus, l'article 65 de la loi de 1976 prévoit une
procédure
particulière
qui
facilite l'obtention des preuves
: il
permet au ministère de l'Intérieur d'établir des
formulaires permettant à la victime d'interroger la partie qui est
assignée et à cette dernière de répondre. Les
questions et les réponses constituent des preuves pour toutes les
procédures entamées dans le cadre de la loi de 1976.
b) La Commission pour l'égalité raciale
Constituée en vertu de l'article 43 de la loi de
1976,
la commission comporte entre huit et quinze membres nommés par le
ministre de l'Intérieur. Elle a son siège à Londres, mais
dispose de plusieurs antennes régionales (une en Ecosse, une au Pays de
Galles et trois en Angleterre). Elle employait 217 personnes à la
fin de l'année 1998.
La loi lui a assigné la
mission
suivante :
- oeuvrer pour l'élimination de la discrimination raciale ;
- promouvoir l'égalité des chances et les bonnes relations entre
personnes appartenant à des groupes raciaux différents ;
- veiller à l'application de la loi et présenter des propositions
de réforme.
Pour remplir cette mission, la commission dispose des
pouvoirs
suivants :
- accorder son soutien, notamment financier, aux organismes qui poursuivent le
même but qu'elle
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;
- effectuer des recherches et mener des actions pédagogiques ;
- rédiger des codes de bonne conduite, en particulier dans le domaine de
l'emploi ;
- mener des enquêtes, la loi prévoyant une procédure
spécifique à cet égard ;
- adresser des recommandations aux auteurs, potentiels ou réels, de
discriminations, ainsi qu'au ministre compétent ;
- saisir elle-même la justice, mais seulement lorsque certaines des
infractions à la loi de 1976 sont constatées ;
- apporter son aide aux victimes de discriminations raciales.
En ce qui concerne ce dernier point, qui constitue la seule forme d'
aide
directe
aux victimes, la loi autorise la commission à fournir
"
toute forme d'assistance qu'elle juge appropriée
",
et en particulier :
- à donner des conseils aux victimes ;
- à tenter d'obtenir un règlement extrajudiciaire des
litiges ;
- à faire en sorte que les victimes soient conseillées ou
représentées par un avocat.
Dans son dernier rapport annuel disponible, celui de 1998, la commission
indique avoir reçu 1 657 demandes d'aide, les deux tiers de
ces demandes se rapportant à des problèmes survenus sur les lieux
de travail.
Les autres moyens d'action de la commission constituent des
aides
indirectes
aux victimes de discriminations. En matière d'emploi, les
codes de bonne conduite et les enquêtes représentent les plus
importantes.
Le code de bonne conduite relatif à l'emploi
est l'un des sept
codes que la commission a élaborés. Il a été
modifié plusieurs fois. Dépourvu de tout caractère
obligatoire, il comporte les indications que les employeurs, les syndicats,
ainsi que tous les autres acteurs du marché du travail, doivent
respecter pour se conformer aux prescriptions de la loi de 1976, et notamment
pour éviter toute pratique discriminatoire indirecte.
La commission ne peut mener ses
enquêtes
que lorsqu'elle suspecte
des pratiques discriminatoires. De plus, elle doit prévenir les
établissements concernés de l'ouverture de l'enquête et en
fixer le cadre. La commission n'utilise cette procédure qu'en dernier
ressort. Elle dispose de larges pouvoirs : inspection sur pièces et
sur place, convocation de témoins... Lorsque la commission conclut
à l'existence d'un cas de discrimination, elle adresse à l'auteur
de cette dernière une mise en demeure, valable pendant cinq ans et
contenant les différentes mesures qui doivent être prises pour
faire cesser les infractions à la loi de 1976. Lorsque l'auteur de la
discrimination ignore ces instructions, la commission peut obtenir des
tribunaux un jugement enjoignant à l'employeur fautif de se mettre en
règle dans des délais très courts. Les mises en demeure de
la commission sont susceptibles d'appel devant les tribunaux de droit commun ou
devant les juridictions du travail, selon la nature des actes qu'elles visent.
La commission peut saisir directement la justice dans deux cas
seulement :
- lorsqu'elle a connaissance d'une offre d'emploi discriminatoire ;
- dans les cas où une personne a fait pression sur une autre ou lui a
donné des instructions pour que cette dernière se comporte de
façon discriminatoire.
La commission peut alors demander au tribunal d'enjoindre à l'auteur de
la discrimination de se mettre en conformité avec la loi. Dans ces deux
hypothèses, la commission est la seule à pouvoir intenter une
action.
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En juin
1998, la Chambre des lords a adopté une proposition de loi tendant
à interdire, sur les lieux de travail, toute discrimination
fondée sur l'orientation sexuelle. Le texte a été
rejeté par la Chambre des communes.
L'année suivante, le gouvernement a indiqué que, à
défaut de législation, il convenait d'établir un code de
bonne conduite. Plusieurs administrations ont donc entrepris sa
rédaction.