LA LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS SUR LES LIEUX DE TRAVAIL
SERVICE DES AFFAIRES EUROPEENNES (décembre 2000)
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Table des matières
- NOTE DE SYNTHÈSE
- UNION EUROPEENNE
- ALLEMAGNE
- BELGIQUE
- DANEMARK
- ESPAGNE
- GRANDE-BRETAGNE
- PAYS-BAS
NOTE DE SYNTHÈSE
Le 6
juin 2000, les ministres des affaires sociales de l'Union européenne ont
adopté la directive relative à la mise en oeuvre du principe
d'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de
race ou d'origine
ethnique
, qui prohibe toute discrimination
fondée sur la race ou sur l'origine ethnique et qui s'applique notamment
dans le domaine de l'emploi.
Le 12 octobre 2000, l'Assemblée nationale a adopté la
proposition de loi relative à la lutte contre les discriminations, qui
vise à empêcher les discriminations sur les lieux de travail, quel
qu'en soit le motif
. Ce texte élargit le champ couvert par le
principe de non-discrimination en y incluant les principaux actes relatifs
à la carrière du salarié et en définissant de
nouveaux motifs de discrimination (orientation sexuelle, apparence physique et
patronyme). Par ailleurs, il cherche à améliorer la lutte contre
les discriminations, d'une part, en ouvrant aux organisations syndicales la
possibilité d'engager une action à la place du salarié
victime d'une discrimination et, d'autre part, en aménageant les
règles de preuve. En effet, le texte adopté par
l'Assemblée nationale prévoit que, si le salarié parvient
à apporter les éléments laissant supposer l'existence
d'une discrimination, c'est à l'employeur qu'il revient de prouver que
sa décision repose sur des éléments objectifs.
Le 17 octobre 2000, les ministres européens des affaires sociales
sont
parvenus à un accord sur la proposition de directive
créant un cadre général pour l'égalité
de traitement en matière d'emploi et de travail,
laquelle
interdit toute
discrimination fondée sur des motifs autres que
raciaux.
Dans ces conditions, il est apparu utile d'analyser les dispositifs
étrangers permettant de lutter contre les discriminations sur les lieux
de travail. Après avoir décrit les principales
caractéristiques, d'une part, de la directive " racisme " et,
d'autre part, de la directive " emploi ", la présente
étude examine les mesures prises dans plusieurs pays européens
(
Allemagne, Belgique, Danemark, Espagne, Grande-Bretagne et Pays-Bas
).
Pour chacun de ces pays, les points suivants ont été
analysés :
-
les discriminations sur les lieux de travail explicitement interdites
par la loi ;
-
les sanctions qui y sont apportées ;
-
les procédures particulières permettant aux victimes de
faire valoir leurs droits.
Les dispositions relatives à la lutte contre les discriminations
sexuelles et à l'égalité professionnelle entre les femmes
et les hommes n'ont pas été prises en compte, car elles font
partout l'objet d'une législation spécifique. En outre,
l'étude n'évoque ni les mesures de " discrimination
positive " permettant de faciliter l'insertion sur le marché du
travail de catégories en difficulté (handicapés,
demandeurs d'asile...), ni les dispositions particulières propres par
exemple aux partis politiques ou aux églises, autorisés à
pratiquer des discriminations politiques ou religieuses à l'embauche.
L'examen des législations étrangères relatives à la
lutte contre les discriminations sur les lieux de travail permet de mettre en
évidence que :
- le Danemark et les Pays-Bas sont les seuls à disposer d'une loi
générale prohibant toutes les discriminations sur les lieux de
travail, la loi néerlandaise donnant aux victimes d'importants moyens
d'action ;
- les lois belge et anglaise n'interdisent que certaines discriminations, mais
elles offrent aux victimes de puissants moyens d'action ;
- l'Allemagne et l'Espagne recourent à des dispositions éparses
du droit du travail.
1. Le Danemark et les Pays-Bas disposent d'une loi générale
prohibant toute discrimination sur les lieux de travail, la loi
néerlandaise donnant aux victimes d'importants moyens d'action
a) Le champ d'application des lois danoise et néerlandaise
Au Danemark, la loi du 12 juin 1996 portant interdiction de toute
discrimination sur le marché du travail
prohibe toute
différence de traitement (à l'embauche, à l'occasion d'une
mutation, d'une promotion, d'un licenciement, dans le cadre de la formation
professionnelle...) fondée sur "
la race, la couleur de la peau,
la religion, l'opinion politique, l'orientation sexuelle, ou l'origine
nationale, sociale ou ethnique
".
La loi néerlandaise du 2 mars 1994 sur l'égalité
de traitement, qui
s'applique à tous les domaines de la vie
sociale, et donc notamment à l'emploi
, interdit toute
différence de traitement, directe ou indirecte, fondée sur la
religion, les convictions personnelles, les opinions politiques, la race, le
sexe, la nationalité, l'orientation sexuelle ou l'état civil.
Elle prohibe explicitement les discriminations à l'embauche, dans les
conditions de travail, pour l'avancement, pour l'admission à une
formation ou lors de la rupture du contrat de travail.
b) Les principaux moyens qu'ont les victimes de faire valoir leurs droits
Au Danemark, lorsqu'un salarié estime être victime d'une
discrimination salariale, c'est à l'employeur qu'il revient de prouver
que la différence de salaire est justifiée
. En outre, lorsque
la discrimination salariale est établie, la victime est en droit
d'exiger la différence de salaire. En revanche, dans tous les autres
cas, les victimes doivent utiliser les règles de droit commun.
Aux Pays-Bas, les victimes de discriminations peuvent s'adresser directement
à la Commission pour l'égalité de traitement
,
organisme indépendant institué par la loi de 1994. Elles peuvent
également
demander à leur comité d'entreprise ou
à une association de lutte contre les discriminations de saisir la
commission
.
Cette dernière, lorsqu'elle estime la demande fondée, mène
une enquête
et dispose pour cela de larges pouvoirs (convocation
des parties et de tiers, demande de documents, inspection sur place...). Bien
que les conclusions de la commission n'aient aucune force exécutoire,
elles sont généralement suivies. La commission peut
également agir en justice pour obtenir l'annulation ou la
réparation financière d'une mesure discriminatoire. Dans son
dernier rapport annuel disponible (celui de 1998), elle indiquait cependant ne
pas encore avoir utilisé cette faculté.
2. Les lois belge et anglaise n'interdisent que certaines discriminations,
mais elles offrent aux victimes de puissants moyens d'action
a) Les discriminations explicitement interdites par les lois belge et
anglaise
La Belgique a adopté en 1981 la loi tendant à réprimer
certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie
, qui
comporte,
depuis 1994
,
un article relatif à la discrimination
raciale en matière d'emploi.
Cet article
sanctionne toute
personne qui commet une discrimination fondée sur la race, l'ascendance,
l'origine et la nationalité, l'interdiction s'appliquant "
en
matière de placement, de formation professionnelle, d'offre d'emploi, de
recrutement, d'exécution du contrat de travail ou de
licenciement
".
La Grande-Bretagne
, conformément à sa vision
" communautariste " de la société, procède par
touches successives : après avoir, en 1975, adopté la loi
sur la discrimination sexuelle, elle
a légiféré sur les
discriminations raciales en 1976
, puis sur les discriminations
fondées sur le handicap en 1995.
La loi de 1976 sur les discriminations raciales
se subdivise en
plusieurs parties, et l'une d'elles est consacrée au domaine de
l'emploi.
Elle interdit aux employeurs toute discrimination, directe ou
indirecte, aussi bien à l'égard des candidats à un emploi
que des salariés déjà recrutés
.
b) Les principaux moyens qu'ont les victimes de faire valoir leurs droits
En
Belgique
, la loi de 1981 prévoit que les
associations de
défense des droits de l'homme ou de lutte contre la discrimination
,
dans la mesure où elles existent depuis au moins cinq ans,
ainsi
que les syndicats, peuvent agir en justice
dans tous les litiges que son
application provoque. Pour cela, il leur faut l'autorisation de la victime.
En outre, le
Centre pour l'égalité des chances et la lutte
contre le racisme
, organisme indépendant créé en 1993
afin de combattre toutes les formes de racisme, dispose de la même
faculté. Il ne l'utilise que dans les affaires particulièrement
graves ou exemplaires. Il aide également les victimes en leur prodiguant
aide et conseils et, de façon indirecte, par ses recherches et par ses
recommandations aux pouvoirs publics.
En Grande-Bretagne,
la Commission pour l'égalité raciale
,
créée par la loi de 1976 constitue le principal vecteur d'aide
aux victimes de discriminations.
La
commission leur apporte surtout
une aide indirecte, notamment par ses codes de bonne
conduite
et
ses
enquêtes
, au terme desquelles elle peut adresser des
recommandations aux auteurs de discriminations. Si ces derniers
n'obtempèrent pas, elle peut saisir les tribunaux. Elle aide aussi
directement les victimes de discriminations en leur fournissant des conseils,
et en essayant d'obtenir le règlement extrajudiciaire des conflits ainsi
que l'assistance d'avocats. En revanche,
elle ne peut saisir directement la
justice que dans
deux cas
: lorsqu'elle a connaissance d'une
offre d'emploi discriminatoire ou d'une incitation à la discrimination.
3. L'Allemagne et l'Espagne disposent de quelques mesures éparses
En Allemagne, quelques dispositions législatives, contenues notamment
dans la loi sur les conseils d'établissement et dans le code social,
interdisent certaines pratiques discriminatoires en matière d'emploi.
Par ailleurs, les juridictions du travail appliquent le
principe de
l'égalité de traitement
, qui interdit à l'employeur
toute différence de traitement reposant sur des motifs subjectifs ou
arbitraires. Cependant, pour faire valoir leurs droits, les victimes de
discriminations ne disposent d'aucune procédure spécifique. Elles
doivent donc utiliser les règles de droit commun. Tout au plus, la loi
sur les conseils d'établissement permet-elle au conseil
d'établissement lui-même ou à l'un des syndicats
représentés dans l'entreprise d'entamer une action en justice
contre l'employeur lorsque ce dernier a violé de façon
grossière l'une des obligations qu'elle énonce.
L'insuffisance du dispositif juridique allemand a conduit les Verts à
préparer une proposition de loi générale sur la lutte
contre toutes les discriminations. Applicable notamment dans le domaine de
l'emploi, elle prévoit d'introduire des aménagements aux
règles de preuve et d'ouvrir aux syndicats la possibilité
d'intervenir en justice au nom des victimes.
En Espagne, les dispositions interdisant les pratiques discriminatoires dans
l'entreprise sont également dispersées. Cependant, les victimes
se trouvent dans une situation plus favorable qu'en Allemagne, d'une part,
parce que
les syndicats
peuvent
, en vertu de la loi sur la
procédure devant les tribunaux du travail,
défendre en justice
les intérêts individuels de leurs membres
et, d'autre part,
parce que
le principe constitutionnel d'interdiction de toute discrimination
jouit d'un niveau de protection très élevé
. En effet,
l'article de la Constitution qui interdit toute discrimination "
pour
des raisons de naissance, de race, de sexe, de religion, d'opinion ou pour
n'importe quel autre facteur ou circonstance personnel ou social
"
fait partie de ceux dont la violation justifie que la victime entame une action
en justice fondée sur les principes de priorité et de la
procédure sommaire. Ensuite, lorsqu'elle a épuisé les
recours judiciaires, la victime peut s'adresser au Tribunal constitutionnel.
* *
*
La
proposition de loi française semble se fixer des objectifs plus
ambitieux que les principaux dispositifs étrangers
. En effet, son
champ d'application est plus large que celui des lois anglaise et belge, qui
offrent certes une protection assez complète aux victimes de
discriminations, mais seulement aux victimes de discriminations raciales.
Par ailleurs, contrairement au texte français, la loi
néerlandaise, dont l'objectif est la lutte contre toutes les
discriminations, ne prévoit pas, l'aménagement des règles
de preuve. Il est en revanche prévu par la loi danoise relative à
l'interdiction de toute discrimination sur le marché du travail, mais
seulement pour les discriminations salariales.
Cependant, l'importance des moyens que la proposition de loi française
met à la disposition des victimes ne doit pas faire oublier
l'importance des organismes
ad hoc
créés par les
lois anglaise, belge et néerlandaise et leur rôle dans la
prévention et la résolution extrajudiciaire des conflits
.
UNION EUROPEENNE
La lutte
contre les discriminations sur les lieux de travail fait l'objet de
deux
directives
:
- la directive relative à la mise en oeuvre du principe
d'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de
race ou d'origine ethnique, qui vise les seules discriminations raciales, mais
dont le champ d'application dépasse le domaine de l'emploi ;
- la directive portant création d'un cadre général en
faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et
de travail, qui vise les autres discriminations et dont le champ d'application
est limité au domaine de l'emploi.
1) La directive du 29 juin 2000 relative à la mise en oeuvre du
principe d'égalité de traitement entre les personnes sans
distinction de race ou d'origine ethnique
interdit toute discrimination,
directe et indirecte, dans plusieurs domaines, parmi lesquels figurent, pour ce
qui est de l'emploi :
- l'accès à l'emploi ;
- les conditions d'avancement ;
- l'accès aux formations professionnelles ;
- les conditions d'emploi et de travail ;
- les conditions de licenciement ;
- l'affiliation à une organisation représentative.
Pour garantir l'efficacité du dispositif, les victimes doivent
bénéficier d'un droit de recours individuel contre les auteurs de
discriminations. Les associations et les personnes morales qui y ont
intérêt doivent pouvoir engager, au nom du plaignant ou pour
l'aider, des procédures permettant de faire respecter le principe
d'égalité. De plus, la charge de la preuve incombe au
défendeur et les victimes doivent être protégées
contre toute tentative de représailles.
Chaque Etat membre doit disposer d'un organisme indépendant
chargé de promouvoir l'égalité de traitement entre
personnes de race différente. Ces organismes reçoivent les
plaintes des victimes, réalisent des enquêtes et émettent
des recommandations.
Cette directive doit être transposée en droit national au plus
tard le 19 juillet 2003.
2)
La directive portant création d'un cadre général
en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi
et de travail
, adoptée en octobre, n'est pas encore publiée.
Elle tend à interdire les discriminations directes et indirectes sur le
lieu de travail, qu'elles soient fondées sur la religion ou les
convictions, sur le handicap, sur l'âge ou sur l'orientation sexuelle.
Elle s'applique aux mêmes domaines que la directive " racisme "
(l'accès à l'emploi, les conditions d'avancement...) et comporte
les mêmes dispositions permettant aux victimes de faire valoir leurs
droits, à l'exception du recours à des organismes
indépendants.
Chaque Etat membre dispose de trois ans pour la transposer en droit national.
Ce délai est de six ans pour ce qui concerne la lutte contre la
discrimination fondée sur l'âge ou sur le handicap.
ALLEMAGNE
L'article 3 de la Loi fondamentale
, qui est
consacré à l'égalité devant la loi, énonce
à
l'alinéa 3
: "
Nul ne doit être
défavorisé ou avantagé en raison de son sexe, de son
ascendance, de sa race, de sa langue, de sa patrie et de son origine
géographique, de ses croyances, de ses opinions religieuses ou
politiques. Nul ne doit être défavorisé en raison de son
handicap.
"
|
1) Les pratiques discriminatoires explicitement interdites par la loi
Le
principe formulé à
l'article 3-3 de la Loi
fondamentale
interdit la plupart des discriminations, mais
n'évoque pas la discrimination fondée sur l'orientation
sexuelle.
Par ailleurs, l'article 3-3 de la Loi fondamentale ne s'applique pas
directement aux relations de droit privé
, et notamment aux relations
entre employeurs et salariés. En effet, d'après
l'article 1-3 de la Loi fondamentale, les
droits fondamentaux
que
cette dernière énonce, parmi lesquels le principe de
non-discrimination,
ne s'imposent directement qu'aux pouvoirs
législatif, exécutif et judiciaire
. L'article 3-3 vise donc
avant tout à protéger les particuliers contre d'éventuels
abus commis par les pouvoirs publics. Cependant, comme tous les autres articles
relatifs aux droits fondamentaux, l'article 3-3, par l'obligation qu'il
constitue pour le législateur, le gouvernement et les tribunaux, a un
effet indirect sur les tiers
.
De plus, à partir de l'obligation contractuelle qu'a l'employeur de
prendre en compte les intérêts des salariés et de tout
mettre en oeuvre pour assurer le bien-être de ces derniers, la
jurisprudence a adapté le principe constitutionnel de non-discrimination
au droit du travail : le
principe d'égalité de
traitement
interdit à l'employeur toute différence de
traitement reposant sur des motifs subjectifs ou arbitraires. Par
conséquent, l'employeur n'a pas le droit de traiter différemment
un salarié d'un groupe donné par rapport aux autres
salariés du même groupe. Il a en revanche le droit
d'établir une distinction entre différents groupes de
salariés, dans la mesure où la distinction repose sur un
critère objectif (situation familiale, ancienneté...).
Outre ce principe général, quelques dispositions
législatives interdisent explicitement certaines pratiques
discriminatoires en matière d'emploi.
La loi-cadre sur les fonctionnaires
énonce, à
l'article 7, que les nominations doivent être faites en tenant
compte de l'aptitude des candidats, indépendamment de toute
considération de sexe, d'ascendance, de race, de croyance, d'opinions
religieuse ou politique, d'origine sociale ou de parenté.
L'article 7 de
la loi sur les fonctionnaires fédéraux
reprend la même formulation.
La loi sur les conseils d'établissement
précise, à
l'article 75, que les employeurs et les conseils d'établissement
doivent veiller à ce que tous les salariés soient traités
conformément aux principes du droit et de l'équité. Cet
article interdit en particulier toute différence de traitement
fondée sur l'ascendance, la religion, la nationalité, l'origine,
les activités politiques ou syndicales, les opinions ou le sexe.
L'article 36 du livre III du
code social
interdit aux bureaux
publics de placement de prendre en compte certains des critères dont
l'employeur demande qu'ils soient remplis par le candidat à l'emploi
(relatifs à l'âge, à l'état de santé ou
à la nationalité par exemple) lorsqu'ils n'ont aucun lien avec le
poste à pourvoir.
L'article 2-1 de la
loi sur la promotion de l'emploi
interdit
à l'employeur de défavoriser les salariés qui travaillent
à temps partiel.
2) Les sanctions de ces interdictions
Conformément à l'article 134 du code
civil,
tout acte juridique qui enfreint une interdiction législative est
frappé de nullité
, à moins que l'interdiction ne soit
assortie d'une autre sanction. En théorie, les décisions
discriminatoires de l'employeur ne produisent donc aucun effet.
La loi sur les comités d'entreprise prévoit que, si l'employeur
viole de manière grossière l'une des obligations qu'elle lui
impose, la juridiction du travail peut lui imposer de renoncer à une
décision antérieure ou, au contraire, de prendre une
décision donnée.
Seule une minorité de juristes affirme que la violation du principe
d'égalité de traitement peut justifier une demande de
dédommagement des préjudices matériels sur la base de
l'article 823 du code civil, lequel énonce :
"
quiconque porte illicitement atteinte, intentionnellement ou par
imprudence, à la vie, à l'intégrité corporelle,
à la santé, à la liberté, au droit de
propriété ou à un autre droit d'autrui est tenu envers
autrui de réparer le dommage qui en résulte
". En effet,
il faudrait pour cela que le principe d'égalité de traitement
fît partie, comme le " droit général de la
personnalité ", des droits que la jurisprudence considère
comme susceptibles de justifier une action fondée sur l'article 823
du code civil. Or, il n'est pas évident qu'une discrimination constitue
une violation du " droit général de la
personnalité ".
3) Les procédures spécifiques permettant aux victimes de faire valoir leurs droits
Il n'en
existe aucune. Pour faire valoir leurs droits, les victimes de discriminations
doivent donc utiliser les
règles de droit commun
. Elles doivent
en particulier apporter la preuve de la discrimination.
L'article 23 de la loi sur les conseils d'établissement justifie
que le conseil d'établissement lui-même ou l'un des syndicats
représentés dans l'entreprise entame une action en justice en cas
de " violation grossière " de l'une des obligations
énoncées
par cette même loi
. Or, l'interdiction
de la discrimination figure parmi ces obligations. Cependant, la
possibilité offerte par l'article 23 de la loi sur les conseils
d'établissement ne constitue en aucun cas un droit du salarié,
qui ne peut donc pas exiger l'intervention du conseil d'établissement ou
du syndicat.
* *
*
Les
défenseurs des minorités (des étrangers, des
homosexuels...) font valoir la quasi-absence de législation explicite
sur l'interdiction de la discrimination et l'inefficacité des
dispositions constitutionnelles.
C'est pourquoi
plusieurs propositions tendant à prohiber les
discriminations
dans plusieurs domaines, parmi lesquels l'emploi
,
ont été préparées au cours des dernières
années. Ces textes définissent la discrimination et le champ
d'application de l'interdiction des discriminations. Ils prévoient des
aménagements aux règles de preuve et permettent à
certaines personnes morales (syndicats, associations de défense des
droits de l'homme) d'intervenir au nom des victimes de discriminations dans
toute procédure judiciaire ou extrajudiciaire.
Le dépôt d'un projet de loi sur l'interdiction de la
discrimination faisait partie du programme de gouvernement du SPD et des
Verts.
BELGIQUE
L'article 11 de la Constitution
dispose que :
"
La jouissance des droits et libertés reconnus aux Belges doit
être assurée sans discrimination. A cette fin, la loi et le
décret garantissent notamment les droits et libertés des
minorités idéologiques et philosophiques.
"
|
1) Les pratiques discriminatoires explicitement interdites par la loi
La
loi du 30 juillet 1981 définit
, à l'article 1-1,
la
discrimination
comme "
toute distinction, exclusion, restriction ou
préférence ayant ou pouvant avoir pour but ou pour effet de
détruire, de compromettre ou de limiter la reconnaissance, la jouissance
ou l'exercice, dans des conditions d'égalité, des droits de
l'homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique,
économique, social ou culturel, ou dans tout autre domaine de la vie
sociale
".
La loi précise ensuite toutes les pratiques qu'elle interdit, et
consacre son
article 2 bis au domaine de l'emploi
:
"
Quiconque, en matière de placement, de formation
professionnelle, d'offre d'emploi, de recrutement, d'exécution du
contrat de travail ou de licenciement de travailleurs, commet une
discrimination à l'égard d'une personne en raison de sa race, de
sa couleur, de son ascendance, de son origine ou de sa nationalité, est
puni des peines prévues à l'article 2.
"
2) Les sanctions de ces interdictions
D'après la loi de 1981, les discriminations en
matière
d'emploi sont punies d'un
emprisonnement d'un mois à un an et/ou
d'une amende
de 50 BEF à 1 000 BEF. Compte tenu du
système des " décimes additionnels ", le montant de
l'amende est actuellement compris entre 10 000 BEF et
200 000 BEF (c'est-à-dire entre 1 600 FRF et
32 000 FRF).
En effet, pour lutter contre l'érosion monétaire, le
législateur utilise, depuis 1921, un système d'augmentation du
montant des amendes, appelé système des " décimes
additionnels ". La dernière loi qui les a fixés est la loi
du 24 décembre 1993, qui prévoit qu'à partir du
1
er
janvier 1995, le montant des amendes pénales doit
être multiplié par 200.
Par ailleurs, la loi précise que "
l'employeur est civilement
responsable des amendes auxquelles ses préposés ou mandataires
ont été condamnés
".
3) Les procédures spécifiques permettant aux victimes de faire valoir leurs droits
a) L'action en justice des syndicats ou des associations
La loi
de 1981 prévoit que certains organismes peuvent
agir en justice
dans tous les litiges provoqués par son application. Ont cette
possibilité :
-
toute association ou tout établissement public dont l'objectif
statutaire consiste soit en la défense des droits de l'homme, soit en la
lutte contre la discrimination
, à condition que l'organisme en
question existe depuis au moins cinq ans ;
-
les syndicats
.
Cependant, aucun de ces organismes ne peut ester en justice sans l'autorisation
explicite de la victime.
Aux termes de la loi qui l'institue, le
Centre pour l'égalité
des chances et la lutte contre le racisme
dispose également de la
même faculté.
b) Le Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme
Créé par une loi du 15 février 1993,
cet
organisme est placé auprès du Premier ministre et dispose de la
personnalité juridique. A l'article 2, la loi lui assigne la
mission générale
"
de promouvoir
l'égalité des chances et de combattre toute forme de distinction,
d'exclusion, de restriction ou de préférence fondée sur la
race, la couleur, l'ascendance, l'origine ou la nationalité
".
Pour cela, la loi autorise le Centre pour l'égalité des chances
et la lutte contre le racisme :
"
1. à effectuer toutes les études et recherches
nécessaires à l'accomplissement de sa mission ;
2. à adresser des avis et recommandations aux pouvoirs publics en vue de
l'amélioration de la réglementation en application de
l'article 2 de la présente loi ;
3. à adresser des recommandations aux pouvoirs publics et aux personnes
et institutions privées sur la base des résultats des
études et des recherches visées sous le 1° ;
4. à aider, dans les limites de sa mission définie à
l'article 2, toute personne sollicitant une consultation sur
l'étendue de ses droits et obligations. Cette aide permet au
bénéficiaire d'obtenir des informations et des conseils sur les
moyens de faire valoir ses droits ;
5. à ester en justice dans tous les litiges auxquels pourrait donner
lieu l'application de la loi du 30 juillet 1981 tendant à
réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la
xénophobie ou l'application de la loi du 13 avril 1995 contenant
des dispositions en vue de la répression de la traite des être
humains et de la pornographie enfantine ;
6. à assurer, dans le cadre de ses missions, un soutien et une guidance
à des institutions, organisations et dispensateurs d'assistance
juridique ;
7. à produire et fournir toute information et toute documentation utiles
dans le cadre de sa mission ;
8. à accomplir toute autre mission confiée par tout pouvoir
public
".
Le
Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le
racisme aide donc les victimes de discriminations de façon
directe
:
-
en leur fournissant informations et conseils
;
-
en se constituant partie civile
. En pratique, il ne le fait que dans
les affaires particulièrement graves ou considérées comme
exemplaires.
Par ailleurs, le Centre pour l'égalité des chances et la lutte
contre le racisme établit un rapport annuel, qu'il soumet au Premier
ministre et que ce dernier transmet aux assemblées parlementaires.
DANEMARK
La
Constitution ne comporte aucune disposition prohibant explicitement la
discrimination. Par ailleurs, la loi sur l'interdiction de la discrimination
raciale, adoptée dès 1971
(1(
*
))
,
vise le refus de fournir une prestation dans le cadre d'une activité
économique ou d'intérêt général, mais ne
sanctionne pas le refus d'embauche, et la Commission pour
l'égalité ethnique, instituée en 1993, ne dispose d'aucun
pouvoir de décision.
|
1) Les pratiques discriminatoires explicitement interdites par la loi
D'après l'
article premier
de la loi du
12 juin 1996, "
toute différence de traitement, directe ou
indirecte, fondée sur la race, la couleur de la peau, la religion,
l'opinion politique, l'orientation sexuelle, ou sur l'origine nationale,
sociale ou ethnique
" constitue une discrimination.
Les articles 2 et 4 précisent les règles que tout employeur
doit respecter, à l'égard de ses salariés et de ses
salariés potentiels.
Ces dispositions prohibent :
- toute discrimination lors d'une embauche, d'un licenciement, d'une mutation
ou d'une promotion ;
- toute discrimination relative aux conditions de travail ou aux salaires ;
- la recherche de renseignements, au moment de l'embauche ou
ultérieurement, sur la race, la couleur de la peau, la religion,
l'opinion politique, l'orientation sexuelle, ou sur l'origine nationale,
sociale ou ethnique.
Les articles 3 et 5 énoncent les interdictions qui s'imposent non
seulement à l'employeur, mais également à des tiers
.
Ils prohibent toute discrimination :
- dans le cadre de la formation professionnelle, que celle-ci se déroule
ou non à l'initiative de l'employeur ;
- dans une offre d'emploi.
Par ailleurs, tous les organismes qui délivrent les autorisations ou
qui fixent les règles pour l'établissement des
travailleurs
indépendants
ne peuvent pas se prévaloir de l'un des motifs
énumérés à l'article premier de la loi pour
empêcher ces derniers d'exercer leur activité.
2) Les sanctions de ces interdictions
Lorsqu'une discrimination salariale est établie, la
victime est en droit d'exiger la différence
entre son salaire et
celui de son (ses) collègue(s).
De façon générale, toute discrimination entraîne une
réparation des préjudices
,
les tribunaux appliquant
les règles de droit commun pour calculer le montant de
l'indemnité.
Cependant, lorsque l'interdiction d'une offre d'emploi discriminatoire est
transgressée et qu'il est impossible d'identifier les victimes d'une
telle mesure, l'auteur de l'infraction doit payer une
amende
.
3) Les procédures spécifiques permettant aux victimes de faire valoir leurs droits
Lorsqu'un salarié estime être victime d'une
discrimination salariale
, c'est à l'
employeur
qu'il
appartient de
prouver que la différence de salaire est
justifiée.
Dans tous les autres cas, les victimes de discriminations doivent utiliser les
règles de droit commun. Leur difficulté à établir
la discrimination explique par exemple qu'il ait fallu attendre le début
de l'année 1999 pour voir un tribunal attribuer une compensation
financière à un homosexuel qui avait été
licencié.
ESPAGNE
L'article 14 de la Constitution pose le principe
général de l'interdiction de toute discrimination :
"
Les Espagnols sont égaux devant la loi ; ils ne
peuvent faire l'objet d'aucune discrimination pour des raisons de naissance, de
race, de sexe, de religion, d'opinion ou pour n'importe quelle autre raison ou
circonstance personnelle ou sociale.
"
|
1) Les pratiques discriminatoires explicitement interdites par la loi
A
l'article 4-2-c,
la loi portant statut des salariés
énonce le droit de ces derniers à ne pas subir de discrimination,
ni lors du recrutement, ni ultérieurement, pour des raisons liées
au sexe, à l'état civil, à l'âge, à la race,
au statut social, aux croyances religieuses, aux idées politiques,
à l'appartenance syndicale ou à la langue.
La loi interdit également toute discrimination fondée sur un
handicap physique, mental ou sensoriel, dans la mesure où
l'intéressé est en mesure d'occuper le poste à pourvoir.
La loi ne distingue pas les discriminations directes des discriminations
indirectes, mais les tribunaux considèrent que tout traitement
apparemment équitable, mais qui, dans la réalité, engendre
des différences entre les personnes constitue une discrimination.
L'article 96-12 de la même loi qualifie d'
infractions
très graves les décisions
unilatérales de
l'employeur qui comportent des discriminations
, et ce quel
que soit
le fondement de la discrimination. Toutefois, cet article autorise les
discriminations favorables liées à l'âge du salarié,
ce qui permet, d'une part, de faciliter l'insertion des jeunes dans le monde du
travail et, d'autre part, d'octroyer des avantages aux salariés les plus
âgés.
L'article 28 de la loi sur les infractions et sanctions en matière
sociale vise les offres d'emploi. Il qualifie
d'infraction très
grave
la mention, dans toute offre d'emploi, de conditions susceptibles de
limiter l'accès à l'emploi pour des raisons liées au sexe,
à l'état civil, à l'âge, à la race, au statut
social, aux croyances religieuses, aux opinions politiques, à
l'appartenance syndicale ou à la langue.
2) Les sanctions de ces interdictions
L'article 17-1 de la loi portant statut des salariés frappe de
nullité
toutes les dispositions discriminatoires contenues dans
une convention collective, dans un contrat individuel ou dans une
décision unilatérale de l'employeur. Cette disposition, qui
s'applique quel que soit le motif de la discrimination (âge, sexe,
origine...), autorise cependant l'octroi d'avantages liés à
l'âge.
Les
infractions très graves
, qu'elles soient définies par
la loi portant statut des salariés ou par la loi sur les infractions et
sanctions en matière sociale, sont sanctionnées par une amende
dont le montant varie entre 500 000 et 15 000 000 pesetas
(c'est-à-dire entre 20 000 et 600 000 FRF).
Le nouveau code pénal érige en délit certaines
infractions aux droits des salariés
, parmi lesquels l'interdiction
de toute discrimination. A l'article 314, il prévoit que les
auteurs d'une grave discrimination dans le travail, qu'il s'agisse d'un emploi
public ou privé, sont passibles d'une peine de prison comprise entre six
mois et deux ans, ou d'une amende de six à douze mois
(2(
*
))
lorsque la discrimination est fondée sur
"
l'idéologie, la religion ou les croyances, l'appartenance
à une ethnie, à une race ou à une nation, l'orientation
sexuelle, la situation familiale, la maladie ou le handicap physique
".
Par ailleurs, l'article 14 du nouveau code pénal dispose que, de
manière générale, la volonté de discrimination
constitue une
circonstance aggravante
.
3) Les procédures spécifiques permettant aux victimes de faire valoir leurs droits
a) Les recours particuliers
Le
principe constitutionnel d'interdiction de toute discrimination jouit d'un
niveau de protection très élevé,
l'article 53-2
de la Constitution énonçant : "
Tout citoyen pourra
demander la protection des libertés et des droits reconnus à
l'article 14 et à la section première du
chapitre II
[du titre premier]
devant les tribunaux ordinaires par
une action fondée sur les principes de priorité et de la
procédure sommaire et, le cas échéant, par le recours
individuel d'amparo (3(
*
)) devant le Tribunal
constitutionnel (...)
".
Ainsi, la victime d'une discrimination a non seulement la possibilité de
soumettre son affaire très rapidement aux juridictions ordinaires, mais
elle peut également, lorsque tous les recours judiciaires ont
été épuisés, saisir le Tribunal constitutionnel
dans les vingt jours qui suivent la notification du dernier jugement rendu.
En revanche, si la Constitution inclut la liberté d'entreprise (qui
implique notamment la liberté contractuelle, laquelle peut être en
contradiction avec le principe de non-discrimination) parmi les droits et
devoirs fondamentaux, elle lui accorde un niveau de protection moins
élevé. En effet, la liberté d'entreprise figure à
la section II du chapitre II du titre premier et ne relève
donc pas de l'article 53-2.
b) L'action en justice des syndicats
La loi sur la procédure devant les tribunaux du travail permet aux syndicats d'agir en justice pour y défendre leurs propres intérêts. Elle leur permet aussi d'agir au nom de leurs membres et de défendre leurs droits individuels . La loi présume même l'accord de ces derniers pour être représentés par les syndicats. Cette règle s'applique de façon générale à toutes les procédures devant les tribunaux du travail. Elle n'est pas propre aux affaires de discrimination.
c) L'aménagement des règles de preuve
En règle générale, le Tribunal constitutionnel admet que l'existence de la discrimination doit être prouvée par la victime, mais qu'il appartient à l'autre partie de justifier le motif de la discrimination.
GRANDE-BRETAGNE
Après avoir, en 1975, adopté la loi sur la
discrimination sexuelle,
la Grande-Bretagne
(4(
*
))
a légiféré sur les
discriminations raciales en 1976
(5(
*
))
, puis
sur les discriminations fondées sur le handicap en 1995.
|
1) Les pratiques discriminatoires explicitement interdites par la loi
La
discrimination est définie à l'article premier de la loi de
1976
: "
(1) Dans tous les cas où l'une des
dispositions de la loi s'applique, il y a discrimination envers une personne
lorsque quelqu'un,
"
(a) pour des motifs raciaux, traite cette personne de manière moins
favorable qu'il ne traite ou traiterait d'autres personnes ; ou
"
(b) impose à cette personne une exigence ou une condition qu'il
impose ou imposerait également à des individus n'appartenant pas
au groupe racial de cette personne, mais
"
(i) qui est telle que le nombre d'individus du même groupe racial
que l'intéressé susceptibles de pouvoir s'y conformer est
considérablement moins élevé que le nombre d'individus
n'appartenant pas à ce groupe racial susceptibles de pouvoir s'y
conformer ; et
"
(ii) dont il ne peut avancer de justification indépendamment de la
couleur, de la race, de la nationalité ou des origines ethniques ou
nationales de la personne à laquelle il l'impose ; et
"
(iii) qui porte préjudice à cette personne parce qu'elle ne
peut s'y conformer.
"
(2) Aux fins de la présente loi, on considère que le fait de
pratiquer la discrimination raciale envers un individu consiste à le
traiter de manière moins favorable que les autres.
".
Cette définition englobe donc les deux formes de
discrimination
directe et
indirecte
, l'alinéa 1a se rapportant à la
première forme et l'alinéa 1b à la seconde.
Les principales expressions utilisées à l'article premier sont
définies à l'article 3, qui précise que, de
façon générale :
"
l'expression "motifs raciaux" désigne tout motif fondé
sur la couleur, la race, la nationalité ou l'origine ethnique ou
nationale ;
"
l'expression "groupe racial" désigne un groupe de personnes qui se
définit par la couleur, la race, la nationalité ou l'origine
ethnique ou nationale (...)
".
La deuxième partie de la loi de 1976 traite de la discrimination
raciale dans le domaine de l'emploi.
Elle se subdivise en trois sous-parties applicables respectivement aux
employeurs, aux autres acteurs du marché du travail (syndicats,
organismes de formation professionnelle...) et aux forces de police.
S'agissant des
employeurs
, la loi leur interdit expressément de
pratiquer toute discrimination raciale, aussi bien à l'égard des
candidats à un emploi qu'envers leurs salariés. Cette
interdiction s'applique :
- à la formulation des offres d'emploi ;
- à la détermination des conditions à remplir pour pouvoir
un poste ;
- au choix d'un candidat pour un poste donné ;
- à l'organisation du travail ;
- à l'accès des salariés à une promotion, à
une mutation, à une formation ou à tout autre avantage ;
- à la procédure de licenciement.
La loi précise également que toute discrimination raciale de la
part des syndicats, des organismes de formation professionnelle, des bureaux de
placement, des organismes, publics ou privés, qui octroient les
autorisations ou les titres nécessaires à l'exercice de certains
métiers ou de certaines professions est interdite.
2) Les sanctions de ces interdictions
La loi
de 1976 ne crée pas d'infraction spécifique. Les plaintes en
matière de discrimination raciale sont donc soumises aux
juridictions
du travail
qui peuvent :
- rendre un jugement déclaratif des droits du plaignant ;
- enjoindre à l'employeur de pallier ou de limiter les
conséquences de son acte discriminatoire ;
- exiger de l'employeur qu'il indemnise la victime. Le préjudice moral
peut être indemnisé même si le préjudice réel
ne l'est pas.
Ces trois types de réparation peuvent être accordés de
façon séparée ou conjointe.
Depuis une modification apportée en 1994,
le montant des
dommages-intérêts n'est plus plafonné
. Dans son dernier
rapport d'activité disponible, celui de 1998, la Commission pour
l'égalité raciale indique que, dans les litiges relatifs à
l'emploi, le montant moyen des dommages-intérêts octroyés
s'élève à 11 482 £ (soit environ
120 000 FRF). Cette moyenne cache une dispersion importante, car les
montants supérieurs à 100 000 £ ne sont plus
exceptionnels.
Cependant, l'article 57 de la loi de 1976 pose une restriction importante
à l'octroi de dommages-intérêts : la discrimination
indirecte ne peut pas donner lieu à dommages-intérêts si
l'accusé réussit à démontrer aux juges qu'il
n'avait pas l'intention de pratiquer un acte discriminatoire lorsqu'il a pris
la mesure contestée.
3) Les procédures spécifiques permettant aux victimes de faire valoir leurs droits
a) L'aménagement des règles de preuve
Les
tribunaux se montrent en général assez indulgents envers les
victimes
lorsque celles-ci parviennent à montrer que l'accusé
a établi une distinction entre des personnes appartenant à des
groupes raciaux différents. Il appartient alors à l'accusé
de convaincre le tribunal de sa bonne foi.
De plus, l'article 65 de la loi de 1976 prévoit une
procédure
particulière
qui
facilite l'obtention des preuves
: il
permet au ministère de l'Intérieur d'établir des
formulaires permettant à la victime d'interroger la partie qui est
assignée et à cette dernière de répondre. Les
questions et les réponses constituent des preuves pour toutes les
procédures entamées dans le cadre de la loi de 1976.
b) La Commission pour l'égalité raciale
Constituée en vertu de l'article 43 de la loi de
1976,
la commission comporte entre huit et quinze membres nommés par le
ministre de l'Intérieur. Elle a son siège à Londres, mais
dispose de plusieurs antennes régionales (une en Ecosse, une au Pays de
Galles et trois en Angleterre). Elle employait 217 personnes à la
fin de l'année 1998.
La loi lui a assigné la
mission
suivante :
- oeuvrer pour l'élimination de la discrimination raciale ;
- promouvoir l'égalité des chances et les bonnes relations entre
personnes appartenant à des groupes raciaux différents ;
- veiller à l'application de la loi et présenter des propositions
de réforme.
Pour remplir cette mission, la commission dispose des
pouvoirs
suivants :
- accorder son soutien, notamment financier, aux organismes qui poursuivent le
même but qu'elle
(6(
*
))
;
- effectuer des recherches et mener des actions pédagogiques ;
- rédiger des codes de bonne conduite, en particulier dans le domaine de
l'emploi ;
- mener des enquêtes, la loi prévoyant une procédure
spécifique à cet égard ;
- adresser des recommandations aux auteurs, potentiels ou réels, de
discriminations, ainsi qu'au ministre compétent ;
- saisir elle-même la justice, mais seulement lorsque certaines des
infractions à la loi de 1976 sont constatées ;
- apporter son aide aux victimes de discriminations raciales.
En ce qui concerne ce dernier point, qui constitue la seule forme d'
aide
directe
aux victimes, la loi autorise la commission à fournir
"
toute forme d'assistance qu'elle juge appropriée
",
et en particulier :
- à donner des conseils aux victimes ;
- à tenter d'obtenir un règlement extrajudiciaire des
litiges ;
- à faire en sorte que les victimes soient conseillées ou
représentées par un avocat.
Dans son dernier rapport annuel disponible, celui de 1998, la commission
indique avoir reçu 1 657 demandes d'aide, les deux tiers de
ces demandes se rapportant à des problèmes survenus sur les lieux
de travail.
Les autres moyens d'action de la commission constituent des
aides
indirectes
aux victimes de discriminations. En matière d'emploi, les
codes de bonne conduite et les enquêtes représentent les plus
importantes.
Le code de bonne conduite relatif à l'emploi
est l'un des sept
codes que la commission a élaborés. Il a été
modifié plusieurs fois. Dépourvu de tout caractère
obligatoire, il comporte les indications que les employeurs, les syndicats,
ainsi que tous les autres acteurs du marché du travail, doivent
respecter pour se conformer aux prescriptions de la loi de 1976, et notamment
pour éviter toute pratique discriminatoire indirecte.
La commission ne peut mener ses
enquêtes
que lorsqu'elle suspecte
des pratiques discriminatoires. De plus, elle doit prévenir les
établissements concernés de l'ouverture de l'enquête et en
fixer le cadre. La commission n'utilise cette procédure qu'en dernier
ressort. Elle dispose de larges pouvoirs : inspection sur pièces et
sur place, convocation de témoins... Lorsque la commission conclut
à l'existence d'un cas de discrimination, elle adresse à l'auteur
de cette dernière une mise en demeure, valable pendant cinq ans et
contenant les différentes mesures qui doivent être prises pour
faire cesser les infractions à la loi de 1976. Lorsque l'auteur de la
discrimination ignore ces instructions, la commission peut obtenir des
tribunaux un jugement enjoignant à l'employeur fautif de se mettre en
règle dans des délais très courts. Les mises en demeure de
la commission sont susceptibles d'appel devant les tribunaux de droit commun ou
devant les juridictions du travail, selon la nature des actes qu'elles visent.
La commission peut saisir directement la justice dans deux cas
seulement :
- lorsqu'elle a connaissance d'une offre d'emploi discriminatoire ;
- dans les cas où une personne a fait pression sur une autre ou lui a
donné des instructions pour que cette dernière se comporte de
façon discriminatoire.
La commission peut alors demander au tribunal d'enjoindre à l'auteur de
la discrimination de se mettre en conformité avec la loi. Dans ces deux
hypothèses, la commission est la seule à pouvoir intenter une
action.
* *
*
En juin
1998, la Chambre des lords a adopté une proposition de loi tendant
à interdire, sur les lieux de travail, toute discrimination
fondée sur l'orientation sexuelle. Le texte a été
rejeté par la Chambre des communes.
L'année suivante, le gouvernement a indiqué que, à
défaut de législation, il convenait d'établir un code de
bonne conduite. Plusieurs administrations ont donc entrepris sa
rédaction.
PAYS-BAS
L'article premier de la Constitution
pose le principe
général de l'interdiction de toute discrimination :
"
Tous ceux qui se trouvent aux Pays-Bas sont, dans des cas
égaux, traités de façon égale. Nulle discrimination
n'est permise, qu'elle se fonde sur la religion, les convictions, les opinions
politiques, la race, le sexe ou tout autre motif.
"
|
1) Les pratiques discriminatoires explicitement interdites par la loi
L'article 90 quater du code pénal
définit
la discrimination comme "
toute forme de distinction, d'exclusion, de
restriction ou de préférence dont l'objet ou l'effet est de
réduire à néant ou de limiter la reconnaissance, la
jouissance ou l'exercice sur un pied d'égalité des droits de
l'homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique,
économique, social ou culturel ou dans tout autre domaine de la vie
sociale.
"
La loi du 2 mars 1994
a pour objet la lutte contre toute
discrimination, directe ou indirecte, fondée sur la religion, les
convictions personnelles, les opinions politiques, la race, le sexe, la
nationalité, l'orientation sexuelle ou l'état civil.
Dans le domaine de l'emploi, elle interdit toute discrimination :
- lors de la conclusion ou de la rupture d'un contrat de travail ;
- pour l'avancement ;
- dans les conditions de travail ;
- au moment de décider de l'admission d'une personne à une
formation, que celle-ci se déroule avant l'embauche ou en cours
d'emploi.
La loi interdit également que l'accès à une profession
indépendante et l'exercice d'une telle profession puissent être
refusés.
2) Les sanctions de ces interdictions
La loi
sur l'égalité de traitement frappe de
nullité
toutes les décisions mettant fin à un contrat de travail qui ont
été prises sur le fondement d'une discrimination. Les ruptures du
contrat de travail fondées sur le fait que le salarié a
tenté de se prévaloir des dispositions législatives le
protégeant contre les discriminations sont également nulles.
L'article 1-3 de la
loi sur les conventions collectives
énonce
que toute disposition obligeant l'employeur à embaucher ou à ne
pas embaucher des personnes d'une race particulière, d'une religion ou
d'une conviction philosophique ou politique donnée, ou les membres d'une
association déterminée est nulle de plein droit.
Le
code pénal
considère comme un
délit
,
punissable d'une peine de prison pouvant atteindre six mois ou d'une amende
d'au plus 10 000 florins (c'est-à-dire environ
30 000 francs) toute personne qui, dans un cadre professionnel, se
rend coupable d'une
discrimination raciale intentionnelle
.
Il considère comme une
contravention
, punissable d'une peine de
prison d'au plus deux mois et d'une amende d'au plus 10 000 florins,
toute personne qui, dans un cadre professionnel, se rend coupable d'une
discrimination fondée sur la race, la religion, les convictions
personnelles, le sexe ou l'orientation sexuelle.
L'article 162 du
code civil
prévoit que l'auteur d'un acte
dommageable doit réparer le préjudice en résultant. Or, la
jurisprudence a établi à plusieurs reprises que la discrimination
raciale constituait un préjudice et que la victime avait droit à
des
dommages-intérêts
. Cette procédure, qui permet
d'éviter l'enquête de police, est peu utilisée, car la
victime paie les frais de justice si elle perd son procès.
3) Les procédures spécifiques permettant aux victimes de faire valoir leurs droits
a) L'aménagement des règles de preuve
Si le code de procédure civile établit que la charge de la preuve incombe au demandeur, les tribunaux peuvent renverser la charge de la preuve pour des raisons d'équité. Ils le font parfois lorsque la victime apporte suffisamment d'éléments.
b) La Commission pour l'égalité de traitement
La
Commission pour l'égalité de traitement
est un organisme
indépendant, institué par la loi de 1994. Elle comprend neuf
membres nommés par le ministre de la Justice en accord avec quatre
autres ministres (les quatre ministres chargés de l'intérieur,
des affaires sociales, de l'enseignement et de la santé publique) et
dispose d'un secrétariat dont les membres sont également
nommés par le ministre de la Justice.
La
commission enquête sur les affaires de discrimination
,
que la discrimination soit fondée sur la loi de 1994, sur la loi de 1980
relative à l'égalité de traitement entre hommes et femmes,
ou sur les dispositions du code civil relatives à
l'égalité de traitement entre hommes et femmes.
Un règlement du 29 juin 1994 détermine la procédure
applicable devant la commission. Celle-ci agit de son propre chef ou en
réponse à des demandes écrites que peuvent lui
présenter non seulement les personnes directement
intéressées (victimes, auteurs potentiels de discriminations
avant de prendre une mesure, instances ayant à prendre une
décision dans une affaire de discrimination), mais aussi :
- les comités d'entreprise ;
- les associations et les fondations dont l'objet est la lutte contre les
discriminations.
Lorsqu'elle estime la demande fondée, la commission mène une
enquête. Elle peut exiger, des parties à l'affaire ou de tiers,
des explications écrites ou orales et a accès à tous les
locaux, à l'exception des appartements. Avant de rendre ses conclusions
définitives, la commission convoque les parties à une audience
afin de leur donner l'occasion de s'exprimer. Cette audience est publique.
La commission transmet ensuite ses conclusions au demandeur, à la
victime s'il s'agit d'une autre personne, et à l'auteur, prétendu
ou réel, de la discrimination. Bien que ces conclusions n'aient aucune
force exécutoire, elles sont généralement suivies. La
commission peut aussi adresser des recommandations à l'auteur de la
discrimination. Elle peut également communiquer ses conclusions aux
ministères intéressés ainsi qu'aux organisations
syndicales et patronales concernées.
La durée totale de traitement d'une plainte par la commission
dépasse en moyenne six mois.
La commission peut agir en justice
pour obtenir l'annulation,
l'interdiction, ou la réparation financière d'une mesure
discriminatoire. Dans son dernier rapport annuel disponible, celui de 1998, la
commission indiquait ne pas avoir encore utilisé cette faculté.
Chaque année, la commission établit un rapport annuel qui est
rendu public.
* *
*
En
pratique, il semble que la plupart des plaintes en matière de
discrimination
, dans la mesure où elles ne présentent aucun
caractère exemplaire,
soient traitées à
l'amiable
: la victime prend contact avec une association de lutte
contre les discriminations, qui mène son enquête et tente une
médiation avec l'entreprise auteur de la discrimination, la plupart des
entreprises ayant institué des commissions compétentes pour
régler ces affaires.
De plus, après la signature par le gouvernement et par les syndicats, en
1992, d'un protocole condamnant la discrimination raciale, de nombreux codes de
bonne conduite ont été établis par les employeurs. Ainsi,
en 1996, le conseil municipal d'Amsterdam a élaboré le sien, qui
s'applique à tous les services municipaux et à leurs
employés.
(1)
La loi de 1971 concernait uniquement la discrimination raciale ; elle a
été modifiée en 1987 pour prendre en compte l'orientation
sexuelle.
(2) Le nouveau code pénal dispose que, en règle
générale et sauf prescription contraire, le système des
jours-amendes s'applique lorsque la peine consiste en une amende.
(3) Le recours individuel d'" amparo " (c'est-à-dire de
protection) permet aux particuliers, lorsqu'un acte juridique viole l'un de
leurs droits fondamentaux, de saisir le Tribunal constitutionnel après
épuisement des voies de recours ordinaires.
(4) L'Irlande du Nord a adopté en 1976 la loi sur l'équité
dans l'emploi, qui interdit la discrimination dans l'emploi du fait des
croyances religieuses ou des opinions politiques. Elle a ensuite, en 1997,
adopté une loi interdisant les discriminations raciales.
(5) La loi de 1976 est la troisième loi sur les discriminations
raciales. Elle fait suite à celle de 1965, dont le champ d'application
était très limité, et à celle de 1968, qui
s'appliquait déjà sur les lieux de travail.
(6) Il s'agit essentiellement de la centaine de comités locaux pour la
lutte contre le racisme.