DANEMARK
En mai
1991, le Parlement a adopté
la loi sur l'assurance des patients
,
qui est
entrée en vigueur le 1
er
juillet 1992
.
Plusieurs fois modifiées sans que leurs principes soient remis en cause,
ses dispositions font actuellement l'objet de la loi du 24 mars 1997.
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1) Le régime juridique de la responsabilité médicale
Si la
loi sur l'assurance des patients permet que la plupart des accidents
médicaux survenus en milieu hospitalier soient indemnisés
indépendamment de toute notion de faute et de responsabilité, il
n'en va pas de même pour ceux qui trouvent leur origine dans un acte
réalisé par un médecin qui exerce à titre
libéral ou dans une clinique privée.
Le droit commun de la responsabilité s'applique alors, et la victime
doit prouver l'existence :
- d'un dommage ;
- d'une erreur ou d'une omission de la part du professionnel ;
- d'un lien de causalité entre les deux.
2) Le régime d'indemnisation
a) Dans le cadre de la responsabilité médicale
La
loi sur la réparation des dommages
précise lesquels peuvent
donner lieu à réparation. Les principaux sont les suivants :
- dépenses de santé ;
- perte du revenu du travail ;
- perte de la capacité de travail ;
- coups et blessures ;
- perte du soutien de famille pour le conjoint et les enfants en cas de
décès.
Chaque année, un texte réglementaire détermine le
barème applicable aux différentes catégories de dommages
et intérêts. Certains sont versés en capital et d'autres
sous forme de rente.
En principe, les rentes viagères sont exclues : les versements
cessent lorsque l'état de la victime est considéré comme
stationnaire, c'est-à-dire lorsque tout espoir d'amélioration est
abandonné. La principale exception à cette règle concerne
les dommages et intérêts pour dépenses de santé, qui
sont viagers. La limitation dans le temps des versements au titre de la loi sur
la réparation des dommages s'explique notamment par le relais pris par
les prestations de l'assurance invalidité.
b) Dans le cadre de la loi sur l'assurance des patients
•
Le champ d'application de la loi
Initialement limité aux
hôpitaux publics et aux hôpitaux
privés signataires d'une convention de gestion avec les pouvoirs
publics
(3(
*
))
, il a
été étendu en juin 1999 aux établissements
privés et aux spécialistes qui exercent en libéral
lorsqu'ils traitent des patients qui leur ont été adressés
par le secteur public et qui sont financièrement pris en charge par ce
dernier.
La loi concerne non seulement les personnes qui font l'objet d'examens ou de
traitements, mais aussi celles qui participent à des expériences,
ainsi que les donneurs de sang, de tissus, d'organes... Dans ces
différents cas, la loi s'applique également, depuis une
modification adoptée en 1995, aux médecins qui exercent en
libéral.
Seuls, les préjudices physiques sont susceptibles d'être
indemnisés. Les préjudices psychiques sont exclus, à moins
d'être la conséquence de préjudices physiques et
d'atteindre la même personne. D'après les travaux
préparatoires, cette exclusion s'explique par la difficulté,
spécifique au domaine psychiatrique, à distinguer les
conséquences d'une maladie de celles d'un traitement.
De plus, deux lois spécifiques couvrent respectivement les dommages
consécutifs à une vaccination et à l'utilisation de
produits pharmaceutiques.
•
Les conditions d'indemnisation
Seuls, les préjudices supérieurs à
10 000 couronnes (c'est-à-dire environ 9 000 FRF)
sont indemnisables. Le plancher avait été fixé à
20 000 couronnes dans la loi initiale.
La loi énumère les
quatre critères
susceptibles de
justifier une demande d'indemnisation :
- un médecin expérimenté dans le domaine
considéré aurait agi autrement, ce qui aurait évité
le préjudice ;
- le préjudice résulte d'un défaut dans
l'équipement utilisé ;
- le recours à d'autres méthodes ou d'autres techniques
aurait évité le préjudice ;
- la complication qui est survenue est très rare ou d'une ampleur
beaucoup plus grande que celle à laquelle on aurait pu raisonnablement
s'attendre, compte tenu de l'état général du patient.
Les trois premiers critères correspondent aux préjudices qui
auraient pu être évités, et le quatrième aux
" aléas thérapeutiques ".
La victime n'a besoin de prouver ni faute ni lien de causalité. Il
suffit que l'Association pour l'assurance des patients établisse que le
préjudice subi résulte,
selon toute probabilité
, de
l'un des motifs prévus par la loi.
En revanche, si aucun de ces quatre critères ne peut s'appliquer, le
patient est soumis au droit commun de la responsabilité.
•
L'Association pour l'assurance des patients
Tous les assureurs des prestataires de soins couverts par la loi
doivent
être agréés par le ministère de la Santé. Ils
sont réunis en une association de droit privé
,
l'Association pour l'assurance des patients.
L'arrêté relatif aux statuts de l'association précise que
son conseil d'administration comporte sept membres. L'un d'eux est
désigné par le ministère de la Santé et les autres
sont choisis, d'une part, par les compagnies d'assurances et, d'autre part, par
les collectivités locales et l'Etat, qui sont leur propre assureur.
L'association dispose d'un personnel essentiellement composé de juristes
et de médecins représentant les différentes
spécialités. Au 31 décembre 1999, elle employait une
cinquantaine de personnes.
L'association est financée par les assureurs qui en font partie et par
les entités qui sont leur propre assureur.
•
L'examen des dossiers d'indemnisation
Le patient adresse sa demande à l'Association pour l'assurance des
patients au plus tard cinq ans après avoir eu connaissance du
préjudice subi et dix ans après la survenue de ce dernier
(4(
*
))
. L'hôpital envoie
également un dossier à l'association.
L'association statue sur tous les éléments du dossier. Elle
procède d'abord à une évaluation juridique de l'affaire,
ce qui lui permet d'éliminer les demandes infondées (parce que ne
relevant pas du champ d'application de la loi ou parce que l'indemnité
serait inférieure à 10 000 couronnes), puis à
une évaluation médicale.
Au cours des cinq dernières années, le délai
nécessaire à l'examen des dossiers a varié entre 150 et
200 jours.
L'évaluation du préjudice est faite à l'aide des
barèmes relatifs à la loi générale sur la
réparation des dommages, dont les principes ont été
exposés plus haut. L'application de ces barèmes se traduit par un
plafonnement de l'indemnité versée. Ainsi, depuis le
1
er
janvier 2000, le salaire annuel susceptible d'être
indemnisé est plafonné à 581 000 couronnes (soit
environ 520 000 FRF). Les autres chefs d'indemnisation sont
également plafonnés. De plus, si le dommage trouve son origine
dans un acte volontaire ou une négligence grossière de la
victime, l'indemnité peut être réduite, voire
supprimée.
Entre le 1
er
juillet 1992 et le 31 décembre 1999,
l'association a rendu environ 12 000 décisions :
- 1978 (16,42 %) ont conclu à l'irrecevabilité des
demandes ;
- 4958 (41,32 %) ont fait droit aux demandes ;
- 5070 (42,26 %) ont rejeté les demandes.
Presque 40 % des décisions positives se fondent sur le premier
critère (non-application de la règle de l'art) et environ un
tiers sur le quatrième (aléa thérapeutique).
Lorsqu'un patient ou un assureur n'est pas satisfait de la décision
rendue par l'association, il peut, dans les trois mois, déposer un
recours auprès de la
Commission d'appel pour les dommages
causés au patient
. En revanche, les hôpitaux ne disposent pas
de ce droit de recours. Cette commission est placée sous
l'autorité du ministre de la Santé, mais elle exerce son
activité en toute indépendance. Son président et son
vice-président doivent, aux termes de la loi, être des magistrats
professionnels. Ils sont nommés par le ministre de la Santé. La
loi précise également le mode de désignation des huit
autres membres (un par le ministre de la Santé, deux par les
associations de handicapés...).
Alors que l'Association pour l'assurance des patients rend ses décisions
assez rapidement, la commission d'appel, qui est de plus en plus souvent
saisie, a besoin d'un délai moyen d'un an et demi.
Les décisions de la commission d'appel peuvent, dans les six mois,
être soumises aux tribunaux de droit commun, qui les infirment, les
confirment ou les modifient.
c) Dans le cadre des autres textes
L'association des dentistes danois et l'association des chiropracteurs danois ont, respectivement en 1990 et 1992, conclu un protocole avec une compagnie d'assurances. Ces protocoles permettent aux patients d'être indemnisés dans des conditions similaires à celles prévues par la loi.
* *
*
Le
dispositif institué en 1992 a rempli son double objectif :
amélioration des possibilités d'indemnisation et traitement plus
rapide des demandes.
Il a été modifié sur quelques points, et d'autres
changements paraissent souhaitables. En août 1996, le ministère de
la Santé a créé une commission chargée de
préparer la révision de la loi. Dans son rapport, qu'elle a rendu
public en novembre 1997, la commission se prononçait notamment
pour :
- l'élargissement du champ d'application de la loi à tous
les médecins libéraux et à certaines professions
paramédicales ;
- l'indemnisation des préjudices psychiques ;
- la modification de l'organisation de la commission d'appel, afin qu'elle
puisse rendre ses décisions dans un délai compris entre trois et
six mois.