NOTE DE SYNTHESE
Le
projet de loi sur la modernisation du système de santé, qui
devrait être prochainement déposé au Parlement, traitera de
plusieurs questions relatives aux droits des malades, parmi lesquelles
l'accès direct au dossier médical.
Alors que, pour l'instant, le droit d'accès du patient à son
dossier s'effectue par l'intermédiaire d'un médecin qu'il
désigne, le projet de loi devrait affirmer le principe de l'accès
direct au dossier médical, afin de permettre au patient de consulter
lui-même l'ensemble des informations relatives à sa santé.
La présente étude analyse comment l'information des malades et
l'accès au dossier médical sont organisés chez plusieurs
de nos voisins,
l'Allemagne, la Belgique, le Danemark, la Grande-Bretagne et
les Pays-Bas.
Elle permet de mettre en évidence que :
-
l'accès au dossier médical est prévu par la loi au
Danemark, en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas, et par la jurisprudence dans les
autres pays ;
- les patients disposent de plus de droits dans les pays qui ont
légiféré.
1)
L'accès au dossier médical est organisé par la loi
au Danemark, en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas, et par la jurisprudence en
Allemagne et en Belgique
a)
Les lois danoise, anglaise et néerlandaise
Au
Danemark
, la
loi de 1998 sur le statut juridique du patient
,
qui s'est substituée à la loi de 1993 sur l'accès aux
informations médicales, précise l'ensemble des droits des malades
et affirme le droit pour chacun, à partir de l'âge de quinze ans,
d'être informé de son état de santé et des
possibilités de traitement, ainsi que d'accéder à son
dossier médical.
En
Grande-Bretagne
, le droit d'accès aux dossiers médicaux
est organisé différemment selon que ceux-ci sont ou non
automatisés. Dans le premier cas, il est garanti par la
loi de 1984
sur la protection des données personnelles
, tandis que, dans le
second, la
loi de 1990 sur les fichiers de santé
s'applique. Au
cours de l'année 2001, l'ensemble de ces dispositions devrait être
remplacé par celles contenues dans la loi de 1998 sur les données
personnelles.
Aux
Pays-Bas
, la
loi sur l'accord en matière de traitement
médical
, entrée en vigueur en 1995 et incorporée au
code civil
, affirme l'existence d'un contrat entre les patients de plus
de seize ans et les prestataires de soins de santé, et oblige ces
derniers à établir un dossier pour chaque patient.
b)
La jurisprudence en Allemagne et en Belgique
D'après la
jurisprudence
allemande
, les prestataires de
soins de santé et leurs patients sont liés par un
contrat de
service
dont l'existence fonde la plupart des droits du patient. Par
ailleurs, le code civil reconnaît à toute personne qui y a un
intérêt le droit de consulter les documents détenus par une
autre et qui ont été établis dans l'intérêt
de la première. Cette disposition a permis à la jurisprudence
d'affirmer et de définir le droit d'accès du patient à son
dossier médical.
En
Belgique
, en l'absence de cadre juridique explicite, les droits du
patient ont été dégagés par la jurisprudence, qui
estime que les patients et les prestataires de soins de santé concluent
un
contrat tacite
. Par ailleurs, le code de déontologie
médicale, dépourvu de caractère contraignant,
prévoit l'établissement d'un dossier médical pour tout
patient. Le ministre de la Santé du précédent gouvernement
avait préparé un avant-projet de loi qui précisait que
tout patient devait pouvoir consulter son dossier médical.
2)
Dans les pays où il est organisé par la loi, le droit
d'accès au dossier médical est plus large
a)
Les éléments consultables y sont plus importants
Dans les trois pays où l'accès au dossier médical est
régi par la loi, celle-ci précise que le droit d'accès
s'applique à la totalité des informations figurant dans le
dossier. Seules les données susceptibles de nuire à la vie
privée de tierces personnes ou de l'intéressé peuvent, le
cas échéant, ne pas être consultables.
En revanche, le code de déontologie médicale belge précise
en effet que le médecin n'est pas tenu de permettre à ses
patients de consulter directement leur dossier : il décide de la
"
transmission de tout ou partie
(...)
en tenant compte du
respect du secret médical
". De même, en Allemagne, la
jurisprudence limite le droit d'accès aux seuls éléments
objectifs du dossier, excluant par exemple les commentaires d'analyses.
b)
Le coût de copie des éléments du dossier est
limité
Le patient peut non seulement consulter son dossier, mais il peut aussi
demander la copie de certaines pièces. Dans ce cas, les textes
d'application des lois danoise, anglaise et néerlandaise comportent des
barèmes très précis. A titre d'exemple, au Danemark, la
première demande adressée à un établissement public
est satisfaite gratuitement lorsqu'elle se traduit par la fourniture de papier,
la prestation étant facturée à prix coûtant si les
informations sont fournies sur un support différent. De même, en
Grande-Bretagne, les frais de copie sont plafonnés à environ 200
FRF.
c) Les demandes doivent être satisfaites rapidement
La loi danoise précise que la demande d'accès doit être
satisfaite le plus rapidement possible et que, si ce n'est pas le cas, le
demandeur doit être informé du refus ou du retard dans les dix
jours suivant la réception de la demande.
Les délais prévus par les deux lois anglaises varient en fonction
de l'ancienneté du dossier, mais ils ne peuvent pas excéder
quarante jours.
Aux Pays-Bas, le code civil mentionne la nécessité de
répondre aux requêtes "
le plus rapidement
possible
".
d) En cas de refus, les patients disposent de recours
Au Danemark, les demandeurs déboutés peuvent s'adresser à
la Commission d'examen des plaintes des patients, qui traite toutes les
plaintes des citoyens concernant l'exercice des professions de santé. De
même, aux Pays-Bas, ils peuvent saisir l'une des commissions
chargées d'examiner les plaintes des patients. Comme la loi de 1995 sur
le règlement des plaintes des clients des prestataires de soins oblige
ces derniers, hôpitaux comme médecins de famille, à
instituer de telles commissions, les premiers ont créé leurs
propres commissions, tandis que les seconds recourent à des commissions
régionales. En Grande-Bretagne, les patients insatisfaits peuvent saisir
les tribunaux de droit commun.
En revanche, en Allemagne, bien que la jurisprudence se soit efforcée de
délimiter le droit d'accès, elle n'a prévu aucun recours
en cas de refus, à moins que celui-ci ne s'accompagne d'une faute
professionnelle.