PAYS-BAS
Préoccupé par le développement de la
délinquance juvénile, le gouvernement chargea en 1993 la
commission van Montfrans
de proposer des recommandations. Celles-ci ont
été pour partie mises en oeuvre à partir de 1994 par le
nouveau cabinet, de centre-gauche.
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I. LE RACCOURCISSEMENT DE LA DUREE DES PROCEDURES
Le ministre de la Justice a demandé aux parquets de s'efforcer de réduire à moins de six mois le temps qui s'écoule entre l'infraction et la réponse qui y est apportée.
II. LE DEVELOPPEMENT DE NOUVELLES MESURES
Il
s'agit essentiellement de sanctions consistant à imposer aux jeunes
délinquants de fournir un certain
travail
. Bien qu'analogues dans
leur contenu, ces sanctions sont susceptibles d'être appliquées
à plusieurs stades de la procédure pénale :
- le programme Halt permet aux primo-délinquants auteurs d'infractions
mineures de réparer leur faute avant le début de la
procédure pénale ;
- le procureur de la Reine peut poser comme condition à l'abstention des
poursuites la réalisation d'un certain travail ;
- le juge peut, sur proposition du mineur délinquant, substituer une
sanction alternative à une peine principale.
Le nombre total de ces nouvelles sanctions a beaucoup augmenté depuis
quelques années, comme en témoignent les chiffres suivants,
fournis par le ministère néerlandais de la Justice :
1990 |
2.776 |
1991 |
2.666 |
1992 |
3.248 |
1993 |
3.594 |
1994 |
3.932 |
1995 |
4.366 |
1996 |
6.452 |
1) Le programme Halt (Het alternatief : l'alternative)
a) La base juridique
L'article 77 e du code pénal
, qui fait partie du
titre VIII du code pénal comportant les dispositions spécifiques
applicables aux jeunes de douze à dix-huit ans et qui résulte de
l'adoption de la loi du 7 juillet 1994, entrée en vigueur le
1
er
septembre 1995, permet aux
jeunes
primo-délinquants de réparer certaines infractions en dehors de
la procédure pénale
stricto sensu
. Ce programme
cherche avant tout à inculquer aux jeunes le
respect de la
propriété et de l'ordre public
.
Il énonce en effet :
"
1.
L'officier de police judiciaire désigné
à cet effet par le procureur de la Reine pourra, avec l'accord
préalable du procureur de la Reine, proposer au prévenu de
participer à un projet. Cette participation aura pour objet
d'éviter que le procès-verbal de l'affaire ne soit envoyé
au procureur de la Reine. Les infractions pénales qui peuvent être
réglées de cette façon sont définies dans un
règlement d'administration publique.
2. Lorsqu'il est fait une proposition en application du premier alinéa,
l'officier de police judiciaire informera le prévenu qu'il n'est pas
obligé de participer au projet et il l'avertira des conséquences
éventuelles de sa non-participation. Cette proposition, l'information
afférente et l'avertissement des conséquences éventuelles
seront en plus notifiés par écrit au prévenu.
3. Le procureur de la Reine donnera des directives générales sur
les modalités du règlement prévu au premier alinéa.
Ces directives concernent en tout état de cause :
a) les projets et les catégories d'infractions pénales qui,
compte tenu de la nature de ces projets, entrent en ligne de compte pour ce
règlement ;
b) la durée de la participation, déterminée en fonction de
la nature de l'infraction pénale et du projet, et
c) la façon dont l'accord du procureur de la Reine peut être
obtenu.
4. La durée de la participation à un tel projet ne saurait
excéder vingt heures.
5. Si l'officier de police judiciaire visé au premier alinéa
estime que le prévenu a participé de façon satisfaisante
à un projet déterminé, il en donnera connaissance par
écrit au procureur de la Reine et au prévenu. Cette communication
éteint l'action publique, sous réserve des dispositions
prévues à l'article 12k du code de procédure
pénale(3(
*
)). Dans ce cas, le juge
tiendra compte de la participation achevée s'il prononce une
peine. "
Les infractions auxquelles l'article 77e du code pénal est susceptible
de s'appliquer ont été définies par un règlement du
25 janvier 1995.
Il s'agit essentiellement :
- des
actes de vandalisme
, à condition que le dommage total
n'excède pas 7.500 florins (soit environ 22.000 francs) et que
le dommage causé par un individu donné ne dépasse pas
1.500 florins (soit environ 4.500 francs) ;
- des
autres infractions contre le patrimoine
(vols,
détournements, recels...), dans la mesure où la valeur du
patrimoine concerné n'excède pas 250 florins.
b) La pratique
Lorsqu'un jeune est arrêté par la police parce qu'il a commis l'une de ce infractions, il est envoyé au bureau Halt dont dépend sa commune, où on lui propose de réparer directement sa faute. Pour cela, il peut accomplir des petits travaux qui sont en relation avec son geste (nettoyer un mur après y avoir fait des graffiti par exemple) ou rembourser les dégâts causés, par exemple en travaillant quelques heures dans le magasin où il a volé. Si le jeune accepte cette proposition, il souscrit un accord écrit. Ses parents signent également cet accord s'il a moins de seize ans. Les travaux sont exécutés pendant le temps libre du jeune (vacances et fins de semaine). Si les accords sont respectés, il n'y a ni sanction ni inscription au casier judiciaire. Dans le cas contraire, le procès-verbal de la police est adressé au procureur, qui peut engager des poursuites.
c) Les résultats
La plupart des jeunes qui signent des contrats Halt sont des garçons d'une quinzaine d'années, scolarisés et insérés socialement. Les études démontrent que les contrats Halt constituent un remède efficace contre le vandalisme puisque 60 % des jeunes qui souscrivent un tel contrat ne récidivent pas. Depuis 1995, le nombre des contrats Halt a beaucoup augmenté :
1995 |
17.235 |
1996 |
21.412 |
1997 |
20.867 |
d) L'organisation
Les
bureaux Halt, environ soixante-dix dans tout le pays, sont en
général créés par les communes. Ils sont
hébergés dans des locaux communaux et financés pour partie
par les communes et pour partie par l'Etat
(4(
*
))
.
Les plus gros bureaux emploient une quinzaine de personnes. Il existe un
organisme national de coordination des bureaux Halt.
2) Les " sanctions alternatives " comme condition du non-engagement des poursuites
L'article 77 f du code pénal dispose que,
lorsque le
procureur de la Reine fait usage de la faculté que lui offre l'article
74 du même code de ne pas poursuivre un jeune délinquant
auteur d'une contravention ou d'un délit (il ne peut s'agir d'un
délit auquel est applicable une peine de plus de six ans de prison), il
peut imposer au jeune "
soit qu'il exerce une activité non
salariée dans l'intérêt de la collectivité ou une
activité de réparation des dommages causés par
l'infraction pénale, soit qu'il suive un projet éducatif pour une
durée que ce magistrat détermine et qui ne saurait excéder
quarante heures, à effectuer avant l'expiration d'un délai
à fixer également par ce magistrat et qui ne saurait
excéder trois mois
".
L'objectif des projets éducatifs est d'inculquer aux jeunes
délinquants les valeurs de la société dans laquelle ils
vivent. Ils prennent plusieurs formes : il peut par exemple s'agir de
cours d'éducation sexuelle pour les jeunes auteurs d'infractions
sexuelles, de conférences au cours desquelles on explique aux
délinquants les conséquences de leurs actes pour les victimes.
3) Les " sanctions alternatives " comme peines de substitution
Conformément à l'article 77 h du code
pénal, le juge peut, sur proposition du jeune délinquant,
remplacer les peines principales, détention et amende, susceptibles
d'être imposées à un mineur par des peines de substitution
limitativement énumérées :
- activité non salariée dans l'intérêt de la
collectivité ;
- projet éducatif ;
- activité de réparation des dommages causés par
l'infraction pénale.
La durée des travaux effectués pour la collectivité (faire
la vaisselle dans une maison de retraite, faire le ménage dans un
hôpital par exemple) ne peut excéder 200 heures. Les projets
éducatifs sont considérés comme particulièrement
adaptés aux infractions sexuelles ou à celles commises sous
l'empire de l'alcool ou de la drogue.
III. LES MESURES PARTICULIERES AUX MINORITES ETHNIQUES
A partir
du constat de la sur-représentation des jeunes étrangers, en
particulier des Marocains et des Antillais, parmi les délinquants, le
ministère de la Justice a décidé de considérer
comme spécifique le problème des jeunes étrangers, et donc
de le traiter séparément.
Il a institué en décembre 1997 une commission composée de
Marocains chargée de faire des propositions sur les moyens de lutter
contre la délinquance commise par les jeunes appartenant à leur
communauté. La commission a rendu son rapport en mai 1998. Elle propose
notamment d'ouvrir l'école aux parents, de faire prendre en charge les
jeunes délinquants de nationalité marocaine par des compatriotes
et de mieux structurer la communauté marocaine.
Par ailleurs, plusieurs
expériences de prise en charge des jeunes
délinquants étrangers par des professionnels appartenant à
la même nationalité
ont commencé récemment.
IV LA DECENTRALISATION DE LA JUSTICE
Elle se
manifeste par :
- le développement de la justice de proximité ;
- la promotion de programmes locaux de lutte contre la délinquance
juvénile.
1) Le développement de la justice de proximité
Le
programme s'intitule " Justice dans le quartier " (
Justitie in de
Buurt
: JIB).
L'expérience a été lancée en 1997 dans quatre
villes : Amsterdam, Arnhem, Maastricht et Rotterdam. Elle consiste
à installer les services judiciaires compétents pour les mineurs
dans plusieurs quartiers d'une ville, afin de rendre la présence de la
justice plus visible, de créer des liens plus étroits entre ces
services et la population, et de traiter les affaires plus rapidement.
Ces bureaux doivent traiter tous les aspects de la délinquance
juvénile : campagnes d'information, aide aux victimes,
médiation, prononcé de sanctions alternatives à effectuer
dans le quartier, assistance juridique...
L'expérience a été étendue à quatre autres
villes en 1998.
2) La promotion des programmes locaux de lutte contre la délinquance juvénile
Le
ministère de la Justice organise des rencontres sur ce thème avec
les représentants des quatre villes principales (Amsterdam, La Haye,
Rotterdam et Utrecht) tous les six mois.
Il a signé avec elles en juillet 1995, et un peu plus tard avec une
quinzaine de grandes villes et quarante-cinq autres communes, des
conventions
d'une durée de 4 ans, aux termes desquelles les
villes prennent des engagements chiffrés de réduction de la
délinquance juvénile sur leur territoire (objectifs
chiffrés de diminution du nombre de procès-verbaux de police,
d'augmentation du nombre de programmes Halt...). En contrepartie, elles
reçoivent des subventions et sont encouragées par exemple
à développer les installations (terrains de jeux, lieux de
rencontre...) et les services sociaux destinés aux jeunes (travailleurs
sociaux en poste dans la rue, points d'information...).
Par ailleurs, à la fin de l'année 1994, trois villes (Arnhem,
Lelystad et Deventer) ont également mis en place des groupes
multidisciplinaires de lutte contre la délinquance juvénile.
Cherchant à embrasser tous les aspects du problème, ces groupes
comprennent des représentants de toutes les institutions et professions
qui ont à faire avec les jeunes (enseignement, protection de la
jeunesse, hôtellerie, justice, police...). L'expérience a
duré trois ans et a été évaluée par le
ministère de la Justice qui a conclu qu'elles n'avaient pas permis
d'obtenir une baisse significative de la délinquance juvénile,
mais qu'elle avait permis de renforcer la collaboration entre toutes les
parties prenantes au problème.
V. LA COLLABORATION DE TOUTES LES INSTITUTIONS CONCERNEES
Dans
tous les arrondissements judiciaires, des structures multidisciplinaires
(justice, collectivités territoriales, bureaux Halt, protection de la
jeunesse, police...) regroupent toutes les institutions en charge du
problème, au stade de la prévention, de la répression ou
du suivi des jeunes après qu'ils ont accompli leur peine.
Ces entités constituent essentiellement des instances de
réflexion chargées de proposer des mesures permettant de traiter
tous les aspects de la délinquance juvénile. Elles favorisent
également la coopération entre les différentes
administrations.