VI. LE ROYAUME-UNI
Le Royaume-Uni a reçu 3 651 demandes d'asile provenant de mineurs isolés en 2019, contre 2 872 en 2018. Sur 1 822 et 1 327 décisions d'asile rendues respectivement en 2019 et 2018 pour des mineurs de 17 ans au plus, 1 381 (2019) et 771 (2018) se sont vus octroyer le statut de réfugié et 79 (2019) et 44 (2018) un permis de séjour au titre de la protection subsidiaire. 148 (2019) et 190 (2018) d'entre eux ont vu leur demande rejetée, tandis que les 214 (2019) et 322 (2018) autres ont obtenu pour l'essentiel des permis temporaires 236 ( * )237 ( * ) .
Un mineur non accompagné demandant l'asile (unaccompanied asylum seeking child - UASC) est défini comme une personne de moins de 18 ans demandant l'asile de sa propre initiative, séparé de ses deux parents et n'étant pas pris en charge par un adulte qui, légalement ou par coutume, a la responsabilité de le faire 238 ( * ) .
Tout demandeur d'asile se déclarant mineur (et traité comme un mineur) est transféré auprès des services à l'enfance compétents d'une autorité locale, puisque ce sont, légalement, les autorités locales 239 ( * ) qui doivent fournir logement et soutien aux mineurs, y compris aux mineurs étrangers isolés demandant l'asile.
A. LES MODALITÉS ET CRITÈRES D'ÉVALUATION DE L'ÂGE D'UN ÉTRANGER SE DÉCLARANT MINEUR
Le Royaume-Uni présente la particularité de ne pas prévoir d'estimation médicale de l'âge en cas de doute sur l'âge déclaré par le demandeur d'asile. L'évaluation par les autorités va reposer sur d'autres critères, même si des rapports médicaux peuvent être pris en compte si ceux-ci sont fournis par le demandeur lui-même, de sa propre initiative 240 ( * ) .
1. La déclaration d'âge du demandeur et l'évaluation initiale opérée par le Home Office
Lorsqu'un demandeur arrive sur le sol britannique et se déclare mineur, les services du Home Office doivent lui demander des preuves documentaires à l'appui de cette déclaration pour pouvoir établir son âge, et ce dès la première rencontre. Plusieurs raisons peuvent inciter le ministère de l'intérieur (Home Office) à enquêter sur l'âge du mineur : soit l'âge déclaré est mis en doute par les services, soit le demandeur se déclare mineur alors que les services pensent qu'il est majeur (et inversement), soit il y a peu ou pas de preuve fiable à l'appui de l'âge déclaré.
Le principe du bénéfice du doute est cependant appliqué, c'est-à-dire que s'il existe une hésitation quant à la minorité ou majorité de l'individu, il sera traité comme un enfant et renvoyé auprès d'une autorité locale avec une demande d'évaluation de l'âge conforme à l'arrêt Merton 241 ( * ) (voir infra ).
Trois possibilités existent dès lors qu'il y a un doute sur l'âge annoncé par le demandeur :
- soit le Home Office décide de le considérer comme un adulte. Pour cela, il faut qu'une des trois conditions suivantes soit remplie :
• une évaluation de l'âge conforme aux critères de l'arrêt Merton (voir infra ) a été réalisée par une autorité locale, laquelle a conclu que le demandeur avait 18 ans ou plus, et approuvée par le Home Office ;
• deux personnels du Home Office , dont au moins un agent gradé et expérimenté, ont évalué de façon indépendante que le demandeur est un adulte parce que son apparence physique et son comportement suggèrent très fortement qu'il est âgé de 25 ans ou plus ;
• il existe des preuves documentaires crédibles et claires montrant que le demandeur a 18 ans ou plus.
- soit la décision est prise de le traiter comme un mineur. Pour cela, il faut qu'une des trois conditions suivantes soit remplie :
• une évaluation de l'âge conforme aux critères de l'arrêt Merton (voir infra ) a été réalisée par une autorité locale, laquelle a conclu que le demandeur était âgé de moins de 18 ans, le ministère de l'intérieur l'approuvant ;
• les services doutent de l'âge déclaré par le demandeur, mais après un examen attentif des spécificités du cas, le bénéfice du doute a été accordé au demandeur et son âge déclaré a été accepté ;
• il existe des preuves documentaires crédibles et claires montrant que l'âge déclaré est exact.
- soit la décision est prise de traiter le demandeur comme un enfant dans l'attente d'investigations visant à lever le doute : il s'agit d'un cas intermédiaire entre les deux possibilités précédentes, qui se présente lorsque les services ne peuvent garantir que le demandeur est un adulte mais qu'ils ne peuvent pas non plus accepter l'âge déclaré. Dans cette hypothèse, les services chercheront à obtenir l'avis de l'autorité locale (par l'intermédiaire de travailleurs sociaux), qui sera analysé en le confrontant avec d'autres éléments pertinents.
2. L'évaluation de l'âge du demandeur opérée par les autorités locales pour clarifier le doute sur la minorité
Les services du Home Office , pour clarifier le doute sur l'âge du demandeur d'asile, peuvent saisir les travailleurs sociaux d'une autorité locale pour conduire une évaluation de l'âge. Ces derniers doivent s'attacher à respecter un certain nombre d'orientations et de normes minimales définies non pas par la loi mais par la jurisprudence, en particulier par l'arrêt dit Merton, mais également par d'autres décisions ultérieures. Ainsi la jurisprudence exige :
- avant que le mineur ne soit interrogé, le respect d'exigences minimales telles que le fait que l'évaluation soit menée par deux travailleurs sociaux chevronnés pour les cas limites ; la présence d'un interprète lorsque c'est nécessaire ; la possibilité pour le demandeur d'être accompagné d'un adulte indépendant, de son choix ; le respect par l'autorité locale lors de l'évaluation de ses propres lignes directrices ; le choix de deux nouveaux évaluateurs en cas de réévaluation d'une même personne et, sauf cas particulièrement clairs, les évaluateurs ne peuvent déterminer l'âge en se basant uniquement sur l'apparence du demandeur ;
- durant l'entretien, que les évaluateurs expliquent au demandeur le but de l'entrevue ; cherchent à obtenir les antécédents généraux du demandeur (incluant antécédents familiaux, scolaires, histoire personnelle, activités lors des années précédentes, y compris des informations ethniques et culturelles) ; fassent une évaluation de la crédibilité du demandeur et lui posent des questions visant à le tester en cas de doute sur les déclarations ou sur l'âge ; donnent la possibilité au demandeur d'expliquer toute incohérence ou toute chose susceptible de jouer en sa défaveur et, enfin, gardent à l'esprit que les cas ne sont pas identiques et donc que le niveau d'enquête nécessaire varie également ;
- lors de la conclusion, que les évaluateurs, même s'ils peuvent prendre en compte les informations recueillies par le Home Office , prennent leur propre décision en la matière et donc disposent des informations adéquates. Les autorités ne sont pas tenues de demander un examen médical par un pédiatre cependant tout rapport médical soumis par le demandeur doit être pris en considération 242 ( * ) . La jurisprudence établit également que les évaluateurs ne peuvent accorder une importance prépondérante à l'apparence physique et encore moins aux photographies ; doivent se méfier des comparaisons par utilisation de photographies d'individus ayant un âge précis, que les conclusions et motivations de la décision doivent tenir compte de tous les documents soumis par le demandeur ; que des raisons pertinentes doivent être avancées pour décider qu'un demandeur prétendant être mineur ne l'est pas ; que le compte rendu de l'entretien soit rédigé rapidement et que les notes soient exactes et cohérentes et, enfin, que l'absence, dans le document d'évaluation d'informations telles que l'heure de début et de fin de l'entrevue ou les pauses ne rend pas nulle la procédure, même s'il est souhaitable que ces informations y figurent.
In fine , le rapport d'évaluation de l'âge rédigé par les autorités locales doit contenir, outre les conclusions de l'évaluation, les raisons motivant la conclusion ainsi que des éléments montrant que l'évaluation répond aux exigences posées par l'arrêt Merton et les jurisprudences ultérieures.
3. La décision relative à l'âge
Outre l'évaluation opérée par les travailleurs sociaux des autorités locales, d'autres documents peuvent être produits à l'appui de la déclaration d'âge par le demandeur. Il s'agit :
- de documents de voyage et d'identité ;
- d'un certificat de naissance ;
- de preuves d'âge provenant de demandes de visa ou de données biométriques ;
- de rapports médicaux de pédiatres : autant il n'est pas dans la pratique britannique de demander des rapports médicaux pour attester d'un âge, autant un rapport soumis par l'intéressé de sa propre initiative doit être pris en considération au même titre qu'une autre preuve de ses déclarations. Le guide relatif à la détermination de l'âge nuance toutefois cette pièce justificative au motif qu' « il faut être prudent avec ces rapports, car la marge d'erreur est considérable et les raisons de la conclusion du pédiatre sur l'âge peuvent ne pas toujours être claires. Le Royal College of Paediatricians , dans ses conseils sur l'évaluation de l'âge, a déclaré qu'en pratique, la détermination de l'âge est extrêmement difficile à faire avec certitude car il s'agit d'une science inexacte où la marge d'erreur peut être de plus ou moins cinq ans. Tout rapport de pédiatre qui prétend donner une évaluation de l'âge dans une marge d'erreur plus étroite que celle énoncée dans les lignes directrices du Collège royal doit être traité avec prudence » ;
- d'une évaluation médicale de l'âge dentaire ou par radiographie : là encore même si la procédure britannique n'exige pas d'examens médicaux tels que des radiographies ou un bilan dentaire pour attester d'un âge, un rapport soumis par l'intéressé de sa propre initiative doit être pris en considération au même titre qu'une autre preuve de ses déclarations. S'agissant du bilan dentaire, la marge d'erreur prise en compte est de plus ou moins deux ans. Pour déterminer le poids que ce bilan doit avoir dans l'analyse de tous les documents, la jurisprudence a établi un certain nombre d'orientations, telles que le fait que les évaluations dentaires doivent se fonder sur des données de référence spécifiques à des populations différentes pour pallier la différence d'atteinte plus ou moins tardive de la pleine maturité développementale selon les populations. S'agissant de l'évaluation par radiographie, souvent de la main, les autorités britanniques avertissent là aussi de la marge d'erreur de deux ans et de précautions à prendre en la matière, de grandes variations pouvant résulter d'évènements différents, à l'instar d'une apparition plus ou moins précoce de la puberté, d'une maladie ou de l'alimentation.
En fonction des documents et évaluations fournis, le Home Office prend une décision sur l'âge du demandeur.
Si ce dernier est déclaré majeur, sa demande sera dès lors traitée selon les procédures applicables aux demandeurs d'asile adultes et il n'est donc plus éligible au soutien que les autorités locales doivent apporter aux mineurs isolés. Des informations sur les raisons ayant conduit à rejeter l'âge déclaré au profit de la majorité du demandeur doivent être indiquées dans des formulaires dédiés et joints au dossier.
Si, à l'inverse, la minorité est retenue, un courrier doit être rédigé en ce sens précisant également, dans l'éventualité où la minorité a été acceptée mais qu'aucun âge n'a été déclaré, les motifs de cette décision. Ce courrier est adressé à l'autorité locale, au représentant légal du demandeur ou à lui-même, et une copie est conservée dans le dossier.
Le demandeur peut contester les preuves tendant à montrer son âge devant le juge. Dans ce cas, et à la différence du contrôle de légalité, la charge de la preuve lui incombe et la norme de la preuve est à un niveau bas (reasonable degree of likelihood) . Le juge de l'immigration peut également être saisi de la question de l'âge lorsqu'il se prononce sur un rendu de décision d'asile et qu'il considère, à ce moment-là, que le demandeur est un mineur. Sauf cas exceptionnels, la décision du juge sur l'âge lie le Home O ffice ou l'autorité locale.
Enfin, l'évaluation de l'âge opérée par une autorité locale peut aussi faire l'objet d'un contrôle de légalité ( judicial review ) si la personne concernée la conteste. Selon la jurisprudence, en cas de litige entre un demandeur et l'autorité locale sur la question de la minorité ou majorité de la personne, les tribunaux, dans l'exercice de leur fonction de judicial review peuvent déterminer un âge pour l'individu concerné. Cet âge sera alors considéré comme une preuve documentaire crédible et claire de l'âge.
B. L'ACCUEIL ET LA PRISE EN CHARGE DES MINEURS ISOLÉS
Tout agent du Home Office rencontrant un demandeur d'asile mineur doit s'assurer que le service social de l'autorité locale concernée en est informé dans les plus brefs délais et doit demander la présence du travailleur social pour transférer l'enfant auprès de l'autorité locale. La règle n° 350 relative à l'immigration 243 ( * ) précise que du fait de la vulnérabilité potentielle des mineurs isolés demandeurs d'asile, une priorité et un soin particuliers doivent être apportés au traitement de leur cas. Une recherche des membres éventuels de sa famille déjà présents au Royaume-Uni est opérée.
1. Cadre général de l'accueil des mineurs isolés
a) L'accueil d'un mineur
Aux termes de la loi sur les enfants de 1989 (Children Act) 244 ( * ) 245 ( * ) , chaque collectivité locale a une obligation générale de protéger et de favoriser le bien-être des enfants dans le besoin (children in need) de leur secteur, ce qui peut se traduire notamment par la fourniture d'un hébergement et de services adaptés. Les mineurs non accompagnés, puisqu'ils sont considérés comme des enfants dans le besoin, relèvent donc des collectivités locales.
Un transfert des mineurs demandeurs d'asile non accompagnés vers une collectivité locale autre que celle d'arrivée est toutefois possible depuis 2016, en vertu de la loi sur l'immigration 246 ( * ) . Ce système de transfert national permet à un mineur isolé de passer d'une collectivité d'entrée à une collectivité d'accueil. Il s'agit d'un accord volontaire entre les collectivités pour assurer une répartition plus équitable des mineurs demandeurs d'asile non accompagnés entre les collectivités et au sein du Royaume-Uni. Un protocole définit la procédure à suivre entre les collectivités locales concernées. Ce système vise à garantir qu'aucune autorité locale ne doive faire face à une responsabilité ingérable en matière d'hébergement et de gestion des mineurs isolés et, par conséquent, que tous les mineurs isolés reçoivent les prises en charge adéquates.
La première des obligations incombant à la collectivité territoriale est la fourniture d'une solution d'hébergement. Selon le document du Home Office relatif aux demandes d'asile des enfants 247 ( * ) , « le type d'hébergement apporté au mineur dépendra de la situation de l'enfant et de l'évaluation de ses besoins opérée par la collectivité locale. Un mineur de moins de 16 ans sera susceptible d'être placé dans une famille d'accueil ou dans un foyer pour enfants » . Les mineurs plus âgés peuvent être logés dans d'autres types d'hébergement, tels que les logements accompagnés dans une famille (supported lodging) , des logements dans lesquels la personne peut recevoir des services de soutien, des soins ou une supervision (supported accommodation) ou encore des logements partagés (shared housing) souvent entre demandeurs d'asile, mais pouvant également accueillir d'autres publics. En revanche, un hébergement, même d'urgence, en « bed and breakfast » n'est pas considéré comme convenable pour un mineur.
La loi sur les enfants prévoit également des mesures pour la santé et la scolarité des demandeurs d'asile. Le règlement de 2010 sur la planification des soins, le placement et le suivi des cas 248 ( * ) précise dans son point 5 que la prise en charge d'un mineur doit aussi inclure les aspects sanitaire et scolaire. Le document relatif à la prise en charge des enfants migrants non accompagnés et des enfants victimes de l'esclavage moderne 249 ( * ) (applicable en Angleterre seulement) précise à cet égard que la collectivité locale doit s'assurer qu'une évaluation de la santé du mineur est effectuée avant son placement et que cette évaluation doit déterminer tout impact physique, psychologique ou émotionnel particulier de son vécu de mineur isolé et dépister toute maladie infectieuse. S'agissant de la scolarité, un plan d'éducation personnel est requis dans le projet de prise en charge, et doit inclure un parcours éducatif clair. Dans ce cadre, l'apprentissage de l'anglais est essentiel pour permettre au mineur de communiquer. L'accroissement de ses compétences dans sa propre langue maternelle peut également être intégré dans le plan.
En tant que demandeurs d'asile pris en charge par les collectivités locales, les mineurs isolés ne sont pas éligibles à l'aide financière octroyée par le Home Office aux demandeurs d'asile.
En vertu de la règle 352ZA en matière migratoire, le mineur non accompagné ayant déposé une demande d'asile se voit assigner un représentant juridique pour l'assister lors de l'examen de la demande. Ce représentant doit avoir la possibilité d'informer le mineur non accompagné de la signification et des conséquences possibles de l'entretien avec les autorités et, le cas échéant, de la manière de se préparer à cet entretien. Le représentant a le droit d'y assister, de poser des questions et de faire des commentaires dans le cadre défini par les services.
En plus de ce représentant, un adulte responsable, complètement indépendant du Home Office , doit être présent aux côtés du mineur, en particulier lorsque celui-ci voit ses empreintes digitales relevées alors qu'il est âgé de moins de 16 ans et lorsque le mineur est interrogé sur le contenu de sa demande d'asile. Peuvent notamment endosser ce rôle un travailleur social, un proche, un membre de la famille d'accueil, un représentant du Conseil des réfugiés, voire le représentant juridique du mineur si celui-ci le consent. L'adulte responsable a notamment pour mission de fournir un soutien indépendant au mineur et d'agir dans son intérêt supérieur. Il joue un rôle important lors des entretiens puisqu'il est tenu d'y assister et de s'assurer que l'enfant se sent à l'aise et qu'il comprend la procédure - de faciliter la communication entre l'enfant et l'agent du Home Office , de veiller à ce que les besoins du mineur sont pris en compte lors de l'entretien (par exemple via des pauses et des rafraîchissements) ou encore d'avertir l'agent du Home Office d'éléments pouvant avoir une incidence sur le comportement du mineur lors de l'entretien.
Tout mineur demandeur d'asile en Angleterre doit également être référé, dans les 24 heures suivant le premier contact, au panel des conseillers du Conseil des réfugiés (Refugee Council Panel of Advisers) , lequel a pour rôle de conseiller et d'assister les mineurs isolés tout au long de la procédure d'asile, ainsi que de les soutenir dans leurs relations avec le Home Office et les autorités locales.
b) Le cas d'un mineur qui atteint 18 ans avant le rendu de la décision d'asile
Les demandeurs non accompagnés atteignant la majorité, et dont la demande est toujours en cours d'instruction, ont droit au même niveau de soutien et de soin de la part des collectivités locales que les autres individus ayant l'âge de quitter le programme d'aide sociale à l'enfance 250 ( * ) .
La transition vers l'âge adulte est opérée par les collectivités territoriales à l'aide d'un plan de parcours (pathway plan) , destiné non pas aux demandeurs d'asile en particulier mais à toutes les personnes prises en charge par la collectivité au titre de l'aide sociale à l'enfance. Pour les demandeurs d'asile dont le dossier est en cours d'instruction, ce plan peut comporter trois temps :
- un plan temporaire pendant la durée d'instruction de la demande ;
- un plan à plus long terme en cas d'obtention d'un permis de séjour ;
- et l'examen du retour dans le pays d'origine en cas de rejet de la demande.
Les anciens mineurs isolés ayant atteint la majorité, dès lors qu'ils ont bénéficié pendant au moins 13 semaines du programme de prise en charge des collectivités locales à l'égard des mineurs dans le besoin, peuvent prétendre à un soutien de ces mêmes collectivités à l'occasion de leur sortie du programme de prise en charge 251 ( * ) . Le Home Office , du moment où le dossier de demande d'asile est toujours en suspens, verse une aide financière à la collectivité d'un montant de £240 par semaine (environ 276 euros) 252 ( * ) . Cette somme n'est pas due si le demandeur ne bénéficie pas du programme de soutien des collectivités locales à destination des jeunes adultes quittant la prise en charge. Dans ce cas, tout demandeur non éligible au programme de sortie de prise en charge et dont la demande d'asile est toujours en cours d'examen peut demander une aide financière du Home Office 253 ( * ) .
2. La prise en charge en cas de décision positive en matière d'asile
a) Les conséquences de l'obtention d'un titre
Un mineur isolé peut se voir octroyer le statut de réfugié ou celui de la protection subsidiaire. Les deux sont d'une durée de cinq ans.
Lorsque le mineur voit sa demande acceptée avant d'atteindre son dix-huitième anniversaire, il reste sous la protection de la loi de 1989 sur les enfants, et donc sa prise en charge par une collectivité locale continuera. Celle-ci l'aidera à se préparer à vivre en autonomie en mettant en place un plan de parcours (pathway plan ).
Ce plan de parcours devra comprendre tous les domaines traditionnellement abordés tout en ajoutant les problématiques liées à l'immigration. Bien que le titre de séjour octroyé ne le soit que pour cinq ans et que rien ne garantit sa prorogation à l'issue de cette période, le plan de parcours doit se concentrer sur une orientation de long terme 254 ( * ) .
b) La possibilité de regroupement familial
L'octroi du statut de réfugié ou de quelque autre titre de séjour que ce soit à un mineur non accompagné ne lui ouvre pas pour autant la possibilité de faire bénéficier ses proches, même ses parents, du regroupement familial 255 ( * ) .
3. Les conséquences d'une demande d'asile refusée
a) La possibilité de faire appel
Aux termes de la section 82 de la loi sur la nationalité, l'immigration et l'asile de 2002 256 ( * ) , les demandeurs d'asile déboutés ont le droit de faire appel de la décision devant le tribunal de première instance, chambre de l'immigration et de l'asile (First-tier Tribunal, Immigration and Asylum Chamber) , dans les 14 jours après le rendu de la décision contre laquelle l'appel est interjeté 257 ( * ) .
La décision du tribunal de première instance est également susceptible d'appel devant le tribunal supérieur (upper tribunal) , sur autorisation demandée dans les 14 jours suivant la réception de la décision écrite de première instance. La demande doit notamment identifier les erreurs supposées de la décision initiale. Sur cette base, le tribunal peut soit décider de revoir sa décision, soit la maintenir.
Dans ce dernier cas, il devra se prononcer sur l'opportunité d'accepter la demande d'appel au tribunal supérieur. S'il la refusait, le requérant aurait toutefois la possibilité de déposer la demande d'appel auprès du tribunal supérieur lui-même. Dans l'éventualité où le requérant obtient la permission de présenter son cas devant le tribunal supérieur :
- soit celui-ci tranche en faveur du demandeur, et peut annuler la décision initiale et rendre son propre jugement ou demander au tribunal de première instance de rejuger l'affaire ;
- soit celui-ci estime que l'arrêt du tribunal de première instance ne comprenait pas d'erreur de droit et donc confirme sa conclusion.
Dans cette hypothèse, un nouvel appel peut être interjeté devant la chambre civile de la cour d'appel (Court of Appeal Civil Division) , sur autorisation, la demande devant être déposée dix à douze jours suivant la réception de la décision de refus du tribunal supérieur. Une fois obtenue, l'appel doit être formellement émis dans les 28 jours suivant l'obtention de l'autorisation d'appel 258 ( * ) . La décision de la cour d'appel peut également, sur autorisation donnée par elle-même ou par la Cour suprême, faire l'objet d'un recours devant la Cour suprême.
b) En cas de rejet définitif, une possibilité de permis de séjour limité
Lorsque, malgré les recours, la demande a été définitivement rejetée, le mineur peut toutefois se voir octroyer un permis de séjour spécifiquement destiné aux mineurs non accompagnés âgés de 17,5 ans au plus, si le Home Office estime qu'il n'existe pas de modalités d'accueil sûres, appropriées et durables dans le pays d'origine de l'enfant. Ce permis de séjour limité conformément aux paragraphes 352ZC et suivants des règles relatives à l'immigration 259 ( * ) , est accordé pour 30 mois ou jusqu'à ce que l'enfant atteigne l'âge de 17,5 ans, la période la plus courte étant retenue. Dans l'hypothèse où le mineur est âgé de plus de 17,5 ans, il ne peut pas prétendre à ce permis temporaire. Toutefois si le retour ne paraît pas approprié du fait des conditions d'accueil dans le pays d'origine, il n'a pas lieu avant les 18 ans de l'individu.
c) La politique de retour
La préparation du retour du mineur dans son pays d'origine commence par un entretien réunissant, outre l'intéressé, un travailleur social, un agent du Home Office , un interprète si besoin et, le cas échéant, le représentant juridique du mineur. Pour pouvoir débuter, il est nécessaire que tous les recours aient été épuisés : soit le mineur n'a plus le droit de rester au Royaume-Uni, soit il devra quitter le territoire à l'issue de son permis de séjour limité.
L'individu peut se voir proposer une procédure de retour volontaire qu'il accepte ou décline. En cas de refus, l'agent du Home Office , après avoir essayé d'établir les raisons du refus et de s'assurer que le mineur a compris les options proposées, l'informe que des instructions de renvoi vont être prises à son encontre, lui fournit un calendrier clair de la suite et l'informe qu'il est de sa responsabilité de se conformer aux instructions. Dans ce cas, l'individu est ensuite intégré à la procédure de retour garantie et un service spécifique sera chargé de définir le plan de retour.
Les derniers préparatifs relèvent du Home Office , lequel est invité à laisser un peu de latitude à l'individu quant à son départ du Royaume-Uni, ce qui favorise le respect de la décision des autorités. À titre d'exemple, il est recommandé aux agents du Home Office de permettre à un individu de décaler son retour de deux jours si une fête d'adieu est prévue le jour où le retour était envisagé.
Dans l'éventualité où le mineur disparaît ou prend la fuite durant la phase de retour assisté, puis qu'il est retrouvé, l'agent du Home Office doit évaluer si la procédure doit reprendre au moment où elle a été laissée en suspens par la disparition ou s'il convient de procéder directement au renvoi.
S'agissant du voyage lui-même, les autorités britanniques doivent s'assurer qu'un travailleur social ou un accompagnateur du Home Office dûment formé escorte l'enfant pendant le vol. Les informations relatives au retour de l'enfant doivent avoir été transmises à la partie accueillant l'enfant à son retour.
C. LE FINANCEMENT DE LA PRISE EN CHARGE DES MINEURS ISOLÉS
Le financement de l'accueil des mineurs isolés repose sur les collectivités locales, puisqu'elles assurent, notamment, leur hébergement. Elles peuvent cependant prétendre à des aides gouvernementales, redéfinies chaque année et qui sont fonction du taux de mineurs non accompagnés que la collectivité accueille par rapport à sa population mineure totale. Le taux de 0,07 % de la population mineure de la collectivité représente le seuil à partir duquel celle-ci peut prétendre au plus haut niveau d'aide 260 ( * ) . Pour définir le montant auquel peut prétendre une collectivité au 1 er avril d'une année, le taux de mineurs isolés de la collectivité par rapport à la population mineure est calculé au 31 mars de la même année. La collectivité est ensuite classée selon qu'elle atteint ou dépasse le seuil de 0,07 % ou qu'elle est en-deçà. Les montants pour l'année courant du 1 er avril 2020 au 31 mars 2021 sont les suivants :
- £143 par personne et par nuit pour une collectivité locale atteignant ou dépassant le seuil de 0,07 % (environ 164 euros) ;
- £114 par personne et par nuit pour une collectivité locale en-deçà du seuil de 0,07 % (environ 131 euros).
Cette aide du Home Office aux collectivités locales au titre de l'accueil d'un mineur non accompagné cesse la veille du jour où le mineur atteint la majorité. Elle cesse également si le mineur est absent pour une période supérieure à 28 jours consécutifs ou s'il est placé dans un institut pour jeunes délinquants. Dans tous les cas, si son absence ou son placement dans l'institut pour jeunes délinquants dure 28 jours ou moins, le paiement de l'aide continue.
* 236 https://www.refugeecouncil.org.uk/wp-content/uploads/2019/06/Children-in-the-Asylum-System-May-2019.pdf
* 237 https://refugeecouncil.org.uk/wp-content/uploads/2020/03/Asylum-Statistics-Annual-Trends-Feb-2020.pdf
* 238 Point 352ZD des règles relatives à l'immigration
https://www.gov.uk/guidance/immigration-rules/immigration-rules-part-11-asylum
* 239 Les autorités locales (local authorities) sont, en la matière et selon l'article 105 de la loi sur les enfants (Children act), le conseil d'un comté, d'un district métropolitain, d'un arrondissement londonien ou du conseil de la ville de Londres.
* 240 https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/947800/assessing-age-asylum-instruction-v4.0ext.pdf
* 241 L'arrêt dit Merton de 2003 (B (R on the application of) v Mayor and Burgesses of the London Borough of Merton [2003] EWHC 1689) est un arrêt de référence en la matière, puisqu'il définit un certain nombre d'orientations que doivent suivre les autorités lorsqu'elles procèdent à une évaluation de l'âge d'un demandeur d'asile se déclarant mineur. D'autres arrêts ultérieurs sont venus le compléter https://www.asylumlawdatabase.eu/en/case-law/uk-court-appeal-14-july-2003-b-r-application-v-mayor-and-burgesses-london-borough-merton
* 242 Si ce rapport médical ne peut pas être ignoré, il ne peut cependant pas non plus, dans l'examen complet du dossier, avoir un poids plus important qu'un rapport remis par un travailleur social expérimenté.
* 243 https://www.gov.uk/guidance/immigration-rules/immigration-rules-part-11-asylum
* 244 https://www.legislation.gov.uk/ukpga/1989/41/contents
* 245 Si cette loi pose une obligation sur les collectivités locales en Angleterre, la même obligation existe au Pays de Galles, en Ecosse et en Irlande du Nord par d'autres textes.
* 246 https://www.legislation.gov.uk/ukpga/2016/19/part/5
* 247 https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/947812/children_s-asylum-claims-v4.0ext.pdf
* 248 https://www.legislation.gov.uk/uksi/2010/959/regulation/5
* 249 https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/656429/UASC_Statutory_Guidance_2017.pdf
* 250 https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/656429/UASC_Statutory_Guidance_2017.pdf
* 251 https://www.legislation.gov.uk/ukpga/2000/35/contents
* 252 https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/891483/Leaving_care_funding_instructions_to_local_authorities_2020_to_2021.pdf
* 253 https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/817696/asylum-support-policy-bulletins-v8.0.pdf
* 254 https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/397649/CA1989_Transitions_guidance.pdf
* 255 https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/947066/family-reunion-guidance-v5.0ext.pdf
* 256 https://www.legislation.gov.uk/ukpga/2002/41/section/82
* 257 https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/926550/consolidated-ftt-iac-rules-20200721.pdf
* 258 https://www.gov.uk/upper-tribunal-immigration-asylum/the-tribunals-decision
* 259 https://www.gov.uk/guidance/immigration-rules/immigration-rules-part-11-asylum
* 260 https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/891484/UASC_funding_instructions_to_local_authorities_2020_to_2021.pdf