RÉPUBLIQUE TCHÈQUE
Cette notice sur le système de probation en République tchèque a été rédigée par M e Paul Chaloupecky, avocat à la Cour et Mme Jana Prochazkova Libickova, directrice-adjointe du Service de Probation et Médiation de Prague. |
Observation liminaire : en République tchèque, le prononcé de toutes les peines d'emprisonnement ainsi que les diverses mesures alternatives relèvent des tribunaux de droit commun. Elles sont toutes répertoriées dans les diverses dispositions du code pénal (Zákon è.40/2009 Sb.: Trestní Zákoník) et du code de procédure pénale (Zákon è. 141/1961 Sb.: Trestní Procesní Øád).
Par contre, la mise en place, l'organisation, les conditions de fonctionnement des services spécifiques dédiés à la mise en oeuvre des mesures alternatives à des peines d'emprisonnement sont fixées dans un texte spécial, la loi 257/2000 sur le Service de Probation et Médiation (Zákon 257/2000 Sb. O Probaèní a Mediaèní sluúbì , SPM) .
1. Dispositions législatives concernant le Service de Probation et Médiation
Le service de Probation et Médiation (SPM) a pour mission d'assurer la surveillance du délinquant, le contrôle de l'exécution des peines qui n'impliquent pas l'emprisonnement ferme, et le suivi individuel du délinquant afin de faciliter sa réinsertion au sein de la société (art. 2 al 1 de la loi précitée). Le SPM exerce également une activité de médiation extrajudiciaire afin de trouver un terrain d'entente et une solution négociée entre le délinquant et la victime (art.2 al.2 de la loi précitée). Ainsi, à travers ses missions, le SPM cherche à réunir les conditions requises pour éviter les peines d'emprisonnement ferme et permettre la mise en oeuvre de peines alternatives qui ne nécessitent pas l'enfermement du délinquant (art. 4 de la loi précitée).
De manière générale, les modalités concrètes des diverses mesures de probation dont il sera question plus loin sont proposées par l'agent de probation qui en discute au préalable avec le délinquant puis sont homologuées et édictées par le juge compétent .
2. Les hypothèses où le tribunal peut ordonner la probation
La probation peut être ordonnée lorsque les conditions permettant le prononcé d'une peine alternative sont réunies. La probation nécessite que les mesures de surveillance ordonnées par le tribunal soient effectivement mises en oeuvre. Ainsi, ces mesures de surveillance peuvent accompagner différentes peines, comme la liberté conditionnelle ou le sursis et relèvent notamment des missions du SMP.
• La surveillance
La surveillance ( Dohled) , art. 45-51 du code pénal, revêt plusieurs aspects et englobe différentes missions assurées par le SPM. La surveillance exige ainsi l'existence d'un contact personnel entre l'agent du SPM et le délinquant ainsi qu'une véritable collaboration entre les deux afin que le travail de réinsertion du délinquant soit effectif. Enfin, la surveillance nécessite un contrôle du délinquant par le SPM pour s'assurer que ce dernier respecte les obligations qui lui incombent pour l'exécution de sa peine. La surveillance peut aussi être ordonnée comme une mesure d'aggravation de la peine lorsque l'intéressé ne l'a pas exécutée correctement (par exemple lorsqu'il n'a pas effectué les travaux d'intérêt public ou social).
Les peines qui peuvent être assorties de mesures de surveillance :
• La substitution conditionnelle d'une surveillance à une peine d'emprisonnement ( Podmíneèné uputìní od potrestání s dohledem, art. 48 du code pénal)
Le tribunal peut ne pas prononcer la peine d'emprisonnement et ordonner la surveillance de l'auteur dans plusieurs hypothèses :
- pour les délits où la loi prévoit la possibilité de mettre en place une peine alternative à l'emprisonnement assortie d'une mesure de surveillance ;
- lorsque l'auteur collabore avec la justice et aide à l'identification de ses complices ;
- lorsque le prévenu est poursuivi pour avoir effectué les actes préparatoires à la commission d'un délit ou pour la seule tentative de commettre une infraction.
Dans les hypothèses précitées, la surveillance ne peut excéder un an.
• Le sursis à l'exécution d'une peine d'emprisonnement assorti d'une surveillance (art. 84 du code pénal)
Le tribunal peut ordonner un sursis à l'exécution d'une peine d'emprisonnement n'excédant pas 3 ans et peut assortir ce sursis d'une obligation de se soumettre à une surveillance, afin de vérifier que l'intéressé mène une vie en toute légalité et ne commet pas d'autres infractions.
La durée de la surveillance peut être de 1 à 5 ans. La mise en place de cette peine et les modalités de son exécution sont fixées dans les articles 329 et 330 du code de procédure pénale.
• La libération conditionnelle (art. 88 du code pénal) assortie d'une surveillance (art. 89 du même code)
Dans la plupart des cas, la libération conditionnelle peut être accordée après l'exécution de la moitié de la peine d'emprisonnement ou, dans certains cas, après l'exécution d'un tiers de la peine. Elle peut être assortie d'obligations spécifiques (telles que l'obligation de rester à une adresse déterminée, d'exécuter les travaux d'intérêt général, ou d'indemniser les victimes). Dans le cas des délits plus graves, les conditions de libération conditionnelle peuvent être plus strictes. Le tribunal peut alors ordonner, outre les mesures de surveillance, une obligation de se maintenir au domicile pendant certaines heures de la journée.
La durée de la période probatoire peut aller, dans le cas d'un délit simple jusqu'à 3 ans, dans le cas d'un crime, elle peut être comprise entre 1 et 7 ans (articles 331 à 333 a) du code de procédure pénale).
• La surveillance comme alternative à la détention provisoire (art. 73 du code de procédure pénale)
Il est possible de remplacer la détention provisoire ordonnée initialement par une mesure de surveillance, d'autant plus que la détention provisoire ne peut être ordonnée que pour une durée strictement nécessaire à l'instruction de l'affaire (art. 72 du code de procédure pénale). Le prévenu ainsi soumis à la surveillance a une obligation de présentation régulière devant l'agent du SPM, ne peut changer de domicile qu'avec l'approbation de celui-ci, et doit se soumettre aux autres obligations que peut contenir la décision de justice en question.
Enfin, il est possible d'ordonner des mesures de surveillance :
- lorsque le délinquant n'a pas respecté l'interdiction d'exercer une certaine activité, l'interdiction de séjour, l'interdiction de participer à certaines manifestations sportives, culturelles ou sociales (art. 90-91 du code pénal) ;
- lorsque la libération d'une personne condamnée pour usage de stupéfiants était assortie d'une obligation de soins qui n'ont pas permis le sevrage et qu'il existe un danger de récidive (art.99 du code pénal).
• L'assignation à domicile (domácí vìzení , art. 60-61 du code pénal)
Le tribunal peut ordonner l'assignation à domicile pour une durée n'excédant pas deux ans. Dans cette hypothèse, le délinquant s'engage par écrit à ne pas quitter le domicile fixé à une adresse déterminée, d'y rester pendant certaines périodes de la journée et de collaborer avec le SPM, lors des contrôles que celui-ci est susceptible d'entreprendre. La surveillance peut être soit électronique, soit réalisée par le biais des visites de contrôle inopinées. Le délinquant doit alors permettre à l'agent du SPM d'accéder au domicile. (art. 334 a) -334 h) du code de procédure pénale). Lors de ces visites de contrôle, le SPM s'assure également que l'intéressé exécute correctement les autres obligations prévues par le jugement.
Le code pénal envisage l'assignation à domicile comme une peine alternative à l'emprisonnement ferme, lorsque le délinquant a déjà effectué la moitié de sa peine (art. 57 a) du code pénal, art. 333 B) du code de procédure pénale).
• Les travaux d'intérêt général ( obecnì prospìné práce , art.62 à 25 du code pénal)
Le Tribunal peut ordonner au délinquant d'effectuer des travaux d'intérêt général pour une durée qui peut aller de 50 à 300 heures. Le tribunal fixe la nature et les lieux d'exécution desdits travaux. Le délinquant est tenu d'exécuter les travaux, personnellement, sans rémunération, pendant son temps libre et dans un délai de deux ans à compter du jour où ils ont été ordonnés (art. 335-340 b) du code de procédure pénale).
• Interdiction de se rendre ou de participer à certaines manifestations sportives et culturelles (art.76 et 77 du code pénal)
Le tribunal peut prononcer cette peine pour une durée maximum de 10 ans, lorsque l'intéressé a adopté un comportement pénalement répréhensible au cours de telles manifestations. Lors de l'exécution de cette peine d'interdiction le délinquant doit collaborer étroitement avec le SPM, notamment dans le cadre des programmes de rééducation et réinsertion sociale. Il peut également être ordonné au délinquant de se présenter régulièrement à la police. (art.350 i) 350j) du code pénal).
3. La typologie des décisions ordonnant la probation
La nature des décisions juridictionnelles est définie par le Code de procédure pénale (chapitre 6 : décisions). Le tribunal peut ainsi se prononcer en rendant un jugement (dans les cas fixés par la loi), une ordonnance pénale, ou encore une simple décision.
Le jugement est rendu suite à une audience portant sur le fond du litige. Son contenu est fixé par les articles 120 à 133 du code de procédure pénale. Le jugement peut alors prononcer toute forme de peines alternatives.
L' ordonnance pénale peut être prononcée par un juge unique, sans que l'audience au fond ne soit nécessaire et ce, dans le cadre d'une procédure simplifiée lorsque les fait délictuels sont clairement établis (art.314 e) à 314 g) du code pénal). Cette procédure ne s'applique que pour les délits mineurs expressément prévus par la loi. Le juge peut limiter la condamnation à des peines alternatives. Ces peines sont exécutées sous la responsabilité du SPM et elles sont limitées dans le temps (cf. : liste des peines alternatives ci-dessus - dispense d'exécution d'une peine d'emprisonnement inférieure ou égale à un an, assignation à domicile, travaux d'intérêt général, interdiction de se rendre à des manifestations sportives ou culturelles).
La décision simple peut être prise par le tribunal mais aussi par la police : il s'agit de décisions prises à la suite d'un jugement et portant sur les modalités d'exécution des peines alternatives, sur la transformation d'un type de peine alternative en une autre ou sur la dispense d'exécution d'une peine (art.134 à 138 du code de procédure pénale).
4. Le rôle de l'agent du SPM
Comme expliqué précédemment, le SPM est chargé de vérifier si les conditions permettant la mise en oeuvre de peines alternatives sont réunies : il est alors chargé de trouver et de vérifier les informations nécessaires pour que l'intéressé puisse exécuter sa peine probatoire correctement.
Le SPM assure en outre la surveillance de la bonne exécution des peines et est tenu d'informer le tribunal de son activité et des éléments de nature à permettre à la juridiction saisie de modifier la peine initiale.
Enfin, il assure également l'accompagnement du délinquant afin de permettre sa réinsertion et exerce une véritable activité de médiation pour que la victime soit effectivement indemnisée par l'auteur des faits.
5. Les voies de recours
Les différentes formes de recours sont définies dans le code de procédure pénale.
La requête ( stíúnost ) peut être adressée à la juridiction qui a rendu la décision litigieuse (art.141 à 150 du code de procédure pénale). La présentation d'une requête n'est possible que dans les hypothèses expressément prévues par la loi.
L'appel est un moyen de contester le jugement de la première instance (art.245 à 265 du code pénal). L'appel suspend l'exécution de la décision attaquée. La cour d'appel peut infirmer ou confirmer la décision partiellement ou entièrement. Elle peut également renvoyer l'affaire devant la juridiction de première instance et demander un complément d'information ou saisir un autre organe de la justice.
L'opposition permet de contester une ordonnance pénale (art 314 g) du code de procédure pénale) L'affaire est alors réexaminée par la juridiction initialement saisie mais dans le cadre d'une audience ordinaire et en présence des parties.
Dans toutes ces hypothèses, le SPM est chargé d'établir les éléments permettant à la juridiction de statuer sur une éventuelle peine alternative, comme dans le cas d'un jugement ordinaire.
6. Les obligations du délinquant
• La délimitation des obligations du délinquant à l'égard de l'agent du SPM
Les obligations du délinquant sont définies par le jugement. Le jugement précise spécifiquement les obligations auxquelles le délinquant doit se soumettre afin qu'un contrôle réel et effectif de ces obligations soit assuré par le SPM. Par exemple, dans le cas d'une assignation à domicile, le jugement précise que le délinquant est tenu de laisser entrer l'agent du SPM lorsqu'il effectue une visite de contrôle au domicile, qu'il est également tenu de se présenter devant le SPM aux dates convenues, et d'exécuter les différentes tâches qui ont été établies dans le plan de probation (soins, formation professionnelle, etc.).
• Sanction du non-respect des obligations imposées dans le cadre de la probation
Dans le cas d'un non-respect mineur du plan de probation, le SPM ne prononce qu'une réprimande.
Dans l'hypothèse d'un grave non-respect des obligations du plan de probation, la loi prévoit les mesures suivantes :
- aggravation de la sanction (la période probatoire peut être prolongée), de nouvelles obligations peuvent être ajoutées ;
- la peine peut être transformée en une peine plus sévère (ex. : transformation d'une obligation d'effectuer des travaux d'intérêt général en une mesure d'assignation à domicile) ;
- de nouvelles poursuites pénales peuvent être engagées (par ex. : dans le cas du non-respect de l'interdiction de se rendre à des manifestations sportives ou culturelles) ;
- transformation d'une assignation à domicile en une peine de prison ferme ;
- révocation du sursis pour non-respect des mesures de surveillance.