PAYS-BAS
La loi du 12 mai 1928 portant dispositions relatives à l'opium et à d'autres produits stupéfiants, dite loi sur l'opium, établit, depuis 1976, une distinction entre deux catégories de drogues, en fonction des risques qu'elles présentent pour la santé. En annexe, la loi énumère les produits stupéfiants répartis entre la liste 1 (drogues dures) et la liste 2 (drogues douces) dont fait partie le cannabis.
La loi n'interdit la consommation ni des produits de la première liste ni de ceux de la seconde. En revanche, elle prohibe toutes les opérations qui les concernent (fabrication, transformation, commerce, détention...) et fixe les sanctions applicables à ces différentes infractions.
Conformément au principe d'opportunité des poursuites qui caractérise la procédure pénale, le ministère public n'est pas tenu de déclencher l'action publique. Le parquet général a donc défini sa politique pénale en matière de drogues dans des directives.
S'imposant aux procureurs et à leurs substituts, elles établissent que :
- la détention d'une petite quantité de drogues douces est tolérée ;
- la vente de drogues douces dans les coffeeshops n'est pas poursuivie lorsque ces établissements respectent certaines règles et ne vendent pas plus de cinq grammes à un même client un jour donné.
Cette politique vise à ne pas marginaliser les consommateurs de drogues douces, à les empêcher d'entrer en contact avec d'éventuels pourvoyeurs de drogues dures et à ne pas stigmatiser les consommateurs de drogues dures.
L'accord de gouvernement du 29 octobre 2012 qu'ont conclu les membres de la coalition au pouvoir 5 ( * ) a prévu, en matière de politique des stupéfiants :
- la suppression de la « carte de l'herbe » (wietpas) qui posait des problèmes évoqués infra ;
- la limitation de l'accès aux coffeeshops aux seules personnes qui peuvent produire un document d'identité et la preuve de leur domiciliation aux Pays-Bas ;
- la lutte contre le « tourisme de la drogue » et l'intensification de la lutte contre la criminalité organisée en matière de stupéfiants.
Le Gouvernement a, en outre, fait part, en 2013, de sa volonté d'inscrire le cannabis dont le taux de tétrahydrocannabinol dépasse 15 % sur la liste 1 (drogues dures), considérant souhaitable d'en diminuer la consommation et la production.
1. La consommation du cannabis
Tout comme elle interdit toutes les opérations portant sur les drogues de la première catégorie, la loi sur l'opium interdit toutes les opérations liées aux drogues de la seconde catégorie : exportation, importation, culture, préparation, élaboration, fabrication, transformation, vente, livraison, fourniture, transport et détention.
En revanche, elle n'en interdit pas la consommation. Cette tolérance générale n'exclut pas des interdictions particulières : dans les écoles et dans les transports publics par exemple. De même, les maires peuvent prendre des arrêtés interdisant la consommation de produits stupéfiants dans la rue. La loi communale précise que les contrevenants à ces arrêtés sont passibles d'une peine de prison d'au plus trois mois ou d'une amende d'au plus 3 900 €.
2. La détention du cannabis
a) Les dispositions législatives
La détention des drogues de la seconde catégorie, dont le cannabis, est interdite.
Aux termes de la loi sur l'opium, cette infraction est sanctionnée plus durement si elle est intentionnelle.
Dans le cas général, la loi qualifie l'infraction de contravention et prévoit une peine de prison limitée à un mois ou une amende d'au plus 3 900 €. Si la détention est intentionnelle, elle constitue un délit : la peine de prison peut atteindre deux ans et l'amende 19 500 €.
Cependant, la loi précise que l'alourdissement de la sanction lié au caractère intentionnel de l'acte ne s'applique pas lorsque le contrevenant - majeur - ne détient pas plus de trente grammes de cannabis. Cette disposition concerne uniquement le cannabis. Pour les autres drogues douces, la quantité maximale n'est pas déterminée, la loi la définit comme « minime » (geringe) et « destinée à la consommation personnelle ».
b) Les directives du parquet général
Les directives du parquet général relatives à la recherche, à la poursuite et à la sanction des infractions liées à la drogue sont entrées en vigueur le 1 er janvier 2001.
Pour ce qui concerne la détention du cannabis, elles précisent que :
- jusqu'à 5 grammes détenus par un majeur, l'affaire doit être classée, car la quantité détenue correspond à la consommation personnelle ;
- entre 5 grammes et 30 grammes, il s'agit d'une contravention à laquelle la sanction pénale prévue par la loi s'applique, mais la recherche de ce type d'infractions ne constitue pas une priorité.
En pratique, lorsque la quantité détenue est comprise entre 5 et 30 grammes, la police arrête la personne et l'oriente vers un organisme d'aide aux toxicomanes.
3. La vente du cannabis
a) Les dispositions législatives
La loi sur l'opium prévoit les mêmes sanctions pour la vente des drogues douces que pour leur détention, avec les mêmes atténuations pour le cannabis.
Depuis 1999, elle précise toutefois que, lorsque la vente revêt un caractère professionnel, l'infraction est qualifiée de délit. Elle est alors sanctionnée d'une peine de prison d'au plus 6 ans ou d'une amende pouvant atteindre 78 000 €.
b) Le cas particulier des coffeeshops
Sous réserve de l'adoption de règles plus contraignantes par une municipalité, la vente de drogues douces dans les coffeeshops 6 ( * ) n'est pas poursuivie si ceux-ci se conforment à l'interdiction de :
- faire de la publicité, sauf pour indiquer sommairement la localisation de l'établissement ;
- vendre des drogues dures ;
- déranger le voisinage, par exemple à cause des automobiles en stationnement, du bruit ou des déchets ;
- d'admettre des jeunes de moins de dix-huit ans dans l'établissement et de leur vendre des produits stupéfiants ;
- de vendre plus de 5 grammes à une même personne un jour donné ;
- disposer d'un stock supérieur à 500 grammes.
Enfin, à compter du 1 er janvier 2014, les coffeeshops ne pourront se trouver à moins de 350 mètres d'une école.
Dès que l'un de ces six critères n'est pas respecté, l'infraction de vente à caractère professionnel est constituée.
Localement, les décisions relatives au nombre et aux règles municipales applicables aux coffeeshops sont prises par la concertation tripartite qui regroupe le maire, le procureur du Roi et le responsable de la police. La concertation tripartite peut décider de n'autoriser aucun coffeeshop dans une commune donnée. Elle peut également fixer un stock maximal inférieur à 500 grammes. Par ailleurs, depuis 1999, la loi sur l'opium permet aux maires d'ordonner la fermeture des coffeeshops qui enfreignent les règles locales, indépendamment de toute nuisance.
La lettre du ministre de la Sécurité et de la Justice, en date du 19 novembre 2012, a mis un terme à l'expérience des « cartes de l'herbe » (wietpas) qui avaient été instituées dans les trois régions du Limbourg, du Brabant-du-Nord et de Zélande. Ce dispositif faisait obligation aux clients d'un coffeeshop de s'enregistrer auprès de celui-ci pour pouvoir y accéder. Les consommateurs ne voulant pas être « fichés » comme toxicomanes ont eu tendance à ne plus aller au coffeeshop mais à acheter du cannabis dans la rue, de façon illégale. C'est pourquoi on a mis fin à cette expérience qui, de l'avis du Gouvernement, a eu pour effet « qu'une grosse partie des clients résidant aux Pays-Bas s'est adressée au circuit illégal [de distribution] » 7 ( * ) .
Depuis le 1 er janvier 2013, l'accès aux coffeeshops est limité, dans tout le pays, aux majeurs de plus de 18 ans qui résident aux Pays-Bas, qui prouvent leur identité, d'une part, et le fait qu'ils sont résidents dans le pays, d'autre part. Cette règle est destinée à éviter le développement de très grands coffeeshops utilisés par des non-résidents et donc moins contrôlables. Les coffeeshops sont désormais exclusivement destinés à une clientèle locale.
Leur approvisionnement demeure illégal mais est toléré parce que ces établissements constituent un « maillon essentiel de la politique néerlandaise en matière de drogues ».
4. La culture du cannabis
a) Les dispositions législatives
Depuis 1999, la culture du chanvre constitue une infraction lorsqu'elle n'est pas destinée à la production de fibres textiles.
La loi sur l'opium prévoit les mêmes sanctions pour la culture du cannabis que pour la vente des drogues douces. Elle établit donc une distinction selon que la culture revêt ou non un caractère professionnel.
b) Les directives du parquet général
Elles disposent que la culture du cannabis, lorsqu'elle ne revêt pas un caractère professionnel, doit être considérée de la même façon que la détention d'une petite quantité de drogues douces. L'affaire doit donc être classée.
Elles précisent également les critères permettant d'évaluer le caractère professionnel de la culture. Lorsque le nombre de pieds cultivés est inférieur à cinq, la culture est réputée non professionnelle. Au-dessus de cinq pieds, les directives recommandent de prendre en compte une dizaine de critères parmi lesquels la nature de l'éclairage (naturel ou artificiel), l'existence de systèmes d'arrosage, de ventilation ou de chauffage, la qualité des semences (origine inconnue ou graines sélectionnées), l'endroit où les pieds poussent (balcon, jardin ou, à l'opposé, serre) et la nature du terrain (terre ou laine de verre).
En juillet 2011, le Gouvernement a déposé au Parlement un projet de loi relatif à la modification de la loi sur l'opium, tendant à la pénalisation de la préparation et de la « facilitation » de la culture illégale de chanvre. Toujours en discussion, ce texte tend à remédier au fait que la législation pénale actuelle ne permet pas de sanctionner les activités qui facilitent la culture car elle réprime uniquement les activités des organisations criminelles.
L'exposé des motifs du projet de loi indique que « la culture illégale de chanvre constitue, du fait de son ampleur et de son caractère " professionnel " un réel risque pour la sécurité » qui repose sur « un conglomérat d'activités » constituant une sorte d'« industrie » 8 ( * ) . Observant que « la production de chanvre excède largement le besoin de cannabis [des Pays-Bas] » , le même document rappelle qu'en 2009, les autorités ont, d'ores et déjà, procédé au démantèlement de 4 727 cultures de chanvre, correspondant à 850 000 plants de cannabis. Aussi le projet de loi propose-t-il de sanctionner pénalement la culture de grosses quantités de chanvre et de lutter contre les jardineries (growshops) qui fournissent le matériel nécessaire à cette activité dans toutes ses formes (culture, récolte, conditionnement...), le cas échéant en ayant recours à la publicité (y compris sur Internet) pour faire connaître leur activité. La réforme tend du reste à lutter contre tous les maillons de la chaîne permettant la production de cannabis en grandes quantités.
* 5 Conservateurs-libéraux du Volkspartij voor Vrigheid en Democratie (VVD) et Sociaux-démocrates du Partei van de Arbeid.
* 6 Il s'agit d'établissements du secteur de l'hôtellerie et de la restauration dans lesquels aucune boisson alcoolique n'est vendue.
* 7 Lettre du ministre de la Sécurité et de la Justice du 19 novembre 2012, citée en annexe, p. 1.
* 8 Document 32842 Nr. 3 (Memorie van toelichting) cité en Annexe, p. 1