NOTE DE SYNTHESE

En France, la question de la responsabilité du fait des produits pharmaceutiques relève exclusivement de la jurisprudence sur la responsabilité civile du fait des produits. En effet, notre pays n'a pas encore transposé la directive communautaire du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux. Or cette directive, qui a été transposée par tous les autres Etats membres, s'applique notamment aux médicaments.

Comme elle n'exclut pas l'existence de régimes de responsabilité spéciaux pour cette catégorie de produits, certains Etats appliquent aux médicaments leur législation sur la responsabilité du fait des produits et d'autres ont adopté des règles spécifiques à la responsabilité du fait des médicaments.

Parmi les six pays européens étudiés, trois (l' Espagne , le Royaume-Uni et la Suisse ) appartiennent au premier groupe, et les trois autres (l' Allemagne , le Danemark , la Suède ) au second.

Aux Etats-Unis , la matière est régie, au niveau fédéral et dans une majorité d'Etats, par la jurisprudence sur la responsabilité civile du fait des produits.

1) L'Espagne, le Royaume-Uni et la Suisse appliquent aux médicaments leur législation sur la responsabilité du fait des produits.

Les lois nationales sur la responsabilité du fait des produits constituent la transposition de la directive européenne . Ceci vaut également pour la Suisse bien qu'elle n'appartienne pas à l'Union européenne.

La directive laisse aux Etats membres la possibilité de prévoir que " le producteur est responsable même s'il prouve que l'état des connaissances scientifiques et techniques au moment de la mise en circulation du produit par lui ne permettait pas de déceler l'existence du défaut " . En l'absence d'une telle disposition, le producteur est exonéré de toute responsabilité pour les risques dits de développement.

Cette clause d'exonération, conservée par le Royaume-Uni et la Suisse , a été supprimée par l'Espagne qui a donc opté pour l'extension de la responsabilité aux risques de développement, mais seulement pour les produits pharmaceutiques et alimentaires.

2) L'Allemagne, le Danemark et la Suède disposent de règles spécifiques sur la responsabilité du fait des produits pharmaceutiques.

En Allemagne et au Danemark, la loi a aménagé un régime de responsabilité propre aux produits pharmaceutiques. En Suède, cet aménagement résulte d'un accord conclu volontairement entre l'industrie pharmaceutique et les assureurs.

a) Dans certaines circonstances, le régime allemand prévoit la responsabilité de la société qui commercialise le médicament indépendamment de toute faute.

La loi allemande, adoptée en 1976 après l'affaire de la thalidomide, est entrée en vigueur en 1978. Elle prévoit l'indemnisation des victimes d'atteintes physiques graves causées par des médicaments dans deux cas :

- lorsque les effets secondaires néfastes d'un médicament ont leur source dans sa composition ou dans sa fabrication et qu'ils dépassent ce qui est acceptable compte tenu des connaissances scientifiques du moment ;

- lorsque la survenance du dommage résulte d'informations déficientes.

Si la victime parvient à établir un de ces deux faits, la responsabilité de la société sous le nom de laquelle le médicament est commercialisé est engagée car la loi ne reconnaît pas la défense fondée sur les risques de développement. La victime peut alors obtenir la réparation financière des frais directement causés par le dommage. C'est pourquoi les entreprises pharmaceutiques ont l'obligation législative d'être assurées ou cautionnées par une banque allemande.

La loi allemande devrait être amendée au cours des prochains mois au profit des consommateurs. Les modifications envisagées comportent notamment le renversement de la charge de la preuve. L'entreprise pharmaceutique aurait alors à prouver son innocence.

b) Les régimes danois et suédois reposent sur la nécessité d'indemniser les victimes du seul fait de l'existence d'un dommage.

Le régime danois de responsabilité du fait des produits pharmaceutiques est récent puisqu'il a été institué par une loi du 20 décembre 1995, entrée en vigueur le 1er janvier 1996. En revanche, le protocole suédois d'indemnisation des dommages causés par les médicaments remonte à 1978.

Bien que juridiquement différents, les deux systèmes reposent sur le même principe : la nécessité d'indemniser la personne lésée, indépendamment de toute notion de faute, de négligence ou de responsabilité. En effet, au Danemark, les victimes peuvent être indemnisées des dommages causés par des médicaments si elles parviennent à établir que le dommage a été causé " selon toute vraisemblance " par le médicament incriminé. En Suède, le critère retenu est celui de la " probabilité prépondérante ".

La loi danoise est trop récente pour permettre une analyse de la jurisprudence. En revanche, dans le cas de la Suède, il est clair que le lien de causalité est largement accepté lorsque l'on constate une relation chronologique entre la prise du médicament et l'apparition du dommage.

3) Au début de l'année 1996, le Congrès américain a adopté une proposition de loi limitant la responsabilité du fait des produits défectueux, auquel le président CLINTON a opposé son veto.

Actuellement, la responsabilité du fait des produits, et donc des médicaments, relève essentiellement de la jurisprudence, même si certains Etats ont adopté des législations tendant à limiter la responsabilité des producteurs et des distributeurs.

D'abord fondée sur l'existence d'un défaut, cette responsabilité s'est parfois transformée en responsabilité absolue, certains tribunaux ayant admis la responsabilité de fabricants sans que le caractère défectueux de leurs produits ait été prouvé. Devant cette évolution conduisant à l'accroissement démesuré des primes d'assurance, le Congrès a adopté récemment une proposition tendant à limiter la responsabilité du fait des produits.

Le 2 mai, le président CLINTON a opposé son veto à ce texte, tout en admettant la nécessité d'une législation fédérale sur ce sujet.

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