LA RESPONSABILITE DU FAIT DES PRODUITS PHARMACEUTIQUES
Table des matières
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NOTE DE SYNTHESE
- 1) L'Espagne, le Royaume-Uni et la Suisse appliquent aux médicaments leur législation sur la responsabilité du fait des produits.
- 2) L'Allemagne, le Danemark et la Suède disposent de règles spécifiques sur la responsabilité du fait des produits pharmaceutiques.
- 3) Au début de l'année 1996, le Congrès américain a adopté une proposition de loi limitant la responsabilité du fait des produits défectueux, auquel le président CLINTON a opposé son veto.
- LA DIRECTIVE EUROPEENNE
- ALLEMAGNE
- DANEMARK
- ESPAGNE
- ROYAUME-UNI
- SUEDE
- SUISSE
- ETATS-UNIS
NOTE DE SYNTHESE
En
France, la question de la responsabilité du fait des produits
pharmaceutiques relève exclusivement de la jurisprudence sur la
responsabilité civile du fait des produits. En effet, notre pays n'a pas
encore transposé la directive communautaire du 25 juillet 1985 relative
au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et
administratives des Etats membres en matière de responsabilité du
fait des produits défectueux. Or cette directive, qui a
été transposée par tous les autres Etats membres,
s'applique notamment aux médicaments.
Comme elle n'exclut pas l'existence de régimes de responsabilité
spéciaux pour cette catégorie de produits, certains Etats
appliquent aux médicaments leur législation sur la
responsabilité du fait des produits et d'autres ont adopté des
règles spécifiques à la responsabilité du fait des
médicaments.
Parmi les six pays européens étudiés, trois
(l'
Espagne
, le
Royaume-Uni
et la
Suisse
)
appartiennent au premier groupe, et les trois autres (l'
Allemagne
, le
Danemark
, la
Suède
) au second.
Aux
Etats-Unis
, la matière est régie, au niveau
fédéral et dans une majorité d'Etats, par la jurisprudence
sur la responsabilité civile du fait des produits.
1) L'Espagne, le Royaume-Uni et la Suisse appliquent aux médicaments leur législation sur la responsabilité du fait des produits.
Les
lois nationales sur la responsabilité du fait des produits constituent
la transposition de la
directive européenne
. Ceci vaut
également pour la Suisse bien qu'elle n'appartienne pas à l'Union
européenne.
La directive laisse aux Etats membres la possibilité de prévoir
que "
le producteur est responsable même s'il prouve que
l'état des connaissances scientifiques et techniques au moment de la
mise en circulation du produit par lui ne permettait pas de déceler
l'existence du défaut
"
.
En l'absence
d'une telle disposition, le producteur est exonéré de toute
responsabilité pour les risques dits de développement.
Cette clause d'exonération, conservée
par le
Royaume-Uni et la Suisse
,
a été supprimée par
l'Espagne
qui a donc opté pour l'extension de la
responsabilité aux risques de développement, mais seulement pour
les produits pharmaceutiques et alimentaires.
2) L'Allemagne, le Danemark et la Suède disposent de règles spécifiques sur la responsabilité du fait des produits pharmaceutiques.
En
Allemagne et au Danemark, la loi a aménagé un régime de
responsabilité propre aux produits pharmaceutiques. En Suède, cet
aménagement résulte d'un accord conclu volontairement entre
l'industrie pharmaceutique et les assureurs.
a) Dans certaines circonstances, le régime allemand prévoit la
responsabilité de la société qui commercialise le
médicament indépendamment de toute faute.
La loi allemande, adoptée en 1976 après l'affaire de la
thalidomide, est entrée en vigueur en 1978. Elle prévoit
l'indemnisation des victimes d'atteintes physiques graves causées par
des médicaments dans deux cas :
- lorsque les effets secondaires néfastes d'un médicament ont
leur source dans sa composition ou dans sa fabrication et qu'ils
dépassent ce qui est acceptable compte tenu des connaissances
scientifiques du moment ;
- lorsque la survenance du dommage résulte d'informations
déficientes.
Si la victime parvient à établir un de ces deux faits, la
responsabilité de la société sous le nom de laquelle le
médicament est commercialisé est engagée car la loi ne
reconnaît pas la défense fondée sur les risques de
développement. La victime peut alors obtenir la réparation
financière des frais directement causés par le dommage. C'est
pourquoi les entreprises pharmaceutiques ont l'obligation législative
d'être assurées ou cautionnées par une banque allemande.
La loi allemande devrait être amendée au cours des prochains mois
au profit des consommateurs. Les modifications envisagées comportent
notamment le renversement de la charge de la preuve. L'entreprise
pharmaceutique aurait alors à prouver son innocence.
b) Les régimes danois et suédois reposent sur la
nécessité d'indemniser les victimes du seul fait de l'existence
d'un dommage.
Le régime danois de responsabilité du fait des produits
pharmaceutiques est récent puisqu'il a été institué
par une loi du 20 décembre 1995, entrée en vigueur le 1er janvier
1996. En revanche, le protocole suédois d'indemnisation des dommages
causés par les médicaments remonte à 1978.
Bien que juridiquement différents, les deux systèmes reposent sur
le même principe : la nécessité d'indemniser la personne
lésée, indépendamment de toute notion de faute, de
négligence ou de responsabilité. En effet, au Danemark, les
victimes peuvent être indemnisées des dommages causés par
des médicaments si elles parviennent à établir que le
dommage a été causé "
selon toute
vraisemblance
" par le médicament incriminé. En
Suède, le critère retenu est celui de la "
probabilité
prépondérante
".
La loi danoise est trop récente pour permettre une analyse de la
jurisprudence. En revanche, dans le cas de la Suède, il est clair que le
lien de causalité est largement accepté lorsque l'on constate une
relation chronologique entre la prise du médicament et l'apparition du
dommage.
3) Au début de l'année 1996, le Congrès américain a adopté une proposition de loi limitant la responsabilité du fait des produits défectueux, auquel le président CLINTON a opposé son veto.
Actuellement, la responsabilité du fait des produits, et donc
des médicaments, relève essentiellement de la jurisprudence,
même si certains Etats ont adopté des législations tendant
à limiter la responsabilité des producteurs et des distributeurs.
D'abord fondée sur l'existence d'un défaut, cette
responsabilité s'est parfois transformée en responsabilité
absolue, certains tribunaux ayant admis la responsabilité de fabricants
sans que le caractère défectueux de leurs produits ait
été prouvé. Devant cette évolution conduisant
à l'accroissement démesuré des primes d'assurance, le
Congrès a adopté récemment une proposition tendant
à limiter la responsabilité du fait des produits.
Le 2 mai, le président CLINTON a opposé son veto à ce
texte, tout en admettant la nécessité d'une législation
fédérale sur ce sujet.
LA DIRECTIVE EUROPEENNE
La
directive du Conseil
du 25 juillet 1985
relative au rapprochement des
dispositions législatives, réglementaires et administratives des
Etats membres en matière de
responsabilité du fait des
produits défectueux
repose sur le principe de la
responsabilité stricte du producteur pour tout dommage causé par
un défaut de son produit, indépendamment de toute notion de faute.
|
I - LE CHAMP D'APPLICATION
1) Les médicaments concernés
Aucun médicament n'est exclu du champ d'application de la directive.
2) L'entreprise potentiellement responsable
Aux termes de l'article premier, " le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit. " Dans le cas d'un produit fini, le fabricant ainsi que toute personne dont le nom ou la marque figure sur le produit peuvent être considérés comme producteurs.
3) Les dommages couverts
Il s'agit des décès et des lésions corporelles. Les dommages immatériels ne sont pas pris en compte.
4) Les bénéficiaires de la réparation
Seule la victime peut se prévaloir des dispositions de la directive.
5) Les circonstances dans lesquelles la réparation peut être demandée
Tout
dommage causé par un produit défectueux donne lieu à
réparation si la victime parvient à prouver :
- le dommage ;
- le défaut du produit, défini comme l'absence de
sécurité "
à laquelle on peut légitimement
s'attendre compte tenu de toutes les circonstances [...]
";
- le lien de causalité entre les deux.
Le producteur n'est pas responsable lorsque "
l'état des
connaissances
scientifiques et techniques au moment de la mise en
circulation du produit par lui n'a pas
permis de déceler
l'existence du défaut
".
Cette cause
d'exonération de responsabilité pour risques de
développement peut être supprimée par les Etats
membres.
6) Les délais de prescription
L'acte
en réparation se prescrit dans un délai de
trois ans
à partir de la date à laquelle la victime a eu ou aurait dû
avoir connaissance du dommage.
La responsabilité est limitée dans le temps : elle
s'éteint
dix ans
après la mise en circulation du produit
ayant causé le dommage.
II - LA REPARATION
La
directive laisse aux Etats membres la possibilité de limiter à 70
millions d'Ecus, soit environ 450 millions de francs, la réparation pour
des dommages causés par des produits identiques présentant le
même défaut.
Par ailleurs, une franchise de 500 Ecus, soit 3 000 francs, est prévue
pour exclure la réparation des dommages mineurs.
ALLEMAGNE
Les
articles 84 à 94 de la
loi du 24 août 1976 sur le
médicament
, adoptée après l'affaire de la thalidomide
et entrée en vigueur le 1er janvier 1978, ont aménagé
un
régime de responsabilité sans faute
.
|
I - LE CHAMP D'APPLICATION
1) Les médicaments concernés
Le
régime de responsabilité aménagé par la loi sur le
médicament s'applique uniquement aux
médicaments dont la
distribution doit être autorisée.
Pour les médicaments non pris en compte (médicaments
homéopathiques, par exemple), la victime doit donc mettre en oeuvre la
loi sur la responsabilité pour les produits
défectueux
.
2) L'entreprise potentiellement responsable
C'est la responsabilité de la société qui commercialise le médicament qui peut être engagée.
3) Les dommages couverts
On ne
peut se prévaloir de la loi sur le médicament qu'en cas de
décès ou d'atteinte " non négligeable "
à son intégrité physique ou à sa santé.
Dans les autres cas (préjudice moral ou esthétique par exemple),
la victime doit se prévaloir du
code civil
.
4) Les bénéficiaires de la réparation
Sauf en cas de décès de la victime, seule la personne à qui le médicament a été prescrit peut utiliser la loi sur le médicament pour obtenir réparation des dommages. Les autres victimes, membres de la famille indirectement touchés par exemple, doivent se prévaloir du code civil.
5) Les circonstances dans lesquelles la réparation peut être demandée
La
responsabilité de l'entreprise pharmaceutique peut être
engagée, indépendamment de toute faute, dans
deux cas
:
- si le médicament, utilisé conformément aux
prescriptions, a des conséquences dommageables qui dépassent les
limites acceptables compte tenu des connaissances de la science médicale
et si le développement ou la production en sont la cause ;
- si le préjudice est le résultat d'un étiquetage
défectueux, d'une mauvaise information fournie aux professionnels ou
d'un mode d'emploi erroné.
En conséquence, la responsabilité de la société qui
commercialise le médicament n'est pas engagée lorsque le
consommateur fait une mauvaise utilisation du médicament, même sur
instruction d'un médecin. Dans ce cas, la responsabilité du
médecin peut éventuellement être mise en cause. Celui-ci
peut alors, le cas échéant, invoquer une mauvaise information de
la part de l'entreprise pharmaceutique.
De même, il n'y a pas de compensation pour des lésions
causées par des effets secondaires connus, du moment que le
médicament n'était pas défectueux.
En revanche, la notion de l'état des connaissances scientifiques et
techniques au moment de la mise sur le marché n'entre pas en ligne de
compte dans l'établissement de la responsabilité. Celle-ci est
donc étendue aux risques de développement.
Pour obtenir réparation, la victime doit prouver le préjudice, le
défaut et le lien entre les deux.
6) Les délais de prescription
L'action
en réparation se prescrit dans un délai de
trois ans
à partir de la date à laquelle le plaignant a connaissance du
dommage.
Alors que l'article 11 de la directive sur la responsabilité du fait des
produits défectueux prévoit l'extinction de la
responsabilité dans un délai de dix ans à compter de la
date de mise en circulation du produit, la loi allemande a prévu un
délai de
trente ans
.
*
* *
La loi sur la responsabilité du fait des produits défectueux, adoptée pour transposer la directive européenne, prévoit l'application exclusive de la loi sur le médicament dans les cas que couvre ce texte.
II - LA REPARATION
La
compensation financière doit couvrir les
frais financiers
directement causés par le dommage, c'est-à-dire :
- les coûts de la guérison et le manque à gagner pendant la
maladie en cas de survie de la victime ;
- les frais médicaux, le manque à gagner pendant la maladie et
les frais d'inhumation en cas de décès de la victime ainsi que,
le cas échéant, la pension due à un tiers dont la victime
était ou aurait été le débiteur alimentaire.
La compensation financière est plafonnée. Il y a un
double
plafond
:
- un million de marks en capital, soit environ 3,4 millions de francs, (ou une
rente annuelle de 60 000 marks) pour chaque victime ;
- un capital de 200 millions de marks (ou une rente annuelle de 12 millions de
marks) lorsque le préjudice causé par le même
médicament a touché plusieurs personnes.
Les deux plafonds s'appliquent en même temps si bien que, lorsqu'un
même médicament a fait plus de deux cents victimes, les
compensations individuelles peuvent être réduites.
Pour faire face à ces charges,
les entreprises pharmaceutiques ont
l'obligation législative d'être assurées, ou
cautionnées par une banque allemande
.
*
* *
Les
amendements qui devraient être apportés à cette loi au
cours des prochains mois comprennent notamment :
- le renversement de la charge de la preuve, l'entreprise pharmaceutique devant
désormais prouver son innocence ;
- l'introduction de dommages-intérêts au titre du préjudice
moral ;
- la prise en compte des dommages causés à des tiers.
DANEMARK
La
loi du 20 décembre 1995 sur l'indemnisation des dommages causés
par les médicaments
, entrée en vigueur le 1er janvier 1996,
permet au consommateur, indépendamment de toute démonstration de
faute ou de responsabilité, d'obtenir la réparation
financière des
dommages physiques
causés par des
médicaments délivrés après le 31 décembre
1995 par des professionnels.
|
I - LE CHAMP D'APPLICATION
1) Les médicaments concernés
Le
régime d'indemnisation créé par la loi s'applique à
tous les médicaments :
- dont la mise sur le marché ou l'importation a été
autorisée, à moins qu'il ne s'agisse d'un médicament dont
l'expérimentation est en cours ;
- vendus librement ou sur ordonnance ;
- distribués au Danemark à titre professionnel par les
pharmacies, les hôpitaux, les médecins ou les dentistes ;
- destinés à la consommation ou à des tests cliniques.
La loi s'applique également aux préparations magistrales. En
revanche, les médicaments naturels, homéopathiques, les
préparations à base de vitamines et de minéraux n'entrent
pas dans le champ d'application de la loi.
Seuls les médicaments mis sur le marché après le 31
décembre 1995 entrent dans le champ d'application de la loi.
2) L'entreprise potentiellement responsable
La victime peut être indemnisée des dommages causés par des médicaments indépendamment de toute notion de responsabilité .
3) Les dommages couverts
Seuls
les dommages
physiques
sont couverts. Les troubles psychologiques ne
sont pris en compte que s'ils constituent la conséquence de dommages
physiques.
Cependant, les troubles psychologiques sont également couverts dans le
cas particulier des personnes qui expérimentent des médicaments
ainsi que des donneurs de tissus et d'organes.
4) Les bénéficiaires
Outre
les personnes à qui le médicament avait été
prescrit (ou qui le testaient), les proches survivants peuvent obtenir
réparation des dommages causés par le médicament.
Le personnel soignant peut également obtenir réparation du
préjudice subi si la loi sur les accidents du travail ne lui apporte pas
la même protection.
5) Les circonstances dans lesquelles la réparation peut être demandée
Le fait
qu'un préjudice physique ait été, "
selon toute
vraisemblance
" causé par un médicament, justifie la
demande de réparation.
Ainsi, les effets secondaires néfastes d'un médicament peuvent
donner lieu à compensation s'ils dépassent ce que l'on pouvait
raisonnablement attendre, compte tenu de l'état général du
patient et de la gravité de son mal.
En revanche, ni le fait que le médicament n'a pas eu l'effet
recherché, ni les dommages dus à des erreurs ou à des
négligences dans l'administration ou la prescription du
médicament ne peuvent être pris en compte.
6) Les délais de prescription
L'action
en réparation se prescrit dans un délai de
trois ans
à partir de la date à laquelle le plaignant a eu connaissance, ou
aurait dû avoir connaissance du dommage.
Comme le prévoit l'article 11 de la directive sur la
responsabilité du fait des produits défectueux, les droits
conférés à la victime s'éteignent dans un
délai de
dix ans
à compter de la date de mise en
circulation du produit.
II - LA REPARATION
La
compensation financière est plafonnée. Il y a un
quadruple
plafond annuel
:
- 5 millions de couronnes, soit environ 4,5 millions de francs, pour chaque
victime ;
- 100 millions de couronnes, soit environ 90 millions de francs, lorsque le
préjudice causé par les propriétés d'un
médicament donné a touché plusieurs personnes ;
- 25 millions de couronnes, soit environ 22 millions de francs, par affaire
dans le cas de tests de médicaments ;
- 150 millions de couronnes, soit environ 130 millions de francs, pour
l'ensemble des dépenses au titre de cette loi.
L'application concurrente de ces différents plafonds peut conduire
à une réduction des compensations individuelles.
La loi a également fixé
un plancher
: seuls les dommages
supérieurs à 3 000 couronnes (environ 2 500 F) peuvent
être compensés.
Le financement est assuré par la réduction de 75 % à
74,7 % et de 50 % à 49,8 % du taux de remboursement des
médicaments
(1(
*
)). Comme toutes les prestations
sociales sont gérées et servies par les services sociaux des
collectivités locales, cette mesure permet à l'Etat de
réduire ses subventions à ces dernières.
Il avait été envisagé de financer le système
d'indemnisation par une taxe, fixe ou proportionnelle, prélevée
sur tous les consommateurs au moment de la vente des médicaments. Cette
solution n'a pas été retenue pour des raisons administratives. En
outre, la solution adoptée permet aux bénéficiaires du
remboursement à 100 % des médicaments de ne pas être
affectés par la loi.
La loi de 1989 sur la responsabilité du fait des produits
défectueux
, prise en application de la directive européenne,
permet ensuite à l'Etat de se retourner contre le fabricant ou
l'importateur de médicaments
lorsque la responsabilité de ce
dernier peut être mise en jeu. Ceci suppose, d'une part, l'existence d'un
défaut et, d'autre part, celle d'un lien de causalité entre le
défaut et le dommage. Les conditions d'application de la loi sur la
responsabilité des produits, plus strictes que celles de la loi sur
l'indemnisation des dommages causés par les médicaments,
justifient qu'une source de financement spécifique ait été
cherchée.
La gestion du système a été confiée par
arrêté du ministère de la santé du
20 décembre 1995 à l'Association pour l'assurance des
patients, qui a l'expérience des dommages survenus à l'occasion
de soins fournis par le service national de santé.
Les recours contre les décisions de cette association peuvent être
portés devant une instance
ad hoc
créée par la loi
sur l'indemnisation des dommages causés par les
médicaments.
ESPAGNE
Il n'y a
pas de législation spécifique sur la responsabilité du
fait des médicaments. C'est la
loi du 6 juillet 1994 sur la
responsabilité civile pour les dommages causés par des produits
défectueux
qui s'applique. Cette loi constitue la transposition de
la directive européenne.
|
Contrairement à la plupart des Etats membres de l'Union, l'Espagne a opté pour l' extension de la responsabilité aux risques de développement. Elle a toutefois limité cette extension aux produits pharmaceutiques et alimentaires. L'extension aux risques de développement peut s'expliquer par l'existence de la loi de 1984, très protectrice.
ROYAUME-UNI
Il n'y a
pas de législation spécifique sur la responsabilité du
fait des médicaments. C'est la première partie de la loi sur
la protection des consommateurs du 15 mai 1987
, qui avait pour objet de
transposer la directive européenne, qui s'applique. Cette loi a ainsi
permis d'introduire en droit anglais un régime de
responsabilité sans faute
.
|
Le
Royaume-Uni a conservé la
clause d'exonération de la
responsabilité pour risques de développement
. Celle-ci a
été prévue à l'article 4, paragraphe 1, point e) de
la première partie de la loi sur la protection des consommateurs qui
stipule qu'un défendeur pourra s'exonérer s'il prouve :
"
que l'état des connaissances scientifiques au moment
approprié (2(
*
)) ne permettait pas que l'on s'attende
à ce qu'un producteur de produits de même type que le produit en
question ait pu découvrir le défaut, s'il avait existé
dans des produits de ce type encore sous son contrôle
".
La Commission des Communautés européennes a jugé que ce
critère ainsi défini était subjectif alors que l'article
7, point e) de la directive l'avait défini de façon objective.
Considérant que le Royaume-Uni avait, de ce fait, transformé la
responsabilité stricte, imposée par l'article 1er de la
directive, en une simple responsabilité pour négligence, la
Commission a introduit, le 20 septembre 1995, un recours contre ce pays
auprès de la Cour de justice des Communautés
européennes.
SUEDE
L'assurance pour la responsabilité du fait des
médicaments, entrée en vigueur le 1er juillet 1978, est
fondée sur des engagements volontaires pris par l'industrie
pharmaceutique.
|
I - LE CHAMP D'APPLICATION
1) Les médicaments concernés
Il
s'agit de tous les médicaments commercialisés et achetés
en Suède, quel que soit leur pays de fabrication. En revanche, les
médicaments achetés à l'étranger ne sont pas pris
en compte, même s'ils ont été fabriqués par une
entreprise suédoise.
Par ailleurs, un médicament est défini comme une
" préparation destinée à être
administrée par voie interne ou externe, pour prévenir,
révéler, soulager ou guérir une maladie ou ses
symptômes. "
Le champ d'application de la convention a été élargi
à des produits proches des médicaments comme les contraceptifs,
les produits destinés au sevrage des fumeurs, certains produits de
régime...
2) L'entreprise potentiellement responsable
La victime peut être indemnisée des dommages causés par les médicaments indépendamment de toute notion de faute ou responsabilité. Le système repose sur la nécessité d'indemniser la personne lésée.
3) Les dommages couverts
Seules
les affections somatiques sont prises en compte. Les troubles mentaux sont donc
exclus. Cependant, les préjudices d'ordre moral consécutifs
à un dommage physique sont indemnisables.
Les lésions considérées comme insignifiantes ne sont pas
indemnisables. Il faut que le dommage se soit traduit par une incapacité
de travail d'au moins 50 % pendant plus de deux semaines ou par une
réduction des capacités physiques pendant plus de deux
semaines.
4) Les bénéficiaires de la réparation
Outre les personnes à qui le médicament a été prescrit, leurs proches, indirectement touchés, peuvent également être indemnisés.
5) Les circonstances dans lesquelles la réparation peut être demandée
La
victime doit établir
avec une "
probabilité
prépondérante
" le
lien de causalité
entre le médicament et le dommage.
En pratique, le lien de causalité est largement accepté non
seulement lorsque la relation de cause à effet est statistiquement
reconnue, mais aussi lorsqu'on constate une relation chronologique entre la
prise du médicament et l'apparition du dommage.
Le lien de causalité établi, l'indemnisation est accordée
en fonction de son "
caractère raisonnable
". Dans
certains cas en effet, il est admis que le patient doive supporter
lui-même le risque d'une lésion. C'est par exemple le cas pour une
personne dont l'état de santé général était
très dégradé avant la prise du médicament
incriminé.
L'évaluation de la justification de l'indemnisation s'effectue en
prenant en compte quatre critères :
- la nature et la gravité de la maladie pour laquelle le
médicament a été prescrit ;
- l'état général du patient ;
- la gravité du dommage ;
- le caractère prévisible des effets secondaires.
Ainsi, moins la maladie traitée est grave, moins les effets secondaires
sont prévisibles, plus la victime a de chances d'être
indemnisée. C'est en se fondant sur le caractère
imprévisible que la convention a permis l'indemnisation des
hémophiles contaminés par le virus du SIDA à l'occasion de
transfusions sanguines.
*
* *
La victime ne peut obtenir une indemnisation dans le cadre de la convention d'indemnisation des dommages causés par les médicaments que si elle renonce à tous les droits qu'elle peut avoir par ailleurs vis-à-vis d'autres responsables potentiels.
6) Les délais de prescription
Le
plaignant dispose d'un délai de
trois ans
à partir du
moment où il a connaissance du dommage et du fait que ce dernier a
été causé par un médicament.
Il n'y a pas d'autre délai : l'intervalle entre la date à
laquelle le dommage est constaté et la date à laquelle le
médicament a été mis en circulation importe peu.
II - LA REPARATION
La
compensation financière est calculée conformément aux
règles de la responsabilité délictuelle. Elle doit couvrir
:
- les frais financiers directement causés par le dommage,
c'est-à-dire les coûts de la guérison et le manque à
gagner pendant la maladie ;
- la perte future de revenus si sa capacité de travail a
été réduite d'au moins un quinzième et que sa perte
annuelle de revenus s'élève à plus d'un quart du montant
de base retenu par la loi sur la sécurité sociale ;
- le cas échéant, le préjudice moral, un barème
étant fixé chaque année et l'indemnité étant
proportionnelle au pourcentage d'incapacité.
- en outre, en cas de décès, les frais d'inhumation et la perte
de revenus subie par les proches survivants ;
A titre indicatif, l'indemnité forfaitaire pour préjudice moral
permanent subi par une personne de moins de 25 ans s'établissait ainsi
en 1992 :
Pourcentage d'incapacité |
Montant de l'indemnité |
10
|
32 500
couronnes (
1
)
|
(
1
) Une couronne vaut environ 75 centimes
L'indemnité due au titre de la convention d'indemnisation des dommages
causés par les médicaments est calculée
après
déduction de toutes les autres compensations
financières
obtenues
grâce au système de protection sociale ou à
d'autres assurances.
La compensation financière offerte au titre de la convention est
plafonnée. Il y a un
triple plafond annuel
:
- 5 millions de couronnes, soit environ 3,8 millions de francs pour chaque
victime ;
- 100 millions de couronnes, soit environ 75 millions de francs pour chaque
dommage en série ;
- 200 millions de couronnes, soit environ 150 milliards de francs, pour
l'ensemble des dommages en série.
Le financement est assuré par les
primes d'assurance payées
par les fabricants et les importateurs suédois de produits
pharmaceutiques
. En 1991, leur montant était d'environ 14,4 millions
de couronnes. La part payée par chacun est proportionnelle à son
chiffre d'affaires.
Entre le 1er juillet 1978 et le 1er janvier 1992, 3 103 demandes
d'indemnisation au titre de cette convention ont été
examinées : 35 % ont été jugées indemnisables,
55 % ont été rejetées et 10 % font encore l'objet d'une
enquête.
SUISSE
Il n'y a
pas de législation spécifique sur la responsabilité du
fait des médicaments. C'est la
loi fédérale du 18 juin
1993 sur la responsabilité du fait des
produits
,
entrée en vigueur le 1er janvier 1994, qui s'applique.
|
La
Suisse a conservé la clause d'
exonération de la
responsabilité pour risques de développement.
La principale différence entre la loi suisse et la directive
réside dans le fait que la première ne fixe
aucun plafond au
montant de la réparation financière
à laquelle la
victime peut prétendre.
ETATS-UNIS
Aux
Etats-Unis, la responsabilité civile du fait des produits, et notamment
des produits pharmaceutiques, relève de la
jurisprudence
,
même si certains Etats se sont dotés de législations visant
à limiter la responsabilité des producteurs et distributeurs.
|
||
Le système actuel |
La réforme précédemment envisagée |
|
I - LE CHAMP D'APPLICATION1) Les médicaments concernésAucun produit pharmaceutique n'est exclu du système de responsabilité. 2) L'entreprise potentiellement responsable |
||
D'après la section 402 A du
Restatement of Torts,
c'est le vendeur exerçant à titre professionnel la vente d'un
produit défectueux qui est responsable. Dans le cas des
médicaments, la responsabilité est celle du
fabricant
du
produit défectueux.
|
Le
projet de loi tendait à éviter aux vendeurs d'être rendus
responsables d'erreurs commises par les fabricants. Toutefois, en cas
d'impossibilité de mise en cause des fabricants, les vendeurs auraient
pu être impliqués.
|
|
3) Les dommages couvertsDans le cas des médicaments, le système s'applique uniquement aux préjudices corporels . |
||
4) Les bénéficiaires de la réparation
Il
s'agit de l'acquéreur du produit mais aussi de tout utilisateur,
même si celui-ci n'a pas acheté directement le produit.
|
||
Le système actuel |
La réforme précédemment envisagée |
|
5) Les circonstances dans lesquelles la réparation peut être demandée |
||
Il faut
prouver que le produit comporte un défaut. Selon la définition la
plus couramment admise, un produit est défectueux "
lorsqu'il ne
s'est pas comporté de manière aussi sûre qu'aurait pu
l'attendre un consommateur ordinaire dans des conditions normales
d'utilisation
".
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Le
fabricant aurait pu être mis en cause dès lors que son produit
aurait comporté un défaut, au sens actuellement admis par la
jurisprudence.
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Le système actuel |
La réforme précédemment envisagée |
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Toutefois, en règle générale, la
responsabilité du fabricant ne peut être invoquée que
lorsque le produit est défectueux.
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6) Les délais de prescription |
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Dix-huit
Etats appliquent des délais de prescription variant de cinq à
douze ans à compter du moment où le plaignant a eu connaissance
du dommage.
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Aucune
action en responsabilité du fait d'un produit n'aurait pu être
engagée passé un délai de
deux ans
à compter
du moment où le plaignant avait eu connaissance (ou aurait dû
avoir connaissance) de la survenance du dommage ainsi que de son origine.
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Le système actuel |
La réforme précédemment envisagée |
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II - LA REPARATION
Les
dommages-intérêts que sont condamnés à payer
les vendeurs ou fabricants d'un produit défectueux aux plaignants se
subdivisent en :
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La fixation du montant des dommages-intérêts d'ordre pénal est laissée à l'appréciation des tribunaux. |
Le
projet de loi prévoyait de limiter le montant des
dommages-intérêts d'ordre pénal.
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(1) Il existe en effet deux listes de médicaments. Ceux de la première, à haute valeur thérapeutique, étaient jusqu'à l'adoption de la loi sur le médicament remboursés à 75 % et les autres l'étaient à 50 %. Cependant, certaines personnes bénéficient d'un remboursement à 100 %.
(2) Le " moment approprié " est par ailleurs défini comme le moment de la fourniture du produit, elle-même définie comme équivalente à la mise en circulation.