Service des études juridiques (septembre 2007)
GRANDE-BRETAGNE
Conformément aux recommandations du rapport Budd (5 ( * )) , qui soulignait les risques entraînés par la libéralisation du marché des jeux, le législateur, en adoptant la loi de 2005 sur les jeux, s'est notamment fixé comme objectif la protection des personnes vulnérables. À l'exception d'une partie intitulée « Protection des enfants et des jeunes », la loi de 2005 sur les jeux ne comprend toutefois que peu de dispositions normatives sur la lutte contre la dépendance , car celles-ci constitueraient des entraves à la liberté individuelle. En revanche, elle précise que la réglementation (6 ( * )) édictée par la Commission des jeux et que les opérateurs ont l'obligation de respecter doit inclure des mesures portant sur la protection des personnes les plus vulnérables ainsi que sur l'assistance aux joueurs dépendants . Avant l'entrée en vigueur de la loi de 2005, la lutte contre la dépendance résultait essentiellement des mesures d'autodiscipline des professionnels. |
1) La protection des joueurs
a) La protection des mineurs
En règle générale, les mineurs n'ont pas le droit de participer à des jeux d'argent, la loi de 2005 sur les jeux érigeant en infraction pénale le fait d'inciter ou d'autoriser un jeune à jouer ou à entrer dans un établissement de jeu , tout au moins dans les espaces réservés au jeu. La loi oblige aussi les titulaires de licence à rembourser les jeunes qui auraient, malgré l'interdiction, participé à un jeu d'argent.
La principale exception à cette interdiction concerne les machines de la catégorie D (voir tableau page 25), que les mineurs peuvent utiliser, quel que soit leur âge. Par ailleurs, à partir de seize ans, les jeunes peuvent participer aux jeux proposés par la Loterie nationale, aux concours de pronostics sur les résultats des matchs de football et aux loteries locales.
La réglementation de la Commission des jeux développe ces dispositions, notamment en précisant qu'un adulte accompagné d'un enfant ne doit pas entrer dans un établissement de jeu, que les exploitants doivent vérifier l'âge de tous les clients qui leur semblent âgés de moins de 21 ans, etc.
La loi interdit aussi aux exploitants des jeux de confier à des mineurs des emplois directement liés à l'activité de jeu.
b) L'interdiction de jeu
La Commission des jeux subordonne l'octroi d'une licence aux opérateurs qui souhaitent exploiter des machines des catégories A et B (voir tableau page 25) à l'existence d'une procédure permettant aux joueurs de demander à être interdits de jeu pour une période d'au moins six mois. Les différents codes de bonne conduite applicables aux divers opérateurs concernés (salles de jeux pour adultes, cercles privés, etc.) développent les conditions d'application de cette mesure.
De même, les exploitants des casinos ont l'obligation de mettre en place une telle procédure d'auto-exclusion.
Cependant, la création d'un fichier national des personnes interdites n'est pas prévue. Tout au plus les exploitants sont-ils invités à interroger les personnes qui demandent à être interdites sur leur souhait d'élargir la mesure à tous les jeux proposés par le même opérateur.
c) La limitation des moyens de paiement utilisables
La loi de 2005 sur les jeux interdit aux exploitants des casinos d'accorder des crédits à leurs clients et d'accepter les paiements par carte bancaire, mais elle précise qu'ils peuvent installer des distributeurs de billets dans leurs locaux.
La réglementation de la Commission des jeux impose la même interdiction à la plupart des exploitants de machines à sous.
En revanche, comme certains opérateurs, en particulier les officines de paris et les exploitants des loteries, ne sont pas soumis à cette interdiction, la réglementation de la Commission des jeux précise dans quelles conditions ils peuvent faire crédit (établissement d'un plafond par joueur, respect d'un délai de 24 heures pour dépasser ce plafond, etc.).
d) L'information des joueurs
La réglementation de la Commission des jeux oblige les casinos et les exploitants des machines à sous à mettre à la disposition de leurs clients des informations sur la pratique responsable du jeu et sur les moyens d'obtenir des renseignements sur la dépendance.
2) La limitation et le contrôle de l'offre
a) Le numerus clausus
Le nombre des casinos est limité : outre les quelque 140 établissements qui fonctionnaient à la fin de l'année 2006 et qui avaient obtenu leur autorisation de fonctionner dans le cadre de la législation précédente, la loi de 2005 sur les jeux en crée en effet 17 nouveaux.
Le nombre des établissements de jeux autres que les casinos n'est pas limité. La loi de 2005 sur les jeux repose en effet sur le principe selon lequel les demandes de licence doivent être satisfaites dès lors qu'elles répondent aux exigences fondamentales qu'elle pose (séparation du jeu et de la délinquance, pratique juste et transparente du jeu, protection des enfants et des autres personnes vulnérables). En revanche, le nombre de machines que les différents établissements peuvent exploiter a été limité par voie réglementaire (7 ( * )) .
b) La limitation des gains et des pertes
Pour limiter le caractère attractif des machines à sous, les gains par partie ont été limités par voie réglementaire. Ces gains dépendent des machines utilisées, conformément à la classification prévue par la loi et présentée dans le tableau ci-dessous.
A |
B1 |
B2 |
B3 |
B4 |
C |
D |
|
Mise maximale par partie |
Illimitée |
2 £ |
100 £ |
1 £ |
1 £ |
50 pence |
10 pence |
Gain maximal par partie |
Illimité |
4 000 £ |
500 £ |
500 £ |
250 £ |
25 £ |
5 £ |
Par ailleurs, la réglementation de la Commission des jeux interdit la pratique des jeux simultanés et fixe à 2,5 secondes la durée minimale de chaque partie pour la plupart des machines.
Aucun plafond de perte n'a été défini, mais la somme qu'il est possible de jouer en une seule fois est limitée. Ce plafond s'élève à 2, à 20 ou à 100 £ selon la catégorie de la machine et la date à laquelle elle a été fabriquée.
c) La formation du personnel des établissements de jeux
La réglementation de la Commission des jeux oblige les exploitants des casinos à former leur personnel , qui doit en particulier connaître les dangers de la dépendance aux jeux, savoir identifier les joueurs présentant des risques et faire preuve de responsabilité, en s'abstenant d'encourager les comportements dangereux (miser les gains obtenus, augmenter les mises, continuer à jouer après avoir pris la décision d'arrêter, etc.).
3) Le traitement des joueurs dépendants et l'information du grand public
Jusque récemment, ces activités étaient essentiellement le fait d'associations comme « Les joueurs anonymes », qui ne reçoivent pas de fonds publics, car le gouvernement estime que la lutte contre la dépendance relève de la responsabilité des professionnels du jeu.
À la suite du rapport Budd, la fondation Responsability in Gambling Trust (RIGT) a été créée pour prévenir et traiter la dépendance aux jeux (8 ( * )) . Outre son action directe, essentiellement d'ordre pédagogique, RIGT fournit une aide financière aux associations de lutte contre la dépendance aux jeux. Les principaux donateurs de RIGT sont les professionnels du jeu. RIGT a obtenu trois millions de livres sterling en 2006-2007 et souhaite recueillir quatre millions en 2007-2008. La fondation estime, pour que cet objectif soit atteint, il faudrait que les exploitants des jeux lui versent 0,05 % de leur chiffre d'affaires.
Le site Internet de la Commission des jeux évoque la dépendance aux jeux et renvoie vers les sites de RIGT et des associations qui s'occupent des joueurs dépendants.
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La loi de 2005 sur les jeux comprend un article autorisant le ministre compétent à introduire, par voie réglementaire, une redevance spécifique destinée à financer des projets portant sur la lutte contre la dépendance aux jeux et qui serait versée à la Commission des jeux par les titulaires des licences. Cette disposition constitue une menace que le ministre se réserve le droit de mettre en oeuvre si le dispositif actuel, qui repose avant tout sur la responsabilisation des exploitants, ne fonctionne pas .
* (5) Voir l'étude de législation comparée LC 171, d'avril 2007, sur l'organisation des jeux d'argent.
* (6) La réglementation de la Commission des jeux inclut en particulier les conditions d'octroi des licences pour les différents opérateurs et les codes de bonne conduite que ceux-ci ont l'obligation de respecter pour conserver leurs licences.
* (7) Voir l'étude de législation comparée LC 171, d'avril 2007, sur l'organisation des jeux d'argent.
* (8) Créée en 2002 sous le nom « Gambling Industry Charitable Trust », la fondation a changé de nom en 2004, afin de souligner son indépendance.