SERVICE DES ETUDES JURIDIQUES (Janvier 2004)
ANGLETERRE ET PAYS DE GALLES
Les
premiers peuvent, aux termes de la loi de 1971 sur les cours de justice et
celle de 1984 sur les
county courts
, être révoqués
pour incapacité ou mauvaise conduite.
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1) Les devoirs et obligations des magistrats
a) Les sources
Les
devoirs et les obligations des magistrats sont énoncés dans
plusieurs textes, parmi lesquels les lois relatives aux juridictions, le guide
sur les activités annexes des juges, publié par le Lord
Chancelier en juin 2000, et le protocole sur le traitement des plaintes, conclu
en avril 2003 entre le Lord Chancelier et les représentants de l'ordre
judiciaire.
Les lois relatives aux juridictions
Tous les magistrats ont une obligation de
bonne conduite
. En outre, les
lois qui régissent les juridictions
« inférieures » mentionnent le devoir de
compétence des juges qui y siègent.
Le guide relatif aux activités annexes des juges
Ce document publié, en juin 2000 par le Lord Chancelier et
présenté comme non exhaustif, fournit aux juges des
règles de conduite dans certaines circonstances
.
Il pose en préalable les
principes généraux
suivants : «
Les juges doivent veiller à se comporter
d'une manière compatible avec l'autorité et la position d'un
juge. Ils ne doivent pas s'engager, à quelque titre que ce soit, dans
une activité qui pourrait porter atteinte à leur
indépendance ou à leur impartialité, ou qui pourrait
être raisonnablement perçue comme telle.
[...]
Quelles que
soient les circonstances, les juges ne peuvent pas exercer un autre emploi
rémunéré, ni recevoir ou conserver des honoraires ou des
émoluments, sauf lorsqu'il s'agit de droits d'auteur. Ils ne sont pas
autorisés à entreprendre une mission ou une activité
susceptible de les empêcher de remplir pleinement leurs fonctions. Dans
leurs affaires privées, ils doivent se comporter de manière
à réduire les risques de conflit ou de confusion.
»
En cas de doute sur la conduite à tenir, les juges sont invités
à prendre conseil auprès de leur supérieur, direct ou non,
voire du Lord Chancelier.
Le guide relatif aux activités annexes des juges énumère
ensuite plusieurs situations susceptibles de soulever des problèmes
d'ordre moral (détention de capitaux dans une société,
activités associatives, activités politiques, diffusion de
documents...) et indique la conduite à tenir dans chaque cas.
Le protocole sur le traitement des plaintes
Ce protocole, qui décrit la procédure de traitement des plaintes
relatives au « comportement personnel du juge », a
été conclu en avril 2003 entre le Lord Chancelier et les
représentants de l'ordre judiciaire.
En tant que plus haut représentant de l'ordre judiciaire, le Lord
Chancelier insiste sur son souci de voir les magistrats agir en toutes
circonstances conformément au degré de courtoisie et de
considération que les justiciables et le public sont en droit d'attendre
d'eux. Il précise également que les plaintes relatives aux
décisions des juges ne relèvent pas de sa compétence.
C'est pourquoi le document traite seulement du comportement personnel des
magistrats, c'est-à-dire du comportement adopté dans l'enceinte
du tribunal à l'occasion d'une affaire déterminée. Ainsi,
les faits suivants peuvent légitimement susciter une plainte :
- des remarques inappropriées faites par un juge lors du
déroulement d'un procès ;
- une conduite grossière ou agressive d'un juge à
l'égard d'un justiciable ;
- un jugement rendu dans un délai inacceptable, c'est à dire
dépassant trois mois, sans motif fondé.
Le comportement en dehors du tribunal ne relève de la procédure
de traitement des plaintes que s'il risque de porter atteinte à la
réputation de l'ordre judiciaire ou de constituer une violation des
fonctions de juge.
En revanche, les conflits d'intérêts entre les juges et les
justiciables n'appartiennent pas au domaine disciplinaire, mais peuvent motiver
un appel.
En outre, même si cela ne figure pas expressément dans le
protocole, le Lord Chancelier a fait savoir que toutes les formes de
discrimination, notamment raciales, religieuses et sexuelles, constituaient des
comportements répréhensibles.
Les recommandations du Lord Chancelier
En 1994, le Lord Chancelier a demandé aux juges accusés d'avoir
commis une
infraction
de l'en avertir immédiatement et de
l'informer des suites données à l'affaire. Cette obligation ne
concerne toutefois pas les infractions de stationnement et d'excès de
vitesse lorsqu'elles sont commises sans circonstance aggravante.
L'appartenance des magistrats à la
franc-maçonnerie
a
suscité un débat public à la fin des années 90 et a
fait l'objet d'un rapport parlementaire en 1997. Intitulé « La
franc-maçonnerie dans la police et le système
judiciaire », ce document proposait :
- que les nouveaux juges mentionnent, lors de leur recrutement, leur
appartenance à franc-maçonnerie ou s'engagent à indiquer
leur adhésion ultérieure ;
- que les juges en fonction déclarent leur appartenance à la
franc-maçonnerie ;
- qu'un registre des francs-maçons dans le système
judiciaire soit constitué.
En février 1998, le gouvernement a accepté ces propositions. Par
conséquent, les juges en fonction ont été invités
au cours de l'année 1999 par le Lord Chancelier à déclarer
volontairement leur appartenance à la franc-maçonnerie (96 %
des juges ont répondu et, parmi eux, 5 % ont dit être
francs-maçons).
b) Les fautes disciplinaires
Elles ne
sont pas définies, les lois relatives aux juridictions prévoyant
seulement que les juges des différentes cours peuvent être
révoqués pour « mauvaise conduite », voire
pour « incapacité ».
Ainsi, toute violation des devoirs et obligations précités est
considérée comme une faute disciplinaire.
2) La procédure disciplinaire
a) Le déclenchement de la procédure
La
procédure disciplinaire est en principe déclenchée par une
plainte
d'un membre d'une profession juridique, d'une partie au
procès ou de tout autre justiciable. Cette plainte est adressée
au Lord Chancelier, soit directement, soit par l'intermédiaire d'un
parlementaire. Elle est généralement écrite et
motivée.
Par ailleurs, même si aucune plainte n'a été
déposée, le Lord Chancelier peut déclencher lui-même
une procédure disciplinaire pour des faits dont il aurait connaissance,
notamment parce qu'ils sont rapportés par les médias.
En principe, les plaintes relatives aux procédures en cours ne sont pas
recevables, non plus que les plaintes qui se rapportent à des
procédures terminées depuis plus de deux ans.
b) L'instance disciplinaire
Il n'y a pas d'instance disciplinaire spécifique. Le Lord Chancelier est seul compétent en matière disciplinaire . Une équipe de dix personnes, la Judicial Correspondence Unit, a toutefois été mise en place en 1998 pour instruire les plaintes et faire des recommandations sur les suites à leur donner.
c) Le déroulement de la procédure
La
procédure se déroule conformément au
protocole sur le
traitement des plaintes relatives à la conduite personnelle des membres
de l'ordre judiciaire
publié en avril 2003.
La phase préliminaire
Si la plainte est recevable, la
Judicial Correspondence Unit
, qui agit
au nom du Lord Chancelier, informe le juge en question qu'une plainte a
été déposée contre lui. Le juge est invité
alors à faire part de ses commentaires. La
Judicial Correspondence
Unit
peut réclamer des informations complémentaires au
tribunal, comme des procès-verbaux, des enregistrements d'audition ou
des témoignages. Quand ces informations contredisent les affirmations du
juge, celui-ci a la possibilité d'en obtenir communication et de faire
de nouvelles observations. À ce stade de la procédure, la
hiérarchie n'est informée que si elle apparaît susceptible
de fournir des éléments d'information pertinents, sur le
passé professionnel de l'intéressé par exemple. Cependant,
si le juge mis en cause appartient à une juridiction supérieure,
la hiérarchie doit être informée.
À la suite de cette enquête préliminaire, le Lord
Chancelier décide des suites à donner à l'affaire. Lorsque
le Lord Chancelier estime que les faits sont suffisamment graves pour justifier
une action disciplinaire, il commence par en informer la hiérarchie. Au
vu des commentaires que celle-ci fournit et de la réponse du juge, le
Lord Chancelier peut décider de suspendre la procédure, de
traiter l'affaire de façon informelle ou d'engager formellement l'action
disciplinaire.
La procédure formelle
Le Lord Chancelier informe le juge, avec le consentement du
Lord Chief
Justice
(2
(
*
))
, qu'une
action disciplinaire est intentée contre lui. Il demande au
Lord
Chief Justice
de nommer un juge chargé de mener une enquête.
Celui-ci est libre de procéder comme il l'entend, mais doit toutefois
veiller à ce que le juge mis en cause puisse faire part de ses
observations et apporter les preuves qu'il estime utiles. Le juge
enquêteur adresse son rapport au Lord Chancelier et au
Lord Chief
Justice
.
3) Les sanctions et les voies de recours
a) Les sanctions
Lorsque,
en accord avec le
Lord Chief Justice,
le Lord Chancelier
considère qu'une sanction s'impose, il prononce celle-ci directement si
le juge mis en cause appartient à une cour inférieure. Dans les
cas les plus graves, la révocation peut être
décidée. Dans les autres, la sanction consiste en une
réprimande, voire en un simple entretien.
Lorsque le juge mis en cause appartient à une cour supérieure, la
procédure parlementaire
ad hoc
est déclenchée.
Celle-ci a été utilisée une seule fois en 1830, à
l'encontre d'un juge irlandais.
b) Les voies de recours ouvertes au magistrat sanctionné
Aucune voie de recours n'est prévue.
*
*
*
Entre le
1
er
avril 2001 et le 31 mars 2002, le Lord Chancelier a reçu
347 plaintes relatives au « comportement personnel »
des juges. Sur les 262 dossiers clôturés au cours de la
même période, le Lord Chancelier n'a appliqué une sanction
disciplinaire que dans trois cas. Ces sanctions ont pris la forme d'un courrier
ou d'un entretien du juge avec le président du tribunal.
Par ailleurs, le gouvernement a annoncé son intention de supprimer le
poste de Lord Chancelier
(3
(
*
))
et pose la question de l'exercice futur de la compétence disciplinaire
sur les juges dans le document consultatif publié en juin 2003,
« Une nouvelle façon de nommer les juges ». Trois
possibilités y sont envisagées :
- transmettre cette compétence « en
l'état » au
Lord Chief Justice
;
- transmettre cette compétence au
Lord Chief Justice
, ce
dernier étant assisté par la commission chargée de nommer
les juges, dont la création fait aussi l'objet d'une consultation ;
- transmettre cette compétence à une personne ou à un
organe n'appartenant pas à l'ordre judiciaire et chargé
spécifiquement de traiter les problèmes disciplinaires des juges,
ainsi que les plaintes.
L'organe représentatif des juges présidé par
le Lord
Chief Justice
a indiqué, dans sa réponse à cette
consultation publiée le 6 novembre 2003, qu'il souhaitait que le
Lord Chief Justice
exerce telles quelles les compétences
disciplinaires actuelles du Lord Chancelier.
* (1) Les cours inférieures sont les county courts en matière civile et la Crown Court en matière pénale. Les county courts sont les tribunaux civils de première instance. La Crown Court est à la fois tribunal pénal de première instance pour les infractions les plus graves donnant lieu à un procès avec jury et tribunal d'appel. Elle juge alors les appels contre les décisions rendues en première instance par les tribunaux pénaux composés de juges non professionnels. Les juges des cours inférieures représentent la grande majorité des magistrats professionnels, puisque les juges des cours supérieures ne sont qu'une centaine.
* (2) Le Lord Chief Justice est le plus haut représentant de l'ordre judiciaire après le Lord Chancelier.