NOTE DE SYNTHÈSE
En
France, le code pénal ne prévoit pas le cas particulier des
homicides
commis par les automobilistes. Aux termes de l'article 221-6
du code pénal, ils sont
considérés comme des
homicides involontaires,
et leurs auteurs sont passibles de trois ans
d'emprisonnement ainsi que d'une amende de 45 000 €. En cas de
«
violation manifestement délibérée d'une
obligation particulière de sécurité ou de prudence
imposée par la loi ou le règlement
», les peines
sont alourdies et portées respectivement à cinq ans et à
75 000 €.
En vertu de l'article 221-8, le conducteur condamné pour homicide
involontaire encourt les
peines complémentaires
suivantes :
- suspension du permis de conduire pour une durée maximale de cinq
ans, cette sanction «
pouvant être limitée à
la conduite en dehors de l'activité
professionnelle
» ;
- annulation du permis de conduire, avec interdiction de solliciter la
délivrance d'un nouveau permis pendant cinq ans au plus.
Par ailleurs, le code de la route prévoit que l'homicide involontaire
entraîne, de plein droit, la perte de six points du permis de conduire,
qui en totalise douze.
Le gouvernement a fait de la sécurité routière une
priorité nationale et un plan
d'action a été
défini lors du comité interministériel du 18
décembre 2002
. Les dispositions de nature législative de ce
plan ont été reprises par le
projet de loi renforçant
la lutte contre la violence routière
, qui a été
présenté en conseil des ministres le 26 février 2003. Ce
projet prévoit notamment le renforcement des sanctions encourues par les
automobilistes et la
création d'un nouveau délit d'homicide
involontaire commis à l'occasion de la conduite d'un véhicule
à moteur.
Le nouveau délit serait assorti d'une peine de prison d'une durée
maximale de cinq ans et d'une amende pouvant aller jusqu'à
75 000 €. Ces peines seraient aggravées et portées
respectivement à sept ans et à 100 000 € en cas de
conduite sous l'emprise de l'alcool ou de stupéfiants, de violation
délibérée d'une obligation de prudence ou de
sécurité, de défaut de permis de conduire, d'excès
de vitesse d'au moins 50 km/h ou de délit de fuite. De plus,
lorsque deux de ces circonstances aggravantes seraient réunies, la peine
d'emprisonnement pourrait atteindre dix ans et l'amende
150 000 €.
Le projet de loi prévoit également d'ajouter aux peines
complémentaires existantes l'obligation de suivre un stage de formation
à la sécurité routière, l'interdiction de conduire
certaines catégories de véhicules et la suppression de la
possibilité d'aménager la peine de suspension du permis de
conduire pour tenir compte des obligations professionnelles.
La réforme envisagée en France conduit à s'interroger sur
les dispositions en vigueur dans plusieurs pays européens,
l'Allemagne, l'Angleterre et le Pays de Galles, la Belgique, le Danemark,
l'Espagne, l'Italie et les Pays-Bas, ainsi qu'aux États-Unis.
Pour chacun des pays retenus, le présent document examine :
- la qualification pénale de l'homicide commis par un
automobiliste, en particulier pour mettre en évidence s'il est
considéré comme un homicide involontaire ou s'il constitue une
infraction spécifique ;
- la sanction encourue par l'automobiliste auteur d'un homicide.
L'analyse des règles étrangères fait apparaître
un clivage entre les pays anglo-saxons et les Pays-Bas, où l'homicide
commis par un automobiliste constitue une infraction spécifique, et les
autres, où il est considéré comme une forme d'homicide
involontaire.
1) En Angleterre et au Pays de Galles, dans presque tous les États des
États-Unis, ainsi qu'aux Pays-Bas, l'homicide commis par un
automobiliste constitue une infraction spécifique
En Angleterre et au Pays de Galles
, pour que cette infraction soit
constituée, il faut que la conduite de l'automobiliste à
l'origine de l'homicide puisse être qualifiée de
« dangereuse ». La
conduite dangereuse
est
définie par la loi comme étant soit d'un niveau très
inférieur à celle d'un conducteur compétent et prudent,
soit susceptible d'être considérée comme manifestement
dangereuse par n'importe quel conducteur compétent et prudent. En outre,
le mauvais état du véhicule peut également permettre de
qualifier la conduite de dangereuse.
Presque tous les États américains
ont fait de l'homicide
commis par un automobiliste une infraction spécifique,
l'« homicide lié à la conduite automobile ».
En règle générale, cette infraction est établie
lorsque le conducteur a fait preuve de
négligence
, le niveau de
négligence requis variant d'un État à l'autre. Toutefois,
plusieurs États appliquent la théorie de la
faute
présumée
, de sorte que l'infraction peut être
constituée indépendamment de toute négligence. Par
ailleurs, dans les cinq États qui n'ont pas créé
l'infraction particulière d'« homicide lié à la
conduite automobile », les règles pénales
générales relatives à l'homicide par imprudence sont
applicables.
Aux
Pays-Bas
, le code de la route interdit de se comporter d'une
façon qui puisse provoquer un accident dans lequel une personne pourrait
trouver la mort et prévoit les sanctions applicables aux automobilistes
qui enfreignent ce
devoir général de prudence.
Dans les trois cas (Angleterre et Pays de Galles, États-Unis et
Pays-Bas), une distinction est établie selon que l'auteur de l'homicide
conduisait ou non sous l'emprise de l'alcool ou de produits stupéfiants.
2) Dans les autres pays, l'homicide commis par un automobiliste est le plus
souvent considéré comme une forme d'homicide involontaire
Bien qu'il ne constitue pas une infraction spécifique, l'homicide commis
par un automobiliste fait l'objet de dispositions pénales
particulières en Espagne et en Italie.
a) En Espagne et en Italie, le code pénal comporte des règles
spécifiques
En
Espagne
, selon que l'imprudence qui en est la cause est grave ou non,
l'homicide commis par un automobiliste n'est pas qualifié de la
même façon. Dans le premier cas, il appartient à la
catégorie des « délits » et constitue un
homicide par imprudence.
Dans le second, il fait partie des
« fautes » et est classé parmi les
«
infractions contre les personnes ».
En
Italie
, l'homicide commis par un automobiliste est
considéré comme un
homicide involontaire avec circonstances
aggravantes.
b) En Allemagne, en Belgique et au Danemark, les règles
générales relatives à l'homicide involontaire sont
applicables
Dans ces trois pays, en l'absence de disposition spécifique, l'homicide
commis par un automobiliste constitue, comme en France, un homicide
involontaire.
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La sanction principale, emprisonnement ou amende, varie beaucoup d'un pays à l'autre et n'est pas liée à la qualification de l'infraction. Du reste, dans les pays qui ont érigé l'homicide commis par un automobiliste en infraction spécifique, les tribunaux recourent parfois aux règles pénales générales sur l'homicide pour sanctionner plus durement les coupables. C'est ainsi qu'aux Pays-Bas des voix s'élèvent pour considérer certains homicides commis par des automobilistes comme des homicides volontaires.