ESPAGNE
I - L'EVOLUTION DU SYSTEME
A l'origine, l'Espagne a adopté un système de protection sociale sur le modèle bismarckien avec une multiplication des régimes d'assurances sociales de type socio-professionnel. Après la deuxième guerre mondiale, les effets du Plan Beveridge en Grande-Bretagne contribuent à la création d'un système mixte s'inspirant des formules britannique et allemande. Depuis une trentaine d'années, l'Espagne accélère l'extension et l'unification de son système de protection sociale qui tend à devenir universel.
A) LES ASSURANCES SOCIALES
Entre
1900 et 1958, un système assez complet d'assurances sociales se met
progressivement en place : limitées au début du siècle
à la couverture des accidents du travail et des pensions de retraite,
elles s'étendent dans les années 30 et 40 aux autres risques.
Cependant, la plupart des assurances ne concernent que les salariés
disposant de faibles revenus.
B) LA CONSTITUTION DU SYSTEME DE SECURITE SOCIALE
Dès 1963 se constitue un système de
sécurité sociale obéissant aux principes suivants :
rôle central de l'Etat, gestion unifiée, exclusion de tout but
lucratif et redistribution de prestations fondées sur la
solidarité.
La loi générale de sécurité sociale du 30 mai
1974 étend le bénéfice de la protection sociale à
tous les Espagnols
, mais son principal objectif est d'harmoniser les
différents textes de ce domaine. C'est principalement cette loi, bien
que modifiée à plusieurs reprises, qui régit le
système espagnol de protection sociale.
Le décret-loi royal du 16 novembre 1978 institue les organismes
gestionnaires de la sécurité sociale.
La constitution de 1978 oblige par la suite les pouvoirs publics à
élargir la protection sociale, ce qui va se traduire par une
multiplication des régimes spéciaux.
Le système est à nouveau réformé par la loi du 31
juillet 1985 qui définit des mesures urgentes pour rationaliser la
structure et l'action protectrice de la sécurité sociale. Les
principales mesures arrêtées par cette dernière loi visent
à renforcer le caractère professionnel du système,
à réaffirmer le caractère contributif et proportionnel des
pensions de retraite et d'invalidité, à améliorer la
protection non contributive. Cette loi prévoit par ailleurs
l'intégration de certains régimes spéciaux dans le
régime général.
Plus récemment, la loi générale sur la
sécurité sociale a été révisée afin
de systématiser la législation en matière de protection
sociale. Le décret-loi n°1/94 du 20 juin 1994 regroupe
toutes les dispositions relatives à la protection sociale
promulguées depuis le décret du 30 mai 1974.
C) LES CARACTERISTIQUES DU SYSTEME ACTUEL
Le
système espagnol de protection sociale comporte un
régime
général
auquel sont assujettis
tous les salariés de
l'industrie et du commerce
, ainsi que des
régimes
spéciaux
. Ces régimes spéciaux sont
gérés par les mêmes organismes que le régime
général. Nous n'évoquerons cependant dans cette
étude que le régime général qui, à
l'exception de celui des fonctionnaires, diffère assez peu des
régimes spéciaux.
La protection sociale espagnole se subdivise en trois branches :
- les soins de santé,
- les prestations contributives en espèces,
- les prestations non contributives.
1) Les soins de santé
Dans l'ensemble, les soins de santé sont dispensés gratuitement à toutes les personnes résidant en Espagne, même lorsqu'elles ont des ressources insuffisantes et ne cotisent pas à la sécurité sociale.
2) Les prestations contributives en espèces
Elles
comprennent les prestations :
- de maladie et de maternité,
- d'invalidité,
- de vieillesse,
- de décès,
- de chômage,
- familiales.
3) Les prestations non contributives
Ces
prestations couvrent la santé, la sécurité sur le lieu de
travail, la formation, la réadaptation des personnes handicapées,
l'aide aux personnes âgées et aux personnes marginalisées.
Elles incluent notamment les pensions de retraite ou d'invalidité non
contributives, l'assistance chômage...
Bien qu'il n'existe pas de revenu minimum garanti au niveau national, les
communautés autonomes en ont toutes instauré un.
II - LES BENEFICIAIRES DE LA PROTECTION SOCIALE
Les
bénéficiaires du
régime général
sont :
- les salariés,
- les titulaires de pensions et les bénéficiaires de prestations
périodiques,
- tous les résidents ayant des ressources insuffisantes.
Les ayants droit des assurés sont également
bénéficiaires . Il s'agit des personnes à charge vivant
avec l'assuré : conjoint, enfants, frères et soeurs, ascendants
et leurs conjoints et, à titre exceptionnel, les personnes recueillies
de fait.
Seuls les salariés peuvent bénéficier des prestations
contributives en espèces.
Des régimes spéciaux
couvrent principalement les travailleurs
agricoles, les marins, les employés de maisons, les travailleurs
indépendants, les étudiants et les fonctionnaires.
III - L'ORGANISATION ADMINISTRATIVE
La gestion du système de sécurité sociale est confiée à des personnes morales de droit public, chargées d'une mission de service public . Elles font partie de l'administration mais jouissent d'une autonomie relativement large en matière d'organisation et de gestion.
A) L'ADMINISTRATION CENTRALE DE LA SECURITE SOCIALE
L'Etat
exerce ses prérogatives d'organisation, de réglementation et de
contrôle de la sécurité sociale par :
- le ministère de la santé et de la consommation qui a la tutelle
des services sanitaires ;
- le ministère des affaires sociales pour l'aide sociale ;
- le ministère du travail et de la sécurité sociale pour
les prestations contributives en espèces.
Par ailleurs, les communautés autonomes peuvent assumer toutes les
fonctions d'organisation et d'administration des services de la
sécurité sociale. Elles peuvent même créer leurs
propres organes pour la gestion de ces services, dans les limites de la
législation nationale.
B) LES ORGANES DE GESTION
Aux
trois branches de la protection sociale correspondent quatre organes de gestion
: l'INSALUD pour les soins de santé, l'I.N.S.S. pour les prestations
contributives en espèces, à l'exception toutefois des prestations
de chômage qui relèvent de la compétence de l'INEM, et
l'INSERSO pour les prestations non contributives.
L'INSALUD a les compétences suivantes :
- mise en place et exécution des prestations sanitaires et de celles qui
sont relatives à la médecine préventive, à la
promotion de la santé individuelle et à la médecine
collective ;
- gestion du personnel, des centres, des services et des établissements
sanitaires ;
- coordination des activités des institutions publiques et
privées en matière sanitaire.
L'INEM est chargé de gérer et contrôler les prestations de
chômage. A ce titre, il effectue la reconnaissance du droit au
chômage, ordonne le paiement des prestations et peut intenter des actions
pour fraude. Il est responsable du service de l'emploi et de la formation.
L'I.N.S.S. a comme attributions :
- la reconnaissance du droit aux autres prestations contributives en
espèces, qu'il est également chargé de gérer et
d'administrer ;
- la reconnaissance du droit à l'aide sanitaire.
L'INSERSO est chargé de la gestion des services dont les prestations
complètent celles du système de sécurité sociale.
Il est plus particulièrement chargé de la protection du
troisième âge, des handicapés physiques et mentaux et de la
population marginalisée.
C'est la
Trésorerie générale de la
sécurité sociale
qui est chargée du recouvrement de
l'ensemble des cotisations et du contrôle des affiliations.
La loi générale sur la sécurité sociale permet
à d'autres organismes de collaborer à la gestion.
Il existe ainsi des mutuelles patronales d'accidents de travail
constituées exclusivement pour gérer les accidents du travail et
les maladies professionnelles de leurs employés, sans but lucratif. En
outre, les entreprises peuvent collaborer " volontairement " à
la gestion des prestations financières et sanitaires en cas
d'incapacité de travail temporaire de leurs salariés, et
" obligatoirement ", en versant aux employés les prestations
financières pour arrêt de travail, protection de la famille et
chômage partiel.
Par ailleurs, les entreprises de plus de 500 personnes disposant
d'installations adéquates peuvent prendre en charge l'aide sanitaire des
maladies courantes pour leurs propres employés.
En ce qui concerne les régimes particuliers, si dans la pratique la
plupart des mutuelles qui les géraient ont été dissoutes
et incorporées à l'I.N.S.S., il en subsiste encore certaines
(Institut Social de la Marine, Mutuelle des Fonctionnaires Civils de
l'Etat...)
IV - LE FINANCEMENT
Les
ressources destinées au financement de la sécurité sociale
proviennent :
- pour environ 70 % des cotisations patronales et salariales ;
- à hauteur de 28 % environ, des subventions de l'Etat qui peuvent
être allouées sur le budget général de la
sécurité sociale ou accordées pour des prises en charge
exceptionnelles ou conjoncturelles ;
- pour le solde, soit 2 %, des revenus d'intérêts des ressources
patrimoniales de la sécurité sociale.
Le budget global de la sécurité sociale est utilisé pour
financer notamment l'ensemble des prestations non contributives et environ 73 %
des dépenses de santé.
Pour le calcul des cotisations relatives aux
risques courants
(maladie-maternité, accidents non professionnels, vieillesse et
allocations familiales), les salariés sont répartis en onze
catégories, pour lesquelles un décret annuel fixe les seuils et
plafonds permettant de déterminer l'assiette. Celle-ci varie en fonction
de la catégorie, mais le taux est uniforme.
Les autres risques font l'objet de barèmes distincts avec application
d'un seuil et d'un plafond général. Parmi ces autres risques, on
distingue :
- les "
risques professionnels
" qui couvrent les accidents du
travail et les maladies professionnelles ;
- les "
risques spécifiques
", c'est-à-dire le
chômage, l'alimentation du fonds de garantie salariale (qui verse les
salaires dûs lorsque l'entreprise n'est plus solvable) et le financement
de la formation professionnelle.
Nature |
Catégories |
Assiette ( 1 ) |
Taux
|
||
des cotisations |
de salariés |
Seuil |
Plafond |
Part
|
Part
|
Risques courants |
1.
Ingénieurs et licenciés
|
109 260
|
362 190
|
4,7 % |
23,6 % |
Assurance chômage
|
Toutes catégories |
73 140
|
362 190
|
1,6 %
|
6,2 %
|
|
Total ...................................... |
|
|
6,4 % |
30,8 % |
(
1
)
1 peseta vaut actuellement environ 4 centimes
.
(
2
)
Entre 0,9 % et11 % selon l'activité économique de
l'entreprise.
La part salariale des cotisations est prélevée directement par
l'employeur sur la rémunération du salarié.
V - LES PRINCIPALES PRESTATIONS
A la différence des prestations non contributives, toutes les prestations contributives en espèces sont imposables.
A) LES PRESTATIONS DE L'ASSURANCE MALADIE MATERNITE
1) Les prestations en nature
Les
soins sont administrés gratuitement, les médecins et autres
spécialistes extra-hospitaliers agréés par l'INSALUD
étant rémunérés directement par ce dernier à
la capitation.
Le choix du médecin est libre à l'intérieur d'une zone
géographique donnée, mais dans la limite du contingent
d'inscriptions dont dispose chaque médecin. Pour
bénéficier de la gratuité des consultations de
spécialistes et des hospitalisations, il faut que celles-ci aient
été préalablement ordonnées par le médecin
traitant.
Les assurés ne peuvent demander à changer de médecin
qu'une fois par an. Si les assurés consultent un médecin
différent de celui chez qui ils sont inscrits ou un médecin
privé (non agréé par l'INSALUD), ils devront supporter les
frais de consultation, les médecins privés étant
payés à l'acte, et n'auront droit à aucun remboursement.
Toutefois, un grand nombre de personnes sont affiliées à des
assurances maladie privées volontaires qui permettent d'obtenir des
remboursement spécifiques.
Il existe en effet un réseau important de médecine
libérale et d'hôpitaux privés.
En ce qui concerne la pharmacie, la délivrance des médicaments
est gratuite, notamment pour les retraités et les invalides, lorsqu'ils
effectuent leurs traitements dans les établissements sanitaires
dépendant de l'INSALUD. Dans les autres cas, une participation de 40 %
du prix des médicaments est exigée. D'autres produits, comme les
prothèses chirurgicales et orthopédiques, sont totalement pris en
charge par l'assurance maladie.
Depuis quelques années, on constate une réduction du nombre de
médicaments pris en charge par la sécurité
sociale.
2) Les prestations en espèces
a) La
maladie
Pour bénéficier d'indemnités journalières, les
salariés doivent avoir cotisé au moins 180 jours au cours des
cinq ans précédant l'arrêt de travail. Cette condition
n'est pas requise en cas d'accident, quelle qu'en soit la cause, ou de maladie
professionnelle.
Pour les maladies et les accidents non professionnels, ces indemnités
journalières sont versées après un délai de carence
de 3 jours et pendant douze mois, prorogeables de six mois. Elles sont
égales à 60 % du salaire de référence
(5(
*
))
et portées à 75 % à
partir du vingt-et-unième jour.
Les indemnités sont versées par l'employeur qui les déduit
ensuite des cotisations sociales qu'il doit à l'I.N.S.S.
b) La maternité
Les salariées ont droit à un congé de maternité de
seize semaines pendant lequel l'employeur est tenu de verser aux
salariées 100 % du salaire de référence
(6(
*
))
. Pour bénéficier de ces
prestations, les assurées doivent avoir été
affiliées pendant neuf mois avant l'accouchement et avoir cotisé
au moins 180 jours au cours des cinq années précédant la
naissance
(7(
*
))
.
B) LES PENSIONS DE RETRAITE
L'âge légal du départ en retraite est de
65
ans
pour les hommes et les femmes. Cet âge est cependant une limite
minimum et le départ est facultatif.
Par ailleurs, pour bénéficier d'une pension de retraite, les
salariés doivent avoir cotisé pendant quinze ans dont deux ans au
moins doivent être compris dans les huit années
précédant le départ en retraite.
1) La pension de base
Le
montant de la pension de base s'obtient en appliquant au salaire de base un
pourcentage correspondant au nombre d'années de cotisation du travail.
Ce pourcentage est de 50 % pour dix années de cotisations et augmente de
2 % par année supplémentaire.
Il atteint 100 % pour 35 ans de
cotisations.
Le salaire de base est établi en fonction des salaires des huit
dernières années de cotisations, actualisées en fonction
de l'indice des prix à la consommation pour les six premières
d'entre elles.
La pension ainsi obtenue ne peut être inférieure à 716 520
pesetas par an et ne peut excéder 3 714 508 pesetas par an.
Les pensions de base sont revalorisées automatiquement chaque
année en fonction de l'indice des prix prévu par le gouvernement.
En 1995, elles ont été augmentées de 3,5 %.
2) La pension complémentaire
Il
n'existe pas de régime complémentaire légal
généralisé. Toutefois, l'Etat encourage par des
incitations fiscales la mise en place de fonds de retraite privés ainsi
que l'adhésion des salariés à ces fonds.
Les fonds qui peuvent être constitués par des entreprises, des
associations ou des organismes financiers ne peuvent se substituer à
l'assurance vieillesse du régime général de
sécurité sociale.
C) LES PRESTATIONS FAMILIALES
Elles
sont accordées dès le premier enfant aux assurés dont le
revenu annuel ne dépasse pas 1 080 540 pesetas, ce montant étant
majoré de 15 % par enfant à partir du deuxième enfant.
Leur montant est de 36 000 pesetas par an, par enfant de moins de 18 ans.
Lorsque l'enfant est handicapé, l'allocation est versée sans
condition de ressources de l'assuré et sans limite d'âge de
l'enfant ; son montant varie selon le degré de handicap.
Il n'existe aucune autre prestation familiale.
D) LES INDEMNITES DE CHOMAGE
Pour
bénéficier des prestations de chômage, il faut être
régulièrement inscrit à l'INEM et avoir cotisé plus
de 360 jours au cours des six années précédant la perte
d'emploi. La durée de versement de ces indemnités varie en
fonction des périodes d'activité pendant cette période.
Elles correspondent à 70 % de la moyenne des bases de cotisation du
salarié au cours des six mois précédents
(8(
*
))
pendant les 180 premiers jours de
chômage puis de 60 % au-delà.
Ces indemnités ne peuvent excéder 220 % du salaire minimum
interprofessionnel, ni être inférieures à 75 % de celui-ci,
sans enfant à charge, ou à 100 % de celui-ci, avec enfant
à charge.
A l'issue de la période de versement des prestations de chômage,
les chômeurs peuvent bénéficier de l'assistance
chômage lorsqu'ils ne disposent pas de revenus supérieurs à
75 % du salaire minimum interprofessionnel. Cette prestation, qui ne peut
être versée que pendant dix-huit mois, équivaut à 75
% du salaire minimum interprofessionnel.
E) LE REVENU MINIMUM GARANTI
Cette
prestation qui est non contributive diffère suivant les
communautés autonomes. Cependant, on peut relever certains
critères communs aux différentes prestations mises en place.
Le revenu minimum est généralement attribué pour douze
mois prorogeables, aux personnes âgées de 25 à 65 ans qui
résident dans la communauté concernée depuis une certaine
période (entre trois et cinq années généralement).
Il s'agit d'une allocation différentielle égale à la
différence entre le montant du revenu minimum fixé par la loi
provinciale et le total des ressources du demandeur.
Suivant les communautés, son montant variait, en 1994, entre 30 000 et
37 000 pesetas par mois, majoré :
- de 10 à 42 % pour une personne à charge,
- de 7 à 37 % pour deux personnes à charge,
- de 4 à 32 % pour 3 personnes à charge.