Les premières élections pour la Haute Assemblée (instituée sous le nom de « Conseil de la République » par la Constitution d'octobre 1946) ont lieu le 15 décembre de la même année. Gaston MONNERVILLE est, en son absence, élu en Guyane. Il recueille les 10 voix des 10 votants. La nouvelle assemblée se réunit au Palais du Luxembourg, le mardi 24 décembre, et commence par procéder à la vérification des pouvoirs. Un premier bureau « définitif » est élu, le 27 décembre. Au troisième tour, Auguste CHAMPETIER de RIBES (M.R.P., Président du Mouvement des Démocrates Chrétiens) est élu Président par 124 voix, contre Gaston MARRANE (Président du Groupe communiste) qui en recueille 119. La session est aussitôt close. Le 14 janvier 1947, ce bureau « définitif » est renouvelé. Au troisième tour, CHAMPETIER de RIBES obtient le même nombre de voix, 129, que son concurrent, Georges MARRANE. Il est alors proclamé au bénéfice de l'âge. Deux jours plus tard, CHAMPETIER de RIBES sera également candidat à la présidence de la République. Le Congrès se réunit à Versailles, le jeudi 16 janvier 1947. Vincent AURIOL, Président de l'Assemblée nationale et, à ce titre, Président du Congrès, est élu Président de la République, par 452 voix ; CHAMPETIER de RIBES n'en recueille, lui, que 242. A l'assemblée du Luxembourg, Gaston MONNERVILLE, lui, a été l'un des trois Vice-Présidents désignés, dès le premier bureau définitif du 27 décembre. Il est confirmé, à ce poste, le 14 janvier. ----- 1947 - G. MONNERVILLE, Président du Conseil de la République Gravement malade, CHAMPETIER de RIBES décède le 6 mars 1947. Le groupe M.R.P. se rallie à l'idée d'une candidature, peut-être plus « technique » que politique, et propose G. MONNERVILLE qui, le 14 mars (il y a tout juste cinquante ans) est élu au deuxième tour, par 141 voix, contre M. Henri MARTEL, qui en a obtenu 131. Le nouveau Président précisera, quelques jours plus tard, sa conception de la présidence et sur le rôle de la seconde chambre, dans une intervention qui sera très vivement applaudie. On sait que G. MONNERVILLE sera constamment réélu au fauteuil présidentiel, durant toute la décennie. Rappelons que, sous la IVème République, le bureau de la Haute Assemblée se présentait devant le suffrage des sénateurs non seulement à chaque renouvellement triennal, mais aussi, chaque année, au début de la session. R. T. F. (C.E.A.T.) Photo Jean-Claude MALLINJOD Gaston MONNERVILLE, Président du Conseil de la République. | ----- Gaston MONNERVILLE consacre le premier chapitre du tome second de ses Mémoires, aux douze ans d'existence du Conseil de la République. Il insiste évidemment sur les grandes étapes. On comprendra que les pouvoirs de son assemblée lui importent, avant tout. Hors de toute chronologie, il commence par la réforme constitutionnelle du 7 décembre 1954 : elle crée la navette entre les deux Chambres, institue le droit d'initiative des sénateurs en matière législative, le droit, pour le Conseil, d'examiner en première lecture les propositions déposées par ses membres. Enfin, le gouvernement déposera désormais ses projets sur l'un ou l'autre des bureaux des Assemblées. « De simple donneur d'avis », le Conseil de la République devient une « assemblée législative effective ». Chambre pleinement délibérative, il retrouve peu à peu un vrai pouvoir politique. G. MONNERVILLE revient sur certains événements marquants : tout d'abord, sur la crise de mai 1947 et « l'éviction des ministres communistes du gouvernement ». Il évoque aussi les séances houleuses qu'il préside quelques mois plus tard. Le 1er et le 5 décembre 1947, le Conseil examine le projet de loi sur la protection des libertés et la défense du travail, texte « que le parti communiste appela aussitôt les lois scélérates et hyperscélérates ». Fait exceptionnel au Luxembourg, le climat est agité ; le Président a du mal à faire régner l'ordre. A coups redoublés, il frappe son bureau de son coupe-papier... et le brise. En qualité de Président, il défend avec vigueur les prérogatives de son assemblée. Et même, il en résulte un conflit avec l'Assemblée nationale, à la fin du mois de juin 1948. Le Président de la République, Vincent AURIOL, demande au « Comité Constitutionnel » (ancêtre du Conseil Constitutionnel actuel) de trancher le litige, ce qu'il fait, en faveur du Conseil de la République et donc, en donnant raison à G. MONNERVILLE. G. MONNERVILLE évoque également le transfert au Panthéon des cendres de Victor SCHOELCHER et de Félix EBOUE, en mai 1949. Il est à l'origine de ce transfert et la cérémonie débute dans le jardin du Luxembourg. Le chapitre deux aborde le déclenchement de la guerre d'Algérie. G. MONNERVILLE évoque, à ce sujet, la mission que le Chef de l'Etat et le Gouvernement lui confient, en septembre 1957, pour aller expliquer aux pays d'Amérique latine la position de la France. G. MONNERVILLE eut souvent pour mission de montrer que la France n'est pas esclavagiste ou colonialiste : n'était-il pas la preuve vivante du contraire ? 1958 - 13 mai : C'est la révolte d'Alger. Les appels au Général de GAULLE se multiplient de chaque côté de la Méditerranée. A la demande du Président de la République, M. René COTY, les Présidents des deux Assemblées, André LE TROQUER et Gaston MONNERVILLE, rencontrent à Saint-Cloud, dans la nuit du 28 au 29 mai 1958, le Général de GAULLE, « afin de bien connaître ses intentions réelles ». (Ces derniers mots sont mis entre guillemets dans « Témoignage 2 », où le récit de cette entrevue historique figure, pages 78 à 83). L'entretien est difficile : il semble que les Présidents aient eu quelque mal à convaincre le Général de respecter toutes les procédures pour revenir au pouvoir. Le Général répugnait, surtout, à l'idée d'être, dans les formes, investi par l'Assemblée nationale. A la rigueur, en son absence... En revanche, l'accord est facile sur les grandes lignes de la future Constitution : renforcement de l'Exécutif, séparation des pouvoirs... G. MONNERVILLE réjoint encore plus le Général, sur le second objet de l'entretien : l'avenir de l'Outre-Mer et la création de la Communauté. Le lendemain, 29 mai, G. MONNERVILLE apporta à André LE TROQUER le procès-verbal de la rencontre. Le Président de l'Assemblée Nationale en approuva tous les termes. ----- Le 1er juin, le Général de GAULLE est investi par l'Assemblée nationale, qui, le 3 juin, débat du projet de loi constitutionnelle ; le texte modifie l'article 90 de la Constitution de 1946 et crée le Comité Consultatif Constitutionnel (le C.C.C.), chargé de préparer à l'intention du Gouvernement le nouveau projet de Constitution. Lorsque le débat vient au Palais du Luxembourg, le Général rend visite à G. MONNERVILLE, fait allusion à la nuit du 28 au 29 mai, et dit « Mon cher Président, je vous remercie. Vous vous rendrez compte plus tard du service que vous avez rendu à la France ». Le 28 septembre 1958, le peuple français adopte la nouvelle Constitution, promulguée le 4 octobre. |