Lorsque la guerre éclate en septembre 1939, Gaston MONNERVILLE est parlementaire, âgé de plus de quarante ans. Aux termes de la loi sur l'organisation de la Nation en temps de guerre, il n'est pas mobilisable. Mais il entend participer au combat. Avec plusieurs de ses collègues, il obtient d'Edouard DALADIER un décret-loi (5 septembre 1939) qui les autorise à s'engager. Ce qu'il fait aussitôt (7 septembre 1939). Il servira comme « officier de Justice » sur le cuirassé « Provence ». Ce bâtiment participera à une croisière de guerre qui se terminera tragiquement à Mers-el-Kebir, le 3 juillet 1940. G. MONNERVILLE sera alors démobilisé le 16 juillet. | Gaston Monnerville, engagé volontaire en septembre 1939. Officier de justice sur le cuirassé "La Provence". | Durant toute cette croisière, (23 janvier-25 juin 1940) G. MONNERVILLE tiendra un important journal de bord, un manuscrit (soixante-dix feuillets) illustré de nombreux croquis et d'une sorte de reportage photographique. Une escadre avec, à sa tête, le cuirassé « Provence » appareille de Toulon, le 23 janvier 1940, pour une mission de guerre. Gaston MONNERVILLE tient un journal de bord, où il consigne, jour après jour, tous les traits marquants de la croisière : l'heure de départ, l'état de la mer, les étapes, les rives longées, les bâtiments d'escorte, la destruction d'un sous-marin... Le style est très varié. Parfois, G. MONNERVILLE se contente d'indications chiffrées : « vitesse : 18,5 noeuds, ce qui représente une consommation de 15 tonnes de mazout à l'heure, à 4.000 F la tonne, soit 60.000 F à l'heure ». D'autres passages ont le ton de l'impression personnelle : « Spectacle magnifique des deux croiseurs encadrant le cuirassé précédé par les deux contre-torpilleurs ». Ou : « Vu le commandant », et G. MONNERVILLE ajoute : « cordial et heureux de voir que son bateau tient bien la mer ; me dit « que le bateau obéit bien à la commande ». Certaines pages sont soigneusement et longuement rédigées. Citons, par exemple, les lignes qui décrivent l'effet sur les hommes de la Marseillaise : « A quoi pensent-ils ? Saluent-ils l'hymne qui dans leur esprit symbolise la Patrie ? Saluent-ils le Drapeau, symbole plus matériel et plus tangible encore ? Pensent-ils à la guerre que l'hymne guerrier évoque toujours ? » « Pensent-ils à la France ? Je ne sais, mais cette soudaine gravité me frappe et m'émeut ! Conscients ou non, ces hommes saluent dans l'hymne révolutionnaire et dans le Drapeau qui glisse vers le faîte du mât, un pays qui est pour eux le symbole de la Liberté, du respect de la personnalité humaine. Peut-être est-ce aussi le dynamisme de la « Marseillaise » qui les remue : j'ai observé sur d'autres et sur moi-même l'effet nerveux que produit cet hymne si mâle. Peut-être ces hommes sont-ils nerveusement remués par les accords puissants ponctués des coups sourds des tambours. Quoi qu'il en soit, leur gravité est réelle... ». Pour mieux se représenter la situation militaire, G. MONNERVILLE dresse des sortes d'états simplifiés des forces en présence, comme des « pense-bête » minutieux sur les opérations terrestres et maritimes, en cours : effectifs alignés, ressources économiques, puissance de feu, territoires envahis, etc. Le samedi 15 juin commence par ces mots : « Ils entrent à Paris » et il souligne. Puis, il écrit : « Les salauds, il faudra qu'ils le paient plus tard ! ». Le samedi 25 juin, G. MONNERVILLE souligne la phrase suivante : « L'Empire seul peut sauver la France » ; et il ajoute : « Qu'elle se mette à l'oeuvre pour aboutir à la formation réelle, économique et douanière de l'Empire ». |