Gaston MONNERVILLE sera deux fois ministre, très exactement sous-secrétaire d'Etat, comme on disait à l'époque. C'était l'équivalent des « secrétaires d'Etat » actuels, dont alors le titre n'existait pas. Il participera à deux cabinets successifs, l'un et l'autre, présidés par Camille CHAUTEMPS (1885-1963) : - le troisième ministère CHAUTEMPS, (nommé « Président du Conseil » par décret du 22 juin 1937). Marius MOUTET, Ministre des Colonies Gaston MONNERVILLE, Sous-secrétaire d'Etat aux Colonies (mars 1937) | Dans ce gouvernement, Léon BLUM était vice-président du Conseil, Albert SARRAUT ministre d'Etat, Yvon DELBOS aux Affaires étrangères, Vincent AURIOL à la Justice, Edouard DALADIER à la Défense nationale et Guerre, Henri QUEUILLE aux Travaux publics, Paul RAMADIER sous-secrétaire d'Etat aux Travaux publics. Le ministre des Colonies était Marius MOUTET et son sous-secrétaire d'Etat, Gaston MONNERVILLE... Réception d'un chef africain au Ministère des Colonies en 1937. | - Et le quatrième cabinet CHAUTEMPS, immédiatement consécutif, (décret du 18 janvier 1938) et qui durera jusqu'au 10 mars de la même année. (Marius MOUTET était remplacé par Théodore STEEG). Gaston MONNERVILLE Sous-secrétaire d'Etat aux Affaires coloniales (1938) | La nomination d'un homme de couleur au Gouvernement ne fut appréciée ni en Allemagne, ni en Italie. Dans « l'Azione coloniale » du 22 juillet 1937, un article titré « Derrière le Rouge du Front Populaire vient le Noir » annonce la création d'un sous-secrétariat d'Etat aux Colonies « confié au noir G. MONNERVILLE » et commente : « La France a adopté une politique indigène qui, outre qu'elle est une folie pour la nation française elle-même, est un danger pour les autres nations de l'Europe, car cette action qui dépasse le cadre purement politique pour rencontrer le cadre biologique, doit être dénoncée à l'opinion publique mondiale, là où existe une race incontestablement supérieure à celle de couleur que la France voudrait implanter au coeur de l'Europe ». ----- Ministre, G. MONNERVILLE eut à traiter de deux dossiers importants : le fonds colonial et le conflit sino-japonais. - Le fonds colonial Il n'était pas encore ministre, lorsque Marius MOUTET réunit, en novembre 1936, une conférence des Gouverneurs généraux des colonies françaises. Cette conférence avait lancé l'idée d'un fonds favorisant l'équipement de l'Empire. Une commission avait été créée le 11 janvier 1937 pour examiner ce projet. A la suite de ses travaux, Marius MOUTET déposait, le 7 mai 1937, un projet de loi. Gaston MONNERVILLE fut désigné pour le rapporter devant les députés. Il rapporta le projet devant la Commission de l'Algérie, des colonies et des pays protectorats le 15 juin 1937. Une dotation annuelle inscrite dans la loi de finances devait alimenter un fonds national pour le développement économique, social et sanitaire de l'Empire. Pour la gestion de ce fonds, G. MONNERVILLE proposait de substituer la Caisse des Dépôts et Consignations à l'organisme privé proposé par le projet. La Commission adopta le rapport. La commission des Finances, saisie à son tour, émit également un avis favorable. G. MONNERVILLE étant nommé au Gouvernement, c'est Adolphe VINCENT qui rapporta le projet devant les députés. Projet adopté à l'unanimité le 2 juillet 1937. Mais Joseph CAILLAUX, Président de la Commission des Finances au Sénat, bloqua le projet. Il refusait que le crédit destiné à la guerre soit détourné au profit des colonies. Marius MOUTET et Gaston MONNERVILLE eurent beau plaider, le Président CAILLAUX ne se laissa pas convaincre. Inauguration du Musée colonial par Marius MOUTET Ministre des Colonies (octobre 1937) | Plus tard, G. MONNERVILLE écrivit dans ses Mémoires : « les événements ultérieurs devaient montrer avec quelle clarté aveuglante combien Marius MOUTET et moi avions raison en voulant équiper l'outre-mer ! ». G. MONNERVILLE reprendra le projet, le défendra auprès de l'Assemblée constituante en 1946 et le fera aboutir : ainsi sera créé (loi du 30 avril 1946) le fonds d'investissement pour le développement économique et social des territoires d'outre-mer, plus ordinairement dénommé F.I.D.E.S. - Le conflit sino-japonais : il éclata le 10 juillet 1937. La Société des Nations évoqua la menace de guerre, le 15 septembre. Elle adopta une résolution le 6 octobre, selon laquelle les membres de la S.D.N., signataires du traité des Neuf puissances de 1932 (Etats-Unis, Grande-Bretagne, France, Belgique, Japon, Chine, Italie, Pays-Bas, Portugal) examineraient le dossier à Bruxelles, en vue de proposer une médiation. La France envoya une délégation qui comprenait Yvon DELBOS, ministre des Affaires étrangères, et Gaston MONNERVILLE. Sa nomination souleva quelques surprises et G. MONNERVILLE invoqua la nécessité de protéger les intérêts français en Indochine. La conférence de Bruxelles fut un échec. Dans ses Mémoires, Gaston MONNERVILLE indique qu'il dût prendre une décision assez grave : la Chine avait passé un contrat avec notre pays pour l'achat d'avions de combat. Elle avait versé le prix. Le conflit sino-japonais ayant éclaté, fallait-il rester neutre ou livrer les avions ? G. MONNERVILLE choisit d'honorer le contrat. |