Émile Reymond est né le 2 avril 1865 à Tarbes (Hautes-Pyrénées). Fils de Francisque Reymond, député, puis sénateur de la Loire, ami de Waldeck-Rousseau, Émile Reymond fait ses humanités aux lycées Condorcet et Henri IV à Paris.
Externe, puis interne des hôpitaux de Paris (1891), docteur en médecine (1895) et chef de clinique à la Faculté où il collabore avec le professeur Terrier, le docteur Emile Reymond se créa rapidement une belle notoriété. Lauréat de l’Institut, de la Faculté de médecine, de l’Assistance publique, il devient chirurgien de l’hôpital de Sèvres, puis, à partir de 1903, de la Maison départementale de Nanterre où son service est l’un des plus importants de la région parisienne.
Le sénateur
Le 27 août 1905, il succède à son père décédé, au fauteuil que celui-ci occupait au Sénat (Loire) et s’inscrit à la gauche républicaine (voir la notice biographique de E. Reymond). Il intervient avec la pertinence que lui confère sa propre expérience sur les différents sujets concernant la santé publique.
Mais c’est à son soutien à l’aviation naissante, dont il pressent le rôle dans la défense nationale, qu’il apporte le meilleur de son action.
Passionné d’aéronautique, il passe brillamment, le 19 août 1910, son brevet de pilote, et fait alors de nombreuses randonnées en avion à travers la France, voire une exploration du Sahara ; et même, en 1912, la première tournée électorale en avion ! Déjà vice-président du groupe de l’aviation du Sénat, il prend la tête, cette même année 1912, du Comité national de l’aviation militaire, puis, en 1914, il entre au Conseil supérieur d’aérostation militaire.
C’est cette passion des choses de l’air, associée à un patriotisme ardent qui le conduisent, soit à l’occasion du vote du budget, soit à celles d’interpellations retentissantes, à dénoncer notre retard face aux progrès de l’aéronautique allemande et à préconiser la création d’une véritable " arme " de l’aéronautique. Sans réussir à vaincre l’esprit conservateur de l’armée qui ne voit dans l’aviation qu’un " service " complémentaire aux besoins de l’observation de l’artillerie ou des nécessités du génie, Émile Reymond aura quand même la satisfaction d‘avoir à présenter, peu avant la guerre, l’avis favorable de la commission des armées, à la création, au ministère de la Guerre, d’une direction de l’aéronautique.
L'aviateur
L’ouverture des hostilités avec l’Allemagne lui donne l’occasion de prêcher l’exemple. Affecté comme médecin-major de 1ère classe au service de santé, il insiste tant pour rejoindre un corps d’aviateurs sur la ligne de feu, qu’il obtient de servir comme observateur en aéroplane dans une escadrille de l’armée de l’Est. Il reçoit une première citation le 9 octobre 1914.
Le 21 octobre, accomplissant une reconnaissance aérienne, à très basse altitude, au-dessus des lignes allemandes, son appareil est touché et lui-même grièvement blessé par une balle qui lui perfore reins et intestins. Il réussit néanmoins à faire atterrir son avion entre les lignes allemandes et françaises. Un combat sanglant se déroule quatre heures durant autour de la machine, tandis qu’il fait le mort.
Puis la nuit, en dépit de ses blessures et de son âge, il parvient à se dégager de l’appareil et à gagner, en rampant, les lignes françaises. Conduit à l’hôpital de Toul, il communique avec précision, avant de mourir, le 22 octobre 1914, les résultats de sa mission. Son général lui épingle, sur son lit de mort, la Croix de la Légion d’honneur.
L'éloge funèbre
Le 22 décembre 1914, le président Antonin Dubost prononce son éloge funèbre :
"... Emile Reymond portait sur sa physionomie comme une sorte de prédestination aux actions grandes et passionnées. Son immense front, ses yeux ardents dans sa pâle figure rayonnaient, et son maigre corps semblait réduit au minimum pour sa vie physique et consumé par une intense flamme intérieure...
Et c’est en planant sur ces ailes par lesquelles il voulait la France victorieuse que ce Français passionné reçut la blessure dont il ne se laissa mourir qu’après avoir rempli jusqu’au bout la consigne dont il était chargé. Cruelle, mais admirable fatalité et dont il ne voudrait pas être plaint, car, s’il mourait de son vol héroïque, il avait pu, tout au moins, l’un des premiers contempler la plaine d’Alsace retrouvée, ses clochers et l’imprescriptible frontière !
Avec lui, messieurs, élevons nos âmes vers les plus hautes pensées, et fortifions-nous pour les plus extrêmes devoirs, car le succès ne se donne point au seul espoir, mais aux volontés conscientes de ses difficultés ! "
" Le Sénat décide d’ériger un buste dans sa galerie pour perpétuer l’image du sénateur Emile Reymond qui illustra la science chirurgicale, honora la tribune du Sénat, contribua plus que tout autre à la création et au développement de l’aviation militaire et, victime de son héroïsme, tomba glorieusement en survolant les armées ennemies. "
Le même jour, le président fit part de la communication d’une lettre du ministre de la guerre transmettant le rapport officiel " relatant les circonstances dans lesquelles M. le sénateur Emile Reymond a trouvé la mort ".
La Haute Assemblée vota ensuite à l’unanimité à Émile Reymond l’hommage d’un buste par la motion suivante :
" Le Sénat décide d’ériger un buste dans sa galerie pour perpétuer l’image du sénateur Emile Reymond qui illustra la science chirurgicale, honora la tribune du Sénat, contribua plus que tout autre à la création et au développement de l’aviation militaire et, victime de son héroïsme, tomba glorieusement en survolant les armées ennemies. "
Émile Reymond était secrétaire du Sénat depuis le 14 janvier 1912.
Un monument, œuvre du sculpteur Bartholomé, fut érigé à Montbrison à la mémoire du sénateur-aviateur Émile Reymond et de 187 officiers, sous-officiers et soldats tués au front. Ce monument devait être inauguré en mai 1920 par le président de la République, Paul Deschanel. Or, c’est en se rendant à cette inauguration que le président fut victime d’un " accident " et tomba sur la voie, selon un scénario que tout le monde connaît ! C’est donc le ministre de l’Intérieur qui, en l’absence du chef de l’État, présida à l’inauguration du monument.