Ordre de mobilisation générale

Généralités

Lorsque la guerre éclate en août 1914, l'opinion générale est que le conflit sera court. Il semble alors impensable que les mécanismes économiques puissent supporter longtemps les bouleversements engendrés par une guerre. Dès les premiers jours, en raison de la mobilisation, la vie économique s'est arrêtée : la France vit sur ses réserves. A la fin de l'été, on commence à entrevoir le véritable caractère de la guerre : ce n’est plus une crise douloureuse et passagère. On admet que son échéance est imprévisible.
Sur le plan politique, la situation est identique : la vie nationale s'est arrêtée en août.

Gouvernement et Parlement s’effacent devant le commandement militaire. Mais cette situation ne peut être que provisoire.

A la fin de l’année, la vie politique reprend peu à peu. La session parlementaire s’ouvre le 22 décembre.

Le contrôle du gouvernement

Sénateurs et députés qui veulent exercer un contrôle sur la défense nationale et sur la conduite de la guerre, se réunissent en comité secret pour assurer la discrétion des débats. Le gouvernement accepte en 1916 que les Chambres se réunissent en comités secrets.

Prorogation du pouvoir et report des élections

À cette époque, le Sénat se renouvelle par tiers, tous les trois ans. Les dernières élections sénatoriales d'avant-guerre se sont déroulées le 7 janvier 1906 pour la série "B" puis le 7 janvier 1912 pour la série "A". Ces séries sont donc renouvelables en janvier 1915 et en janvier 1919.

L'article 1er de la loi du 24 décembre 1914 proroge en conséquence les pouvoirs des sénateurs de la série "B" en disposant qu'une loi ultérieure déterminera la date à laquelle aura lieu son renouvellement. L'article 2 de la loi du 31 décembre 1918 fait de même pour les sénateurs de la série "C".

Une fois le conflit terminé, l'article 4 de la loi du 18 octobre 1919, fixe la date des élections au Sénat au 11 janvier 1920, pour la totalité des sièges des séries "B" et "C", et partiellement pour la série "A", afin de combler les vacances survenues dans cette série depuis les précédentes élections. 

(Références : Journal officielDébats, Sénat, Séances des 9 janvier 1906 et 9 janvier 1912, Sénat, Feuilleton n° 2 du 11 janvier 1912, Journal officielLois et décrets, 25 décembre 1914 (p. 9338), 1er janvier 1918 (p. 2) et 19 octobre 1919 (p. 11570).

La victoire

11 novembre 1918 : c’est la victoire. Georges Clemenceau, président du Conseil, vient l’annoncer au Sénat et rendre hommage aux victimes de cette guerre.

Le Sénat tient à s'associer à cet hommage en proposant la pose d’une plaque de marbre à la mémoire des sénateurs et des fonctionnaires victimes de la guerre.

La déclaration de guerre

Foule parisienne à la déclaration de guerre

La situation internationale s’aggrave en cette fin de juillet 1914. Mais ce n’est pas la préoccupation dominante des Français. Ils se passionnent davantage pour le procès de Mme Caillaux, femme de l’ancien ministre de la justice qui a assassiné Gaston Calmette, le directeur du Figaro.

La session parlementaire est close depuis le 15 juillet après un débat assez vif sur les crédits militaires à la Chambre des députés et au Sénat où Charles Humbert a dénoncé l'état d'impréparation de la France en cas de guerre. Les sénateurs et les députés ont ensuite regagné leur circonscription.

Le 28 juillet, l'Autriche Hongrie déclare la guerre à la Serbie. Le 29, le gouvernement russe décide, à titre préventif, la mobilisation d'une partie de ses troupes.
Clemenceau, le 31, titre son éditorial : "Au bord du gouffre". Le soir, Jaurès est assassiné. Le 1er août, le Conseil des ministres se réunit : la mobilisation est décidée. Les premières affiches apparaissent.

Le 2, l'armée allemande envahit le Luxembourg. Près de Belfort, une patrouille allemande pénètre sur le territoire français et se heurte à un petit poste d'infanterie : le caporal Peugeot est tué. C'est le premier mort français de cette guerre.

Le 3 août, l'Allemagne déclare la guerre à la France.

Le Parlement convoqué en session extraordinaire se réunit le 4. Au Sénat, le Garde des sceaux, ministre de la justice, Jean-Baptiste Bienvenu-Martin lit un message du Président de la République, puis René Viviani, président du Conseil, donne lecture d'une communication du Gouvernement : "La France, injustement provoquée, n'a pas voulu la guerre. Elle a tout fait pour la conjurer. Puisqu'on la lui impose, elle se défendra contre l'Allemagne et contre toute puissance qui, n'ayant pas encore fait connaître son sentiment, prendrait part au côté de cette dernière au conflit entre les deux."

Les deux chambres votent ensuite à l'unanimité une série de textes de défense nationale, puis l'ordre du jour de cette session extraordinaire étant épuisé, le Parlement s'ajourne sine die.

Les comités secrets

L'institution des comités secrets est née de la volonté du Parlement d'exercer son contrôle sur la défense nationale et sur la conduite de la guerre. Les parlementaires, représentants de la souveraineté nationale, auraient cru faillir à leur mission s'ils ne l'avaient pas réclamée. La nécessité de ce contrôle fut imposée par les faits et les événements eux-mêmes.

Gaston Monnerville
Ancien Président du Sénat

M. Charles Humbert, suivi de M. Paul Doumer, descend dans un abri servant de dépôt de munition

Dés la séance d'ouverture du Parlement, le 12 janvier 1915, Paul Deschanel, le président de la Chambre des députés, affirme  "la nécessité d'un contrôle plus fort et plus énergique que jamais".

Les deux chambres décident avec l'accord du président du Conseil, René Viviani, de siéger en permanence. Elles mettent en place différentes formes de contrôle : des missions temporaires et d'objet déterminé confiées par les commissions parlementaires à l'un de leurs membres, des auditions fréquentes devant ces mêmes commissions (la commission sénatoriale de l'armée présidée par Georges Clemenceau demande 18 fois durant l'année 1915 au président du Conseil et au ministre de l'armée de venir déposer devant elle). 

De gauche à droite : M. Jeanneney, M. Bérenger, MM. Doumer et Humbert

Cette même année, plus de 7400 questions écrites sont posées au gouvernement par les parlementaires. Députés et sénateurs souhaitent connaître tous les chiffres : effectifs, réserves, matériel, munitions....Des indiscrétions se produisent.Pour y remédier, l'idée de comité secret s'affirme peu à peu. L'intensité de l'attaque allemande sur Verdun au début de l'année 1916 provoque une grande émotion en France. Les parlementaires formulent des critiques de plus en plus vives sur la conduite des opérations militaires et, souhaitant obtenir du gouvernement des réponses complètes et détaillées, ils décident de se réunir en comité secret.

Les comités secrets : assurer la confidentialité des débats

Journal officiel des débats

Pour assurer le secret de ces comités, le Sénat prend une série de mesures très strictes : nulle personne étrangère au Sénat ne peut, sous aucun prétexte, s'introduire dans l'enceinte du Palais. Les quelques fonctionnaires indispensables au fonctionnement de ces comités sont tenus de prêter serment :

"Je jure et promets sur mon honneur et ma conscience de ne rien révéler de ce qui sera dit au cours du comité secret."

Les autres fonctionnaires sont consignés dans leur service. Le compte rendu analytique des séances est supprimé, seuls les sténographes sont autorisés à prendre des notes.

La publication de ces cahiers sténographiques au Journal officiel sera décidée en 1968 à l'initiative de Gaston Monnerville, président du Sénat, qui souhaite ainsi mettre en lumière "le rôle éminent joué par la Haute Assemblée au cours du long conflit mondial".

Lorsqu'une demande est déposée, chaque chambre se prononce par assis et levé, sans débat sur le fond, c'est-à-dire par la procédure sommaire de prise en considération qui donne la parole à l'un des auteurs de la proposition, au gouvernement s'il la demande et au rapporteur de la question en délibération.

Les premiers comités secrets se tiennent respectivement le 16 juin 1916 à la Chambre des députés et le 4 juillet 1916 au Sénat.

Entre 1916 et 1917, il y en eut quatre au Sénat :

  • du 4 au 9 juillet 1916 sur la bataille de Verdun et les affaires balkaniques
  • du 19 au 23 décembre 1916 sur la politique militaire, diplomatique et économique du gouvernement ainsi que sur la situation des armements, de l'artillerie et de l'aviation
  • le 6 juin 1917 sur le congrès socialiste de Stockholm
  • du 19 au 21 juillet 1917 sur l'offensive alliée du 16 avril et sur le fonctionnement du service de santé

La plaque commémorative

Plaque commémorative présente au Sénat

Dans sa séance de questure du 1er septembre 1919, les Questeurs demandent à l’architecte du Sénat "d’examiner la question de l’installation d’une plaque de marbre sur laquelle seraient gravés les noms des sénateurs, des fonctionnaires et agents tués à l’ennemi depuis la mobilisation de 1914".
Cette plaque est actuellement visible en haut de l’escalier d’honneur du Palais du Luxembourg.

Dans la lettre qu’ils adressent au Président et aux membres du Bureau le 27 avril 1920 pour demander l’installation de la plaque dans la salle d’attente du public, les Questeurs du Sénat expriment leur émotion avec une grande sobriété et une digne retenue :

" Le sentiment qui nous pousse à demander que soit ainsi perpétuée, parmi nous, la mémoire de ceux des nôtres qui sont tombés pendant la guerre, victimes des balles ou de la brutalité allemandes ne nécessite aucune explication. Il repose dans le cœur et dans l’esprit de chacun d’entre vous. Nous sommes assurés d’avance qu’il nous suffit d’énoncer notre proposition pour qu’elle soit admise, du moins dans son principe et toute parole justificative serait superflue. "

Les sénateurs victimes de la guerre