C’est dans le train du maréchal Foch, stationné au carrefour de Rethondes, que fut signé le 11 novembre 1918, avant l’aube, l’armistice que le maréchal Foch alla lui-même porter aussitôt à Paris, et que Georges Clemenceau lut aux chambres dans l’après-midi.
Un article de l’Illustration rend compte de l’atmosphère qui règne à Paris en cette journée du 11 novembre :
" ...Vers 10 heures, la nouvelle apparut en affiches coulées aux façades de l’ "Écho de Paris ", du " Gaulois ", du " Matin ". Dans la brume, le canon tonna et les cloches sonnèrent comme au matin de Pâques. Aussitôt, Paris se couvrit de drapeaux et les boulevards et les rues devinrent un préau de récréation.
Les passants couraient, comme des écoliers sortant de classe, et ils transportaient la nouvelle. Il y eut là une heure d’éveil à la joie qui fut inoubliable...
... Les soldats devaient être les héros de cette fête. On embrassait ceux qui se trouvaient dans les rues, par amour de ceux qui venaient de s’arrêter, là-bas, leur fusil fumant. Ils se mêlaient aux cortèges lorsqu’ils ne les conduisaient pas..."
Dernier communiqué de presse
Au soir du 11 novembre, à 21 heures, le général Pétain signe le dernier communiqué à la presse rédigé par le sous-lieutenant de Pierrefeu :
" Au 52e mois d’une guerre sans précédent dans l’histoire, l’armée française avec l’aide de ses Alliés a consommé la défaite de l’ennemi.
Nos troupes, animées du plus pur esprit de sacrifice, donnant pendant quatre années de combats ininterrompus l’exemple d’une sublime endurance et d’un héroïsme quotidien, ont rempli la tâche que leur avait confiée la Patrie.
Tantôt supportant avec une énergie indomptable les assauts de l’ennemi, tantôt attaquant elles-mêmes et forçant la Victoire, elles ont, après une offensive décisive de quatre mois, bousculé, battu et jeté hors de France la puissante armée allemande et l’ont contrainte à demander la paix.
Toutes les conditions exigées pour la suspension des hostilités ayant été acceptées par l’ennemi, l’armistice est entré en vigueur, ce matin, à onze heures. "
Clemenceau lit les conditions de l'armistice
Les paroles de Clemenceau furent les mêmes à la Chambre qu'au Sénat : lecture des conditions d'armistice sans commentaires; un salut grave, ému à l'Alsace et à la Lorraine retrouvées et aux morts. Jamais on ne vit au Parlement enthousiasme pareil. Tous les députés debout, entonnent "La Marseillaise", avec la même foi.
Voici la séance du Sénat :
M. LE PRESIDENT. - La parole est à M. le Président du Conseil.
(L'Assemblée se lève et quand M. le Président du Conseil se dirige vers la tribune, elle le salue de ses applaudissements répétés et unanimes.)
M. Georges CLEMENCEAU, Président du Conseil, ministre de la Guerre (après lecture des conditions d'armistice). - Messieurs, de pareils documents sont des actes. Il n'y a rien à y ajouter.
A la Chambre, j'ai simplement voulu prononcer une parole que je suis heureux d'avoir l'occasion de répéter ici.
J'ai dit, au nom du peuple français, au nom du Parlement, au nom du gouvernement de la République française, de la France une et indivisible, comme disaient nos pères : "Salut à l'Alsace et à la Lorraine enfin retrouvées." (Applaudissements vifs et répétés.) J'ai dit que c'était l'œuvre de nos grands morts qui nous ont fait cette admirable journée. (Nouveaux applaudissements.)
Grâces leur soient rendues : ni eux, ni leurs familles ne seront oubliés (vive approbation) et, si cela est en mon pouvoir, il faudra qu'un jour de commémoration soit institué en leur honneur dans la République française. (Très bien ! très bien ! et vive approbation.)1
Quant aux vivants, j'ai dit que nous les attendions pour les regarder passer dans les cris, les larmes, les applaudissements enthousiastes sous l'arc triomphal2 (bravos et longs applaudissements) et, enfin, j'ai ajouté que, par eux, la France retrouverait sa place dans le monde pour poursuivre sa course magnifique dans l'infini du progrès humain, autrefois soldat de Dieu, aujourd'hui soldat de l'humanité, toujours soldat de l'idéal. (Applaudissements vifs et prolongés.)
A droite. - Toujours soldat de Dieu et pour cela soldat de l'humanité !
1 Ce vœu a été exaucé. Le 11 novembre est fête nationale, le Président de la République vient s'incliner devant la tombe du Soldat inconnu, sous l'Arc de Triomphe et ensuite devant la statue de Clemenceau aux Champs-Elysées.
2 Le défilé de la Victoire eut lieu, de la porte Maillot à la place de la Concorde, en passant sous l'Arc le 14 juillet 1919. Clemenceau avait tenu sa promesse et en ressentit grande joie.
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