Table des matières
Mercredi 9 juillet 2003
- Présidence de M. Ambroise Dupont, vice-président. -
Mission d'information sur la diffusion de la culture scientifique - Examen du rapport
La commission a procédé à l'examen du rapport de M. Ivan Renar et de Mme Marie-Christine Blandin, rapporteurs de la mission d'information sur la diffusion de la culture scientifique.
A titre liminaire, M. Pierre Laffitte, président de la mission, a rappelé que la création de cette mission d'information répondait à la conviction que la diffusion de la culture scientifique et technique revêtait aujourd'hui, plus que jamais, une importance cruciale, du fait des développements des sciences et techniques.
Il a indiqué que la mission d'information avait procédé à l'audition d'une trentaine de personnalités, à l'organisation d'un colloque consacré au rôle des initiatives locales et régionales dans la diffusion territoriale de la culture scientifique, et qu'elle avait adressé des questionnaires détaillés aux responsables des grands musées nationaux, à ceux des centres de culture scientifique en régions, à certains industriels, et, pour disposer d'éléments de comparaison internationale, aux services scientifiques d'une vingtaine d'ambassades françaises à l'étranger.
Il a rappelé que certaines des recommandations adoptées par la commission en juin 2002, sur proposition de la mission, à l'occasion de la présentation de ses premières conclusions, avaient déjà reçu un écho favorable, et notamment celle qui insistait sur la nécessité d'inviter le prochain président de la Cité des sciences à développer l'action territoriale de cet établissement.
Il a estimé que la poursuite des travaux de la mission lui avait permis d'approfondir ses constats et d'enrichir ses propositions.
Il a relevé que la perception des sciences dans l'opinion n'était plus aussi positive que dans le passé, et que le public, qui tire volontiers profit des innovations que les sciences et techniques apportent dans la vie de tous les jours, n'est pas à même de comprendre, le plus souvent, les composantes scientifiques, techniques ou économiques, qui conditionnent ces innovations.
Compte tenu de la dimension scientifique des problématiques globales liées à la mondialisation ou au développement durable, ainsi que de débats publics et politiques suscités par les thérapies géniques, les organismes génétiquement modifiés, l'énergie nucléaire, ou le rayonnement électromagnétique de la téléphonie mobile, il a jugé indispensable, dans une société démocratique, de permettre au plus grand nombre de disposer des connaissances nécessaires à la compréhension de la modernité.
Il a estimé que cet objectif devait constituer une priorité nationale dont l'urgence est soulignée, notamment, par la diminution du nombre d'étudiants inscrits dans les filières scientifiques.
M. Pierre Laffitte, président de la mission, a souligné, en second lieu, que de très nombreux pays européens avaient pris conscience, à la fin des années 90, de la nécessité d'une relance énergique de la politique en faveur de la diffusion de la culture scientifique.
Enfin, il a constaté que la France disposait de nombreux atouts, au nombre desquels il a compté la soif de connaissances du public que montrent les sondages et qu'a confirmé le succès de brillantes réalisations comme « l'université de tous les savoirs », le documentaire « l'Odyssée de l'espèce », qui a battu des records d'audience, ou l'opération « La main à la pâte » promue par le professeur Georges Charpak et l'Académie des sciences.
Mme Marie-Christine Blandin, rapporteur, a indiqué que la mission d'information s'était tout d'abord intéressée au système scolaire qui a pour mission de dispenser aux élèves les connaissances et les compétences indispensables. Elle a jugé ce rôle essentiel, car l'école touche en France la totalité de la population et le succès ou l'échec du système scolaire à susciter l'intérêt et à dispenser les connaissances de base conditionne très largement les autres voies de diffusion de la culture scientifique et technique.
Partant de l'analyse de la situation présente, elle a formulé deux remarques. Elle a tout d'abord relevé que le rendement du système éducatif français était plutôt honorable, au regard des comparaisons internationales réalisées par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui a évalué, en 2000, les compétences des jeunes adultes de 15 ans dans 32 pays : cette étude a montré que la performance du système français est supérieure de façon significative à la moyenne des autres pays en culture mathématique, mais qu'elle n'est que moyenne en culture scientifique.
Constatant en France, comme dans les autres pays industrialisés, une diminution relative de l'effectif des étudiants inscrits dans les filières scientifiques, elle a précisé que cette désaffection ne concernait pas l'enseignement secondaire, mais qu'elle était en revanche sensible dans l'enseignement supérieur, et plus particulièrement dans les premiers cycles universitaires, qui ont enregistré, en dix ans, une diminution moyenne de 8 % de leurs effectifs, avec des baisses plus marquées en biologie (-27 %) et en physique-chimie (-46 %).
Elle a indiqué que, d'après les sondages, cette désaffection ne tiendrait pas à une dégradation de l'image du métier de chercheur, mais au fait que les jeunes jugeraient les cours de sciences trop peu attrayants, et les matières scientifiques trop difficiles.
Elle en a conclu qu'il était indispensable de favoriser l'amélioration de la présentation des sciences à l'école.
Evoquant le succès rencontré par certaines approches pédagogiques, comme par exemple l'opération « la main à la pâte » ou la méthode de l'apprentissage par tâtonnement expérimental prônée par Célestin Freinet, elle a souligné l'intérêt d'un recours accru à l'observation et à l'expérimentation dans l'enseignement primaire.
Elle a estimé que, dans l'enseignement secondaire, la rénovation de l'enseignement des sciences ne passait sans doute pas par une réforme des programmes, mais plutôt par la recherche d'une approche nouvelle permettant davantage des regards croisés et une perspective interdisciplinaire, à l'image de ce que tentent déjà, ponctuellement, les « itinéraires de découverte ».
Elle a particulièrement insisté sur la nécessité d'inciter davantage les établissements scolaires à s'ouvrir sur l'extérieur. Elle a jugé que les visites dans les laboratoires de recherche, dans les entreprises et dans les technopoles devaient être systématiquement encouragées et développées, car un contact direct avec des chercheurs ou des ingénieurs pouvait métamorphoser le regard porté par les jeunes élèves sur les disciplines enseignées.
Elle a ajouté qu'il ne serait pas inutile d'organiser également des stages dans ces mêmes organismes au profit des enseignants, comme le fait l'Académie d'Aix-Marseille, pour leur permettre d'appréhender l'évolution des connaissances et des métiers de la recherche.
Enfin, estimant que l'enseignement supérieur ne devait pas déboucher sur une parcellisation du savoir, mais permettre au contraire aux étudiants de situer les questions dans leur contexte, dans un esprit de « reliance des connaissances » prôné par Edgar Morin, elle a proposé que la mise en place du nouveau système de disciplines « licence-mastère-doctorat » soit mise à profit pour réviser les cursus et les ouvrir à d'autres enseignements que les enseignements majeurs de la discipline considérée. Ainsi, des étudiants des disciplines scientifiques pourraient recevoir des enseignements d'histoire des sciences, de philosophie des sciences et les étudiants des disciplines non scientifiques recevraient, en sens inverse, des éléments de culture scientifique.
Evoquant les instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM), elle a regretté qu'une large majorité des professeurs d'écoles -les deux tiers- n'aient pas reçu de formation scientifique de base et a souhaité que leur formation soit complétée en ce sens, comme le fait l'Académie de Paris, sur l'initiative de son précédent recteur.
Mme Marie-Christine Blandin, rapporteur, a en outre évoqué plusieurs pistes pour lutter plus spécifiquement contre la désaffection dont font l'objet les filières scientifiques :
- elle a recommandé qu'une politique suivie soit menée pour inciter les jeunes filles à surmonter les réticences d'ordre sociologique et culturel qui les retiennent de s'engager dans les disciplines scientifiques ;
- elle a proposé de faire connaître plus clairement les débouchés de ces études, en décrivant les postes de techniciens et d'ingénieurs auxquels elles sont susceptibles de conduire ;
- pour encourager les études scientifiques à vocation pédagogique, elle a souhaité que le ministère de l'éducation nationale mette sur pied une gestion prévisionnelle de ses recrutements lui permettant d'annoncer, plusieurs années à l'avance, le nombre de postes ouverts aux concours d'accès à l'enseignement.
Evoquant enfin l'effet positif qu'auraient des bourses de pré-recrutement, elle a rappelé que M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, avait donné une réponse encourageante à cette suggestion au cours de son audition par la commission le 3 juillet 2003.
Passant à l'analyse du rôle essentiel que peuvent jouer les médias, M. Ivan Renar, rapporteur de la mission, a précisé que malgré les qualités intrinsèques de la radio et de l'internet, la télévision s'imposait encore aujourd'hui comme le vecteur le plus universel.
Il a noté que le large recours aux médias audiovisuels s'accompagnait d'une insatisfaction, puisque 62 % des Français interrogés dans le cadre d'une enquête de la SOFRES estimaient qu'il n'y avait pas assez d'information scientifique à la télévision.
Analysant la place réelle des sciences dans la programmation des grandes chaînes généralistes, et en particulier dans celle des chaînes publiques, il a relevé que les cahiers des charges de ces dernières ne comportaient aucune obligation minimale quantifiée et que, si les grilles de programmes comportaient un nombre non négligeable d'émissions scientifiques, la diffusion de ces émissions était généralement reléguée à des plages horaires peu favorables en termes d'audience, que le traitement des différentes disciplines était très inégal, et le degré d'exigence de ces émissions, variable.
Il a souhaité que le succès de « l'Odyssée de l'espèce » alimente une réflexion chez les responsables de la programmation des chaînes généralistes, sur le préjugé qui veut que les émissions scientifiques soient impropres à faire de l'audience, et a demandé aux autorités de contrôle d'inciter les chaînes à respecter moins parcimonieusement les obligations contenues dans les cahiers des charges.
Il a invité les pouvoirs publics à tirer pleinement parti des possibilités offertes par les nouvelles techniques de diffusion, pour que la diversification des contenus qu'elles permettront favorise le développement d'une nouvelle offre d'émissions à caractère scientifique et technique.
Enfin, il a souhaité que la diffusion de la télévision par le biais de l'internet à haut débit permette, à l'avenir, la création, à moindres frais, de chaînes thématiques, scientifiques et culturelles, qui pourraient combiner leur spécialisation avec une approche régionale.
M. Ivan Renar, rapporteur, abordant le dispositif de diffusion de la culture scientifique proprement dit, est parti du constat général qu'il existe, en France, une très grande variété d'organismes actifs dans ce domaine.
Il a décrit la très grande variété de sociétés savantes ou d'associations reposant, pour l'essentiel, sur le bénévolat, et qui exercent, à la base, au plus près de la population et des réalités locales, une activité en profondeur, qui n'est pas suffisamment connue et encouragée, alors qu'elle est susceptible d'avoir un impact social sans commune mesure avec son coût très réduit.
Le rapporteur a regretté que la mobilisation de ce grand réseau ne bénéficie que de subventions sporadiques de l'Etat et que le partenariat avec les grands musées parisiens, et notamment la Cité des sciences, soit très peu développé.
Il a ensuite présenté les centres de culture scientifique, technique et industrielle (les CCSTI), et les musées d'histoire naturelle, les musées de société et les musées techniques qui constituent l'échelon intermédiaire.
Indiquant que la mission avait pu mesurer, lors de sa visite du centre Nausicaa de Boulogne-sur-Mer, l'impact réel et potentiel de ce type d'organisme lorsqu'ils sont gérés avec rigueur et conviction, il a cependant rappelé que le dispositif global des CCSTI restait marqué par de fortes disparités dans leur répartition géographique et que les grands musées parisiens ne leur apportaient que peu de soutien.
Enfin, abordant l'échelon national, il a indiqué que quatre grands musées parisiens drainaient l'essentiel des subventions de l'Etat.
Il a précisé que, sur les 29 millions d'euros que le ministère de l'enseignement supérieur avait consacrés en 2002 à la culture scientifique, 27 millions avaient été absorbés par les subventions versées à trois musées : le Palais de la découverte, le musée des arts et métiers et le muséum d'histoire naturelle, alors que le ministère n'avait apporté que moins de 2 millions d'euros aux actions en région.
Notant que la subvention versée par le ministère de la culture et de la communication à la Cité des sciences devrait, en 2003, dépasser les 86 millions d'euros, il a regretté que, mis à part l'exercice de la co-tutelle sur cet établissement, le ministère ne s'implique pas dans la culture scientifique et que les directions régionales d'action culturelle ne soient pas localement les partenaires des actions de diffusion de la culture scientifique dans les régions.
Enfin, il a souligné que les subventions versées par le ministère de la recherche qui étaient largement déconcentrées, ne s'élevaient qu'à 8 millions d'euros.
Partant de ce constat général, le rapporteur a formulé plusieurs recommandations :
- il a d'abord souhaité que l'Etat procède à une évaluation globale de l'effort financier qu'il consacre à la diffusion de la culture scientifique, en précisant la part de chacune des enveloppes budgétaires qui bénéficie à Paris, à la région parisienne, et au reste du pays ; il a demandé que, dans le cadre de la loi organique de 2001 relative aux lois de finances, les principaux ministères concernés identifient les actions qu'ils conduisent ou projettent en ce domaine, et qu'ils s'attachent au rééquilibrage géographique de leurs actions ; enfin, il a incité le ministère de la culture à considérer la culture scientifique et technique comme une composante à part entière de la culture au sens large, et à intégrer sa diffusion dans les actions qu'il conduit, à l'échelon national et à l'échelon régional.
Evoquant ensuite les grands musées parisiens, il a estimé que leur mission de service public s'étendait à l'ensemble du territoire, et ne saurait donc se limiter à l'accueil du public dans l'enceinte de leurs locaux, mais qu'elle devait au contraire les conduire, davantage qu'ils ne le font aujourd'hui, à réaliser des expositions à la mesure des capacités d'accueil et de financement des centres régionaux et des associations locales de diffusion de la culture scientifique. Il a considéré que le prêt de ces expositions, assorti de la mise à disposition des démonstrateurs nécessaires, devrait, lui aussi, dans sa tarification, relever d'une logique de service public plutôt que d'une logique commerciale.
M. Pierre Laffitte, président de la mission, a estimé, en conclusion, que les travaux de la mission d'information avaient montré que de très nombreux organismes, au nombre desquels il fallait compter outre les médias, les musées et les établissements scolaires, les établissements publics de recherche et certaines sociétés, concouraient à la diffusion de la culture scientifique.
Il a souhaité que l'union et la fédération de leurs efforts soient facilitées grâce à la création d'une structure légère de concertation qui favoriserait les partenariats et qui pourrait être hébergée par le ministère de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, ou par une fondation compétente en matière de culture scientifique.
Il a indiqué que cette structure permettrait une meilleure utilisation des réalisations effectuées dans les organismes de recherche, qui ne bénéficient actuellement, en dépit de leur grande qualité, que d'une diffusion confidentielle.
Indiquant que les travaux de la mission lui avaient permis de mesurer la passion que suscitait chez beaucoup la promotion de la culture scientifique, il en a déduit que les conclusions du rapport seraient certainement très attendues.
Un débat a suivi l'exposé du président et des rapporteurs de la mission.
M. Ambroise Dupont, président, a confirmé tout l'intérêt des actions de diffusion de la culture scientifique, qui, mettant en perspective les découvertes scientifiques, permettent à chacun d'en mesurer le sens et la portée.
Mme Danièle Pourtaud a insisté sur la nécessité d'une sensibilisation aux sciences dès le plus jeune âge.
Evoquant la politique conduite par le ministère de l'éducation nationale qui fait intervenir des artistes dans les écoles, elle a souhaité que la même démarche soit appliquée aux sciences. Tout en reconnaissant l'intérêt qui s'attache à l'opération « la main à la pâte », elle a estimé qu'il convenait de compléter son action par d'autres initiatives et a cité celle que lancera la ville de Paris à l'automne. Celle-ci se traduira notamment par l'inauguration de l'Espace des sciences, qui aura vocation à accueillir à la fois le grand public et des classes encadrées par leurs enseignants. Elle a confirmé que la désaffection pour les filières scientifiques était également sensible dans les universités parisiennes et a cité les initiatives intéressantes prises pour encourager les jeunes filles à s'orienter vers des filières scientifiques, tout en déplorant qu'une certaine dispersion des efforts nuise à leur efficacité.
Mme Brigitte Luypaert a estimé qu'une absence de culture scientifique et technique constituait aujourd'hui un lourd handicap et a insisté sur la nécessité d'en aborder tôt l'apprentissage.
La commission a enfin adopté les conclusions de la mission d'information à l'unanimité, et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information.
Jeudi 10 juillet 2003
- Présidence de M. Jacques Valade, président. -
Culture - Chômage - Réforme du régime d'assurance chômage des intermittents du spectacle - Audition de M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication
La commission a procédé à l'audition de M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication, sur la réforme du régime d'assurance chômage des intermittents du spectacle.
A titre liminaire, M. Jean-Jacques Aillagon a souligné que les difficultés auxquelles était confronté le régime d'assurance chômage des intermittents du spectacle étaient connues depuis longtemps. Il a rappelé que, depuis sa prise de fonctions, il n'avait cessé d'avertir les différents partenaires concernés de la nécessité de prendre les dispositions indispensables pour assurer la pérennité de ce régime.
Après avoir noté que la crise actuelle mettait paradoxalement en lumière la contribution de la culture à l'activité économique, il a indiqué que sa préoccupation avait été d'accompagner le processus de signature d'un nouvel accord dans le cadre de l'Union nationale pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (UNEDIC) et de réaffirmer sa volonté de maintenir un régime qui prenne en compte la spécificité des métiers du spectacle et de l'audiovisuel. Il a, à cet égard, souligné que, fait sans précédent, les partenaires sociaux avaient accepté à sa demande de rouvrir les négociations de l'accord sur différents points.
Il s'est ensuite déclaré surpris des analyses soulignant l'absence de concertation qui aurait prévalu dans ces négociations.
Au-delà de la négociation de nouvelles modalités d'indemnisation, M. Jean-Jacques Aillagon a estimé nécessaire, pour assurer la pérennité du régime, de mettre fin aux abus considérables qu'il avait générés. Les annexes VIII et X sont dans une situation très difficile : le rapport entre le montant des cotisations et celui des prestations est de 1 à 8 et le déficit s'établit à 828 millions d'euros par an. Or, il apparaît que l'augmentation considérable des affiliés est pour une large part imputable aux dérives du régime.
Ces dérives résultent du fait que nombre de secteurs, dont l'objet est étranger à l'audiovisuel et au spectacle vivant, recourent à cette forme spécifique d'emploi. Y contribue également l'emploi massif de salariés intermittents par les entreprises de la production audiovisuelle, qui tirent parti d'un régime qui assure au bénéfice des employeurs une hyperflexibilité du travail. Enfin, on constate de multiples abus, de portée certes modeste, fruits d'arrangements permettant aux salariés de satisfaire aux conditions d'indemnisation.
Le ministre a annoncé que, face à ce constat, un plan résolu de lutte contre les abus devait être mis en oeuvre. Des dispositions législatives seront prises par le Gouvernement par ordonnance, afin de permettre le croisement des fichiers et la création d'un guichet unique pour les employeurs de spectacle occasionnels. Par ailleurs, le ministère du travail diligentera des inspections afin de sanctionner les irrégularités. Enfin, les responsables des entreprises de l'audiovisuel public ont été mis en demeure de régulariser les conditions dans lesquelles elles emploient des salariés intermittents.
Il a regretté que la situation devienne l'enjeu de rivalités syndicales et donne lieu à des comportements inadmissibles de la part d'éléments exogènes violents et incontrôlés. Dans ces conditions, l'annulation des festivals, en dépit des conséquences artistiques et financières considérables qu'elle ne manque pas d'engendrer, devient malheureusement le seul élément susceptible d'apaiser les tensions et d'empêcher les débordements.
M. Jacques Valade, président, a rappelé que la commission s'était déjà penchée sur le dossier de l'intermittence, à l'occasion de l'examen de la loi du 5 mars 2002 relative au régime d'assurance chômage des intermittents du spectacle, mais que tout en manifestant son attachement à ce régime spécifique, elle avait toujours été soucieuse de respecter la compétence des partenaires sociaux dans ce domaine.
Il a salué le courage du ministre qui, depuis son arrivée, a essayé d'apporter une solution à ce difficile problème.
Après s'être félicitée de l'organisation de cette audition, Mme Danièle Pourtaud a indiqué que la création artistique se trouvait aujourd'hui gravement menacée.
Elle a regretté que les partenaires sociaux, et en particulier ceux du Mouvement des entreprises de France (MEDEF), décident de rompre le pacte social sur lequel reposait jusqu'ici le financement d'une large partie de l'activité artistique.
Soulignant la nécessité, en cas de réforme du système actuel, de trouver une alternative pour financer un secteur qui contribue de manière importante au dynamisme économique de la France, elle a estimé nécessaire une augmentation des crédits destinés au spectacle vivant et aux sociétés de l'audiovisuel public.
Elle a regretté que des actions destinées à lutter contre les abus et à moraliser les pratiques des employeurs n'aient pas été entreprises avant que ne soit négociée une réforme du régime d'allocation chômage des intermittents, qui pénalise les artistes se trouvant dans les situations les plus précaires.
Elle a rappelé que la baisse drastique des crédits consacrés par le ministère de l'éducation nationale à l'organisation de spectacles et d'animations dans les établissements scolaires ainsi que la diminution des budgets de certaines institutions culturelles avaient également contribué à précariser la situation des artistes.
Elle s'est enfin interrogée sur la représentativité des partenaires sociaux chargés de négocier la réforme du régime d'allocation chômage.
Mme Marie-Christine Blandin a regretté qu'un certain climat de défiance à l'égard du travail des artistes, entretenu par des déclarations politiques et syndicales inappropriées, se soit installé.
Après avoir fait remarquer que c'était paradoxalement le spectacle vivant et non pas le secteur de l'audiovisuel qui se trouvait principalement pénalisé par le mouvement social, elle s'est également demandé pourquoi des mesures de lutte contre les abus n'avaient pas précédé la renégociation des annexes VIII et X.
Elle a souligné que l'accord du 26 juin, qui ne permettait pas de remédier à ces abus, traduisait une certaine méconnaissance des conditions de travail des artistes.
Relevant enfin que l'annulation progressive de la plupart des festivals d'art dramatique compromettait la création artistique des deux années à venir, elle a souhaité que le ministère demande aux partenaires sociaux d'engager une renégociation qui permette une remise à plat du régime d'allocation chômage des intermittents du spectacle.
Tout en avouant partager la douleur éprouvée par les intermittents du spectacle et les responsables de festivals placés dans l'obligation d'annuler les spectacles prévus, et après avoir exprimé son indignation à l'encontre des propos tenus par le président du MEDEF dans la presse à l'encontre des artistes, M. Ivan Renar a estimé inadéquat le calendrier retenu pour conduire une réforme attendue depuis plus de 15 ans.
En outre, il a regretté à son tour qu'aucune véritable solution ne soit apportée par l'accord du 26 juin pour combattre les abus.
Soulignant que la culture était un bien public et faisant état de la sympathie exprimée par la majorité de la population à l'égard du mouvement des intermittents du spectacle, il a souhaité que s'engage un débat national sur la question du statut de l'artiste auquel devaient être associées les collectivités publiques.
Après avoir relevé à son tour le caractère inopportun du calendrier des négociations, M. Henri Weber s'est demandé s'il était possible que le Gouvernement n'agrée pas l'accord, afin de permettre une mise à plat du régime d'indemnisation des intermittents du spectacle.
En effet, l'accord signé aboutit à faire peser l'effort d'économie sur les salariés les plus faibles. Il aurait été nécessaire de déterminer, préalablement à la négociation des modalités d'indemnisation, les mesures susceptibles de prévenir leurs dérives.
Par ailleurs, il s'est demandé dans quelle mesure l'Etat disposait des moyens budgétaires pour financer la moralisation du régime, qui exigera que soient dégagées de nouvelles ressources pour garantir l'activité du secteur culturel.
Après avoir salué la détermination du ministre à régler une question depuis trop longtemps en suspens, M. Jacques Legendre a noté que les modalités actuelles d'indemnisation des intermittents du spectacle étaient peu connues. Il a ensuite souligné les risques qui résultaient de la pérennisation du système actuel. Il a toutefois estimé qu'il aurait été souhaitable de déterminer, préalablement à la renégociation des dispositions des annexes VIII et X, le champ d'application du régime qu'elles prévoient et son mode de financement. Il convient, en effet, de responsabiliser les entreprises du secteur audiovisuel et les collectivités publiques. On ne peut demander à un régime d'assurance sociale de financer une politique culturelle. Il a enfin considéré qu'une réflexion devait être également engagée afin d'analyser l'évolution de l'emploi dans le secteur de la culture.
M. Jean-François Picheral s'est déclaré profondément attristé par l'annulation du festival international d'art lyrique d'Aix-en-Provence. Il a précisé que M. Stéphane Lissner, directeur général du festival, s'était attaché à maintenir le dialogue avec les intermittents. Cet effort a été compromis par les effets néfastes de la présence massive des forces de l'ordre. Il a souhaité savoir si le rapport de la Cour des comptes concernant le régime des intermittents du spectacle avait été pris en compte dans la rédaction de l'accord du 26 juin. Il a enfin proposé la création d'une mission d'information ou d'une commission d'enquête sur le régime d'assurance chômage des intermittents du spectacle.
En réponse à ces divers intervenants, le ministre a apporté les éléments de réponse suivants :
- dès lors qu'il aura été mis fin aux abus générés par le régime d'assurance chômage des intermittents, ce système qui n'a jamais été véritablement réformé pourra fonctionner sur des bases plus saines. Les dispositions adoptées par les partenaires sociaux dans l'accord du 26 juin 2003 ne remettent pas en cause le principe fondamental de solidarité interprofessionnelle sur lequel repose l'équilibre du régime. Elles visent à une réduction de son déficit, sans toutefois remettre en cause les spécificités d'un travail discontinu, faisant appel à plusieurs employeurs ;
- l'UNEDIC n'a pas vocation à financer la culture à travers les annexes VIII et X. Cette responsabilité relève de l'Etat et des collectivités locales, lesquels y consacrent déjà des moyens conséquents, en augmentation régulière. Ainsi, les crédits accordés par le ministère au spectacle vivant s'élèvent à 800 millions d'euros, soit un montant équivalent à celui du déficit du régime d'assurance chômage des intermittents. Les dotations accordées aux festivals ont enregistré en 2003 une hausse sensible et les crédits d'intervention consacrés au spectacle vivant ont augmenté de 23 millions d'euros ;
- le ministère de la culture n'est pas compétent pour apprécier la représentativité des partenaires siégeant à l'UNEDIC. Chaque syndicat doit pouvoir s'exprimer et être considéré avec un égal respect. Les syndicats signataires de l'accord du 26 juin, et en particulier la Confédération française démocratique du travail (CFDT), ont adopté des positions responsables, respectueuses des intérêts des intermittents ;
- compte tenu du rôle qu'il joue dans le dispositif national de création théâtrale, l'annulation du festival d'Avignon aura des conséquences sur l'organisation de la prochaine saison artistique, mais également sur les suivantes ;
- certaines positions patronales ou syndicales, excessives dans leur expression, traduisent une méconnaissance profonde de la vie artistique très riche de notre pays ;
- l'accord du 26 juin a été précédé par un accord, signé le 16 juin par l'ensemble des organisations syndicales, qui a défini le champ d'application du régime des intermittents du spectacle. Cet accord n'a toutefois pas conduit à une définition suffisamment restrictive des activités susceptibles de relever des annexes VIII et X de l'UNEDIC ;
- le fait que l'on désigne sous le nom d'intermittents du spectacle des personnes aux activités professionnelles très différentes est problématique. Il conviendrait que les modalités d'indemnisation tiennent compte de ces disparités d'allocation chômage ;
- le ministère de la culture a bénéficié en 2003 d'une augmentation de ses crédits d'intervention et n'a fait l'objet d'aucune mesure d'annulation de crédits en cours d'exécution. Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2004, les dépenses d'intervention devraient progresser, permettant ainsi au ministère de répondre à des besoins accrus du fait des conséquences financières de l'annulation des festivals ;
- en ce qui concerne la lutte contre l'utilisation abusive d'intermittents, deux décisions ont été prises. D'une part, M. Bernard Gourinchas, président de l'association des employeurs de l'audiovisuel public, a été chargé d'une mission destinée à identifier et à mesurer les abus existant dans l'audiovisuel public et à faire des propositions afin d'y remédier. D'autre part, a d'ores et déjà été mis en place, en collaboration avec le ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité, un plan destiné à intensifier les contrôles de l'inspection du travail dans les entreprises, notamment audiovisuelles, qui recourent à l'intermittence, plus particulièrement dans les régions Ile-de-France, Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d'Azur ;
- s'il a réduit la période de référence, l'accord du 26 juin comporte de nombreux points positifs pour les intermittents du spectacle : suppression de la dégressivité des prestations, possibilité pour les artistes d'exercer d'autres activités sans perdre le bénéfice de l'indemnisation. Par ailleurs, cet accord a été amélioré par celui conclu le 1er juillet, qui confirme notamment l'application progressive du changement de période de référence, la possibilité pour les artistes de choisir entre une rémunération en cachets ou en heures, et la prise en compte des stages de formation dans le dispositif d'indemnisation ;
- le fait que soit désormais acquis le maintien dans la future Constitution européenne de la règle de l'unanimité en matière de commerce extérieur des biens culturels, en faveur duquel s'était engagé le Président de la République, constitue une importante victoire pour la défense de l'identité culturelle française ;
- si l'on ne peut que regretter les conséquences de l'accord sur l'organisation des festivals, il était toutefois devenu impératif de mener à leur terme, avant l'échéance du 30 juin 2003, les négociations des annexes, qui n'avaient jusqu'ici fait l'objet que de prorogations successives ;
- si le recours à des salariés intermittents n'est pas par principe illégitime pour la production audiovisuelle, il existe néanmoins des abus dans ce secteur ;
- l'intermittence, qui définit un régime particulier d'assurance chômage, ne constitue en aucun cas un statut professionnel ;
- l'accroissement du nombre d'affiliés résulte de l'extrême « porosité » du système, l'accès à ce régime se faisant soit de façon volontaire, soit parfois sous la pression de l'employeur. La mise en place, par l'accord du 26 juin, d'une double déclaration, de la part de l'employé et de l'employeur, vise précisément à réguler l'entrée dans le régime. Au-delà de cet accord, il convient désormais d'engager une réflexion plus globale sur le statut des artistes, relative notamment à leur régime de retraite et à leurs conditions d'emploi ;
- le travail effectué par Stéphane Lissner, directeur général du festival d'art lyrique d'Avignon mérite d'être salué. Il est regrettable que cette manifestation, incontestablement redevenue un festival de référence internationale, ait été annulée. Cette décision était légitime ;
- la Cour des comptes s'est contentée d'une approche comptable du régime d'allocation chômage des intermittents du spectacle. Elle a relevé l'augmentation du déficit du régime, qui n'a cessé de s'amplifier, et l'accroissement constant du nombre d'affiliés.